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© Eléonore H - stock-adobe.com

Épandage de pesticides près des habitations : le Conseil d'État exige une plus grande distance de sécurité

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Le Conseil d'État exige que le Gouvernement fixe des distances de sécurité plus importantes entre les habitations et les zones d'épandage des pesticides les plus toxiques. La haute juridiction donne un délai de deux mois pour l'application d'une précédente décision de 2021, sous peine de paiement d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

C'est la "gravité des conséquences du défaut partiel d'exécution" sur la santé publique qui motive la décision du Conseil d'État du 22 décembre 2022 pour ordonner ces mesures urgentes. Saisie à plusieurs reprises par les associations, la haute juridiction avait déjà jugé les distances insuffisantes dans une décision du 26 juillet 2021.  Elle exigeait que la réglementation soit modifiée pour déterminer de nouvelles distances de sécurité concernant les produits classés CMR2 (suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) dont l'autorisation de mise sur le marché ne prévoit pas de distance spécifique d'utilisation. Seules les substances CMR1 (nocivité établie) doivent être utilisées en respectant une distance de 20 mètres.

Les pesticides sont des substances destinées à lutter contre des organismes nuisibles aux cultures.

Surtout utilisés en agriculture, ils ont une action herbicide, fongicide ou encore insecticide.

Ils régulent aussi la croissance des végétaux et améliorent le stockage et le transport des produits de culture.

Depuis 60 ans, les pesticides chimiques utilisés en agriculture intensive ont permis d’augmenter les rendements.

Mais des traces de pesticides peuvent se trouver dans les aliments tout comme dans les milieux naturels : air, eau, sols.

Des effets sur la santé ont été identifiés, aussi bien en milieu agricole qu’en population générale.

L’exposition à certains composés peut être cancérigène, toxique pour la reproduction ou provoquer des mutations de l’ADN.

L’utilisation des pesticides a également des conséquences sur la biodiversité.

Ils peuvent détruire les sources de nourriture et perturber les habitats naturels de certaines espèces.

C’est notamment le cas des pollinisateurs dont l’action est essentielle pour la survie des plantes et des arbres.

La vente et l’usage des pesticides sont réglementés en France et dans l’Union européenne.

L’objectif est de mieux protéger les populations et de réduire la dépendance aux pesticides.

En 2007, le Grenelle de l’environnement fixait un objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides en dix ans.

Cet objectif a été reporté en 2016 à l’échéance 2025 et assorti d’un objectif intermédiaire de -25% en 2020.

Plusieurs plans « Écophyto » ont été élaborés depuis 2008, conformément à une directive européenne.

L’utilisation des pesticides a pourtant progressé de 12% entre 2009 et 2016.

Mais la part des exploitations converties à l’agriculture biologique progresse.

L'encadrement des usages des pesticides à proximité des habitations a par ailleurs été renforcé.

Un délai de deux mois pour des distances de sécurité élargies

Dans sa décision, le Conseil d'État ordonne, dans les deux mois, la mise en place de distances de sécurité élargies. Les recours des associations demandaient une distance de 10 mètres pour tous les produits CMR2, suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

La haute juridiction ordonne l'exécution de la décision de 2021 qui avait annulé en partie le décret du 27 décembre 2019.

À la suite de cette décision de 2021, la réglementation concernant l'usage de pesticides près des zones habitées avait été précisée par deux textes :

Respecter les modalités de concertation avec les riverains

Pour rappel, le Conseil constitutionnel avait également rendu, le 19 mars 2021, une décision sur les règles d'épandage des pesticides. Ce jugement faisait suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le Conseil d'État.

Par cette décision, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions du paragraphe III de l'article L253-8 du code rural et de la pêche maritime. Cet article permettait des dérogations aux distances minimales entre des cultures traitées par pesticides et des zones d'habitation, après concertation avec les habitants ou leurs représentants.

Selon le paragraphe III de l'article L253-8 du code rural et de la pêche maritime, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de zones d'habitation est en effet soumise à des mesures de protection des riverains.

Ces mesures sont formalisées par les utilisateurs dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones qui pourraient être traitées.

Le Conseil constitutionnel avait ainsi déclaré contraire à la Constitution, et plus particulièrement à l'article 7 de la Charte de l'environnement la méthode d'élaboration de ces chartes.