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© ERIC FEFERBERG / AFP

Essais nucléaires en Polynésie : un enjeu mémoriel à l'égard des Polynésiens

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

La commission d'enquête parlementaire chargée d'analyser les conséquences des essais nucléaires sur la santé des populations de la Polynésie française estime qu'une "demande de pardon" devrait être exprimée par la France auprès des populations polynésiennes.

Pour mettre au point et développer l'arme nucléaire, la France a organisé 210 essais entre 1960 et 1996, dont 193 en Polynésie française entre 1966 et 1996.

Le rapport déposé le 10 juin 2025 revient sur les raisons qui ont amené la France à réaliser les essais nucléaires en Polynésie à partir des années 1960. Le document formule 45 recommandations en faveur d'une meilleure reconnaissance par la France des conséquences de ces essais sur la Polynésie et ses habitants.

Un enjeu mémoriel

Le rapport recommande qu'une "demande de pardon sincère et sans repentance de la Nation à l’égard de la Polynésie" soit inscrite dans la loi organique du 27 février 2004 sur le statut d’autonomie de la Polynésie française.

Le démantèlement du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) interroge sur la façon dont les Polynésiens pourraient se réapproprier les zones d'essais. Toutefois, de nombreux lieux restent fortement contaminés. Lors de son audition, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a déclaré que l’atoll de Moruroa sera toujours gardé militairement : "Il n’y aura jamais de rétrocession, parce que les puits souterrains dans lesquels les essais ont été effectués entre 1974 et 1996 permettraient à n’importe quelle puissance étrangère qui y accéderait de comprendre un certain nombre de choses et de favoriser ainsi la prolifération".

La commission d’enquête recommande par ailleurs de :

  • garantir l’accès aux archives en trouvant un équilibre entre la préservation du secret et l’exigence de transparence ;
  • établir une évaluation des coûts et des bénéfices des activités du CEP, pour la France et en particulier pour la Polynésie française, en se concentrant sur les dimensions économiques et industrielles ;
  • permettre l’accès uniforme de tous les vétérans du CEP au suivi médical post-professionnel ;
  • mener des recherches sur l'existence d'effets transgénérationnels de l'exposition aux rayonnements ionisants.

Des lacunes dans le cadre juridique permettant l'indemnisation

La loi du 5 janvier 2010 dite "Loi Morin" relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français constitue le fondement de la prise en charge des conséquences sanitaires provoquées par les tirs nucléaires français.

Ce dispositif connaît des limites car les conditions pour accéder à l’indemnisation sont complexes. Surtout avant 2017, la notion de "risque négligeable" excluait une grande partie des victimes lorsqu’il était estimé que leur exposition avait été réduite. Après 2017, ce critère est supprimé mais le Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires (Civen) introduit, en 2018, un critère d’exposition, à une dose annuelle d'au moins 1 millisievert (mSv). Pourtant, selon les rapporteurs, ce seuil n’a aucune valeur scientifique. En 2024, ce critère continue d’être utilisé. Sur les 575 dossiers examinés par le Civen en 2024, 243 ont été rejetés sur son fondement, soit 42% des demandes.

Par ailleurs, pour être éligible à l’indemnisation versée par le Civen, les demandeurs doivent faire état d’une maladie figurant dans la liste annexée au décret du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.