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La Banque centrale européenne de nuit, installée au bord du Main, à Francfort, Allemagne. © Daniel Roland/AFP

25 ans de la Banque centrale européenne : quel rôle pour la BCE ?

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

La Banque centrale européenne (BCE) fête ses 25 ans le 1er juin 2023. L'occasion de rappeler ses principales missions, en premier lieu la stabilité de la monnaie unique dont elle a le monopole d'émission. La BCE compte parmi les institutions structurantes de l'UE. Depuis sa création le 1er juin 1998, ses responsabilités se sont élargies.

La Banque centrale européenne (BCE) est une institution européenne indépendante dont le siège est à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne. En tant que principale institution monétaire de l'Union européenne (UE), elle est responsable de l'euro et définit les grandes orientations de politique monétaire de la zone euro.

La BCE a succédé, le 1er juin 1998, à l'Institut monétaire européen (IME). Elle fait partie des sept institutions structurantes de l'Union européenne : quatre institutions principales décisionnelles qui dirigent l'administration de l'UE et fournissent à l'UE des orientations politiques – le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne – aidées par trois autres institutions : la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour des comptes européenne et la Banque centrale européenne.

Quel mandat pour quel fonctionnement ?

La BCE est mentionnée dans l'article 13 du traité sur l'Union européenne (1992). Le traité de Lisbonne (2007) a doté la BCE d'une personnalité juridique. Elle est l'organe central de l'Eurosystème (la BCE et les banques centrales des pays ayant adopté l'euro) et du Système européen de banques centrales qui regroupe les membres de l'Eurosystème et les banques centrales de l'UE qui n'ont pas adopté l'euro.

Le mandat de la BCE est de maintenir la stabilité des prix, conformément à l'article 127 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, objectif qu'elle traduit par une cible d'inflation de 2% sur le moyen terme. La BCE n'a pas de mandat double, tel un objectif de plein-emploi adossé à celui d'inflation mais, en vertu de l'article 3 du traité de l'Union européenne, elle apporte son soutien aux objectifs économiques de l'Union. La BCE rend des comptes auprès du Parlement européen.

La BCE est dotée d'un capital de 10,8 milliards d'euros, constitué des souscriptions des différentes banques centrales nationales selon une répartition basée sur la part de chaque État membre de l'UE dans le PIB et la population de l'Union. La Banque de France en détient 16,6%, derrière la Banque fédérale d'Allemagne (21,4%).

  • Pourquoi l’Union européenne a-t-elle adopté une monnaie unique ?

    Je crois que l'adoption d'une monnaie unique par l'Union européenne correspondait à la quintessence même du projet, puisque le projet d'emblée, dès le Traité de Rome, s'appuyait sur l'idée d'un marché unique, d'un marché commun et d'une concurrence généralisée et donc marché unique, concurrence, ça suppose une fixation des prix à la fois prédéterminés et relativement stables, et parmi les éléments qui perturbent les fixations de prix, il y a les évolutions du change.

    Donc, assez naturellement, les fondateurs de l'Union européenne et de ce qui était au départ le marché commun, s'étaient dit, on va faire en sorte qu'il y ait une monnaie, sinon au départ, une monnaie commune ou tout au moins un taux de change fixe entre les différentes devises de la zone européenne, de façon à éviter les à-coups liés aux heurts autour du change.
    Et puis, progressivement, le système s'est mis en place.
    Donc, il y a eu le SME en 1979, dans un contexte de change flottant dans l'ensemble de la planète.

    Et comme ça fonctionnait plus ou moins bien, les gens se sont dit on va aller un peu plus loin et donc on va faire la monnaie unique, l'euro, à partir du Traité de Maastricht.
    Ce qui est intéressant aussi, c'est deux choses complémentaires.

    La première, c'est qu'il y avait chez François Mitterrand et Helmut Kohl l'idée aussi que, avec une monnaie européenne, appuyée sur le primat politique français et le primat économique européen, on pourrait créer une sorte de rivale du dollar.

    Ce qui avait incité en particulier Margaret Thatcher à refuser le projet.
    Et la deuxième chose, c'est que dans la vie quotidienne des Européens, ça facilitait les voyages, le tourisme et les investissements.

    C'est-à-dire que quand vous êtes Allemand et que vous investissez en Europe du Sud, vous savez que vous retirerez une certaine somme en euros, quoi qu'il arrive, quelle que soit la politique qui est menée en Europe du Sud, alors qu'avant, vous étiez toujours sous la menace d'une dévaluation éventuelle, ruinant une partie de vos efforts.

  • Qu’est-ce que l’euro a changé pour les Européens ?

    Alors, je crois que pour les citoyens, ça leur a apporté, d'une part, une lisibilité assez grande sur l'avenir.

    La deuxième chose c'est que pour avoir la même monnaie, il faut avoir le même taux d'inflation.
    Et le plus simple, quand on décide d'avoir le même taux d'inflation, c'est de ne pas voir d'inflation.

    Donc ça a apporté notamment aux pays d'Europe du Sud une nouvelle vision de l'économie et une rupture avec la longue période d'inflation qui avait été celle de l'Après-guerre, ce que des ministres de l'Économie et des Finances français appelaient le dirigisme inflationniste.
    Il y a moins d'inflation.

    Et puis, la troisième chose, c'est que je crois que ça a apporté aussi une forme d'identification physique du projet européen.

