Publiées le 26 mars 2025, les observations de la Cour des comptes détaillent les modalités de fonctionnement des instances de concertation telles qu'elles ont été modifiées par la loi de 2019 de transformation de la fonction publique.
Cette étude analyse les particularités relatives aux métiers de la police, tels que le droit de réserve ou les restrictions au droit de grève ainsi que l’histoire "singulière" du syndicalisme, marquée notamment par un taux de syndicalisation estimé entre 70% et 80%.
La loi de 2019 n’a pas fluidifié le dialogue social dans la police nationale
La loi de 2019 sur la transformation de la fonction publique avait pour objectif de favoriser les concertations syndicales en allégeant le travail des commissions administratives paritaires (CAP), entre autres sur les décisions concernant la mobilité et l’avancement des agents. Mais cela n'a pas produit les résultats escomptés. "L’insuffisante préparation de la reconfiguration des campagnes de promotion et de mutation" a conduit à la dégradation des calendriers de gestion des ressources humaines et a causé des retards dans les mesures d’avancement et de mobilité des agents. Par ailleurs, l’organisation des instances de concertation a été modifiée sans permettre de diminuer le nombre de commissions administratives.
Plus généralement, la "culture de l‘urgence" a empêché un "dialogue social plus stratégique". Deux accords signés en 2018 et en 2022 illustrent cette situation :
- le protocole du 19 décembre 2018, signé dans un contexte de manifestations récurrentes lors du mouvement des gilets jaunes, donne l'impression d'une précipitation. La "journée noire" du 19 décembre 2018 a suffi pour que s’engagent, le soir même, des discussions entre le ministre et les syndicats, aboutissant à un accord sous forme de protocole ;
- le protocole du 2 mars 2022, qui avait vocation à s’inscrire dans le cadre du dialogue social rénové par la loi de 2019, a en partie échappé au instances formelles de concertation. Objet devenu politique compte tenu de l’impératif d’aboutir à un accord avant l'élection présidentielle d’avril 2022, le protocole s’est insuffisamment emparé des réflexions du livre blanc de la sécurité intérieure et du "Beauvau de la sécurité". D'après la Cour, "le document signé, qui s’apparente dans la forme à un catalogue de revalorisations statutaires et salariales, a été adossé à une enveloppe budgétaire globale jugée importante par la Cour des comptes, de 773 millions d'euros pour la seule police nationale".
Quelles pistes d'amélioration ?
Le rapport de la Cour des comptes consacre aussi un volet aux moyens alloués aux syndicats, qu'elle considère élevés. Ces moyens, évalués à 54 millions d'euros en 2022, représentent une somme de 367 euros par agent, soit deux fois plus que dans l’ensemble de la fonction publique. Or, la Cour considère que ce "dispositif complexe au coût élevé [...] demeure insuffisamment contrôlé".
La Cour des comptes propose ainsi neuf pistes d’amélioration du dialogue social parmi lesquelles :
- la création d’un "niveau zonal" pour déconcentrer un plus grand nombre d’actes de gestion, notamment en matière de sanctions, de promotion et de mobilité ;
- la mise en place d'un plan de formation à la conduite du dialogue social ainsi qu'un dispositif adapté de transmission de l’information pour l’ensemble des cadres de la police nationale ;
- le pilotage du suivi et le contrôle des autorisations spéciales d'absence et des crédits de temps syndical, en particulier dans les services déconcentrés ;
- la fin du régime dérogatoire de décharge syndicale à la préfecture de police de Paris ;
- le versement des subventions aux organisations syndicales sur des "bases juridiques solides".