Rapport d'information (...) relatif aux inégalités territoriales d'accès aux soins

Remis le :

Auteur(s) : Bruno Rojouan

Auteur(s) moral(aux) : Sénat. Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

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Deux ans après la publication du rapport de mars 2022 sur le volet "renforcer l'accès territorial aux soins", qui dressait un état des lieux sombre, le rapporteur a exercé son "droit de suite". Le constat d'une situation en voie de dégradation est toujours d'actualité. La France a perdu 2 500 praticiens généralistes, portant leur nombre à 99 500 depuis 2022. Les projections indiquent une poursuite de cette diminution jusqu'en 2028 et l'atteinte d'un seuil critique de 92 500 praticiens. Les prévisions à plus long terme – une hausse de 35 % du nombre de généralistes attendue en 2050 par rapport à 2020 – sont moins certaines.

Le rapporteur présente les évolutions législatives intervenues depuis 2022, destinées à corriger cette situation. Le déploiement des assistants médicaux a permis de reconquérir du temps de soins, en déléguant une partie des tâches administratives périphériques à la consultation médicale. L'ouverture de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) poursuit son essor, largement plébiscité par les soignants : le territoire national compte désormais près de 2 500 MSP, souvent dans des territoires peu denses. L'extension des compétences des professionnels de santé permet de s'appuyer efficacement sur les professions qui sont les mieux représentées dans les territoires et qui restent encore trop méconnues.

Malgré le renoncement au numerus clausus, la hausse des étudiants en santé est neutralisée par une hausse du nombre d'abandons, particulièrement dans le cas des études d'infirmier. Par ailleurs, la territorialisation des études de santé est insuffisante ; la concentration géographique autour des centres hospitalo-universitaires des métropoles et l'absence de stages effectués dans les zones sous-dotées accentuent les disparités territoriales d'accès aux soins, les étudiants s'installant difficilement dans des territoires qu'ils n'ont jamais fréquentés.

Le rapporteur dresse une comparaison avec le système allemand de "planification des besoins" de santé qui permet d'assurer une répartition plus équitable des soignants sur le territoire. Enfin, il liste 38 recommandations, regroupées en trois axes :

  • cibler des solutions adaptées aux zones les moins bien dotées ;
  • accentuer les transferts de compétences des médecins vers les autres professions de santé ;
  • renforcer les efforts d'augmentation et de territorialisation des capacités de formation en santé.

L'ESSENTIEL

MISSION D'INFORMATION SUR LES DISPARITÉS TERRITORIALES D'ACCÈS AUX SOINS

I. LES MESURES PRISES POUR RÉPONDRE À LA DÉGRADATION DE L'ACCÈS AUX SOINS SONT INSUFFISANTES ET DÉNUÉES DE VISION D'ENSEMBLE

A. EN DÉPIT D'UN CONSTAT PARTAGÉ SUR L'URGENCE D'AGIR, LES GOUVERNEMENTS PRÉCÉDENTS N'ONT PAS DÉPLOYÉ DE STRATÉGIE GLOBALE POUR ENDIGUER LA DÉTÉRIORATION DE L'ACCÈS AUX SOINS
1. L'offre de soins est globalement insuffisante, la trajectoire poursuit sa détérioration et les disparités d'accès aux soins s'accentuent
2. Malgré l'adoption d'une multiplicité de mesures législatives issues des véhicules divers, les Gouvernements précédents ne sont pas encore parvenus à apporter de réponse cohérente et globale aux difficultés d'accès aux soins
3. La publication au compte-gouttes des textes d'application des lois votées affaiblit la portée des mesures adoptées par le Parlement et en ralentit le déploiement opérationnel

B. LES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LES DISPARITÉS TERRITORIALES ET SOCIALES D'OFFRE DE SOINS ET POUR GARANTIR UN ACCÈS GÉNÉRALISÉ AUX SOINS NON PROGRAMMÉS RESTENT ENCORE LIMITÉES
1. Les mesures de soutien à l'offre de soins dans les zones médicalement sous-dotées ne répondent pas aux attentes de leurs populations
2. Les mesures à destination des publics les plus fragiles ont des effets positifs, mais qui ne sont pas encore complètement satisfaisants
3. Les mesures destinées à garantir la permanence des soins sont encore trop réduites au regard des objectifs de désengorgement des urgences hospitalières

