Texte intégral
Monsieur le président,
mesdames et messieurs les présidents,
Merci de votre accueil. Permettez moi de dire à J. Puech, votre président [...]. Je suis heureux de me retrouver ici. Nos relations anciennes et amicales nous permettent aujourd'hui de voir notre feuille de route ensemble, avec confiance. Je voudrais saluer chacune et chacun des présidents des conseils généraux ici présents, et leurs collègues membres de leur assemblée. Juste un mot particulier puisque je ne peux pas citer tout le monde pour P. Richert, le départemental de l'étape, pour dire que je suis heureux de le retrouver. Un mot aussi pour Corinne, de Corrèze, qui m'a remis rien ne peut s'improviser dans les départements ce manifeste qui m'intéresse au premier chef et dont je vais vous parler. Je salue aussi mon président de Conseil général, le président Monory.
Un mot tout particulier pour le président de l'Assemblée nationale, mon ami J. L. Debré, et le président du Sénat, mon ami C. Poncelet. Merci à chacune et chacun d'entre vous.
La rencontre d'aujourd'hui est importante par votre nombre, par votre mobilisation, par les forces que vous représentez, mais aussi par le moment qui nous rassemble, à un moment où nous voulons engager notre pays pour cet acte 2 de la décentralisation.
Nés avec la République, les départements ont d'évidence leur place dans le renouveau de la République. C'est de la République que nous devons partir et c'est pour elle, d'abord, que nous devons nous engager. Le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger est né dans ce mois de mai 2002 où les Français nous ont fait part de leurs craintes quant à l'avenir de la République. Ils nous ont fait part de leurs exaspérations sur les lourdeurs et les lenteurs de cette République, sur cette politique qui leur apparaît trop souvent comme impuissante, comme inefficace. Et en même temps que certains se réfugiaient dans l'intolérance, d'autres dans l'abstention, quinze jours après, ils ont su, les Françaises et les Français, se rassembler pour affirmer haut et fort qu'ils tenaient au pacte républicain, et à ses valeurs : Liberté, Egalité, Fraternité. Ils contestaient le fonctionnement de notre République, mais en même temps, ils adhèrent aux valeurs de cette République. Et ces valeurs, ils veulent pouvoir y avoir accès directement, qu'elles ne soient pas simplement écrites sur les frontons de nos édifices, mais que Liberté, Egalité, Fraternité, ce soit dans la vie quotidienne accessible à chacune et chacun des Français.
Ce message républicain est au coeur de l'action que j'ai l'honneur de conduire. C'est pour cela que je vous remercie de vous être rassemblés ainsi dans une association au delà des clivages politiques. Nous ne travaillons pas pour la droite, pour la gauche. Nous ne travaillons pas pour un parti, nous travaillons pour notre pacte républicain, pour notre vivre ensemble. Nous travaillons pour que notre pays ait l'organisation publique qu'il mérite. C'est cela l'ambition qui est la nôtre. C'est pour cela que les choses sont difficiles. C'est pour cela que nous avons besoin d'être ensemble.
Ces valeurs qu'il nous faut défendre, je crois que les uns et les autres, nous avons bien conscience que par une organisation décentralisée de la République, on pourra donner de la force à ces valeurs et à leur perception par les Français.
Dans ce contexte là, je vois deux grandes priorités pour un pays comme le nôtre, un pays au fond à la fois extrêmement diversifié, et c'est tant mieux, mais en même temps, extrêmement unifié, avec une dimension à taille humaine.
Deux mots qui doivent être les clés de notre organisation politique : la cohérence, et notamment la cohérence nationale, et la proximité, et notamment la proximité locale. Il va de soi aujourd'hui qu'un pays comme la France a besoin de la cohérence, parce qu'un certain nombre de décisions doivent être prises pour tous, dans un espace cohérent de vie humaine. Mais la cohérence sans proximité, c'est le jacobinisme, c'est la centralisation, c'est la distance. Nous avons besoin de proximité. Mais la proximité sans cohérence, ça peut aussi être la dispersion, les inégalités, les difficultés pour les plus fragiles. Et donc, il faut certes de la proximité, il faut corriger les effets de la proximité par la cohérence et corriger les effets de la cohérence par la proximité. Nous avons besoin d'avancer sur ces deux valeurs, simultanément. En privilégier une c'est faire boiter la France.
Nous avons donc ce besoin de défendre la cohérence et d'affirmer la proximité. La cohérence s'articule autour de toutes les collectivités territoriales de ce pays, notamment autour du couple Etat région. Je pense que la proximité, concerne beaucoup d'acteurs, mais elle est d'abord et avant tout le couple département commune, commune et les groupements de ces communes. C'est autour de ces valeurs de proximité que le département a construit sa légitimité. Alors, vous pouvez être certains que celui qui milite de tout son coeur pour la République des proximités saura trouver au département la place qui est la sienne.
Je ne fais pas partie de ceux qui doutent, qui craignent pour le département. Regardons nos pays voisins et amis, regardons les provinces en Espagne, regardons notre organisation européenne. Le département est cet espace de mobilisation humaine dont nous avons besoin, aujourd'hui peut être encore plus qu'hier, puisque quels que soient nos engagements politiques, le premier de nos adversaires, c'est le chômage. Le Président Puech le disait tout à l'heure : notre mobilisation première c'est l'emploi, c'est la bataille économique, c'est l'initiative locale, c'est le tissu social, la cohérence de ce tissu social. Et on voit bien qu'on a besoin sur le territoire, sur le social, priorité de notre vivre ensemble, que nous avons besoin de cet espace départemental.
Je crois vraiment que l'avenir du social, ce n'est pas dans les systèmes centralisés, qui s'asphyxient, qui ont toujours été victimes de la congestion cérébrale, c'est à dire par le haut, c'est au contraire en faisant en sorte qu'on puisse assurer l'avenir du social par le local, par le terrain , par les relations humaines, par la proximité, que l'on peut faire en sorte qu'on maintienne cette capacité de vivre ensemble sur nos territoires. Voilà pourquoi je tiens à vous dire clairement, aujourd'hui, que le département doit avoir toute sa place dans le renouveau de la République que nous appelons de nos voeux.
Pour engager cette perspective, le Gouvernement vous propose une démarche en cinq étapes.
La première étape, J. Puech l'a exprimé tout à l'heure, c'est d'abord et avant tout la simplification des procédures. Quand on voit les difficultés aujourd'hui qui sont celles des élus locaux, comment pouvons nous penser qu'on va mobiliser notre pays pour une plus grande dynamique des territoires, quand il faut empiler les Scot, les Crat, les Plu, les Docu, les Strats, et quelques autres objets administrativement identifiés. Il y a là une complexité paralysante.
Je remercie le président de l'Assemblée nationale, je remercie le président du Sénat d'avoir engagé d'ores et déjà, au sein des délégations et des commissions dans leurs assemblées, le travail qui va nous permettre d'ici la fin de l'année, d'avoir les propositions de loi qui suspendront ces procédures, de manière à ce que nous puissions aérer l'exercice. Nous le faisons au nom de la responsabilité des élus issus du suffrage universel. A force de les enfermer dans des procédures, dans des carcans administratifs et bureaucratiques, on leur enlève la capacité d'exercer la responsabilité. Et c'est la responsabilité qui est la vertu de la décentralisation. La décentralisation, ce n'est pas le partage des pouvoirs, la décentralisation c'est l'exercice des responsabilités au plus près du terrain, et si les décisions sont opaques, si les procédures sont illisibles, à ce moment là, la responsabilité est diffuse, elle est parfois ambiguë, et c'est ce qui conduit à la paralysie des procédures et à l'irritation des citoyens. Nous voulons donc faire en sorte qu'on puisse simplifier les dispositifs, et qu'on tienne notamment compte des territoires et de leur histoire d'organisation.
