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Adaptation des normes aux territoires : faut-il renforcer le pouvoir de dérogation du préfet ?

Temps de lecture  4 minutes

Par : La Rédaction

Expérimenté dès 2018, le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes réglementaires est généralisé en 2020. Cependant, il ne produit pas les résultats escomptés estime un récent rapport du Sénat.

Un rapport d’information déposé le 13 février 2025 par la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat révèle que le pouvoir de dérogation dévolu au préfet est peu utilisé. Le rapport avance des pistes pour pérenniser toutefois ce dispositif et l’étendre.

Un dispositif novateur

Le décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit préfectoral de dérogation permet à des préfets de déroger pendant deux ans à des normes arrêtées par l’administration de l’État (décrets du Premier ministre, arrêtés ministériels…). Les préfets n’ont cependant pas la possibilité de déroger à des normes de nature législative.

Les préfets peuvent exercer cette faculté dans sept domaines :

  • les subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;
  • l’aménagement du territoire et la politique de la ville ;
  • l’environnement, l’agriculture et les forêts ;
  • la construction, le logement et l’urbanisme ;
  • l’emploi et l’activité économique ;
  • la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel ;
  • les activités sportives, socio-éducatives et associatives.

La dérogation doit :

  • être justifiée par un motif d’intérêt général et des circonstances locales ;
  • être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens ;
  • viser à alléger les démarches administratives, réduire les délais de procédure ou favoriser l’accès aux aides publiques.

Un décret du 8 avril 2020 généralise le droit de dérogation, à "cadre juridique constant". 90% des dérogations concernent les collectivités territoriales et leurs groupements. 97% des arrêtés régionaux et deux tiers des arrêtés départementaux portent sur des questions de subventions.  

 

Mais un outil sous-utilisé

Le recours au droit de dérogation reste faible et inégal (douze départements n’ont pris aucun arrêté de dérogation depuis 2020, douze autres n'en ont pris qu'un seul et seulement six départements en ont pris 20 ou plus). Cela s’explique par :

  • la liste limitative des matières ouvertes au droit de dérogation ;
  • la complexité des critères à remplir ;
  • la réticence des préfets à déroger aux normes, liée à leur "culture administrative" et aux risques contentieux ;
  • la lourdeur de la procédure.

Comment y remédier ?

Face à ce constat, le rapport du Sénat préconise :

  • de donner une assise constitutionnelle au pouvoir de dérogation ;
  • de ne plus restreindre ses champs d’application ;
  • de permettre au préfet de déroger à des normes relevant de services ou d’opérateurs locaux qui échappent aujourd’hui à sa compétence ;
  • d’élargir le droit de dérogation à des dispositions réglementaires de fond ;
  • d’analyser le risque pénal et, le cas échéant, de sécuriser l’acte de dérogation préfectorale ;
  • de prendre en compte, dans l’évaluation des préfets, leur contribution à la simplification des projets locaux ;
  • d’associer les élus locaux à l’exercice du droit de dérogation ;
  • d’utiliser ce droit comme un signal d’alerte permettant de détecter des normes trop complexes ou inefficaces ;
  • d’évaluer les régimes législatifs de dérogation ;
  • d’informer les services préfectoraux et les élus locaux sur les potentialités du droit de dérogation.