Texte intégral
Messieurs les Premiers ministres,
Messieurs les députés,
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les présidents,
Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Retenu par le débat à l'Assemblée nationale concernant le projet de loi sur l'entrée et le séjour des étrangers, le ministre de l'Intérieur, M. Jean-Pierre Chevènement, m'a demandé de le suppléer. Il m'a chargé de vous dire ses regrets de ne pouvoir conclure vos travaux en raison de l'allongement de la discussion parlementaire au-delà de ce qui était prévu.
Et il m'a demandé de prononcer devant vous l'allocution qu'il avait préparée, tâche dont je vais m'acquitter avec plaisir.
Mesdames, Messieurs,
C'est un honneur pour moi que de clore les deuxièmes assises de la décentralisation et je remercie MM. Balligand et Hoeffel de m'avoir ainsi permis de vous dire à mon tour ma vision de la décentralisation.
Les travaux que vous menez aujourd'hui sont ambitieux et courageux puisqu'ils portent sur une période de 30 années : 15 ans de décentralisation et la décentralisation dans 15 ans.
Vous savez que je conçois le ministère de l'Intérieur comme celui de l'intégration républicaine, c'est-à-dire de la citoyenneté. Le ministre de l'Intérieur a en effet en charge les collectivités locales mais aussi l'administration territoriale et de la sécurité des citoyens.
Compte tenu de l'importance nouvelle prise par les collectivités locales depuis 1982, la question que vous avez souhaité poser au cours de ces assises revient à imaginer ce que sera la République dans 15 ans.
Qu'on me comprenne bien. Au moment du dixième anniversaire de la décentralisation, il y a cinq ans, l'accent était mis sur le poids économique et financier des collectivités locales dont on disait fréquemment : « elles sont dans l'économie ». On désignait par là le rôle des collectivités dans les grands équilibres économiques et sociaux de la nation.
Je préfère le cadre de réflexion d'aujourd'hui : les collectivités locales sont dans la République. Elles occupent désormais une place éminente dans nos institutions ; elles sont un élément actif de notre démocratie, elles font partie intégrante du service public et sont un élément essentiel de l'administration territoriale du pays. Je ne mésestime certes pas l'approche économique et financière puisque leurs budgets valent la moitié de celui de l'État. Je sais bien quel rôle majeur elles jouent en matière de prélèvement fiscal, d'emploi direct et indirect, d'investissement.
Mais là n'est pas l'essentiel à mes yeux : les objectifs priment sur les instruments. À quoi servent ces prélèvements, ces transferts, cette commande publique sinon au service du public, c'est-à-dire aux citoyens ?
N’oublions jamais que les collectivités locales font partie de la puissance publique et qu’elles détiennent une part du pouvoir délégué par le suffrage.
C'est pourquoi la question posée par ces assises est si fondamentale : quelle est la contribution des collectivités locales à la République citoyenne qu'il faut souhaiter voir refondée ?
Pour y répondre, je développerai trois idées : les collectivités locales sont devenues majeures ; la décentralisation est un atout pour la République ; les collectivités doivent être redynamisées.
I. – Le bilan de 15 ans de décentralisation
Sur la décentralisation, j'entends et je lis beaucoup de choses.
À en croire certains, elle serait en panne et le sentiment dominant des élus serait celui d'une recentralisation, rampante et inavouée, confinant les collectivités au rôle de bras gestionnaires de l'État. Pour les uns, il faudrait l'accepter comme contre-pouvoir nécessaire, les collectivités n’étant pas assez mûres pour être émancipées. Pour les autres, il s'agirait d'une revanche des fonctionnaires d'État, défendant leurs prérogatives.
Plus approfondie paraît l'analyse qui pointe le paradoxe suivant : tout ce qui a fait et protégé la décentralisation se retournerait aujourd'hui contre elle. Le principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, la liberté fiscale, l'émiettement communal, le principe de compétence générale et même l'article 72 de la Constitution seraient devenus autant d'obstacles à l'approfondissement de la décentralisation.
Mon sentiment est qu'il faut chercher ailleurs. Les doutes et le manque de perspectives ne concernent pas que les seules collectivités locales. Quand le citoyen se détourne de la chose publique, c'est que la République elle-même ne répond pas à ses attentes.