Je vous dis un mot clairement sur les pays. Je sais que le délégué à la Datar vous en parlé tout à l'heure. Mais pourquoi vouloir quadriller systématiquement toute la France dans cinq cents pays, avoir cinq cents organisations ? Quand il s'agit du pays historique, quand il s'agit d'un pays qui a fait les preuves de son histoire, bien sûr qu'il a sa légitimité. Mais de là à systématiquement aller essayer de rapprocher une commune avec une autre, en passant à quinze kilomètres de la grande ville, pour être sûr de pas être dans un autre pays, et surtout obtenir la majorité à la Crat car sans la Crat, pas d'avenir ce serait quand même quelque chose qui tournerait le dos au bon sens. Donc nous sommes très favorables. Et je tiens à vous dire que dans la logique qui est la mienne, de la cohérence et de la proximité, je crois que le département doit être le lieu où se dessine la carte infradépartementale. C'est aux départements de définir quelle est l'organisation infra départementale de son travail. [...] Et je demande aux préfets de faire en sorte que dans le volet territorial des contrats de plan, on puisse travailler avec différentes organisations structurelles, ici un SIVOM, là un pays, ailleurs une association, une fédération de communautés de communes. On n'oblige pas tout le monde à rentrer dans les mêmes types de procédure, à empiler les structures, pour avoir accès au volet territorial du contrat de plan. Autant je crois que la région doit prendre ses responsabilités dans les schémas, dans l'organisation d'un certain nombre de politiques de cohérence. Autant je crois qu'à l'intérieur du département, le département est le mieux placé pour définir le partenariat infra départemental en fonction de son histoire et de son organisation. C'est notre première étape, c'est une étape de simplification, c'est une étape de démocratie et de responsabilisation, elle sera engagée dès la fin de cette année grâce au concours de nos amis parlementaires.
Deuxième étape importante : la réforme constitutionnelle. Nous avons voulu placer dès le début le débat au niveau de la Constitution, parce que nous voulons bien montrer que nous sommes engagés dans une démarche de modernisation de notre République. Et donc nous voulons faire en sorte que la Constitution, notre texte fondamental, notre loi commune, puisse intégrer la décentralisation comme un des éléments majeurs de notre organisation. Il y avait des débats ici ou là. Notamment, j'entendais dire : est-ce qu'il faut mettre la décentralisation à l'article 1 de la Constitution ? A l'article 2 de la Constitution ? Tout cela pour savoir si la décentralisation est une technique ou une valeur. Pour moi, c'est une valeur. Une organisation qui est plus proche de ses destinataires a plus de valeur qu'une organisation qui tient à distance ceux dont on tire légitimité et ceux au service desquels elle doit exercer ses responsabilités. Nous allons, dans cette loi constitutionnelle, injecter cinq leviers de changement. Cela sert à ça, le texte constitutionnel : faire en sorte qu'on crée des leviers de changement, des leviers d'action qui, pour l'avenir, vont nous aider à moderniser la République.
Premier levier, il est très important, il l'est déjà dans nos textes européens, mais il faut le mettre dans notre texte français constitutionnel, c'est le principe de subsidiarité, c'est le principe de proximité. Ce qui est bien exercé au niveau local n'a pas besoin de monter au niveau supérieur. Seuls les problèmes qui ne sont pas résolus au niveau local montent au niveau supérieur. On raisonne à partir du bas, à partir du territoire, et non pas à partir du haut, à partir de la distribution des pouvoirs. Ce principe de responsabilité, ce principe de proximité, qu'est le principe de subsidiarité, est très important, et mon cher Jean, c'est ce principe là qui va nous permettre, dans la phase à laquelle je reviendrai tout à l'heure, la phase organique, de faire des transferts de compétences. Parce qu'à partir du moment où on reconnaît que le travail de proximité est bien fait au niveau par exemple du département, à ce moment-là, l'Etat peut transférer aux départements, par des transferts rapides et complets, des responsabilités qui seront mieux assumées au niveau départemental qu'au niveau national. C'est ce principe de proximité qui va nous permettre de faire des transferts de compétences.
Deuxième principe, deuxième levier de changement : le droit à l'expérimentation. C'est un élément aussi très important. Je suis d'accord pour dire "plus de transferts que d'expérimentation", mais il y a un certain nombre de sujets sur lesquels les expérimentations sont nécessaires. Vous le savez, nos compatriotes sont quelquefois hésitants vis-à-vis de certains changements, quand ils ont le sentiment que ces changements vont se faire contre eux.
Nous l'avons vu, par exemple sur le dossier de la régionalisation du ferroviaire. Au début, il y avait beaucoup d'hostilité au transport régional ferroviaire. Et puis finalement, en faisant l'expérimentation dans sept régions, les syndicats de salariés, les organisations professionnelles, les élus locaux, les usagers, les associations des uns et des autres ont travaillé sur le terrain. Ils sont entrés dans des logiques pragmatiques. Très souvent, quand les Français ont peur, ils se réfugient dans l'idéologie. Quand ils ont confiance, ils s'engagent dans le pragmatisme. A nous de faire en sorte que, par des expérimentations, on puisse mener des réformes qui associent les agents et les acteurs de ces réformes. On ne va pas faire des réformes dans le domaine de la santé, dans le domaine de la formation, dans le domaine de l'éducation contre les acteurs. On va le faire avec eux, qu'ils soient copilotes de ces réformes. C'est pour cela que nous avons besoin d'un certain nombre d'expérimentation, pour que l'ensemble des acteurs des réformes aient confiance dans le processus de réforme. Il ne s'agit pas de travailler pour les uns contre les autres. Il s'agit de travailler pour la France, pour notre République. Et de ce point de vue là, sur certains sujets particulièrement complexes, il nous faudra du temps, il nous faudra de l'expérimentation, il nous faudra laisser parler la réalité du terrain. C'est pour cela que ce droit à l'expérimentation sera reconnu dans la Constitution. Nous ferons en sorte aussi que le devoir de péréquation de l'Etat puisse être reconnu dans la Constitution.
Sur ces sujets, j'entends un certain nombre d'observateurs qui disent "Attention, la décentralisation, ce sont les inégalités !". Mais je ne sais pas où ils vivent ceux-là ?! Cela fait une vingtaine d'années que je fais de la politique sur le territoire, j'en ai vu des inégalités territoriales et j'en connais des gens aujourd'hui qui n'ont pas le téléphone mobile, et j'en connais qui doivent payer les pilônes, alors que d'autres l'ont eu gratuitement, j'en connais qui payent le TGV quand d'autres l'ont eu gratuitement, j'en connais des inégalités territoriales ! On en a vu des inégalités territoriales dans ce pays ! Et on ne peut pas dire aujourd'hui que l'ensemble des régions, l'ensemble des départements soient à égalité, ni dans les moyens donnés par l'Etat, ni dans les capacités à faire face aux difficultés. Cette inégalité des territoires est sous nos yeux aujourd'hui et nous voulons la résoudre. C'est pour cela que nous voulons que le principe de péréquation soit aujourd'hui développé. Je l'ai vu sur des grandes infrastructures : les premiers qui y avaient accès, ils n'avaient pas levé l'impôt ; mais ensuite, pour les autres qui arrivent derrière - c'est assez amusant dans le TGV -, plus on est loin, plus il faut qu'on paye. Ce sont des systèmes d'inégalité qui existent quand même. Il y a un coeur, qui paye moins que la périphérie en général. Dans ces dispositifs, si on n'organise pas des mécanismes financiers de péréquation, à ce moment-là, on ne pourra pas parler d'équité territoriale. C'est pour cela que nous voulons faire ces efforts, et notamment sur toutes ces infrastructures, qu'elles soient traditionnelles ou qu'elles soient aujourd'hui modernes et numériques. Car on voit bien combien la téléphonie mobile est un sujet majeur. C'est pour cela qu'après le CIAT de Limoges, il nous est paru nécessaire de pouvoir donner un sérieux coup de pouce. Et nous allons engager les installations, déjà de 200 premiers pilônes d'ici la fin de l'année, pour permettre cette capacité aujourd'hui à faire qu'une technologie soit équitablement répartie sur le territoire. Il y aura du travail à faire, cela ne se fera pas du jour au lendemain, je ne vous pas raconte d'histoire. Ce sera long, mais il faut accepter cette idée que c'est une priorité nationale de faire en sorte que les Français soient à égalité de service, notamment quand il s'agit de la téléphonie mobile ou du haut débit, qui sont des clés du développement d'avenir.
