Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, à RTL le 27 décembre 1999 et à Europe 1 le 28, sur le bilan et les conséquences des ouragans qui ont balayé la France et sur la marée noire engendrée par le naufrage du pétrolier Erika.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Naufrage du pétrolier "Erika" le 12 décembre 1999. Ouragan sur le nord de la France le 26 décembre et sur le sud le 27 (88 morts, des forêts dévastées, d'immenses dégâts sur les habitations, les lignes électriques et téléphoniques)

Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

RTL – lundi 27 décembre 1999

Est-ce qu'on peut dire qu'une tempête de l'ampleur de celle d'hier, c'est tellement rare en France qu'on y est très mal préparé ?

- « Il est certain que cette tempête est tout à fait exceptionnelle. Les scientifiques parlent d'un phénomène de cyclogénèse explosif. C'est un ouragan, si je puis dire. Nous n'avions jamais connu cela, d'après tout ce qui nous a été dit, durant ce siècle. 175 km à l'heure, hier, à Orly, c'est quelque chose qui n'était jamais arrivé, et bien évidemment, du moment que c'est unique et exceptionnel, nous sommes bien moins préparés, si je puis dire, que quand ce sont des phénomènes qui se reproduisent. »

Les dégâts sont impressionnants. Comment et quand peut être prise une décision de catastrophe pour les départements et les agglomérations qui sont touchés ?

- « Je peux vous dire que dès aujourd'hui, les préfets sont mobilisés pour faire remonter justement toutes les informations au ministère de l'Intérieur, sur l'état des lieux, de telle sorte que la catastrophe naturelle soit déclarée le plus rapidement possible pour tous les départements concernés par l'ouragan. »

Cela peut être le cas pour Paris, comme le demande le maire, J. Tiberi ?

- « C'est tous les départements concernés. C'est vrai qu'en région parisienne et à Paris, il y a eu des dégâts tout à fait exceptionnels, et l'indemnisation va dépendre de la déclaration de catastrophe naturelle. »

Matignon, hier, dans un communiqué, a souligné que des moyens considérables continueront à être mobilisés. Est-ce qu'on a une vue précise de ces moyens ? Est-ce que c'est planifié ou est-ce que c'est une collection d'innombrables gestes au cas par cas ?

- « Tout ce qui touche à la responsabilité nationale, je pense aux transports collectifs, entre parenthèses, je signale qu'il n'y a eu aucun accident mortel dans les transports collectifs durant cette tempête, qu'il s'agisse du rail, qu'il s'agisse des transports collectifs dans les villes, du ciel, les avions, il n'y a pas eu d'accident mortel, mais bien évidemment les dégâts sont exceptionnels. Il y a eu, d'ailleurs je veux le souligner en même temps que j'exprime, vous vous en doutez, toutes mes condoléances pour les familles des victimes, de ceux qui ont péri, il y a plus de 30 morts qui sont dénombrés. Je veux souligner également la mobilisation exceptionnelle des agents du secteur public, de la fonction publique qui, dans un élan formidable, se sont mobilisés pour rétablir la situation. Aujourd'hui, à la RATP, c'est le retour à la normale qui est prévu dans la matinée. La SNCF : tous les TGV sont rétablis, sauf pour l'Est de la France et la Normandie. Sur les autoroutes, il y a l'A 13 et l'A 14 en région parisienne, mais pour le reste, ça circule. »

Et pour les avions ?

- « Et pour les avions, le retour à la normale est prévu dès ce matin. Il y a des retards, mais parce que les avions ne sont pas arrivés hier, sinon il y a un retour à la normale, sauf pour l'aéroport de Metz-Nancy où là les dégâts sont considérables, et ça ne sera pas rétabli aujourd'hui encore, et puis nous avons encore des perturbations sur Bâle-Mulhouse et sur Strasbourg. »

La situation va nécessité un effort financier national, ou bien est-ce que c'est d'abord aux compagnies d'assurance d'entrer en action ?

- « Il y a l'indemnisation des particuliers, des privés. Là, c'est aux compagnies d'assurance bien entendu d'entrer en action. Et puis il y a toute la mobilisation de la responsabilité publique nationale, qu'il s'agisse des entreprises publiques, qu'il s'agisse de l'intervention de l'État — je pense en ce qui concerne le rétablissement de la circulation routière, etc. Cette mobilisation, on ne peut pas évaluer actuellement l'ampleur financière, mais comme le Premier ministre l'a dit, vraiment tout est fait pour qu'à la fois les indemnités soient payées aux particuliers, et puis pour que la situation soit rétablie le plus rapidement possible. »

Que répondez-vous à ceux qui peuvent dire qu'on a l'impression que les ministères n'ont pas réagi au quart de tour face à cette catastrophe ?

