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Gestation pour autrui (GPA) : quelles sont les évolutions du droit ?

Temps de lecture  15 minutes

Par : La Rédaction

La gestation pour autrui (GPA) est interdite en France. La loi sur la bioéthique de 2021 et les débats qui l'ont accompagnée n'ont pas remis en cause cette interdiction. En revanche, la question de la reconnaissance dans le droit français des enfants nés à l'étranger par une GPA a évolué ces dernières années.

La gestation pour autrui (GPA) est le fait pour une femme, désignée généralement sous le nom de "mère porteuse", de porter un enfant pour le compte d'un "couple de parents d'intention" à qui il sera remis après sa naissance. C'est une forme d'assistance médicale à la procréation qui consiste en l'implantation dans l’utérus de la mère porteuse d'un embryon issu d'une fécondation in vitro (FIV) ou d'une insémination. Selon les techniques utilisées : 

  • soit les membres du couple sont les parents génétiques de l'enfant ;
  • soit le couple d'intention n'a qu'un lien génétique partiel avec l'enfant ;
  • soit le couple d'intention n'a aucun lien génétique avec l'enfant.

En France, la GPA est interdite.

La nullité et l'interdiction des GPA en France

À la fin des années 1980, la Cour de cassation se positionne contre les actes liés à une gestation pour autrui, à savoir la signature d'une convention et l'adoption. 

En 1989, la Cour affirme la nullité des conventions de GPA en application de l'article 1128 du code civil, selon lequel "il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions". Elle conclut également à la non-conformité de ces conventions au principe d'ordre public de l'indisponibilité de l'état des personnes.

En 1991, la Cour de cassation annule l'adoption d'un enfant né d'une mère porteuse au motif que "cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un détournement de l'institution de l'adoption".

Finalement, le législateur interdit la GPA par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, qui introduit dans le code civil un nouvel article 16-7 selon lequel "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle".

Le recours à la GPA : un délit

Le recours à la GPA constitue un délit. L'article 227-12 du code pénal dispose : "Le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre une personne désireuse d'adopter un enfant et un parent désireux d'abandonner son enfant né ou à naître est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Est puni des peines prévues au deuxième alinéa le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.

La tentative des infractions prévues par les deuxième et troisième alinéas du présent article est punie des mêmes peines."

La transcription des GPA effectuées à l'étranger

Des décisions fermes de la Cour de cassation avant 2014

La GPA est autorisée dans d'autres États que la France. La question de la reconnaissance par la France d'une filiation issue d'une GPA établie à l'étranger s'est donc posée à la Cour de cassation.

Dans un arrêt de 2008 puis un arrêt de 2011 pour la même affaire, la Cour s'oppose à la transcription sur les registres de l'état civil français d'actes de naissance établis en Californie pour 2 enfants nés à l'issue d'une GPA. La Cour refuse ainsi de reconnaître en droit français la filiation établie entre un enfant né d'une mère porteuse et les parents d'intention. Elle considère que cette non-transcription "ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît, ni ne les empêche de vivre avec [leurs parents] en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu'à leur intérêt supérieur garanti par l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant".

Les enfants nés d'une mère porteuse sont dès lors placés dans une situation juridique incertaine. Ils se retrouvent privés de certaines prérogatives, particulièrement en cas de divorce ou de décès des parents. 

Le Conseil d'État adopte une position opposée dans un arrêt du 3 août 2016, à propos d'un refus de délivrance d'un document de voyage au profit d'un enfant né par GPA. Il considère que le fait que des enfants ont été conçus au moyen d'un contrat de GPA – entaché de nullité au regard de l'ordre public français – est "sans incidence sur l'obligation faite à l'administration [...] d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant".

Par une circulaire du 25 janvier 2013, le gouvernement recommande aux procureurs et aux tribunaux de faciliter la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l'étranger à l'issue d'une GPA de parents français. Le seul soupçon d'un recours à une convention de GPA "ne peut pas suffire à opposer un refus aux demandes de certificat de nationalité". Cette circulaire se fonde sur l'article 47 du code civil selon lequel "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi". 

La Cour de cassation maintient sa position dans un arrêt du 13 septembre 2013. Elle y fait primer l'ordre public sur l'intérêt de l'enfant pour justifier le refus de transcription d'un acte de naissance fait à l'étranger, lorsque la naissance est l'aboutissement d'une convention de GPA. Dans cette affaire, la Cour de cassation approuve l'arrêt de la cour d'appel concluant à la nullité de la reconnaissance de l'enfant par le père d'intention.