Le respect de l'autonomie financière, c'est un sujet difficile. On ne sait pas exactement ce qu'il faut faire mais on sait ce qu'il ne faut pas faire : le SDIS et l'APA. Nous avons vu comment il fallait faire en sorte que l'on évite de faire de la décentralisation le transfert de la patate chaude, du mistigri : "j'ai une difficulté, je la passe, je vous laisse les charges", et nous sommes dans une situation où on dit que c'est de la décentralisation. Ca, c'est du transfert de charges, ce n'est pas de la décentralisation. Donc, nous mettrons dans la Constitution le fait que le financement de la compétence doit être décentralisé en même temps que la compétence. C'est un des éléments-clés du dispositif. Il est nécessaire que nous puissions faire en sorte que d'une manière générale, dans tous les transferts, on puisse faire non seulement le transfert financier telles que les compétences coûtaient à l'Etat avant le transfert, mais en plus de donner des possibilités financières et fiscales aux collectivités territoriales pour celles qui veulent améliorer le service et qui pourront ainsi faire progresser les prestations en ayant des libertés fiscales et financières. C'est un dispositif très important ; les parlementaires auront à en débattre. Moi, je suis très ouvert sur ce dispositif-là. Je crois qu'il y a notamment en matière de fiscalité productive - je pense à la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP - des possibilités qui font qu'à côté du transfert financier, c'est-à-dire un service constant après transfert, on puisse éventuellement faire évoluer le transfert en fonction de la décision territoriale avec des possibilités complémentaires qui doivent être envisagées. C'est un point clé de l'avenir de la décentralisation. Je sais bien - je n'ai pas encore complètement oublié mon statut d'il y a six mois - de qui on peut se méfier, de ce grand ministère des Finances. On a le sentiment que de toute façon, quel que soit le partenariat, c'est toujours le même gagnant. Donc, je serai particulièrement attentif et je suis particulièrement attentif sur cette question.
Au-delà de ces règles de prudence, pour ce qui concerne l'APA, nous avons à reprendre le dossier. Je crois que nous sommes dans une situation, aujourd'hui, où nous ne sommes pas dans les conditions où cette prestation peut-être pérenne si nous ne donnons pas les moyens de réformer le dispositif. C'est pour cela que j'ai proposé à votre président que se tienne dans les tout prochains jours, une conférence APA, ADF-Gouvernement, l'ensemble des ministères concernés avec l'action sur trois dossiers particuliers. Premièrement, les conditions d'accès à l'APA. Nous voyons bien l'importance de cette mesure sociale, nous voyons bien combien elle compte pour notre pays. Donc, nous sommes attachés à la défense de cette prestation sociale ; nous voulons bien définir les conditions d'accès à l'APA.
Deuxièmement, nous voulons voir dans le temps comment nous organiserons le financement, car aujourd'hui, à terme, le financement n'est pas assuré. Et nous voyons les territoires les plus fragiles devant faire face à un vieillissement de la population le plus fort. Donc, les termes du ciseau s'écartent et nous aurons des difficultés financières. Je sais qu'il y a des difficultés financières pour 2003 mais tel que le système est aujourd'hui bâti, en 2004-2005-2006, nous allons vers une explosion du dispositif. Donc, il nous faut trouver la solution de manière durable pour sauver la prestation mais l'organiser dans des conditions financières qui soient supportables.
Troisièmement, l'Etat fera un effort pour la phase intermédiaire avant que nous ayons remis en place cette nouvelle donne de manière à venir en soutien par des financements-relais avec les collectivités territoriales, les départements qui sont les plus en difficulté et qui ont à faire face à des écarts très importants de financement et qui seraient dans ces conditions obligés de faire face à une fiscalité locale trop importante qui aurait comme inconvénient de donner de la décentralisation une image de financement mal maîtrisé alors que justement, ce n'est pas une initiative des collectivités territoriales - c'est tout le contraire de ce que nous voulons faire : c'est une procédure définie nationalement, décidée nationalement et organisée sur le terrain, financée par des départements avec une fiscalité, naturellement, pour lesquelles les collectivités territoriales ont très peu de liberté de manoeuvre. C'est pour cela que cette conférence APA devra, monsieur le président, dans les tout prochains jours, mettre en place la nouvelle donne, parce que c'est une prestation qu'il faut sauver, mais nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les conditions sont assurées pour l'avenir de l'APA. Ensemble nous trouverons le chemin de l'avenir de l'APA.
J'ajoute dans la Constitution, cinquième élément - je sais qu'ici où là, on est plus ou moins d'accord - l'appel au référendum ; au référendum, à l'exercice des collectivités territoriales et au référendum à l'initiative de l'Etat pour consulter sur l'avenir institutionnel d'un territoire. Je suis personnellement très attaché à cette consultation populaire ; les élus, la décentralisation, la démocratie de proximité n'a pas peur du citoyen, elle n'a pas peur de l'électeur. Qu'on puisse consulter par un référendum territorial à l'initiative de l'exécutif départemental, selon vos propres procédures, dans un cadre des responsabilités qui sont celles du l'exécutif départemental, mais de faire en sorte qu'on comprenne bien que la décentralisation, ce n'est pas une affaire d'élus pour les élus, que ce n'est pas une affaire qui est faite pour les corps intermédiaires. La décentralisation, c'est la parole du citoyen, c'est de faire en sorte que les citoyens puissent participer à la vie locale, puissent se sentir proches, toujours, de ses élus, de faire en sorte que régulièrement les élus puissent montrer aux collectivités territoriales qu'ils administrent mais aussi aux électeurs dont ils tirent la légitimité, ce besoin et cette volonté de proximité. C'est un élément très important de la décentralisation. Elle doit pouvoir permettre que dans un département, vous puissiez, sur une décision particulièrement importante, choisir de faire décider votre assemblée plénière, mais éventuellement et selon votre responsabilité, votre décision, de faire appel aux citoyens de votre département. C'est une occasion de mobilisation, c'est une occasion d'expression, c'est aussi affirmer cette proximité qu'on a avec le territoire. C'est je crois très important, notamment pour refaire vivre un territoire dans lequel il peut y avoir quelque fois des communes, des territoires qui sont quelque peu éloignés.
Je crois qu'il y a besoin de toujours valider la cohérence du tissu local. J'entends ici ou là, quelquefois, par exemple, que dans l'agglomération, il faudrait élire au suffrage universel le président de l'agglomération et puis finalement, on arriverait à ce qu'il y ait des supers maires au-dessus des maires des communes et au total, après tout cela, on créerait dans l'agglomération, des quartiers, après avoir fragiliser les communes. Je caricature un peu mais il y a quand même un peu de cela.
Je crois qu'il vaut mieux protéger la commune et permettre de temps en temps des référendums. Que les gens s'expriment et qu'on s'exprime dans une agglomération si on veut s'exprimer dans l'agglomération - à la charge de l'agglomération - mais que l'entité communale puisse rester un espace de démocratie. Je le dis parce que je sais que le débat est ouvert. Il faut participer au débat et le Parlement aura à s'exprimer sur ces questions. Mais je crois qu'il faut être attentif au fait que l'on peut exprimer par référendum la démocratie participative. Mais il ne faut pas qu'elle remettre en cause la démocratie représentative qui est celle de la charpente territoriale.
Voilà les éléments qui sont dans le texte constitutionnel avec un certain nombre d 'autres sujets qui vont être débattus au Parlement mais ce sont les cinq leviers de changement majeur.