- « Je crois vraiment que la mobilisation a été tout à fait exceptionnelle. Les vents de plus de 170 km/heure en région parisienne ou dans l'Est de la France, c'est tout à fait exceptionnel. Je vais vous prendre un exemple : il y avait 15 000 cheminots en service ; eh bien il y a eu plus de 50 % d'augmentation des effectifs tout de suite qui se sont mobilisés. Mais ce n'est pas vrai que pour les cheminots ; la Sécurité civile, les agents de l'Équipement, d'EDF, enfin, ils sont tout à fait mobilisés, avec une démonstration justement du rôle du service public. »

Venons-en à la marée noire qui se répand depuis deux jours sur les côtes Atlantiques. Est-ce qu'on peut dire que ce n'est pas une catastrophe écologique ?

- « Moi je considère qu'il s'agit d'une catastrophe écologique, parce que nous avons 10 000 tonnes de mazout qui arrivent sur la côte dans le Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique y compris l'embouchure de la Loire, la Vendée. Demain, il y a le risque que la Charente-Maritime soit également touchée. Du moment que nous avons été amenés à déclencher le plan Polmar-terre, c'est-à-dire que face à la pollution, je crois que c'est la preuve de la reconnaissance de cette catastrophe, même s'il est vrai qu'elle n'est pas exactement comparable avec l'Amoco-Cadiz. »

C'est ce que dit votre collègue de l'Environnement qui a mis du temps à admettre l'importance de cette pollution ?

- « La pollution est considérable. Le problème que l'on a eu, d'abord tout le travail pour essayer d'empêcher que ça approche les côtes, était très difficile, d'abord parce qu'il y a eu une fragmentation considérable de la nappe, y compris avec ce qu'on pouvait voir d'avion et puis ce qu'on ne voyait pas exactement, parce que ça devait flotter entre deux eaux, ce pétrole, la qualité de ce fuel lourd qui est tout à fait particulière, qui rendait difficile les pompages, et puis la tempête. La tempête, quand vous avez des creux de 4 à 8 mètres, même aujourd'hui, par exemple, il va falloir aller pomper les deux parties du bateau qui sont au fond… »

Mais pour cela, il faut que la mer soit calmée ?

- « Mais il faut absolument. Au-dessus des vents de force 2, on ne peut pas faire… »

Une autre question, est-ce que les pollueurs doivent être les payeurs ? Est-ce que ce principe doit s'appliquer à plein, à partir de maintenant ?

- « Mais non seulement je pense que les pollueurs doivent être les payeurs, mais qu'il faut tout faire pour qu'il n'y ait pas de pollution. Il faut modifier la situation à l'échelle internationale et à commencer par l'Europe. Je dis qu'il faut en finir avec les pavillons de complaisance, il faut en finir avec les politiques qui consistent à rechercher le plus bas prix des transports au détriment de la sécurité, au détriment de la qualification des équipages… »

Vous voulez revoir totalement le système de contrôle des navires en circulation ?

- « Non seulement le système de contrôle des navires, mais je veux qu'on décide qu'il y aura des sanctions, mais réellement des sanctions, des sanctions communes, appliquées par tous les pays européens et au-delà, y compris pour les bateaux des pays tiers. C'est-à-dire qu'il faut en finir avec la complaisance dans ce domaine-là. »

Sur un point précis, comme le demande P. de Villiers, en Vendée, et d'autres élus, des fonds d'aide d'urgence peuvent être débloqués vite pour les communes victimes de la marée noire ?

- « Absolument. Déjà, ce qu'on appelle le Fipol, le Fonds d'indemnisation internationale contre la pollution, a été mis en demeure justement — puisque ce fonds existe — pour indemniser à la fois les travaux pour prévenir mais aussi… »

Il va donc jouer ?

- « Eh bien, oui, il faut le mobiliser, et puis il faudra faire en sorte que, y compris les pollueurs participent aux indemnisations. »

Une toute dernière question : avez-vous l'intention d'aller sur le terrain, que ce soit là où la tempête a fait des dégâts considérables ou bien là où la marée noire s'étend ?

- « Malheureusement, la tempête dans toute la partie Nord de la France, a fait des dégâts dans toute une série de départements… »

Mais est-ce que vous irez sur le terrain ?

