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Fraude aux eaux minérales : "une réaction de l'État tardive, inadaptée et non transparente"

Temps de lecture  4 minutes

Par : La Rédaction

Vendues à un prix "100 à 400 fois plus élevé que celui de l’eau du robinet", en raison de leur origine et de leur composition, les eaux minérales ne peuvent subir que des traitements très limités. Toutefois, pendant plusieurs années certains industriels ont procédé à des traitements interdits.

Le rapport présentant les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur les eaux en bouteille a été remis au Sénat le 14 mai 2025.

Les eaux minérales naturelles, de quoi s'agit-il ?

Définie aux articles R1322-1 à R1322-4 du code de la santé publique, l'eau minérale naturelle est "une eau microbiologiquement saine", "provenant d’une nappe ou d’un gisement souterrain exploité à partir d’une ou de plusieurs émergences naturelles ou forées constituant la source"

Elle se distingue des autres eaux destinées à la consommation humaine par : 

  • sa "nature, caractérisée par sa teneur, stable dans le temps, en minéraux, oligoéléments ou autres constituants" ;
  • sa "pureté originelle".

Une série de dysfonctionnements

Le rapport fait état d'"une impressionnante série de dysfonctionnements [...] et qui conduisent à s’interroger sur les capacités d’actions de l’État".

Un premier signalement de traitements non autorisés sur les eaux minérales par un salarié de Sources Alma, fin 2019, a déclenché une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette dernière a révélé le recours, chez plusieurs industriels, à des microfiltrations inférieures au seuil de 0,8 micron, considéré depuis 2001 par les autorités sanitaires comme "seuil limite" afin d’éviter un impact sur la composition de l’eau.
Le 31 août 2021, Nestlé Waters a rencontré, à sa demande, le cabinet de la ministre déléguée chargée de l’industrie et reconnu l’utilisation dans certaines de ses usines de filtres à charbon actif et de traitements ultraviolets qui sont des mesures de désinfection, strictement interdites.

La fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l’eau, aurait dû donner lieu à un signalement des délits présumés par les autorités au Procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Seule une mission d'inspection a été lancée. La commission d'enquête constate qu'aucune décision administrative de déclassement des eaux ou de suspension des forages incriminés n'a été prise.

Parmi les différents dysfonctionnements de l'administration, le rapport relève notamment :

  • un travail "en silo", avec un manque de communication entre les administrations centrales, entre les administrations centrales et les administrations locales mais aussi entre les administrations locales entre elles ;
  • l'absence des ministres dans le processus décisionnel, les cabinets ministériels prenant les "décisions importantes et aux marges de la légalité".

Rénover un dispositif de contrôle trop complexe

Afin de préserver l'avenir des eaux minérales, le rapport préconise notamment de : 

  • finaliser dans les meilleurs délais un protocole entre les ministères chargés de la santé, de la consommation et de l’agriculture précisant les rôles des trois autorités compétentes et garantissant une plus grande coordination entre les différentes autorités centrales et locales ;
  • saisir la Commission européenne pour obtenir une révision de la directive sur les eaux minérales naturelles afin de consolider la notion de pureté originelle, notamment "en fixant un seuil de microfiltration suffisamment haut pour garantir sa préservation" ;
  • modifier la réglementation pour écarter la microfiltration avec des seuils de coupure inférieurs à 0,45 micron et conditionner la microfiltration avec des seuils compris entre 0,45 et 0,80 micron à la démonstration d’une absence d’impact sur le "microbisme naturel de l’eau" ;
  • renforcer l’information du consommateur sur le recours éventuel à la microfiltration lorsqu’elle est autorisée par des arrêtés préfectoraux, grâce à une information sur l’étiquette.