Avec ce texte, nous engageons un débat, des Assises des Libertés locales existent dans toutes les régions de France mais je vous invite, comme vous l'avez fait avec votre manifeste, à participer à ces débats, en prendre l'initiative avec les jeunes, dans les collèges que vous administrez, dans les universités dont vous êtes souvent acteurs, dans l'ensemble de notre société, faisons en sorte que les citoyens prennent la parole sur ces sujets. Et on verra apparaître ainsi un certain nombre de sujets qui nous permettront ensuite d'avancer encore plus rapidement dans la voie de la réforme. Car notre objectif, après ce débat, c'est d'aller directement au printemps prochain, à des lois organiques qui nous permettront de faire dès les mois de mars-avril et des transferts de compétences et naturellement, les expérimentations qui ont été déterminées. Déjà, plusieurs réunions ont eu lieu. Je confirme ce que vous a dit votre président. Nous avons déjà eu des réunions avec l'ADF, l'ARF, l'AMF. Il est évident que quand les trois niveaux de collectivités territoriales sont d'accord entre elles pour organiser des transferts de compétences, il y a là pour nous, d'abord, une première source de décision très rapide, très active et pour laquelle, d'ores et déjà, nous voyons des lignes se dessiner pour le printemps prochain.
Au-delà de cela, dans toutes les Assises territoriales, je vois déjà apparaître des consensus. Je crois qu'il y a un consensus national, aujourd'hui, pour le transfert des routes nationales aux départements ; je vois ce dispositif, aujourd'hui, apparaître et on voit cette responsabilité. Vous avez déjà les équipes, la technique, un grand nombre de kilomètres dont vous êtes déjà les maîtres d'ouvrage. Il y a là, je crois, des capacités à développer. C'est pour cela que nous pouvons avancer dans cette direction. Comme vous l'a dit F. Fillon, hier - et je confirme ses propos - : nous travaillons sur une revalorisation du revenu minimum d'insertion pour permettre d'en faire un véritable revenu minimum d'activité.
Nous avons besoin des départements pour réussir cette réforme. Pour faire en sorte que, sur le terrain, dans le bassin d'emplois, on puisse veiller à l'insertion professionnelle de ceux qui ont une indemnité, telle le RMI. Nous avons besoin de votre proximité, de votre mobilisation, pour qu'on puisse faire en sorte que cette allocation serve vraiment à l'insertion et ne mette pas en marge de la société des personnes qui restent ainsi dans leur statut, isolées, et qui finissent par faire du RMI, le statut de l'exclusion alors que c'est le levier de l'insertion.
Il y a là, je crois, vraiment, des initiatives qui sont importantes. Sur le logement social, il y a aussi des initiatives qu'on peut développer, de faire en sorte que, des moyens soient mutualisés pour être plus opérationnels sur le terrain. On voit bien que trop de sujets remontent à Paris : trop de sujets remontent dans les administrations centrales. Et que l'ensemble de ces dispositifs conduit à trop de lourdeur.
C'est pour cela que je pense vraiment que l'on peut organiser, même d'ailleurs entre les départements et les communautés de communes ou les communautés urbaines qui sont "infradépartementales", qu'il peut y avoir entre le département et la communauté des délégations, si le département le souhaite, pour pouvoir déléguer des maîtrises d'ouvrages. C'est au terrain de pouvoir organiser son partenariat. C'est par la proximité qu'on peut trouver les solutions.
Il y a, je pense, 150 jours devant nous, pour faire en sorte que ces lois de l'acte II de la décentralisation, soient prêtes. D'ores et déjà, on voit bien que les lignes principales sont tracées. Je pense qu'il y a moyen de conclure rapidement pour que, avant l'été, nous puissions avoir organisé l'ensemble du débat parlementaire, délibéré à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour faire en sorte que, dès l'automne 2003, nous puissions engager toutes ces initiatives pour ce qui concerne la décentralisation.
Voilà, mesdames, messieurs les présidents,
mesdames, messieurs les élus, les convictions qui sont celles du Gouvernement.
Je voudrais vous dire en conclusion, que le combat que je mène à la tête du Gouvernement sur ce sujet, ce n'est pas un combat d'un élu pour un élu, ce n'est pas la France des territoires contre la France nationale, ce n'est pas les collectivités contre l'Etat. C'est un combat qui est aujourd'hui le combat de la France. Si nous voulons faire en sorte que notre pays tienne toute sa place dans le monde, nous avons besoin de faire en sorte que son organisation soit modernisée. On voit aujourd'hui l'importance que peut avoir la voix de la France dans le monde. On le voit à New York, au Conseil de Sécurité, on le voit à Johannesburg, on l'a vu à Bruxelles, la semaine dernière. La voix de la France c'est très important pour chacune et chacun des Français. La force de la France, c'est très important pour chacune et chacun des Français.
C'est pour cela que, sous l'autorité du président de la République, nous engageons cette forte réforme de notre organisation républicaine. Au fond, ce que nous voyons comme avenir, cette France en 2015 quelle est-elle ? C'est une France républicaine, dont le centre est un Etat qui assume ses responsabilités et qui ne cherche pas à être partout. "Oui à l'Etat, non à l'étatisme" ! Oui à un Etat qui assume ses responsabilités pour la sécurité intérieure, pour la sécurité extérieure et la défense, pour la justice, pour la solidarité, celle des personnes, des territoires. Un Etat qui est là où les Français l'attendent. Un Etat que les fonctionnaires sont heureux de servir, mais pas un Etat dispersé, qui s'embourbe dans de vieilles procédures. Un Etat qui passe encore aujourd'hui au Commissariat général au Plan - écoutez la sémantique : un Commissariat général au plan ! -, alors que nous avons besoin d'un collège national de prospective. On est encore dans des logiques aujourd'hui où l'Etat cherche à être présent partout et finit à exister bien que très rarement. Il faut faire en sorte que là où l'Etat à des responsabilités reconnues par les Français, là où sont les missions régaliennes, l'Etat assume l'autorité républicaine. C'est la politique qui a été engagée par mon Gouvernement, c'est la France que nous voulons, un Etat fort, un Etat qui s'assume, un Etat qui sait se faire respecter dans tous les quartiers, y compris dans les plus difficiles de Strasbourg. Et cet Etat-là, il est au coeur du dispositif, mais il n'est pas tout le dispositif. En amont de lui, il y a maintenant, et notamment depuis le week-end dernier, cette perspective de l'élargissement 2004-2006, cette grande Europe à 25, cette grande Europe dans laquelle il va falloir que notre France se sente musclée et confiante, cette grande Europe, nouvelle géographie mais aussi nouvelle Histoire, nouvelles institutions avec la Convention pour les institutions européennes, un formidable défi pour faire en sorte que la France sache se faire entendre. Mais nos agriculteurs savent bien que pour défendre chacun de vos départements agricoles, on a besoin que la France soit forte à Bruxelles, pour défendre l'agriculture ; on a besoin de la France pour faire entendre les préoccupations des Français. Dans cette grande Europe-là, il faut que nous jouions la carte de la détermination et de l'ambition, mais aussi la carte qui est la nôtre, autour des valeurs qui sont les nôtres. C'est cet élargissement européen, qui est notre projet politique, qui est notre ambition politique, mais dans lequel nous devons nous mobiliser pour que la France ait toute sa place.
Un Etat fort avec son autorité républicaine, la perspective européenne, mais aussi la perspective des territoires qui, dans la proximité, font vivre cette République au plus près du citoyen, permettent à chacun de faire en sorte qu'il puisse se sentir partie prenante et de la grande Europe, et de la République, et de son territoire et de son département, de sa proximité. Le citoyen, aujourd'hui, vit dans cette France à trois dimensions : celle de sa République, celle de son territoire et celle de sa perspective européenne. Nous devons articuler ensemble cette architecture française pour notre pays, pour ce pays auquel nous sommes très attachés. J'ai confiance dans votre action, parce que je crois vraiment que vous êtes capables aujourd'hui d'être des acteurs dont l'intérêt n'est pas celui des départements de France, mais dont l'intérêt est celui de la France. Si on se bat aujourd'hui pour une France décentralisée, ce n'est pas pour défendre des intérêts individualistes, ce n'est pas pour défendre des égoïsmes. Les Français aiment bien l'individualisme, ils aiment bien l'égoïsme. Mais quand on peut leur parler au coeur, quand on peut leur parler comme le faisait Jean, tout à l'heure, de leur passion, ils savent que c'est de la France dont il s'agit, que c'est pour elle qu'il faut se battre, pour la France, sa République, son espace européen et l'avenir de ses territoires.