Quand il critique l'impôt ou le mauvais usage qui en est fait, fait-il le tri entre les différents niveaux de prélèvement ? Sait-il d'ailleurs toujours très bien qui fait quoi ?
Aussi, je ne partage pas le diagnostic selon lequel un retour de l'État empêcherait les collectivités locales d'être pleinement majeures. Et l'opposition entre girondins et jacobins me paraît aujourd'hui stérile, pour au moins trois raisons.
D'abord, elle n'intéresse pas les citoyens, les usagers, les contribuables et elle confisque le débat au profit d'un très petit nombre de personnes, élus, hauts fonctionnaires, d'État ou territoriaux, et commentateurs. Ils sont spécialistes d'un système très complexe mais leur débat n'atteint pas les citoyens.
La deuxième raison est que l'État ne peut être opposé aux collectivités locales car il est lui-même à la fois national et territorial. La France n'est pas un empilage de territoires, dans lequel chaque niveau pourrait être étanche, avec son propre réseau de pouvoirs et son propre champ de compétences.
Cette conception débouche d'ailleurs sur celle d'un État minimal, concentré sur deux ou trois missions régaliennes. Or, la réduction du périmètre de l'État serait une faute car elle affaiblirait la République.
Car, et c'est la troisième raison, l'État n'est pas une collectivité publique comme les autres. Les personnes publiques forment un tout qui s'appelle le service de la République, mais dans cet ensemble, l'État conserve une place très particulière.
Sa responsabilité est unique. Les administrations centrales, les préfets, les services déconcentrés ne défendent pas je ne sais quelles prérogatives. Ils sont avant tout des outils d'exécution des politiques de la nation, déterminées et conduites par le gouvernement, responsable devant le Parlement.
Vous me pardonnerez ce rappel de l'article 20 de la Constitution mais, que je sache, il n'a pas disparu avec les grandes lois de décentralisation !
Ainsi, seul l'État est garant de l'égalité d'accès au service public, à ses prestations ; seul il assure que la loi s'applique partout et pour tous.
C'est pourquoi, s'il doit y avoir un retour de l'État c'est parce qu'il est le seul à pouvoir proposer une stratégie commune. Pourquoi la nation a-t-elle décidé, sous la précédente majorité, de confier au Parlement les grands équilibres de la protection sociale sinon pour retrouver une unité d'objectifs sur des questions menaçant l'existence même de notre système de protection ? L'État reste la colonne vertébrale de notre système républicain.
Le ministre de l’Intérieur que je suis ne sera donc ni jacobin, ni girondin. Il veut être tout simplement républicain.
Nous sommes tous persuadés que la politique de l'État ne peut être efficace sans une articulation étroite avec celle des collectivités décentralisées. Leurs interventions touchent aujourd'hui à tous les aspects du fonctionnement de notre société. Elles concernent la vie quotidienne des citoyens. Elles sont devenues en tous domaines des foyers incomparables d'initiative et de responsabilité.
Il faut donc savoir nous mettre d'accord sur des objectifs communs.
Et c'est ainsi que le gouvernement a conçu les deux priorités nationales que sont l'emploi des jeunes et la sécurité de proximité. Dans les deux cas, c'est une démarche décentralisée qui a été définie.
Si l'État propose des contrats locaux de sécurité, ce n'est pas pour fuir ou déléguer ses responsabilités. C'est parce que la sécurité est aussi l'affaire des élus locaux, des associations, des bailleurs sociaux, des sociétés de transport en commun. Et toutes les structures d'apprentissage de la citoyenneté peuvent concourir à la sûreté.
Pour autant, chacun doit pouvoir assurer son rôle. C'est pourquoi seront bientôt présentés, après une large concertation, deux projets de loi sur la police municipale et sur les sociétés de gardiennage et de protection, afin que soient clarifiées les compétences des uns et des autres.
C'est la même démarche qui a inspiré le gouvernement dans son programme pour le développement d'activités favorisant l'emploi des jeunes. Il ne s'agit surtout pas d'un nouveau guichet ni d'une nouvelle subvention à l'emploi. L'essentiel se trouve dans les conventions élaborées et signées par l'État et l'employeur local.
L'État s'engage par le biais d'une participation financière importante et d'une mobilisation, très rapide, des services déconcentrés. Mais en même temps, il a confié aux collectivités, aux associations, à tous les employeurs locaux le cœur du dispositif, gage de sa réussite.