- « Je vous signale qu'on annonce — je veux le dire aux auditeurs, mais y compris dans le Midi, de l'Aquitaine jusqu'en Provence-Côte d'Azur — des vents qui vont dépasser peut-être les 120 km à l'heure à partir de ce soir. Donc partout, partout, j'appelle à la prudence. Le Gouvernement est mobilisé. Je vous annonce également que Mme Demessine va réunir sur place tous les responsables du tourisme pour voir, concernant la marée noire, tout ce qu'il faut faire pour qu'il n'y ait pas d'incidence… »

Mais sur le terrain.

- «Oui, eh bien sur le terrain, je serai demain sur le terrain. »


Europe 1 - mardi 28 décembre 1999

Ça continue ! Pour la marée noire, le pire, dit-on, arrive. Pour la tempête, le Sud-Ouest et le Centre de la France sont frappés. D'après ce que vous savez, comment sont les dégâts de cette nuit ?

- « C'est une situation épouvantable ! Une deuxième tempête a traversé la France d'Ouest en Est. Je dis “tempête“, mais le terme qu'il faut utiliser c'est “ouragan“. C'est un véritable ouragan qui a traversé la France. On m'a dit qu'il y avait eu des pointes de vent qui ont atteint les 200 kilomètres heure. Donc, les dégâts sont considérables. »

Sur les transports, l'électricité ?

- « Absolument. Il y a 2 millions d'abonnés qui sont privés d'électricité. Sur les transports, les voies de communication, qu'il s'agisse du réseau routier, du réseau ferré ou de l'aérien, nous sommes vraiment en très très grande difficulté. »

D'après vos prévisions, vous dites que cela va continuer, que cela va s'aggraver ?

- « Ce qui est prévu aujourd'hui du point de vue de la tempête, c'est sur la côte varoise et la Corse avec des vents qui peuvent dépasser les 140 kilomètres-heure, de très fortes Tramontane et Mistral, voilà ce qui est dit. Sur le reste du pays, c'est le temps froid avec du verglas, de la neige qui sont annoncés pour les jours qui viennent, y compris en plaine. C'est-à-dire que nous sommes dans une situation qui est absolument épouvantable et qui m'a conduit à appeler, encore une fois, les gens à la plus grande prudence. »

Aucun de vos prédécesseurs n'avait connu une pareille situation.

- « C'est tout à fait exceptionnel ! Il se passe des phénomènes qui sont vraiment pour une part imprévisible. On m'a dit qu'hier, entre Quimper et Brest — ce n'est pas très éloigné, c'est la façade Atlantique — la température était différente de 9 degrés au sol. En altitude, il y avait des différences de 50 degrés. Cela provoque des phénomènes atmosphériques tout à fait exceptionnels. »

Les politiques, les responsables, vous ne vous sentez pas démunis, désarmés ?

- « Il est bien évident que la violence, la force de la nature entraînent des dégâts avec des conséquences qui ne sont pas toujours prévisibles. C'est évident, parce que c'est exceptionnel. »

En combien de temps, peut-on imaginer revenir à la normale ? Cela doit vous préoccuper ?

- « C'est la première préoccupation. 30 000 agents de l'Équipement sont actuellement mobilisés. Il y a des dizaines et des dizaines de milliers d'arbres qui sont en travers des routes, qui ont cassé des lignes caténaires pour la SNCF. C'est un travail extraordinaire qu'il faut faire. Il a commencé, mais il faudra plusieurs jours pour remettre en état. »

Ce ne sera pas tout à fait pour le début de l'année. On va passer le 31 décembre, 1er et 2 janvier 2000 dans cet état ?

- « J'espère que des choses auront été rétablies. Mais, on peut dire que tout ne sera pas rétabli avant le début de l'année prochaine. »

La presse, l'opinion, tout le monde trouve les services techniques irréprochables. On n'en dira pas autant d'autres secteurs ; on y reviendra tout à l'heure.

- « Vous avez raison de souligner le dévouement, la qualité de l'intervention, la solidarité qui se sont exprimés à travers l'action des agents des services publics envers la population, à travers justement le service public. »

Vous dites comme M. Jospin hier : l'État fera face. Est-ce que vous avez chiffré le montant approximatif et actuel des dégâts ? On parle d'une dizaine de milliards.

