Portée par des réformes d'ampleur, la fiscalité locale a beaucoup changé depuis 2018. Mais ces réformes n'ont pas été dictées par des objectifs propres à la fiscalité locale. Leur but était de donner du pouvoir d'achat aux ménages et d'améliorer la compétitivité des entreprises, notamment celles du secteur industriel. Selon un rapport de la Cour des comptes publié le 15 janvier 2025, ménages et entreprises ont acquitté 38 milliards d'euros d'impôts locaux en moins en 2023 que ce qu'ils auraient versé si les réformes n'avaient pas eu lieu. En même temps, d'autres impôts locaux ont augmenté (notamment les droits de mutation). Le gain net pour les contribuables est de 16 milliards d'euros entre 2017 et 2023.
Trois réformes au coût important pour les finances publiques
Entre 2018 et 2023, trois réformes ont modifié le visage des impôts locaux :
- suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (à laquelle s'ajoute la suppression de la contribution à l'audiovisuel public) ;
- suppression des trois-quarts de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (des nouvelles baisses ont suivi depuis 2024) ;
- réduction de moitié des bases des locaux industriels assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises.
Pour compenser les pertes de recettes, les collectivités concernées ont bénéficié d'une réaffectation de recettes de TVA et d'un prélèvement sur les recettes de l'État qui ont pesé sur les finances publiques : la Cour des comptes estime à 38,5 milliards d'euros la perte pour les recettes de l'État (par comparaison à 2017).
Comme cette perte n'a pas été absorbée par des économies, elle a creusé les déficits publics. Avec un effet majeur : elle représente 25% du montant du besoin de financement des administrations publiques pour 2023 dont le montant s'élève à près de 155 milliards d'euros.
Déterritorialisation de l'impôt et effets incitatifs potentiellement négatifs
Financièrement, les compensations mises en place ont été plutôt favorables aux collectivités. En plus, les impôts dont les bases sont situées sur le territoire des collectivités concernées ont certes diminué, mais représentent toujours une part majoritaire des recettes communales.
En revanche, "la baisse des recettes d'impôts locaux territorialisés affaiblit les qualités de l'impôt local" et ceci à trois niveaux :
- rupture du lien contributif (surtout dans les communes urbaines) : certains habitants (locataires ou propriétaires de résidences principales) ne contribuent plus à la couverture des charges locales ;
- risque d'accueillir moins de nouveaux habitants au niveau communal : le moindre rendement fiscal pour les communes rend moins attractif l'accueil de nouveaux résidents et pourrait inciter les communes à moins autoriser la construction de nouveaux logements ;
- pour des raisons similaires, les communes pourraient être moins incitées à accueillir de nouvelles entreprises.
Malgré ces effets, le pouvoir fiscal reste encore activement exercé par les communes et les intercommunalités à l'inverse des régions et des départements estime la Cour des comptes.
Enfin, la Cour déplore :
- une fiscalité foncière toujours inadaptée aux réalités économiques, car elle ne traduit pas la réalité de la pression fiscale locale ;
- le risque de figer des inégalités passées entre les collectivités vu les compensations aux recettes amputées (recettes de TVA et diverses dotations, dont notamment la dotation globale de fonctionnement) qui sont réparties en fonction de données historiques.