Ainsi, sur ses deux actions prioritaires, l'emploi des jeunes et la sécurité de proximité, l'État n'a pas opéré de transfert de charges et il a cherché à mobiliser les collectivités sur un objectif national en les considérant comme des personnes publiques majeures.
II. – La décentralisation est un atout pour la République
Si je m'essaye à un exercice de prospective, j'identifie trois risques pour les collectivités locales.
1. Le premier consiste à croire que les collectivités locales sont de simples entreprises, certes productrices de services publics, mais des entreprises, avec des fournisseurs d'équipements à qui passer commandes et des clients, les usagers.
Je suis frappé par le système de notation qui s'est développé pour mesurer la capacité d'emprunt et le risque bancaire. Pour ma part, je ne pense pas que la qualité de la gestion publique se mesure seulement à l'équilibre financier, même si celui-ci est indispensable. Ce « rating » est un signe de confiscation du rôle politique de la collectivité par la notabilité technicienne.
L'ancien maire que je suis connaît parfaitement la contrainte financière née au début des années 1990 sous le double effet d'un ralentissement des recettes et d'un alourdissement des charges, notamment sociales.
Mais devant le choix de recourir à l'emprunt ou l'impôt, face à la décision d'investissement, c'est la vision politique qui doit primer. La responsabilité du maire, du président du conseil général ou régional ne doit pas s'effacer derrière le « triple A » délivré par une agence anglo-saxonne !
Si la prééminence de la décision politique, préparée de façon responsable et transparente et soumise aux conseils élus, devait disparaître, autant créer une multitude d'établissements publics ou privatiser les services ! Prenons garde, en deçà de cette hypothèse lointaine que j'écarte, que la délégation de service public, qui peut être un mode efficace et économe de gestion, ne soit pas une délégation de pouvoir.
2. Le second risque a été décrit par certains d'entre vous comme la dérive notabiliaire. Certains la prédisaient même dès 1982. La prémonition ne s'est pas encore réalisée.
Mais le risque existe, non pas du fait des hommes mais du fait des structures. D’une part, la décentralisation a multiplié les lieux de pouvoir dotés de compétences et de moyens financiers considérables. Et les difficultés rencontrées dans l’exercice du contrôle de légalité ou du contrôle du citoyen ont pu laisser se développer parfois des politiques locales surdimensionnées ou ne correspondant pas à l’intérêt général.
D'autre part, le cumul des mandats, le poids des particularismes régionaux et des intérêts locaux ont parfois conduit les décideurs et l'État lui-même à perdre de vue l'intérêt national. Il est par exemple frappant de constater le très bon niveau d'équipement de nos zones rurales et le sous-équipement des quartiers défavorisés de nos agglomérations où se concentrent 80 % de la population.
Le risque existe d'une dilution de l'intérêt national dans la gestion locale des politiques publiques.
Je sais bien que certains d'entre vous appellent une régionalisation des ressources financières et même un transfert d’une partie du pouvoir réglementaire au niveau régional.
Ils tirent argument de l'insuffisance de péréquation des transferts de l'État et de l'incapacité où se trouverait l'État d'orienter convenablement l'allocation des richesses.
D'autres réclament le droit à l'expérimentation, c'est-à-dire une législation dont l'application serait à géométrie variable, afin de s'adapter à la diversité des situations locales.
Aux premiers, je veux dire que leur constat n'est pas dénué de portée mais que la solution préconisée peut conduire à accroître les disparités.
Aux seconds, je répondrai qu'une application inégale de la loi sur le territoire, même organisée par le législateur et à titre provisoire, se heurterait probablement à nos principes constitutionnels.
Pour ma part, je suis opposé aux visions prospectives d'un État régionaliste ou d'un État fédéral. Elles ne correspondent ni à l'histoire de la République ni à son avenir. Elles comporteraient des risques centrifuges considérables, à l'exact opposé des principes de citoyenneté et de solidarité que je souhaite voir défendus.
3. Le troisième risque est celui d'une asphyxie des collectivités locales sous l'effet, notamment, de l'inflation et de l'insécurité du droit.
Vous avez consacré à cette question vos travaux d'hier et je partage votre diagnostic : instabilité des « règles du jeu », imperfection des contrôles, diffusion du risque pénal, complexité des procédures.
