Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le nouveau paysage audiovisuel et la diversification de l'offre de programmes et de chaînes, les rapports entre producteurs et diffuseurs et sur les dossiers internationaux concernant l'audiovisuel, à Biarritz le15 janvier 1998.

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Circonstance : Festival international de productions audiovisuelles (FIPA) à Biarritz le 15 janvier 1998.

Texte intégral

Vous venez de remettre le prix « Beaumarchais » à trois jeunes auteurs : Xavier Matthieu pour Le Singe, Yves-Noël François pour Island’ Job et Alfredo Diaz Pérez pour C’est un monde Wonderful. Je félicite les trois lauréats et souhaite un beau destin à ces œuvres en devenir. Je remercie la SACD et son président, Pierre Tchernia, instigateurs de ce prix destiné à encourager de jeunes talents, au stade difficile, et pourtant essentiel, de l’écriture.

Si j’ai souhaité venir au FIPA – ce qui, je pense, est une première pour un ministre –, c’est que je crois profondément au rôle essentiel de la production audiovisuelle dans la problématique de la télévision. En effet, vous êtes le maillon central de ce média, vous concevez, réalisez, produisez ce que l’on appelle les programmes de flux qui constituent en réalité le premier stock culturel des Français car il n’est jamais inutile de rappeler que la télévision est la première pratique culturelle de nos concitoyens.

Cette télévision est pour moi le vecteur essentiel du regard sur les autres, de la culture et du divertissement pour le plus grand nombre. Elle est au cœur des enjeux de notre société, elle est – plus à mon sens que tout autre média – un reflet du monde qui, pour beaucoup de nos concitoyens, devient le monde : ce sont les documentaires, les journaux télévisés mais aussi le reste des émissions qui vont constituer au fil des jours cette vision donnée pour réalité. Mais la télévision est aussi un vecteur de rêves et de divertissement grâce aux fictions et aux séries, et cette part là me semble tout autant essentielle.

C’est grâce à vous que la France connaît ce foisonnement des chaînes : les opérateurs ont vu le nombre d’abonnés dépasser largement leurs estimations, le numérique est entré avec une rapidité incroyable dans les foyers français. Cet engouement, nous le devons à la qualité de ce que vous offrez aux chaînes de diffuser. C’est grâce à la diversité des programmes, la richesse de la production, de l’animation, à la fiction, en passant par des séries et des documentaires dont on sait qu’ils sont plébiscités par le public.

L’évolution des modes de diffusion avec l’arrivée des chaînes thématiques, en France et dans le monde, est une chance extraordinaire pour les programmes audiovisuels. Les résultats d’audience et d’exportation prouvent que vous honorez pleinement. Cette chance – c’est pourquoi, en créant la taxe sur les chaînes thématiques, j’ai voulu que les chaînes thématiques ne soient pas uniquement des radiodiffuseurs mais qu’elles soient incitées à produire par le biais du Compte de soutien. Passée la première phase de montée en puissance, ces chaînes doivent devenir de véritables investisseurs dans le secteur et participer à la production audiovisuelle.

Quant à l’exportation, je me réjouis du bond prodigieux que vous avez réalisez depuis le début des années quatre-vingt-dix. C’est je crois, pour votre secteur la nouvelle frontière à conquérir : devant l’abondance des canaux de transmission, l’enjeu pour votre industrie est de devenir un fournisseur incontournable des nouveaux opérateurs étrangers. Mais je sais que cette nouvelle donne s’accompagne d’une révolution en profondeur de la manière dont l’État conçoit l’exportation de programmes. Déjà, la subvention à TVFI augmente en 1998. Je réfléchis, avec le ministre des Affaires étrangères, à ce que doit être une politique d’exportation des programmes français à l’étranger dans un monde où la rareté des réseaux de transmission est derrière nous.

J’en viens à présent à un sujet qui vous tient à cœur, celui des rapport entre producteurs et diffuseurs. Je souhaite rappeler que le rapport entre producteurs et diffuseurs sous-tend l’ensemble des possibilités de développement de l’industrie des programmes. Et c’est de ce développement que dépend l’essor économique des nouveaux marchés de la communication. Mais je suis pleinement convaincue que l’alimentation des nouveaux services repose tout autant sur les capacités financières des acteurs dans la production que sur la fluidité du marché des droits d’exploitation.

C’est un point central de mon projet de loi sur l’audiovisuel dont l’un des objectifs est d’améliorer la circulation des œuvres. Il m’a en particulier semblé essentiel de redéfinir la notion d’indépendance des producteurs vis-à-vis des diffuseurs. Sur cette question, je me réjouis des négociations qui ont pu se dérouler entre les producteurs cinématographiques et les chaînes de télévision et qui ont abouti à un accord entre le BLIC et les différentes chaînes hertziennes ; je me réjouis également que les négociations soient renouées entre les producteurs audiovisuels et TFI dans le but de clarifier les rapports entre producteurs indépendants et chaînes de télévision.

Rapidement et pour terminer, je souhaite vous dire mon engagement sur plusieurs dossiers internationaux qui vous concernent directement : l’application de la directive « Télévision sans Frontières » dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Je rencontrais lundi dernier mon homologue britannique, Chris Smith, auquel j’ai pu faire part de ma détermination à ne pas voir de délocalisations de chaînes que pourrait entraîner une application laxiste de la directive dans d’autres pays de l’Union, en Grande-Bretagne en particulier.

Autre sujet sensible même si son objet peut aujourd’hui sembler encore abstrait et lointain : le Livre vert sur « les implications réglementaires de la convergence des secteurs de la télécommunication, de l’audiovisuel et des technologies de l’information » qui m’apparaît comme très dangereux pour l’industrie de l’audiovisuel. J’ai demandé que les ministres chargés de la communication des pays membres de l’Union soient associés à l’étude de ce livre Vert qui ne peut être laissé à l’appréciation des seuls ministres des Télécommunications – ce qui est actuellement le projet de Bruxelles.

Dernier sujet et non des moindres que je souhaitais aborder devant vous : les négociations de l’Accord multilatéral sur l’investissement. Il vous concerne à un double titre : pour la propriété littéraire et artistique, traitée de manière spécifique dans les négociations, et pour l’ensemble de l’audiovisuel. Sachez là encore que je défends le maintien d’une position ferme pour que soient préservés les acquis du GATS ainsi que les nouveaux services, le droit d’auteur et l’ensemble des secteurs culturels menacés par la signature de l’Accord. La position officielle de la France est la demande d’exception culturelle. Je défends cette position devant nos partenaires européens, devant la Commission de Bruxelles et vous assure de ma détermination sur le sujet.

En conclusion, ces batailles que nous devons mener pour défendre la pluralité de l’offre culturelle mais aussi nos industries du secteur, le meilleur chemin pour les gagner, c’est l’excellence. Et je crois que vous êtes sur la bonne voie.