La motion de censure est un mécanisme institutionnel qui permet au Parlement de renverser le Gouvernement en place. Elle est l'incarnation du lien de confiance entre Gouvernement et Parlement et contribue à l'équilibre des pouvoirs, ici du législatif et de l'exécutif.
Les modalités d'une motion de censure sont établies par des règles constitutionnelles précises : nombre de parlementaires requis pour le dépôt, calendrier d'examen et de vote, majorité nécessaire pour son adoption...
Une motion de censure peut être simple ou constructive. La motion constructive contient une condition pour l'avenir, ce qui n'est pas le cas dans la version simple. Concrètement, cela signifie que la motion constructive nécessite, pour être déposée, la conclusion d'un accord sur un nouveau gouvernement. Le gouvernement peut être renversé à la condition qu'une majorité se soit entendue au Parlement sur la composition d'un futur gouvernement.
La Constitution de la Ve République prévoit la motion de censure simple. Seuls les députés peuvent voter une motion de censure (le Sénat ne peut pas renverser le gouvernement). Une motion de censure peut être déposée dans deux cas :
- à l'initiative des députés ;
- après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte.
Si elle est à l'initiative des députés, elle est appelée motion de censure spontanée (article 49 al. 2 de la Constitution). Pour être déposée, elle nécessite la signature du dixième des membres de l'Assemblée nationale, aucun député ne pouvant signer plus de trois motions au cours d'une session ordinaire (et plus d'une au cours d'une session extraordinaire). La discussion de la motion intervient 48 heures après son dépôt et doit intervenir au cours des trois jours qui suivent ce délai. Enfin, elle doit réunir, pour être adoptée, la majorité absolue des députés composant l'Assemblée, (pas uniquement des députés présents). Seules les voix "pour" comptent.
La motion de censure provoquée est régie par l'article 49 al. 3 de la Constitution. Ici, le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée sur tout ou partie d'un texte. À nouveau, la signature d'un dixième des membres de l'Assemblée est nécessaire pour son dépôt. L'adoption (à la majorité absolue) de la motion de censure entraîne la démission du gouvernement. Le texte sur lequel le gouvernement avait engagé sa responsabilité est considéré comme rejeté. La réforme constitutionnelle de 2008 a limité cette motion de censure à un projet ou une proposition de loi par session (hors lois de finances et de financement de la sécurité sociale).
Après l'adoption d'une motion de censure, le Premier ministre remet au président de la République sa démission et celle de son gouvernement. Un nouveau Premier ministre doit alors être nommé. Le délai de nomination n'est pas précisé dans la Constitution, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes.
Depuis 1958, on compte 65 motions de censure spontanées déposées à l'Assemblée nationale. Seule la motion déposée en 1962 contre le gouvernement de Georges Pompidou a été adoptée contraignant le Premier ministre a présenté la démission de son gouvernement.
Sous la Ve République, on compte entre 0 et 7 motions de censure spontanées par Premier ministre. Les Premiers ministres Georges Pompidou (1962-1968), Raymond Barre (1976-1981) et Pierre Mauroy (1981-1984) ont dû faire face, chacun, à sept motions de censure spontanées.
Par ailleurs, on comptabilise 114 engagements de la responsabilité du Gouvernement entre 1958 et 2024 qui ont provoqué le dépôt de 84 motions de censure. Une seule motion de censure provoquée a été adoptée : la motion de censure votée le 4 décembre 2024 contre le gouvernement de Michel Barnier.
Censurer le gouvernement pour ne pas simplement le renverser, mais pour en même temps présenter une nouvelle équipe gouvernementale, disposant d'une majorité, est une possibilité inscrite dans plusieurs constitutions en Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, Hongrie, Pologne et Slovénie). La motion de censure constructive est présentée comme un instrument susceptible d'assurer une meilleure stabilité politique, car elle évite la période de flottement entre deux gouvernements.
Pour ses défenseurs, la motion de censure constructive :
- tend à éviter la formation de coalitions d'opportunités poursuivant le seul but de renverser le Gouvernement en place. De telles "coalitions des contraires" sont plus faciles à trouver qu'une coalition qui est capable de s'entendre sur une équipe gouvernementale ;
- donne au Parlement la possibilité de se mettre d'accord sur le choix du futur Premier ministre. En cela, elle peut être un renfort de la démocratie parlementaire.