J'observe que ce sont les élus les plus démunis, c'est-à-dire les maires de la grande majorité de nos communes qui sont pénalisés. Les capacités d'expertise des grandes villes, des départements et des régions leur permettent en effet d'éviter les risques.
Ce phénomène n'est pas étranger au renouvellement des maires, constaté aux élections de 1995.
La fonction de maire est l'une des plus valorisantes car c'est à l'échelon de la commune, premier lieu d'un « vouloir vivre » collectif, que la délégation du pouvoir confiée par l'élection est à la fois la plus entière, la plus exigeante et la plus vigilante.
C'est aussi l'une des plus difficiles à assumer. Et je sais que les élections municipales ont été marquées par un certain découragement des élus sortants, auquel nous devons être très attentifs.
Mais le contrôle de légalité est la contrepartie de l'accroissement des pouvoirs qu'on connaît depuis 1982. Il trouve sa légitimité dans les racines même de la République. Les articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen confèrent à tout citoyen le droit de constater par lui-même ou par son représentant la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement et d'en suivre l'emploi.
Le contrôle s'exerce d'abord au sein même des assemblées élues qui sont soumises à la sanction du vote, même si aujourd'hui le développement des groupements de communes semble contredire ce principe. Le contrôle démocratique sur l'exécutif n'est efficace que si les décisions sont suffisamment transparentes et si la collégialité est préservée pour les affaires les plus importantes de la vie de la collectivité.
Des améliorations ont été apportées depuis le début des années 1990 en matière de transparence et je pense notamment à la loi d’orientation relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992. Mais nous avons des progrès à faire, j’y reviendrai.
Le contrôle du préfet est essentiel et il a, au demeurant, changé de signification. Sans doute le contrôle laissait-il au début de la décentralisation une certaine place à la libre appréciation du préfet, conduit à estimer l'importance du sujet évoqué au regard d'autres enjeux, dès lors qu'aucune irrégularité flagrante n'était commise.
L'évolution récente de la jurisprudence le met presque dans la situation inverse puisque sa responsabilité et celle de l'État peuvent être engagées pour négligence, voire complicité. De ce point de vue, il n'y a plus de différence entre le fonctionnaire et le maire. Le renforcement des moyens d'exercer le droit devrait être profitable à la démocratie locale.
Face à ces trois risques, quelles orientations pouvons-nous prendre ?
III. – Les collectivités locales doivent être redynamisées
La République a besoin d’un cadre territorial et institutionnel qui soit à la fois légitime aux yeux des citoyens et capable d’assurer tant le développement économique et social que d’entretenir la vie démocratique.
Pour faire franchir à la décentralisation une nouvelle étape, permettre aux collectivités - si j'ose dire - de respirer et tirer le meilleur parti de leur dynamique républicaine, il leur faut davantage de démocratie, davantage de solidarité institutionnelle et davantage de justice financière.
3.1. Fonder une nouvelle pratique de la démocratie locale
« Les collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. » Décentralisation, démocratie, légalité, tout est contenu dans l'article 72 de la Constitution.
Aucun des trois termes ne doit être négligé. Il ne peut y avoir libre administration sans contrôle démocratique et contrôle de légalité. Trois orientations doivent permettre de régénérer la démocratie locale.
Il appartient au Premier ministre de choisir l'orientation de la réforme du cumul des mandats.
Pour ma part, je puis vous dire que le métier de ministre de l'Intérieur ne laisse aucune place à l'exercice d'un mandat local exécutif. Quant à l'ancien maire de Belfort, la ville et le district avaient largement de quoi l'occuper.
Le débat aura lieu en son temps et il est très attendu par les citoyens. Je pense que le législateur saura trouver un nouveau point d'équilibre.
La discussion pourrait également aborder les modifications souhaitables du statut de l'élu, gage d'une démocratisation de la fonction élective.
La démocratie locale est également mieux défendue quand le respect de l'État de droit permet d'assurer toute la sécurité juridique nécessaire aux élus locaux.
Deux orientations ont été prises. Dans le cadre de la réforme de l'État dont mon collègue Émile Zuccarelli a la charge, je souhaite que les missions d'expertise juridique de l'ensemble des services déconcentrés de l'État puissent aider les collectivités. Ils seront renforcés car, dans le domaine budgétaire et celui de la commande publique, l'apparition de nouveaux produits ou de montages complexes rend plus difficile l'appréciation de la légalité.