La condamnation de la France par la CEDH en 2014

Par deux arrêts du 26 juin 2014 (arrêt Mennesson c. France et arrêt Labassee c. France), la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) se prononce sur des refus de transcription d'actes de naissance américains d'enfants issus de GPA sur les registres de l'état civil français

Dans les deux affaires, les embryons avaient été conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d'une donneuse américaine. Les couples avaient obtenu des jugements constatant le recours à des mères porteuses et relevant la paternité biologique des pères français et la qualité de "mère légale" des mères d’intention. Les actes de naissance des enfants avaient ainsi été dressés en mentionnant le père biologique et la mère d'intention comme parents. 

La CEDH considère que le refus de transcription sur les registres de l'état civil français ne porte pas atteinte à la vie privée et familiale de ces couples. Ceux-ci peuvent, selon la Cour, mener une vie familiale similaire aux autres familles. Elle indique par ailleurs que les États bénéficient d'une large marge d'appréciation dans leurs choix en matière de GPA, "au regard des délicates interrogations éthiques qu'ils suscitent et de l'absence de consensus sur ces questions en Europe". 

En revanche, la Cour estime que le droit à la vie privée des enfants n'est pas respecté. Le refus de reconnaître leur lien de filiation avec leurs parents d'intention porte atteinte à leur identité et à l'intérêt supérieur de l'enfant. 

En réaction à ces arrêts condamnant la France, la Cour de cassation révise sa jurisprudence. Elle considère désormais que la GPA ne fait plus obstacle, à elle seule, à la transcription de l’acte de naissance étranger, dès lors que l'acte a été régulièrement établi dans le pays étranger et qu'il correspond à la réalité. La Cour de cassation étend cette jurisprudence à deux couples d'hommes en 2019.

En août 2016, le Conseil d'État va même jusqu'à ordonner au ministre des affaires étrangères de laisser entrer sur le territoire un enfant né en Arménie, quand bien même sa naissance résulte d'une convention de GPA.

L'encadrement législatif de la transcription des actes d'état civil

La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique complète le code civil afin de préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger est appréciée au regard de la loi française. La transcription d'un acte d'état civil étranger d'un enfant né de GPA est ainsi limitée au seul parent biologique. Le parent d'intention doit donc passer par une procédure d'adoption. 

Dans son rapport complémentaire au comité des droits de l'enfant des Nations Unies de 2022, le Défenseur des droits considère que cette loi "constitue un recul et risque d'avoir des conséquences préjudiciables majeures pour les enfants nés d'une GPA". 

La position ultérieure de la Cour de cassation s'avère néanmoins plus souple que la loi de 2021

Elle indique dans une décision du 14 novembre 2024 qu'une filiation établie légalement dans un pays étranger pour un enfant né d'une GPA sans aucun lien biologique avec le parent d'intention peut être reconnue en France. Comme pour toutes les GPA, le juge vérifie cependant l'absence de fraude, le respect de l'ordre public et le consentement des parties à la convention de GPA. La Cour de cassation liste dans deux arrêts du 2 octobre 2024 les éléments que doit contenir la décision de justice étrangère relative à une GPA pratiquée dans un autre pays pour que la filiation puisse être reconnue en France : mention de la qualité des personnes, consentement des parties à la convention de GPA et aux effets qu'elle produira sur la filiation de l'enfant... 

La GPA en Europe et à l'international

Plusieurs pays autres que la France interdisent la GPA : l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, par exemple. En matière de transcription d'actes établis à l'étranger, les positions diffèrent d'un pays à l'autre. Depuis une instruction d'avril 2025, l'Espagne adopte une position similaire à la France (inscription directe dans le registre d'état civil des enfants nés par GPA à l'étranger conditionnée à la preuve d'un lien biologique entre un des parents d'intention et l'enfant). En Italie, depuis une loi de novembre 2024, la GPA est qualifiée de "crime universel". La loi confirme l'interdiction de cette pratique sur le territoire national et, surtout, étend sa prohibition à celles pratiquées à l'étranger.

D'autres pays, en revanche, autorisent le recours aux mères porteuses : le Danemark, les Pays-Bas, l'Albanie, la Géorgie, la Grèce, le Canada, certains États fédérés américains, etc. 

Au plan international, aucun texte contraignant relatif à la gestation pour autrui n'a été adopté. Le 3 mars 2023, une centaine d'experts (médecins, psychologues, juristes...) de 75 nationalités ont signé à Casablanca une Déclaration d'abolition de la gestation pour autrui. Ils appellent les États à établir une convention internationale pour l'abolition de la GPA. 

En Europe, la jurisprudence de la CEDH met en balance l'intérêt supérieur de l'enfant et la marge d'appréciation dont disposent les États membres du Conseil de l'Europe en la matière. Dans un avis public consultatif du 10 avril 2019, la Cour affirme que "l'impossibilité générale et absolue d'obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d'intention n'est pas conciliable avec l'intérêt supérieur de l'enfant [...]". 