C. DES MESURES CERTES BIENVENUES, MAIS PARTIELLES ET INCOHÉRENTES, ONT ÉTÉ PRISES AFIN DE DÉGAGER DU TEMPS MÉDICAL UTILE ET S'APPUYER SUR L'ENSEMBLE DES PROFESSIONS DE SANTÉ POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DE SOINS
1. Les professionnels de santé ont bénéficié de nombreuses mesures tendant à réduire leur charge administrative et améliorer leurs conditions d'exercice
2. Un mouvement encore hétérogène et peu lisible d'extension des compétences et des modalités d'accès aux professionnels de santé a été amorcé

D. L'ACCROISSEMENT DES CAPACITÉS DE FORMATION EN SANTÉ EST ENCORE TROP LENT ET TROP PARTIELLEMENT CENTRÉ SUR LES TERRITOIRES MÉDICALEMENT SOUS-DOTÉS
1. Les récentes réformes des études de santé n'ont pas résolu le problème de la faible réussite des étudiants en premier cycle post-bac
2. Le mouvement de hausse du nombre d'étudiants reste en deçà des besoins de formation
3. La territorialisation des études de santé est encore trop réduite

II. UN CHANGEMENT DE PARADIGME EST NÉCESSAIRE AFIN D'ASSURER UN ACCÈS AUX SOINS ÉQUITABLE POUR LES FRANÇAIS

A. DES MESURES D'URGENCE SONT IMPÉRATIVES AFIN DE RÉPONDRE AUX BESOINS DES ZONES LES MOINS MÉDICALEMENT DOTÉES
1. Pour remédier au besoin impérieux de soignants dans les zones sous-dotées, une régulation de l'installation est nécessaire
2. La téléconsultation doit être davantage encadrée afin qu'elle puisse répondre avec plus de justesse aux besoins des publics les plus éloignés des soins
3. Les visites à domicile de professionnels de santé doivent être encouragées afin d'assurer l'accès aux soins des publics les plus isolés et défavorisés
4. Afin d'assurer une réponse adaptée aux besoins de soins non programmés, il est nécessaire d'améliorer la qualité de la permanence de soins

B. IL EST NÉCESSAIRE D'ACTIONNER TOUS LES LEVIERS DISPONIBLES POUR LIBÉRER DU TEMPS MÉDICAL AU SERVICE DES PATIENTS
1. L'accompagnement des professionnels de santé lors de leur installation doit être renforcé
2. L'exercice collectif doit être facilité et les structures de soins mieux adaptées aux besoins des territoires
3. Les mesures tendant à réduire le temps administratif des professionnels de santé doivent être accentuées

C. POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DE SOINS, IL FAUT RECOURIR PLUS INTENSÉMENT À L'ENSEMBLE DES COMPÉTENCES DES PROFESSIONS DE SANTÉ
1. La coordination entre les professionnels de santé dans les territoires doit être pensée au plus proche des besoins
2. Un mouvement cohérent de redéfinition de l'ensemble des compétences de certains professionnels de santé pourrait être mené
3. Les modalités d'accès aux masseurs-kinésithérapeutes pourraient être assouplies afin de simplifier le parcours de soins et de limiter les consultations inutiles

D. L'AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE FORMATION DES ÉTUDES DE SANTÉ DOIT ALLER DE PAIR AVEC UN CHOC DE TERRITORIALISATION
1. Il est nécessaire de poursuivre l'augmentation des capacités de formation et de veiller à l'attractivité de l'ensemble des filières de santé
2. Un choc de territorialisation des formations doit être mené au bénéfice des territoires les plus éloignés des centres hospitalo-universitaires

LISTE DES PROPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

TRAVAUX EN COMMISSION
Désignation d'un rapporteur (Mercredi 6 mars 2024)
Table ronde "L'équité territoriale en matière d'accès aux soins" (Mercredi 27 mars 2024)
Examen du rapport d'information (Mercredi 13 novembre 2024)

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
DÉPLACEMENT EN ALLEMAGNE
TABLEAU DE MISE EN ŒUVRE ET DE SUIVI
ANNEXE - LÉGISLATION COMPARÉE - NOTE SUR L'INSTALLATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ EN ALLEMAGNE

L'INSTALLATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ EN ALLEMAGNE
1. Le cadre général : l'organisation de la médecine de ville en Allemagne
2. Les dispositifs de régulation de la couverture territoriale
3. Les obligations en matière de permanence de soins

  • Autre titre : Inégalités territoriales d'accès aux soins : aux grands maux, les grands remèdes
  • Type de document : Rapport parlementaire
  • Pagination : 202 pages
  • Édité par : Sénat
  • Collection : Les Rapports du Sénat
  • Numéro dans la série : 137