- « Il est certain que l'on peut envisager un chiffre de plusieurs dizaines de milliards. Mais, nous n'avons pas tout à fait chiffré, parce que le deuxième ouragan s'est passé cette nuit. Cela s'ajoute à ce qui s'est passé la veille. Donc, il va falloir évaluer tout cela. L'État est directement concerné, il fera face, ne serait-ce que pour rétablir les routes nationales. Feront face également les entreprises publiques concernées. A Orly, par exemple, il a fallu évacuer hier soir le hall 2 parce qu'il était inondé. A Roissy, y compris pour trier les bagages, nous avons une panne à cause des inondations. Pour dégivrer les avions, les appareils qui normalement nous permettent d'en dégivrer huit à l'heure ne fonctionnant pas normalement. On ne peut en dégivrer que quatre. On a plusieurs aéroports de fermés. Donc, il va y avoir une mobilisation des secteurs publics de l'État. Il y a les collectivités locales et il y a les privés. Quand je dis les “privés“, ce sont les particuliers et les entreprises privées. Entre parenthèses, il faut faire savoir qu'il faut faire les déclarations de sinistres avant cinq jours. C'est la loi de 90 qui, je pense, va s'appliquer. C'est une loi pour la tempête, l'ouragan et les cyclones. »

Il y a une menace de grève des patrons routiers à propos des 35 heures. Vous pensez que c'est le jour ?

- « Ce n'est pas le jour. Le Fréjus est fermé, actuellement. Les poids-lourds ne peuvent passer sur l'Italie que par Vintimille. C'est fermé parce qu'il y a eu un éboulement. »

Qu'est-ce que vous leur dites aux patrons routiers ?

- « Je dis : dans le transport routier, il y a une chose qu'il faut faire, c'est vraiment créer de meilleures conditions sociales, parce que les chauffeurs routiers qui travaillent bien plus que tous les autres méritent aussi la réduction de la durée du travail. Je dis aussi qu'il faut l'harmonisation à l'échelle de l'Europe. C'est pour cela que je me bats dans ce domaine pour qu'il y ait cette harmonisation sociale. »

D'autre part, ce n'est pas le moment !

- « Et ce n'est sûrement pas le moment pour les transports routiers de déclencher une grève alors que toute la France est paralysée par l'ouragan. »

On comprend votre colère. Vous réclamez la fin des pavillons de complaisance. Mais, ils sont dénoncés depuis près de 30 ans ! Vous dites qu'il faut une charte de la sécurité maritime. Qui commence ? Nous, les Européens, à quel niveau ?

- « Dès que nous aurons les résultats de l'enquête technique et administrative, les compagnies pétrolières, tous ceux qui transportent des produits polluants et dangereux, devront tenir compte immédiatement de ces résultats pour modifier les procédures. Deuxièmement, je pense qu'il faut une véritable charte de la sécurité contre la pollution… »

A quel niveau ? Européen, mondial ?

- « L'affaire est mondiale ! Mais, il faut le faire en France, il faut le faire à l'échelle de l'Europe ! J'espère bien, au moment de la présidence française, que nous ferons avancer cette idée qu'il faut bannir les pavillons de complaisance et qu'il faut des sanctions communes pour tous ceux qui ne respectent pas les règles de l'organisation maritime internationale, y compris pour les bateaux de pays tiers. »

Vous dites qu'il faut des contrôles, mais je lis qu'un ancien inspecteur des Affaires maritimes dit que les contrôles des bateaux par les services de l'État sont insuffisants. Il n'y a pas en France de personnels qualifiés pour les réaliser.

- « Cet ancien inspecteur a tout à fait raison. Quand je suis arrivé, j'ai trouvé une situation qui n'était pas bonne. J'ai augmenté les effectifs, mais il faut la poursuivre. J'ai l'intention de doubler les effectifs de contrôle d'ici deux ans. Si l'on ne contrôle pas, on peut toujours prévoir des sanctions, on peut toujours prévoir des règles, mais ce ne sera pas appliqué. Eh bien, il faut les moyens de ce contrôle. J'ai même proposé un système qui s'appelle Equasys qui permettra de connaître en temps réel l'état des navires et des équipages. Et c'est en train d'être adopté à l'échelle de l'Europe mais aussi par plusieurs autres grands pays comme les États-Unis. »

Il y en a des choses à faire ! Vous avez parlé des compagnies pétrolières. Qu'est-ce que vous demandez, vous le Gouvernement, qui avez le contact avec T. Desmarets, avec TotalFina. Qu'est-ce que vous demandez à TotalFina ?