Je vous remercie."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 novembre 2002)
mesdames et messieurs les présidents,
Merci de votre accueil. Permettez moi de dire à J. Puech, votre président [...]. Je suis heureux de me retrouver ici. Nos relations anciennes et amicales nous permettent aujourd'hui de voir notre feuille de route ensemble, avec confiance. Je voudrais saluer chacune et chacun des présidents des conseils généraux ici présents, et leurs collègues membres de leur assemblée. Juste un mot particulier puisque je ne peux pas citer tout le monde pour P. Richert, le départemental de l'étape, pour dire que je suis heureux de le retrouver. Un mot aussi pour Corinne, de Corrèze, qui m'a remis rien ne peut s'improviser dans les départements ce manifeste qui m'intéresse au premier chef et dont je vais vous parler. Je salue aussi mon président de Conseil général, le président Monory.
Un mot tout particulier pour le président de l'Assemblée nationale, mon ami J. L. Debré, et le président du Sénat, mon ami C. Poncelet. Merci à chacune et chacun d'entre vous.
La rencontre d'aujourd'hui est importante par votre nombre, par votre mobilisation, par les forces que vous représentez, mais aussi par le moment qui nous rassemble, à un moment où nous voulons engager notre pays pour cet acte 2 de la décentralisation.
Nés avec la République, les départements ont d'évidence leur place dans le renouveau de la République. C'est de la République que nous devons partir et c'est pour elle, d'abord, que nous devons nous engager. Le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger est né dans ce mois de mai 2002 où les Français nous ont fait part de leurs craintes quant à l'avenir de la République. Ils nous ont fait part de leurs exaspérations sur les lourdeurs et les lenteurs de cette République, sur cette politique qui leur apparaît trop souvent comme impuissante, comme inefficace. Et en même temps que certains se réfugiaient dans l'intolérance, d'autres dans l'abstention, quinze jours après, ils ont su, les Françaises et les Français, se rassembler pour affirmer haut et fort qu'ils tenaient au pacte républicain, et à ses valeurs : Liberté, Egalité, Fraternité. Ils contestaient le fonctionnement de notre République, mais en même temps, ils adhèrent aux valeurs de cette République. Et ces valeurs, ils veulent pouvoir y avoir accès directement, qu'elles ne soient pas simplement écrites sur les frontons de nos édifices, mais que Liberté, Egalité, Fraternité, ce soit dans la vie quotidienne accessible à chacune et chacun des Français.
Ce message républicain est au coeur de l'action que j'ai l'honneur de conduire. C'est pour cela que je vous remercie de vous être rassemblés ainsi dans une association au delà des clivages politiques. Nous ne travaillons pas pour la droite, pour la gauche. Nous ne travaillons pas pour un parti, nous travaillons pour notre pacte républicain, pour notre vivre ensemble. Nous travaillons pour que notre pays ait l'organisation publique qu'il mérite. C'est cela l'ambition qui est la nôtre. C'est pour cela que les choses sont difficiles. C'est pour cela que nous avons besoin d'être ensemble.
Ces valeurs qu'il nous faut défendre, je crois que les uns et les autres, nous avons bien conscience que par une organisation décentralisée de la République, on pourra donner de la force à ces valeurs et à leur perception par les Français.
Dans ce contexte là, je vois deux grandes priorités pour un pays comme le nôtre, un pays au fond à la fois extrêmement diversifié, et c'est tant mieux, mais en même temps, extrêmement unifié, avec une dimension à taille humaine.
Deux mots qui doivent être les clés de notre organisation politique : la cohérence, et notamment la cohérence nationale, et la proximité, et notamment la proximité locale. Il va de soi aujourd'hui qu'un pays comme la France a besoin de la cohérence, parce qu'un certain nombre de décisions doivent être prises pour tous, dans un espace cohérent de vie humaine. Mais la cohérence sans proximité, c'est le jacobinisme, c'est la centralisation, c'est la distance. Nous avons besoin de proximité. Mais la proximité sans cohérence, ça peut aussi être la dispersion, les inégalités, les difficultés pour les plus fragiles. Et donc, il faut certes de la proximité, il faut corriger les effets de la proximité par la cohérence et corriger les effets de la cohérence par la proximité. Nous avons besoin d'avancer sur ces deux valeurs, simultanément. En privilégier une c'est faire boiter la France.
Nous avons donc ce besoin de défendre la cohérence et d'affirmer la proximité. La cohérence s'articule autour de toutes les collectivités territoriales de ce pays, notamment autour du couple Etat région. Je pense que la proximité, concerne beaucoup d'acteurs, mais elle est d'abord et avant tout le couple département commune, commune et les groupements de ces communes. C'est autour de ces valeurs de proximité que le département a construit sa légitimité. Alors, vous pouvez être certains que celui qui milite de tout son coeur pour la République des proximités saura trouver au département la place qui est la sienne.
Je ne fais pas partie de ceux qui doutent, qui craignent pour le département. Regardons nos pays voisins et amis, regardons les provinces en Espagne, regardons notre organisation européenne. Le département est cet espace de mobilisation humaine dont nous avons besoin, aujourd'hui peut être encore plus qu'hier, puisque quels que soient nos engagements politiques, le premier de nos adversaires, c'est le chômage. Le Président Puech le disait tout à l'heure : notre mobilisation première c'est l'emploi, c'est la bataille économique, c'est l'initiative locale, c'est le tissu social, la cohérence de ce tissu social. Et on voit bien qu'on a besoin sur le territoire, sur le social, priorité de notre vivre ensemble, que nous avons besoin de cet espace départemental.
Je crois vraiment que l'avenir du social, ce n'est pas dans les systèmes centralisés, qui s'asphyxient, qui ont toujours été victimes de la congestion cérébrale, c'est à dire par le haut, c'est au contraire en faisant en sorte qu'on puisse assurer l'avenir du social par le local, par le terrain , par les relations humaines, par la proximité, que l'on peut faire en sorte qu'on maintienne cette capacité de vivre ensemble sur nos territoires. Voilà pourquoi je tiens à vous dire clairement, aujourd'hui, que le département doit avoir toute sa place dans le renouveau de la République que nous appelons de nos voeux.
Pour engager cette perspective, le Gouvernement vous propose une démarche en cinq étapes.
La première étape, J. Puech l'a exprimé tout à l'heure, c'est d'abord et avant tout la simplification des procédures. Quand on voit les difficultés aujourd'hui qui sont celles des élus locaux, comment pouvons nous penser qu'on va mobiliser notre pays pour une plus grande dynamique des territoires, quand il faut empiler les Scot, les Crat, les Plu, les Docu, les Strats, et quelques autres objets administrativement identifiés. Il y a là une complexité paralysante.
Je remercie le président de l'Assemblée nationale, je remercie le président du Sénat d'avoir engagé d'ores et déjà, au sein des délégations et des commissions dans leurs assemblées, le travail qui va nous permettre d'ici la fin de l'année, d'avoir les propositions de loi qui suspendront ces procédures, de manière à ce que nous puissions aérer l'exercice. Nous le faisons au nom de la responsabilité des élus issus du suffrage universel. A force de les enfermer dans des procédures, dans des carcans administratifs et bureaucratiques, on leur enlève la capacité d'exercer la responsabilité. Et c'est la responsabilité qui est la vertu de la décentralisation. La décentralisation, ce n'est pas le partage des pouvoirs, la décentralisation c'est l'exercice des responsabilités au plus près du terrain, et si les décisions sont opaques, si les procédures sont illisibles, à ce moment là, la responsabilité est diffuse, elle est parfois ambiguë, et c'est ce qui conduit à la paralysie des procédures et à l'irritation des citoyens. Nous voulons donc faire en sorte qu'on puisse simplifier les dispositifs, et qu'on tienne notamment compte des territoires et de leur histoire d'organisation.