La seconde orientation consiste à clarifier notre droit. L'entreprise de codification accélère son rythme de travail. Le Premier ministre vient de rappeler la nécessité des études d'impact, notamment sur les collectivités locales, de toute législation ou réglementation nouvelles.
Enfin, la réforme de l'État va accentuer la déconcentration. J'y suis très attaché : la réorganisation des services déconcentrés sera opérée tout au long de l'année 1998. L'objectif est que l'équipe de l'État, formée du préfet et des chefs des services déconcentrés, se dote d'une véritable stratégie de l'État au plan local et soit l'interlocuteur unique dont les collectivités ont besoin.
3.2. Moderniser le cadre institutionnel de la décentralisation
Je veux dire au préalable que je me méfie d'un apparent consensus sur le trop grand nombre de niveaux de collectivités territoriales.
D'une part, parce que la question est déjà bien ancienne. C'est Michel Debré qui dès après la seconde guerre mondiale rêvait de 47 départements. Et c'est dès 1975 que le président de la République suggérait alors de choisir entre le département et la région.
D'autre part, derrière le consensus, se cachent évidemment des divisions profondes.
Une réorganisation territoriale radicale est plutôt pour après-demain que pour demain et je n'imagine pas la disparition d'un niveau ou d'un autre, mais plutôt leur rapprochement, accompagné d'une réorganisation des services des collectivités et de l'État selon une géométrie adaptée aux besoins des citoyens et aux territoires.
Je fais davantage confiance en la matière aux évolutions progressives qu'à un découpage planifié sur le papier. Sachons prendre la mesure de l'histoire : les communes ont dix siècles d'histoire, les départements deux et les régions n'ont que vingt ans, les nouveaux groupements seulement cinq ans d'existence.
Si j'écarte toute rupture brutale, je n'en renonce pas pour autant à favoriser un nouvel équilibre des territoires. Le projet de loi sur l'intercommunalité que je compte déposer au printemps y contribuera.
Ma réflexion actuelle me conduit à ne pas procéder à des ruptures. Non pas seulement parce qu’un projet de loi préparé par l’ancien gouvernement contient certains éléments que je reprendrai mais aussi parce que le rôle des communes restant irremplaçable, l’intercommunalité doit rester volontaire.
Je suivrai pour cela trois orientations.
La première est d'assurer le financement de l'intercommunalité dans le cadre d'une redéfinition des relations financières de l'État et des collectivités. Les dotations de l'État ne peuvent pas être fixées sans que le financement de l'intercommunalité ne soit pris en compte dans sa globalité.
La dotation globale de fonctionnement réservée aux groupements est passée de 2,7 milliards de francs en 1992 à 5 milliards de francs aujourd'hui. Un tel montant a souvent rendu difficile la répartition interne à cette dotation entre la dotation forfaitaire des communes, les dotations de solidarité urbaine et rurale et le financement de l'intercommunalité. Je suis donc favorable à une enveloppe autonome de DGF des groupements qui soit suffisamment délimitée pour ne pas peser sur les dotations réservées aux communes.
La seconde orientation est de favoriser à travers la taxe professionnelle d'agglomération et la dotation globale de fonctionnement des groupements, le développement local et l’intercommunalité bâtie sur un projet.
La taxe professionnelle unique n'a pas connu tout le succès qu'on attendait d'elle en 1992. Elle constitue pourtant la forme la plus élaborée de mutualisation de la ressource fiscale la plus importante et la moins bien répartie sur notre territoire. Elle permet d'harmoniser les taux de TP, elle est le meilleur vecteur de la solidarité dans les politiques locales d'aménagement.
La troisième orientation est d'encourager la constitution de groupements d'agglomérations afin que nos structures institutionnelles s'adaptent à l'évolution des réalités urbaines, alors que beaucoup de difficultés tendent à se concentrer dans les agglomérations.
Jusqu'à présent, le mouvement intercommunal a fortement progressé en milieu rural et autour des petites villes, ce qui est en soi d'ailleurs une bonne chose.
C'est pourquoi, à côté de la communauté de communes, forme de base pour laquelle les districts et les communautés de villes existants pourraient opter, j'envisage la création d'une structure à taxe professionnelle unique, avec des compétences larges permettant de partager efficacement les charges d’agglomération.