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© Matthieu RONDEL / AFP

Personnes privées de liberté : plus de 2 500 signalements d'atteintes aux droits fondamentaux en 2024

Temps de lecture  6 minutes

Par : La Rédaction

Surpopulation carcérale, conditions de détention indignes, atteintes aux droits des étrangers en centre de rétention administrative et à ceux des mineurs en centre éducatif fermé... Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) fait le bilan des établissements visités en 2024.

Le 7 juillet 2025, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié son rapport annuel pour l'année 2024. L'institution y fait état de la situation des établissements (prisons, centres éducatifs fermés, centres de rétention administrative...) visités au cours de l'année. 

Le CGLPL relève à nouveau diverses atteintes aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté. La plupart de ses recommandations sont les mêmes que les années précédentes, faute de leur prise en compte par l'administration.

133 lieux de privation de liberté visités

En 2024, le CGLPL a visité 133 lieux de privation de liberté, parmi lesquels : 

  • 47 locaux de garde à vue ;
  • 30 établissements de santé mentale ;
  • 23 établissements pénitentiaires ;
  • 12 hôpitaux recevant des personnes privées de liberté ;
  • 8 centres éducatifs fermés (CEF) ;
  • 8 geôles au sein de tribunaux ;
  • 2 unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) ;
  • 2 centres de rétention administrative (CRA).

L'institution continue, chaque année, d'être saisie de courriers de signalements d'atteintes aux droits fondamentaux (plus de 2 500 en 2024). Malgré ses recommandations, les atteintes aux droits des personnes privées de liberté ne cessent de s'aggraver. Le CGLPL constate par ailleurs des retards dans les réponses apportées - voire une absence de réponse - par les différents ministres sollicités.

Dernière visite en date, effectuée en urgence : le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne). Mettre fin à l'inertie face au niveau de surpopulation carcérale, assurer un meilleur suivi de la dératisation et de la désinsectisation de l'établissement, améliorer l'accès aux soins en santé mentale... Face à "la persistance de graves dysfonctionnements affectant la prise en charge des personnes détenues", le CGLPL a réitéré le 4 juillet 2025 des recommandations déjà formulées lors de sa précédente visite de la prison, en 2021. L'institution salue l'ordonnance rendue le 25 juillet 2025 par le Tribunal administratif de Toulouse, qui enjoint au ministre de la justice de prendre plusieurs mesures d'urgence pour remédier à ces conditions de détention indignes. 

Des recommandations non suivies en matière de surpopulation carcérale

La surpopulation carcérale continue de croître en France. Au 1er avril 2025, le CGLPL dénombre 82 921 personnes détenues pour seulement 62 358 places. Plus de la moitié des détenus sont incarcérés dans une prison dont le taux d'occupation est supérieur à 150%. Les maisons d'arrêt, qui accueillent des prévenus placés en détention provisoire et des condamnés incarcérés pour moins de deux ans, continuent d'être surexposées à ce phénomène. Le taux d'occupation moyen y était de plus de 161% en 2024, et plusieurs maisons d'arrêt étaient occupées à plus de 200%. 

Conséquences de la saturation des prisons : une explosion du nombre de matelas au sol, faute de lits suffisants, des cours de promenade trop exiguës pour accueillir l'ensemble des personnes incarcérées... Les conditions de détention demeurent indignes, avec des cellules vétustes, souvent infestées de rats, de punaises ou de cafards. La France a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en raison des conditions de détention indignes subies par les détenus (voir l'arrêt du 30 janvier 2020, J.M.B. et autres c. France).

La surpopulation carcérale et les conditions de vie indignes ont des conséquences directes sur la santé des détenus, comme le met en lumière un rapport parlementaire publié le 10 juillet 2025 : le taux de personnes présentant un trouble psychiatrique est trois fois plus important que dans le reste de la population. En sortie de prison, deux tiers des hommes et trois quarts des femmes présentent un trouble psychiatrique ou addictif.

Le CGLPL énonce les mêmes recommandations que les années précédentes en vue de diminuer le nombre de personnes incarcérées. L'institution réitère sa position favorable à la mise en place d'une régulation carcérale contraignante. La Contrôleure générale a été auditionnée début juillet 2025 par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la mise en place d'un système de régulation carcérale. Le président de la commission s'est engagé à déposer une proposition de loi en ce sens. 

Toutefois, une autre proposition de loi, en cours d'examen au Parlement, envisage de rétablir les très courtes peines de prison ferme (moins d'un mois) et d'abroger la "quasi‑obligation" pour les juges d’aménager les peines de moins d'un an. Ces mesures permettraient d'incarcérer ou de maintenir détenues davantage de personnes, à l'encontre de l'objectif de diminution de la population carcérale.

Les atteintes aux droits dans les autres lieux de privation de liberté

En matière de psychiatrie, le rapport met en lumière les difficultés rencontrées par les hôpitaux pour recruter du personnel médical et paramédical. Résultat : la capacité d'accueil des hôpitaux baisse, les durées d'attente aux urgences s'allongent... Le CGLPL relève également la persistance de pratiques illégales telles que l'isolement non justifié ou les mesures de contention. 

Concernant la rétention administrative des étrangers, le CGLPL réitère son constat de 2023, ses recommandations étant systématiquement "laissées sans suite". L'autorité administrative fait à nouveau état d'une majorité de prises en charge "gravement attentatoires à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes retenues". Malgré ce constat, une proposition de loi en cours d'examen prévoit d'étendre à davantage de ressortissants étrangers la possibilité d'allonger la durée de rétention (jusqu'à 210 jours).

Au sein des centres éducatifs fermés, où sont placés des mineurs délinquants dès l'âge de 13 ans, le CGLPL relève des progrès en matière de stabilité du personnel. Néanmoins, les conditions matérielles d'accueil demeurent insuffisantes. L'éducation des jeunes, objectif premier de leur placement dans ce type de structure, reste très en deçà de leurs besoins. Les possibilités de placer des jeunes en centre éducatif fermé ont été élargies par la loi du 23 juin 2025 visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.

Les atteintes aux droits persistent également dans les locaux de garde à vue et dans les geôles des tribunaux : cellules petites, non chauffées, sans toilettes ni eau, accès aux produits hygiéniques limité...