Je vous dis un mot clairement sur les pays. Je sais que le délégué à la Datar vous en parlé tout à l'heure. Mais pourquoi vouloir quadriller systématiquement toute la France dans cinq cents pays, avoir cinq cents organisations ? Quand il s'agit du pays historique, quand il s'agit d'un pays qui a fait les preuves de son histoire, bien sûr qu'il a sa légitimité. Mais de là à systématiquement aller essayer de rapprocher une commune avec une autre, en passant à quinze kilomètres de la grande ville, pour être sûr de pas être dans un autre pays, et surtout obtenir la majorité à la Crat car sans la Crat, pas d'avenir ce serait quand même quelque chose qui tournerait le dos au bon sens. Donc nous sommes très favorables. Et je tiens à vous dire que dans la logique qui est la mienne, de la cohérence et de la proximité, je crois que le département doit être le lieu où se dessine la carte infradépartementale. C'est aux départements de définir quelle est l'organisation infra départementale de son travail. [...] Et je demande aux préfets de faire en sorte que dans le volet territorial des contrats de plan, on puisse travailler avec différentes organisations structurelles, ici un SIVOM, là un pays, ailleurs une association, une fédération de communautés de communes. On n'oblige pas tout le monde à rentrer dans les mêmes types de procédure, à empiler les structures, pour avoir accès au volet territorial du contrat de plan. Autant je crois que la région doit prendre ses responsabilités dans les schémas, dans l'organisation d'un certain nombre de politiques de cohérence. Autant je crois qu'à l'intérieur du département, le département est le mieux placé pour définir le partenariat infra départemental en fonction de son histoire et de son organisation. C'est notre première étape, c'est une étape de simplification, c'est une étape de démocratie et de responsabilisation, elle sera engagée dès la fin de cette année grâce au concours de nos amis parlementaires.
Deuxième étape importante : la réforme constitutionnelle. Nous avons voulu placer dès le début le débat au niveau de la Constitution, parce que nous voulons bien montrer que nous sommes engagés dans une démarche de modernisation de notre République. Et donc nous voulons faire en sorte que la Constitution, notre texte fondamental, notre loi commune, puisse intégrer la décentralisation comme un des éléments majeurs de notre organisation. Il y avait des débats ici ou là. Notamment, j'entendais dire : est-ce qu'il faut mettre la décentralisation à l'article 1 de la Constitution ? A l'article 2 de la Constitution ? Tout cela pour savoir si la décentralisation est une technique ou une valeur. Pour moi, c'est une valeur. Une organisation qui est plus proche de ses destinataires a plus de valeur qu'une organisation qui tient à distance ceux dont on tire légitimité et ceux au service desquels elle doit exercer ses responsabilités. Nous allons, dans cette loi constitutionnelle, injecter cinq leviers de changement. Cela sert à ça, le texte constitutionnel : faire en sorte qu'on crée des leviers de changement, des leviers d'action qui, pour l'avenir, vont nous aider à moderniser la République.
Premier levier, il est très important, il l'est déjà dans nos textes européens, mais il faut le mettre dans notre texte français constitutionnel, c'est le principe de subsidiarité, c'est le principe de proximité. Ce qui est bien exercé au niveau local n'a pas besoin de monter au niveau supérieur. Seuls les problèmes qui ne sont pas résolus au niveau local montent au niveau supérieur. On raisonne à partir du bas, à partir du territoire, et non pas à partir du haut, à partir de la distribution des pouvoirs. Ce principe de responsabilité, ce principe de proximité, qu'est le principe de subsidiarité, est très important, et mon cher Jean, c'est ce principe là qui va nous permettre, dans la phase à laquelle je reviendrai tout à l'heure, la phase organique, de faire des transferts de compétences. Parce qu'à partir du moment où on reconnaît que le travail de proximité est bien fait au niveau par exemple du département, à ce moment-là, l'Etat peut transférer aux départements, par des transferts rapides et complets, des responsabilités qui seront mieux assumées au niveau départemental qu'au niveau national. C'est ce principe de proximité qui va nous permettre de faire des transferts de compétences.
Deuxième principe, deuxième levier de changement : le droit à l'expérimentation. C'est un élément aussi très important. Je suis d'accord pour dire "plus de transferts que d'expérimentation", mais il y a un certain nombre de sujets sur lesquels les expérimentations sont nécessaires. Vous le savez, nos compatriotes sont quelquefois hésitants vis-à-vis de certains changements, quand ils ont le sentiment que ces changements vont se faire contre eux.
Nous l'avons vu, par exemple sur le dossier de la régionalisation du ferroviaire. Au début, il y avait beaucoup d'hostilité au transport régional ferroviaire. Et puis finalement, en faisant l'expérimentation dans sept régions, les syndicats de salariés, les organisations professionnelles, les élus locaux, les usagers, les associations des uns et des autres ont travaillé sur le terrain. Ils sont entrés dans des logiques pragmatiques. Très souvent, quand les Français ont peur, ils se réfugient dans l'idéologie. Quand ils ont confiance, ils s'engagent dans le pragmatisme. A nous de faire en sorte que, par des expérimentations, on puisse mener des réformes qui associent les agents et les acteurs de ces réformes. On ne va pas faire des réformes dans le domaine de la santé, dans le domaine de la formation, dans le domaine de l'éducation contre les acteurs. On va le faire avec eux, qu'ils soient copilotes de ces réformes. C'est pour cela que nous avons besoin d'un certain nombre d'expérimentation, pour que l'ensemble des acteurs des réformes aient confiance dans le processus de réforme. Il ne s'agit pas de travailler pour les uns contre les autres. Il s'agit de travailler pour la France, pour notre République. Et de ce point de vue là, sur certains sujets particulièrement complexes, il nous faudra du temps, il nous faudra de l'expérimentation, il nous faudra laisser parler la réalité du terrain. C'est pour cela que ce droit à l'expérimentation sera reconnu dans la Constitution. Nous ferons en sorte aussi que le devoir de péréquation de l'Etat puisse être reconnu dans la Constitution.
Sur ces sujets, j'entends un certain nombre d'observateurs qui disent "Attention, la décentralisation, ce sont les inégalités !". Mais je ne sais pas où ils vivent ceux-là ?! Cela fait une vingtaine d'années que je fais de la politique sur le territoire, j'en ai vu des inégalités territoriales et j'en connais des gens aujourd'hui qui n'ont pas le téléphone mobile, et j'en connais qui doivent payer les pilônes, alors que d'autres l'ont eu gratuitement, j'en connais qui payent le TGV quand d'autres l'ont eu gratuitement, j'en connais des inégalités territoriales ! On en a vu des inégalités territoriales dans ce pays ! Et on ne peut pas dire aujourd'hui que l'ensemble des régions, l'ensemble des départements soient à égalité, ni dans les moyens donnés par l'Etat, ni dans les capacités à faire face aux difficultés. Cette inégalité des territoires est sous nos yeux aujourd'hui et nous voulons la résoudre. C'est pour cela que nous voulons que le principe de péréquation soit aujourd'hui développé. Je l'ai vu sur des grandes infrastructures : les premiers qui y avaient accès, ils n'avaient pas levé l'impôt ; mais ensuite, pour les autres qui arrivent derrière - c'est assez amusant dans le TGV -, plus on est loin, plus il faut qu'on paye. Ce sont des systèmes d'inégalité qui existent quand même. Il y a un coeur, qui paye moins que la périphérie en général. Dans ces dispositifs, si on n'organise pas des mécanismes financiers de péréquation, à ce moment-là, on ne pourra pas parler d'équité territoriale. C'est pour cela que nous voulons faire ces efforts, et notamment sur toutes ces infrastructures, qu'elles soient traditionnelles ou qu'elles soient aujourd'hui modernes et numériques. Car on voit bien combien la téléphonie mobile est un sujet majeur. C'est pour cela qu'après le CIAT de Limoges, il nous est paru nécessaire de pouvoir donner un sérieux coup de pouce. Et nous allons engager les installations, déjà de 200 premiers pilônes d'ici la fin de l'année, pour permettre cette capacité aujourd'hui à faire qu'une technologie soit équitablement répartie sur le territoire. Il y aura du travail à faire, cela ne se fera pas du jour au lendemain, je ne vous pas raconte d'histoire. Ce sera long, mais il faut accepter cette idée que c'est une priorité nationale de faire en sorte que les Français soient à égalité de service, notamment quand il s'agit de la téléphonie mobile ou du haut débit, qui sont des clés du développement d'avenir.