Néanmoins, la CEDH apprécie chaque situation individuellement, selon les circonstances de l'affaire. Elle considère que le refus de transcription sur les registres de l'état civil n'est pas en lui-même contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme (voir notamment la décision du 19 novembre 2019, C et E c. France). La Cour apprécie le caractère proportionné ou non du refus de transcription, notamment lorsqu'il existe une autre possibilité de reconnaissance du lien de filiation, comme l'adoption (voir l'arrêt du 16 juillet 2020, D c. France et l'arrêt du 7 avril 2022, A.L. c. France). 

La position de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) diffère de celle de la CEDH. La CJUE n'a pour l'instant jamais reconnu le droit à la transcription d'actes de naissance d'enfants nés de GPA dans un État membre de l'UE qui prohibe cette pratique. En matière de GPA, la Cour indique simplement qu'une femme qui devient mère à la suite d'un accord de GPA ne peut pas bénéficier des dispositions européennes relatives au congé maternité, qui ne s'appliquent qu'aux femmes ayant été enceintes (arrêts du 18 mars 2014). 

Les prescriptions en la matière pourraient néanmoins être amenées à évoluer dans les prochaines années. La Commission européenne a adopté, le 7 décembre 2022, une proposition de règlement visant à harmoniser à l'échelle de l'Union les règles relatives à la filiation, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant et de la liberté de circulation des citoyens européens. Une filiation reconnue dans un État membre le serait aussi dans tous les autres États membres, sans procédure spéciale. La Commission prévoit à cette fin la création d'un "certificat européen de filiation". Le texte doit encore être adopté.

Les questions éthiques autour de la GPA

Au-delà des problèmes juridiques qu'elle suscite, la GPA pose des questions éthiques. Celles-ci ont été débattues par des citoyens, différentes institutions et des experts lors des États généraux de la bioéthique, qui se sont déroulés de janvier à mai 2018. Les débats ont donné lieu à un rapport de synthèse du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), publié le 2 juillet 2018.

Selon le rapport, une grande partie des citoyens, dans le cadre de la consultation organisée sur internet, se prononcent contre la GPA. Cette pratique est considérée par eux comme une marchandisation du corps de la femme mais aussi de l'enfant. Du reste, même si des GPA non rétribuées existent, les opposants à cette pratique considèrent qu'il n'existe pas de GPA éthique car "on ne donne pas plus un enfant qu'on ne le vend". La solution d'une "GPA éthique ou altruiste pour indication médicale" dans le cas particulier des femmes infertiles ne fait pas non plus consensus. Certains citoyens insistent, en outre, sur l'intérêt supérieur de l'enfant, la GPA impliquant un "abandon" de l'enfant par la mère porteuse. 

Les associations, les institutions et les courants de pensée auditionnés ont des avis plus partagés. Beaucoup réclament un débat serein sur le sujet. D'autres s'opposent à toute forme de GPA et demandent la création d'une infraction spéciale en cas de recours à cette pratique, même à l'étranger. À l'opposé, certains considèrent qu'il peut exister une GPA éthique. Enfin, comme les citoyens, beaucoup désirent la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger.

Certaines sociétés savantes (praticiens, juristes, chercheurs) regrettent quant à elles l'interdiction totale de la GPA en France. Elles souhaitent "une réflexion collective sur certaines indications médicales comme l'infertilité utérine définitive, et une éventuelle organisation par la loi de la prise en compte responsable au cas par cas".

L'avis du CCNE et ses préconisations sur la nouvelle loi de bioéthique ont été remis aux pouvoirs publics en septembre 2018. Le CCNE reste favorable à l'interdiction de la GPA au nom du respect de la personne humaine, du refus de l'exploitation de la femme et de la réification de l'enfant, de l'indisponibilité du corps humain et de la personne humaine. Le CCNE souhaite, en outre, l'élaboration d'une convention internationale pour l'interdiction de la GPA. Déjà, dans un avis du 15 juin 2017, le Comité s'était prononcé sur les demandes sociétales de GPA. 

Dans une étude publiée le 11 juillet 2018 en vue d'éclairer les futurs débats sur la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d'État considère que cette pratique doit rester interdite. Les principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes s'opposent, selon le Conseil d’État, à "une contractualisation de la procréation". Quant à la situation des enfants nés à l'étranger de GPA, le Conseil d'État estime que le droit actuel assure "un équilibre entre la prise en compte de l'intérêt de l’enfant et le maintien de l'interdiction de la GPA".

Une opinion toujours divisée mais une diminution des positions extrêmes

Une étude publiée en décembre 2025 par le Crédoc révèle que l'opinion demeure divisée concernant la GPA : 58% d'avis favorables et 42 % d'avis défavorables en 2025. En revanche, le taux d'opinions extrêmes à ce sujet a diminué, pour arriver à 19% d'individus "tout à fait d'accord" avec le principe de la GPA et 21% "pas du tout d'accord" en 2025.