    On a la même monnaie quand on va depuis les pays baltes jusqu'à Athènes, en passant par Madrid ou Amsterdam.
    L'Europe, ça existe.
    Il y a une formation concrète de ça, il y a une formulation concrète de cette existence qui est le fait qu'on a la même monnaie.

    Comme les Américains, du Texas à la Californie, ont la même monnaie.
    Dans les rapports qu'ont les Français à l'euro, ce qui me frappe, c'est deux choses :  la première chose, c'est que, ils ont été longtemps convaincus que le passage à l'euro avait augmenté l'inflation et avait constitué une perte de pouvoir d'achat assez sensible pour eux.
    Il y avait une espèce de slogan qui disait les prix ont été maintenus en euros.
    Les prix sont passés du montant affiché en francs au montant équivalent en euros.
    En revanche, les salaires ont été divisés par 6,5.

    Et donc il y a eu au départ un doute.
    Un doute qui traduisait d'ailleurs les résultats du référendum de Maastricht.

    C'est-à-dire que le oui l'avait emporté d'une courte tête.
    Mais je pense que maintenant les Français sont très attachés à l'euro pour deux raisons :
    la première raison, c'est que c'est assez pratique quand on fait du tourisme que d'aller dans les pays voisins sans avoir à changer de la monnaie et à prendre des risques.
    Parce que si la monnaie change, on ne sait pas très bien combien ça va coûter à la fin des fins.
    Et puis, je pense que fondamentalement, ils se sont aperçus que c'était quand même, malgré ce qu'ils avaient pensé initialement, une sauvegarde sur leur pouvoir d'achat.

    Même si les Français estiment que le pouvoir d'achat est devenu un véritable enjeu, ils attribuent à l'euro plutôt un élément de sauvegarde de ce pouvoir d'achat, que ça a été plutôt un élément positif pour eux.

    Et je pense que les partis qui, à un moment donné, faisaient campagne pour la sortie de la zone euro, ont compris que ce n'était pas un bon angle d'attaque dans la vie politique actuelle.

  • Quel avenir pour l’euro dans l’économie mondiale ?

    Je crois qu'il y avait d'abord l'enthousiasme au départ, c'était l'enthousiasme de H. Kohl et de F. Mitterrand au sommet d’Évian, donc de refaire une monnaie qui serait en capacité de rivaliser avec le dollar puisque le dollar était devenu sans contrôle, sans rival, que l'or avait disparu pour essayer de contraindre la politique américaine, on allait faire de l'euro le moyen de contraindre les Américains à avoir une politique un peu plus sage.
    Ça, ça reste un espoir.

    Et de temps en temps, il y a un certain nombre de pays qui disent mais si, pour embêter les États-Unis, on va choisir une autre monnaie de référence et après tout, pourquoi pas l'euro ?

    Je pense que ça, la crise grecque en particulier, a éloigné cet horizon.
    Mais la crise grecque aussi a montré un autre chose.
    C'est l'attachement des pays qui sont membres de la zone euro à l'avenir de la zone euro et au maintien de la zone euro.

    En juillet 2012, les dirigeants européens se sont trouvés face à la question fondamentale est ce qu'on continue ou est ce qu'on divorce ?
    Et ils ont décidé de continuer en demandant à Monsieur Draghi de faire en sorte que l'euro survive.

    À partir de ce moment-là, c'était le « Whatever it takes ».
    Et donc, ça a apporté à l'euro une sorte de vision de long terme, c'est-à-dire que « Whatever it takes », on sauvera l'euro.

    Donc l'avenir de l'euro est assez garanti, à mon avis.
    Le dernier élément, c'est que la question qui se pose c'est est-ce que la zone euro va s'étendre et est-ce que la zone euro va devenir véritablement l'Union européenne ou est ce qu'il va y avoir une Europe à deux vitesses ?

    Ceux qui sont dans la zone euro et ceux qui sont à l'écart ?
    Je pense que la zone euro va progressivement s'étendre, même si le candidat actuel le plus entreprenant, c'est la Bulgarie et que un certain nombre de pays disent qu'il faut peut-être un peu avant de récupérer la Bulgarie, digérer la Grèce et préparer la digestion de l'Italie.

Quel bilan peut-on tirer après 25 ans ?

La BCE a dû faire face à plusieurs crises sévères : crise financière de 2007-2008, crise de la zone euro, crise pandémique. Elle a d'abord puisé dans ses instruments classiques, notamment en baissant fortement les taux d'intérêt, afin de lutter contre la baisse d'activité et le risque de déflation. Avec des taux proches de zéro et la poursuite des crises, elle a mobilisé des instruments "non-standards".

Depuis sa création, la BCE a su maintenir l'union monétaire et contenir l'inflation à des niveaux relativement faibles. Mais, depuis la reprise après-pandémie et la crise énergétique due à la guerre en Ukraine, l'inflation a enregistré un pic de 10% en novembre 2022.

La BCE a également élargi son pouvoir car, depuis 2014, elle assure la supervision des banques par le mécanisme de surveillance unique (MSU). Ceci interroge sur les limites de son mandat. De même, les instruments "non standards" interrogent sur son indépendance, à la fois vis-à-vis des politiques budgétaires nationales et vis-à-vis de l'évolution sur les marchés financiers.