Le respect de l'autonomie financière, c'est un sujet difficile. On ne sait pas exactement ce qu'il faut faire mais on sait ce qu'il ne faut pas faire : le SDIS et l'APA. Nous avons vu comment il fallait faire en sorte que l'on évite de faire de la décentralisation le transfert de la patate chaude, du mistigri : "j'ai une difficulté, je la passe, je vous laisse les charges", et nous sommes dans une situation où on dit que c'est de la décentralisation. Ca, c'est du transfert de charges, ce n'est pas de la décentralisation. Donc, nous mettrons dans la Constitution le fait que le financement de la compétence doit être décentralisé en même temps que la compétence. C'est un des éléments-clés du dispositif. Il est nécessaire que nous puissions faire en sorte que d'une manière générale, dans tous les transferts, on puisse faire non seulement le transfert financier telles que les compétences coûtaient à l'Etat avant le transfert, mais en plus de donner des possibilités financières et fiscales aux collectivités territoriales pour celles qui veulent améliorer le service et qui pourront ainsi faire progresser les prestations en ayant des libertés fiscales et financières. C'est un dispositif très important ; les parlementaires auront à en débattre. Moi, je suis très ouvert sur ce dispositif-là. Je crois qu'il y a notamment en matière de fiscalité productive - je pense à la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP - des possibilités qui font qu'à côté du transfert financier, c'est-à-dire un service constant après transfert, on puisse éventuellement faire évoluer le transfert en fonction de la décision territoriale avec des possibilités complémentaires qui doivent être envisagées. C'est un point clé de l'avenir de la décentralisation. Je sais bien - je n'ai pas encore complètement oublié mon statut d'il y a six mois - de qui on peut se méfier, de ce grand ministère des Finances. On a le sentiment que de toute façon, quel que soit le partenariat, c'est toujours le même gagnant. Donc, je serai particulièrement attentif et je suis particulièrement attentif sur cette question.
Au-delà de ces règles de prudence, pour ce qui concerne l'APA, nous avons à reprendre le dossier. Je crois que nous sommes dans une situation, aujourd'hui, où nous ne sommes pas dans les conditions où cette prestation peut-être pérenne si nous ne donnons pas les moyens de réformer le dispositif. C'est pour cela que j'ai proposé à votre président que se tienne dans les tout prochains jours, une conférence APA, ADF-Gouvernement, l'ensemble des ministères concernés avec l'action sur trois dossiers particuliers. Premièrement, les conditions d'accès à l'APA. Nous voyons bien l'importance de cette mesure sociale, nous voyons bien combien elle compte pour notre pays. Donc, nous sommes attachés à la défense de cette prestation sociale ; nous voulons bien définir les conditions d'accès à l'APA.
Deuxièmement, nous voulons voir dans le temps comment nous organiserons le financement, car aujourd'hui, à terme, le financement n'est pas assuré. Et nous voyons les territoires les plus fragiles devant faire face à un vieillissement de la population le plus fort. Donc, les termes du ciseau s'écartent et nous aurons des difficultés financières. Je sais qu'il y a des difficultés financières pour 2003 mais tel que le système est aujourd'hui bâti, en 2004-2005-2006, nous allons vers une explosion du dispositif. Donc, il nous faut trouver la solution de manière durable pour sauver la prestation mais l'organiser dans des conditions financières qui soient supportables.
Troisièmement, l'Etat fera un effort pour la phase intermédiaire avant que nous ayons remis en place cette nouvelle donne de manière à venir en soutien par des financements-relais avec les collectivités territoriales, les départements qui sont les plus en difficulté et qui ont à faire face à des écarts très importants de financement et qui seraient dans ces conditions obligés de faire face à une fiscalité locale trop importante qui aurait comme inconvénient de donner de la décentralisation une image de financement mal maîtrisé alors que justement, ce n'est pas une initiative des collectivités territoriales - c'est tout le contraire de ce que nous voulons faire : c'est une procédure définie nationalement, décidée nationalement et organisée sur le terrain, financée par des départements avec une fiscalité, naturellement, pour lesquelles les collectivités territoriales ont très peu de liberté de manoeuvre. C'est pour cela que cette conférence APA devra, monsieur le président, dans les tout prochains jours, mettre en place la nouvelle donne, parce que c'est une prestation qu'il faut sauver, mais nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les conditions sont assurées pour l'avenir de l'APA. Ensemble nous trouverons le chemin de l'avenir de l'APA.
J'ajoute dans la Constitution, cinquième élément - je sais qu'ici où là, on est plus ou moins d'accord - l'appel au référendum ; au référendum, à l'exercice des collectivités territoriales et au référendum à l'initiative de l'Etat pour consulter sur l'avenir institutionnel d'un territoire. Je suis personnellement très attaché à cette consultation populaire ; les élus, la décentralisation, la démocratie de proximité n'a pas peur du citoyen, elle n'a pas peur de l'électeur. Qu'on puisse consulter par un référendum territorial à l'initiative de l'exécutif départemental, selon vos propres procédures, dans un cadre des responsabilités qui sont celles du l'exécutif départemental, mais de faire en sorte qu'on comprenne bien que la décentralisation, ce n'est pas une affaire d'élus pour les élus, que ce n'est pas une affaire qui est faite pour les corps intermédiaires. La décentralisation, c'est la parole du citoyen, c'est de faire en sorte que les citoyens puissent participer à la vie locale, puissent se sentir proches, toujours, de ses élus, de faire en sorte que régulièrement les élus puissent montrer aux collectivités territoriales qu'ils administrent mais aussi aux électeurs dont ils tirent la légitimité, ce besoin et cette volonté de proximité. C'est un élément très important de la décentralisation. Elle doit pouvoir permettre que dans un département, vous puissiez, sur une décision particulièrement importante, choisir de faire décider votre assemblée plénière, mais éventuellement et selon votre responsabilité, votre décision, de faire appel aux citoyens de votre département. C'est une occasion de mobilisation, c'est une occasion d'expression, c'est aussi affirmer cette proximité qu'on a avec le territoire. C'est je crois très important, notamment pour refaire vivre un territoire dans lequel il peut y avoir quelque fois des communes, des territoires qui sont quelque peu éloignés.
Je crois qu'il y a besoin de toujours valider la cohérence du tissu local. J'entends ici ou là, quelquefois, par exemple, que dans l'agglomération, il faudrait élire au suffrage universel le président de l'agglomération et puis finalement, on arriverait à ce qu'il y ait des supers maires au-dessus des maires des communes et au total, après tout cela, on créerait dans l'agglomération, des quartiers, après avoir fragiliser les communes. Je caricature un peu mais il y a quand même un peu de cela.
Je crois qu'il vaut mieux protéger la commune et permettre de temps en temps des référendums. Que les gens s'expriment et qu'on s'exprime dans une agglomération si on veut s'exprimer dans l'agglomération - à la charge de l'agglomération - mais que l'entité communale puisse rester un espace de démocratie. Je le dis parce que je sais que le débat est ouvert. Il faut participer au débat et le Parlement aura à s'exprimer sur ces questions. Mais je crois qu'il faut être attentif au fait que l'on peut exprimer par référendum la démocratie participative. Mais il ne faut pas qu'elle remettre en cause la démocratie représentative qui est celle de la charpente territoriale.
Voilà les éléments qui sont dans le texte constitutionnel avec un certain nombre d 'autres sujets qui vont être débattus au Parlement mais ce sont les cinq leviers de changement majeur.
