"Afin de doter la justice d’une boussole stratégique, il convient de nommer les rapports de domination des hommes sur les femmes comme socle de la réflexion judiciaire sur le sujet des violences." Le rapport publié le 25 novembre 2025 vise à changer de modèle face aux violences contre les femmes.
Les deux magistrats auteurs du rapport formulent dix propositions pour diminuer le nombre de féminicides.
Des violences fondées sur le genre
Il existe un continuum entre le sexisme et les féminicides. Pendant des années, on s’est surtout concentré sur l’écoute et la protection des femmes. Il faut désormais s’attaquer plus directement au comportement des hommes souligne le rapport.
Les deux magistrats dénoncent "des formes d’inertie, de résistance, ou même de déni, de la part des membres ou partenaires de l’institution", affirmant que "la France n'a pas fait sa révolution du genre. La justice non plus".
Les rapporteurs pointent également l'absence de spécialisation de la justice contre les violences intrafamiliales (VIF) et dénoncent la disparité qui "laisse les victimes nous exprimer leur sentiment de loterie".
Ainsi, à l'inverse, l'Espagne, en pensant les violences faites aux femmes comme "un ordre de domination", a créé "des juridictions uniquement dédiées au jugement des hommes violents, inscrits dans une logique de dévalorisation et d’appropriation."
Les violences contre les femmes en chiffres
Plus de trois femmes par jour sont victimes de féminicides ou de tentatives de féminicides en France en 2024 selon la dernière Lettre annuelle de l'Observatoire national des violences faites aux femmes. Sur les 272 382 victimes de violences conjugales enregistrées en 2024, 84% sont des femmes. Les mis en cause sont principalement des hommes (85%).
Que contiennent les dix propositions du rapport ?
Face à ce constat, les magistrats formulent dix propositions pour faire baisser le nombre de féminicides, avec en particulier :
- expérimenter un juge spécialisé dans les violences intrafamiliales et des chambres VIF et organiser des audiences communes entre le civil et le pénal (aujourd'hui, le pénal est jugé en premier ce qui conduit par exemple au prononcé du divorce longtemps après une condamnation pour violence) ;
- mettre en place un outil judiciaire global, un "code des VIF" ;
- supprimer l'appellation "classement sans suite" au profit d'enregistrement sans poursuite ;
- renforcer le contrôle coercitif des hommes violents ("cesser d’expertiser la femme victime au profit de la description des comportements de l’homme auteur") ;
- protéger le mineur par une ordonnance provisoire de placement parental ;
- remettre en cause l'incapacité totale de travail (ITT) en faveur d'une nouvelle évaluation des conséquences des violences intrafamiliales.
