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Législation "omnibus" : le pacte vert pour l'Europe est-il toujours d'actualité ?

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

La Commission européenne a publié, en février 2025, un projet de simplification des textes européens (législation "omnibus") liés au pacte vert pour l'Europe afin de renforcer la compétitivité des entreprises européennes. De son côté, le Parlement européen a voté, le 13 novembre 2025, en faveur d'une révision de certains dispositifs du pacte vert.

Dans le contexte des réglementations liées au pacte vert pour l'Europe, la proposition de législation omnibus publiée le 26 février 2025 a pour objectif d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises européennes engagées sur la voie de la transition écologique. Son ambition est de simplifier la publication d'informations en matière de durabilité, de devoir de vigilance et de taxonomie. Elle doit aussi faciliter les activités commerciales des petites entreprises à moyenne capitalisation. 

Il s'agit avant tout de réduire les charges administratives et réglementaires tout en maintenant les objectifs de transition écologique.

Concernant les règlementations liées au pacte vert pour l'Europe, le projet s’inscrit dans le cadre de la boussole pour la compétitivité adoptée fin janvier 2025 par les dirigeants de l’UE.

Deux rapports ont en effet récemment souligné la perte de vitesse de l'industrie européenne par rapport à celles de la Chine ou des États-Unis. Les deux rapports constatent que le principal moteur de ces évolutions divergentes est la productivité. Le premier commandé par le Conseil européen est le rapport d’Enrico Letta publié en avril 2024. Le deuxième rapport est celui commandé par la Commission européenne : il s'agit du rapport élaboré par Mario Draghi sur la compétitivité qui a été rendu public le 9 septembre 2024.

Initiative omnibus de simplification européenne : la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) alerte contre toute dérégulation 

Dans un courrier du 10 février 2025, le président de la CNCDH s'inquiétait de la position de la France concernant l’initiative de "législation omnibus" annoncée par la Commission européenne. En effet, selon la CNCDH, les instruments de l’UE sur la conduite responsable des entreprises et le développement durable comme, entre autres, la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ou encore le règlement sur la taxonomie, sont susceptibles d’être remis en cause, voire vidés de leur substance.

Les propositions législatives de la Commission concerne cinq domaines différents :

  • la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) : conçue comme un outil visant à tenir les entreprises responsables des violations des droits de l'Homme et de l’environnement, elle a été revue à la baisse. Si l’idée de base demeure, le devoir de vigilance se concentrera désormais sur les partenaires commerciaux directs, plutôt que sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement ;
  • la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) : adoptée pour augmenter la transparence des entreprises sur leurs impacts environnementaux et sociaux, elle est réduite. Le cadre révisé supprime 80% des entreprises de son champ d’application, limitant les obligations de déclaration aux entreprises de plus de 1 000 salariés ;
  • le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : ce dispositif, le premier au monde, restera en grande partie inchangé ;
  • le règlement établissant la taxonomie : la taxonomie verte qui s’appliquait à toutes les entreprises s’appliquera désormais aux entreprises de plus de 1 000 employés et ayant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros tout en restant optionnelle pour les autres entreprises ;
  • le Fonds InvestEU : la Commission européenne propose d'augmenter de 2,5 milliards d'euros la garantie fournie par InvestEU, le programme phare de l'Union européenne destiné à soutenir l'investissement durable.

Une loi "omnibus" regroupe plusieurs révisions de textes existants sous une seule et même proposition

Une loi "omnibus" désigne, dans le cadre de la législation européenne, un texte de loi portant à la fois sur plusieurs sujets. Il peut s'agir d'une directive ou d'un règlement européen, dont l’objectif principal est de simplifier, d'harmoniser ou d'adapter le cadre réglementaire pour répondre à des enjeux spécifiques, tout en réduisant la complexité administrative pour les parties prenantes. Cet instrument réglementaire européen a déjà été utilisé par le passé.

Comment trouver un équilibre pour faire progresser l'Europe sur le chemin de la transition, tout en maintenant la compétitivité de l'Europe sur les marchés mondiaux ?

Parmi les explications apportées dans la proposition omnibus, la Commission insiste notamment sur le nouveau et difficile contexte européen et international dans lequel la CSRD et la CSDDD sont désormais mises en œuvre :

  • guerre de la Russie contre l'Ukraine ;
  • augmentation des prix de l'énergie ;
  • tensions commerciales internationales au fur et à mesure que l'ordre international change ;
  • approches différentes adoptées par d'autres grandes juridictions qui soulèvent des questions relatives à la position concurrentielle des entreprises européennes ;
  • capacité de l'UE à préserver et à protéger ses valeurs qui dépend, entre autres, de la capacité de son économie à s'adapter et à être compétitive dans un contexte politique instable et parfois hostile.

Pourquoi le pacte vert ("green deal") pour l'Europe est-il inédit ? 

Le pacte vert est inédit dans l’histoire des politiques publiques. La réforme normative qui s’en est suivie est plurielle : la transition énergétique va de pair avec l’émergence d’une économie circulaire, la résorption des pollutions, l’amélioration de la qualité de la vie, l’essor d’une agriculture biologique, ainsi qu’une approche écosystémique.

À la différence des programmes environnementaux précédents, ce pacte mobilise tous les secteurs de la société pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. En raison de l’importance des investissements, sa mise en œuvre s’avère coûteuse. Avec plus de 150 actes adoptés, le pacte vert a produit "l'onde de choc législative" la plus forte depuis la création du marché unique en 1986.

Dans un vote marqué par une alliance inédite pour un texte européen entre, d'une part, le Parti populaire européen et les Conservateurs et réformistes européens ainsi que, d'autre part, les Patriotes pour l'Europe, les eurodéputés ont approuvé, le 13 novembre 2025, la révision, entre autres, de deux textes liés au pacte vert pour l'Europe :

  • la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) ;
  • la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité  (CSDDD).

Par 382 voix pour, 249 voix contre et 13 abstentions, le Parlement européen a ainsi adopté sa position de négociation sur la simplification des obligations d’informations des entreprises en matière de durabilité et de devoir de vigilance. Les négociations avec les gouvernements européens ont commencé le 18 novembre 2025, avec pour objectif de finaliser la législation européenne d’ici la fin de l’année 2025.

Rapport sur la durabilité

Le seuil d’application du texte a été rehaussé pour ne s’appliquer qu’aux entreprises de plus de 1 750 salariés (alors qu'auparavant, ce seuil concernait les entreprises de plus de 250 salariés) et réalisant plus de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les rapports ont également été allégés.

Devoir de vigilance

Les obligations liées au devoir de vigilance doivent s’appliquer seulement aux très grandes entreprises de plus de 5 000 employés avec un chiffre d'affaires annuel net supérieur à 1,5 milliard d'euros.

Les eurodéputés ont aussi supprimé le régime de responsabilité civile européenne – ce cadre juridique qui devait initialement permettre aux victimes d’attaquer les entreprises en justice en cas d’atteinte aux droits humains ou à leur environnement. Désormais, le choix d’appliquer ou non ce cadre dépendra de la seule volonté des États européens.

 
Ce paquet de simplification concerne les directives sur le devoir de vigilance européen (CS3D) et sur le reporting de durabilité (CSRD).
Ce paquet de simplification concerne les directives sur le devoir de vigilance européen (CS3D) et sur le reporting de durabilité (CSRD).