Avec ce texte, nous engageons un débat, des Assises des Libertés locales existent dans toutes les régions de France mais je vous invite, comme vous l'avez fait avec votre manifeste, à participer à ces débats, en prendre l'initiative avec les jeunes, dans les collèges que vous administrez, dans les universités dont vous êtes souvent acteurs, dans l'ensemble de notre société, faisons en sorte que les citoyens prennent la parole sur ces sujets. Et on verra apparaître ainsi un certain nombre de sujets qui nous permettront ensuite d'avancer encore plus rapidement dans la voie de la réforme. Car notre objectif, après ce débat, c'est d'aller directement au printemps prochain, à des lois organiques qui nous permettront de faire dès les mois de mars-avril et des transferts de compétences et naturellement, les expérimentations qui ont été déterminées. Déjà, plusieurs réunions ont eu lieu. Je confirme ce que vous a dit votre président. Nous avons déjà eu des réunions avec l'ADF, l'ARF, l'AMF. Il est évident que quand les trois niveaux de collectivités territoriales sont d'accord entre elles pour organiser des transferts de compétences, il y a là pour nous, d'abord, une première source de décision très rapide, très active et pour laquelle, d'ores et déjà, nous voyons des lignes se dessiner pour le printemps prochain.
Au-delà de cela, dans toutes les Assises territoriales, je vois déjà apparaître des consensus. Je crois qu'il y a un consensus national, aujourd'hui, pour le transfert des routes nationales aux départements ; je vois ce dispositif, aujourd'hui, apparaître et on voit cette responsabilité. Vous avez déjà les équipes, la technique, un grand nombre de kilomètres dont vous êtes déjà les maîtres d'ouvrage. Il y a là, je crois, des capacités à développer. C'est pour cela que nous pouvons avancer dans cette direction. Comme vous l'a dit F. Fillon, hier - et je confirme ses propos - : nous travaillons sur une revalorisation du revenu minimum d'insertion pour permettre d'en faire un véritable revenu minimum d'activité.
Nous avons besoin des départements pour réussir cette réforme. Pour faire en sorte que, sur le terrain, dans le bassin d'emplois, on puisse veiller à l'insertion professionnelle de ceux qui ont une indemnité, telle le RMI. Nous avons besoin de votre proximité, de votre mobilisation, pour qu'on puisse faire en sorte que cette allocation serve vraiment à l'insertion et ne mette pas en marge de la société des personnes qui restent ainsi dans leur statut, isolées, et qui finissent par faire du RMI, le statut de l'exclusion alors que c'est le levier de l'insertion.
Il y a là, je crois, vraiment, des initiatives qui sont importantes. Sur le logement social, il y a aussi des initiatives qu'on peut développer, de faire en sorte que, des moyens soient mutualisés pour être plus opérationnels sur le terrain. On voit bien que trop de sujets remontent à Paris : trop de sujets remontent dans les administrations centrales. Et que l'ensemble de ces dispositifs conduit à trop de lourdeur.
C'est pour cela que je pense vraiment que l'on peut organiser, même d'ailleurs entre les départements et les communautés de communes ou les communautés urbaines qui sont "infradépartementales", qu'il peut y avoir entre le département et la communauté des délégations, si le département le souhaite, pour pouvoir déléguer des maîtrises d'ouvrages. C'est au terrain de pouvoir organiser son partenariat. C'est par la proximité qu'on peut trouver les solutions.
Il y a, je pense, 150 jours devant nous, pour faire en sorte que ces lois de l'acte II de la décentralisation, soient prêtes. D'ores et déjà, on voit bien que les lignes principales sont tracées. Je pense qu'il y a moyen de conclure rapidement pour que, avant l'été, nous puissions avoir organisé l'ensemble du débat parlementaire, délibéré à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour faire en sorte que, dès l'automne 2003, nous puissions engager toutes ces initiatives pour ce qui concerne la décentralisation.
Voilà, mesdames, messieurs les présidents,
mesdames, messieurs les élus, les convictions qui sont celles du Gouvernement.
Je voudrais vous dire en conclusion, que le combat que je mène à la tête du Gouvernement sur ce sujet, ce n'est pas un combat d'un élu pour un élu, ce n'est pas la France des territoires contre la France nationale, ce n'est pas les collectivités contre l'Etat. C'est un combat qui est aujourd'hui le combat de la France. Si nous voulons faire en sorte que notre pays tienne toute sa place dans le monde, nous avons besoin de faire en sorte que son organisation soit modernisée. On voit aujourd'hui l'importance que peut avoir la voix de la France dans le monde. On le voit à New York, au Conseil de Sécurité, on le voit à Johannesburg, on l'a vu à Bruxelles, la semaine dernière. La voix de la France c'est très important pour chacune et chacun des Français. La force de la France, c'est très important pour chacune et chacun des Français.
C'est pour cela que, sous l'autorité du président de la République, nous engageons cette forte réforme de notre organisation républicaine. Au fond, ce que nous voyons comme avenir, cette France en 2015 quelle est-elle ? C'est une France républicaine, dont le centre est un Etat qui assume ses responsabilités et qui ne cherche pas à être partout. "Oui à l'Etat, non à l'étatisme" ! Oui à un Etat qui assume ses responsabilités pour la sécurité intérieure, pour la sécurité extérieure et la défense, pour la justice, pour la solidarité, celle des personnes, des territoires. Un Etat qui est là où les Français l'attendent. Un Etat que les fonctionnaires sont heureux de servir, mais pas un Etat dispersé, qui s'embourbe dans de vieilles procédures. Un Etat qui passe encore aujourd'hui au Commissariat général au Plan - écoutez la sémantique : un Commissariat général au plan ! -, alors que nous avons besoin d'un collège national de prospective. On est encore dans des logiques aujourd'hui où l'Etat cherche à être présent partout et finit à exister bien que très rarement. Il faut faire en sorte que là où l'Etat à des responsabilités reconnues par les Français, là où sont les missions régaliennes, l'Etat assume l'autorité républicaine. C'est la politique qui a été engagée par mon Gouvernement, c'est la France que nous voulons, un Etat fort, un Etat qui s'assume, un Etat qui sait se faire respecter dans tous les quartiers, y compris dans les plus difficiles de Strasbourg. Et cet Etat-là, il est au coeur du dispositif, mais il n'est pas tout le dispositif. En amont de lui, il y a maintenant, et notamment depuis le week-end dernier, cette perspective de l'élargissement 2004-2006, cette grande Europe à 25, cette grande Europe dans laquelle il va falloir que notre France se sente musclée et confiante, cette grande Europe, nouvelle géographie mais aussi nouvelle Histoire, nouvelles institutions avec la Convention pour les institutions européennes, un formidable défi pour faire en sorte que la France sache se faire entendre. Mais nos agriculteurs savent bien que pour défendre chacun de vos départements agricoles, on a besoin que la France soit forte à Bruxelles, pour défendre l'agriculture ; on a besoin de la France pour faire entendre les préoccupations des Français. Dans cette grande Europe-là, il faut que nous jouions la carte de la détermination et de l'ambition, mais aussi la carte qui est la nôtre, autour des valeurs qui sont les nôtres. C'est cet élargissement européen, qui est notre projet politique, qui est notre ambition politique, mais dans lequel nous devons nous mobiliser pour que la France ait toute sa place.
Un Etat fort avec son autorité républicaine, la perspective européenne, mais aussi la perspective des territoires qui, dans la proximité, font vivre cette République au plus près du citoyen, permettent à chacun de faire en sorte qu'il puisse se sentir partie prenante et de la grande Europe, et de la République, et de son territoire et de son département, de sa proximité. Le citoyen, aujourd'hui, vit dans cette France à trois dimensions : celle de sa République, celle de son territoire et celle de sa perspective européenne. Nous devons articuler ensemble cette architecture française pour notre pays, pour ce pays auquel nous sommes très attachés. J'ai confiance dans votre action, parce que je crois vraiment que vous êtes capables aujourd'hui d'être des acteurs dont l'intérêt n'est pas celui des départements de France, mais dont l'intérêt est celui de la France. Si on se bat aujourd'hui pour une France décentralisée, ce n'est pas pour défendre des intérêts individualistes, ce n'est pas pour défendre des égoïsmes. Les Français aiment bien l'individualisme, ils aiment bien l'égoïsme. Mais quand on peut leur parler au coeur, quand on peut leur parler comme le faisait Jean, tout à l'heure, de leur passion, ils savent que c'est de la France dont il s'agit, que c'est pour elle qu'il faut se battre, pour la France, sa République, son espace européen et l'avenir de ses territoires.
Je vous remercie."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 novembre 2002)