- « Il y a une enquête technique et administrative, et il y a une enquête judiciaire. Personne ne doit être exonéré des responsabilités. TotalFina a fait savoir qu'ils étaient prêts à participer au renflouement de l'épave… »

Est-ce que cela suffit ?

- « Non, il faut poser le problème : le système est mauvais. Ce sont toutes les compagnies pétrolières, tous les transporteurs de matières dangereuses et polluantes qui doivent être concernés. C'est pourquoi je propose qu'à l'échelle de l'Europe, il y ait un véritable changement par rapport aux pratiques actuelles. Le fond du problème est le suivant : si l'on veut transporter au plus bas prix des produits, eh bien on prend le risque de le faire transporter avec des bateaux-poubelles, avec des équipages qui sont insuffisamment… »

Par rapport à leurs missions et aux surprises de la nature, est-ce que les politiques sont aujourd'hui à la hauteur ?

- « Je puis vous dire une chose : en ce qui concerne le Gouvernement, en ce qui concerne la mobilisation des services concernés… »

Non, je parle des politiques ! Je sais qu'il y a des exceptions — je ne veux pas vous citer, mais depuis le début, vous vous battez, vous êtes revenu de vos vacances au Maroc —, mais majoritairement, l'opinion trouve les politiques absents, hésitants, pris de court, cafouilleux. Comment on répond à cela ?

- « Cette situation, tout à fait anormale au sens de l'exceptionnalité, se traduit sûrement par l'intervention, les prises de position des hommes politiques sur le terrain. Nationalement, nous avons affaire à un problème tout à fait exceptionnel… »

Vous ne me répondez pas ! Vous avez du mal à répondre !

- « Je ne me sens pas le droit de porter des jugements alors que nous vivons une situation tout à fait exceptionnelle. Je n'ai aucune idée en tête : comment faire en sorte de rétablir une situation normale ? »

On ne pourra pas éviter la question : est-ce que les écologistes ne viennent pas de recevoir une baffe politique d'envergure ?

- « Là encore, vous me posez une question difficile. Je crois que, pour ce qui est de la mobilisation en faveur de l'environnement, contre la marée noire et qui est toujours en cours — on en parle moins, mais le fioul arrive, c'est une véritable catastrophe… »

Est-ce que le fioul que l'on voit en ce moment est le fioul qui se dégage des soutes du navire ou est-ce que c'est le fioul servant à la propulsion du bateau ?

- « On n'est pas sûr. Actuellement, les conditions, pour pouvoir survoler, ne sont pas réunies. Donc, on n'est pas sûr qu'il s'agisse du fioul de propulsion, ce qui serait grave mais moins grave que s'il s'agissait d'une fuite qui proviendrait des soutes. De toute manière, dès que la tempête sera calmée, que les vents seront revenus à force 1 ou force 2, nous allons employer un robot pour aller voir comment cela se passe au fond… »

Et pour voir s'il faut agir le plus vite, sans tarder ?

- « Oui, et pour pouvoir pomper, renflouer ! Mais il faut que les conditions soient réunies. Actuellement, elles ne sont pas réunies. »

Il y aura plusieurs leçons à tirer. Est-ce que le nucléaire maîtrisé n'est pas mieux que le tout-pétrole ou le tout-mazout ?

- « Il faudra tirer les leçons. Mais la mobilisation — en tout cas c'est ma démarche — c'est : comment fait-on en sorte pour rétablir une situation normale. Premièrement. Et deuxièmement, comment fait-on en sorte quand l'homme peut intervenir, quand il peut jouer réellement ? Par exemple, en ce qui concerne les pavillons de complaisance, c'est une décision à prendre, la nature n'y est pour rien ! »

En plus, on pense avec ce qui peut se passer avec le bogue et les multiples conséquences sur les routes, les aéroports, les gares. S'il se passe quelque chose, on pourra toujours prétexter que c'est le vent ou la tempête ?

- « Le bogue, tous les ministères concernés sont mobilisés. Et je rappelle que, l'an dernier, sur les routes, après avoir fait la fête, il y a eu 132 morts. Prudence, prudence ! On fait la fête si on veut, mais quand on a fait la fête on ne conduit pas, on prend les transports collectifs. En région parisienne, ils seront gratuits, et dans d'autres villes de France. Ou bien on peut prendre le train : avec 100 francs on traverse la France. »

A certains moments, être ministre ou politique c'est pas toujours la joie !

- «Oui. »