Texte intégral
Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique est l'un des volets essentiels de l'action actuellement menée par le Gouvernement pour adapter la législation aux nouveaux enjeux de la société de l'information. Il est destiné à faire entrer le droit français de la preuve, confronté au progrès technique, dans l'ère des technologies de l'information.
Comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son rapport de juillet 1998 sur l'internet et les réseaux numériques, l'heure est en effet venue de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dans le nouveau monde virtuel pour réaliser des transactions électroniques : le document et la signature électroniques.
Cette affirmation n'est pas gratuite, elle se nourrit du constat du développement impressionnant du commerce électronique sur l'internet, principalement du commerce inter-entrepises mais aussi du commerce en direction des particuliers. A cet égard, le commerce électronique représente un premier enjeu économique capital. Mais, dès lors que la fourniture des biens et services existe sur le réseau, se pose la question de la validité des contrats de vente passés sous forme électronique. C'est là le second enjeu : celui de la sécurité du cadre juridique dans lequel s'opèrent les transactions, de façon à protéger les consommateurs.
Plusieurs organisations internationales mènent une politique de reconnaissance du document et de la signature électroniques. La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international a adopté en 1996 une loi-type sur le commerce électronique, destinée à créer un environnement juridique plus sûr pour le commerce électronique.
Le Parlement et le Conseil de l'Union européenne ont adopté le 13 décembre 1999 la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Elle a été publiée au Journal officiel des communautés le 19 janvier dernier. Une directive sur certains aspects juridiques du commerce électronique a, quant à elle, fait l'objet d'un accord politique le 7 décembre dernier.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui se fonde sur de nombreux travaux, au premier rang desquels les rapports du Sénat, celui du Conseil d'Etat, et celui que m'a remis en septembre 1997 la mission de recherche Droit et Justice qui avait constitué un comité d'experts pour réfléchir sur "l'écrit et les nouveaux moyens technologiques au regard du droit".
Ce groupe de huit universitaires m'a proposé une réforme du code civil que beaucoup attendaient et qui m'a semblé pleine de promesses. Je tiens à rendre hommage à la remarquable qualité de leur travail.
Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui comporte deux volets particulièrement novateurs : l'un sur l'écrit sous forme électronique (I), l'autre sur la signature électronique (II).
I. - La consécration de l'écrit sous forme électronique comme mode de preuve .
Je ne développerai pas longuement les inconvénients de la situation actuelle. De nombreux rapports ont pu le faire avant moi et celui de votre commission les résument parfaitement. Le Conseil d'Etat le soulignait dans le rapport déjà cité: " le fait qu'un message électronique puisse, en l'état actuel des textes, être assimilable à l'un des écrits visés à l'article 1341 du code civil demeure très contesté ".
Par conséquent, la nécessité d'une réforme étant reconnue, restait à déterminer les modalités qu'elle pouvait revêtir.
Le projet de loi procède en deux étapes pour assurer la reconnaissance juridique du document électronique comme mode de preuve :
* Dans un premier temps, il modifie la notion de preuve littérale ou par écrit afin d'y inclure le document électronique.
* Dans un second temps, il précise la valeur juridique attribuée à cette preuve littérale sous forme électronique.
A - Des solutions qui n'ont pas été retenues.
Pour faire entrer l'écrit électronique dans le droit, un certain nombre de solutions auraient pu être envisagées mais elles n'ont pas été retenues par le projet de loi.
* On aurait pu abandonner l'actuel système de la preuve légale en matière civile en laissant au juge la liberté d'apprécier la valeur des preuves qu'on lui apporte. D'autres pays que le nôtre ont adopté cette façon de voir et, nous mêmes, nous la pratiquons en certaines matières, notamment en droit commercial ou en droit administratif.
Cette solution n'a cependant pas été retenue, non pas parce qu'elle laisserait au juge la liberté d'apprécier la valeur de la preuve qui serait produite devant lui, mais parce qu'elle laisserait aux parties la responsabilité de choisir de se préconstituer une preuve ou non et ainsi de choisir le mode de preuve des conventions qu'elles concluent.
Je suis persuadée que la préconstitution de la preuve mérite d'être conservée. Elle remplit une fonction utile de mise en alerte de celui qui souscrit des obligations. Et, dès lors qu'on la maintient, il convient d'assurer l'égalité des parties face au risque de la preuve.
* On aurait pu aussi ériger les messages électroniques au rang de commencement de preuve par écrit. Mais cette solution n'est pas satisfaisante, car elle obligerait les parties à rechercher d'autres éléments de preuve. Elle consacrerait aussi une hiérarchie entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle, peu conforme avec l'objectif de non-discrimination assigné aux législateurs nationaux par la directive pour un cadre commun sur les signatures électroniques.
La consécration d'une différence de nature entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle par acte sous seing privé aurait été très en deçà de l'objectif, mentionné dans l'exposé des motifs, de facilitation des transactions électroniques, assigné à la réforme du droit de la preuve.
Le projet de loi s'est voulu plus audacieux : il entend faire entrer la preuve électronique dans le code civil par la grande porte, en lui reconnaissant la qualité de preuve complète, se suffisant à elle-même. Il a donc privilégié une logique d'assimilation.
B -La redéfinition de la preuve littérale
Dans le discours préliminaire au projet de code civil, PORTALIS affirmait clairement que " l'écriture est, chez toutes les nations policées, la preuve naturelle des contrats ". Depuis l'ordonnance de MOULINS, au XVI° siècle, la preuve littérale a supplanté la preuve par témoignage.
Dans la lecture qui est faite de l'article 1341 du code civil l'écrit a fini par se confondre avec son support papier, ce qui explique que les documents informatiques n'aient pu, jusqu'à présent, être identifiés à des actes sous seing privé.
Cette confusion entre l'écrit et son support est toutefois contestable. Défini dans le langage courant comme tout "système de représentation de la parole et de la pensée par des signes conventionnels tracés et destinés à durer" , l'écrit s'oppose à l'oral et sa durabilité le distingue de la fugacité du langage. "Les paroles s'envolent, les écrits restent". Opposé à l'oral, l'écrit n'est pas, dans le langage courant, réservé au support papier. Peu importe que l'écrit soit rédigé sur le papier, sur la pierre ou sur le marbre. Les tablettes des crétois ou les papyrus des égyptiens sont là pour en témoigner.
D'ailleurs, la jurisprudence relative au procédé de rédaction des actes sous seing privé montre que les juristes ont également adopté une définition large de la notion d'écrit. Par exemple, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 27 janvier 1846, rendu à propos d'un testament rédigé par un berger qui ne disposait que d'un crayon, a jugé que "dans son acception légale, le mot écrire signifie tracer des lettres, des caractères ; que la loi n'a spécifié ni l'instrument ni la matière avec lesquels les caractères seraient tracés".
Que l'écrit ne dépende ni de l'instrument ni de la matière sur laquelle il est rédigé, cela résulte de la jurisprudence ultérieure, qui a admis la validité des actes passés sur les supports matériels les plus divers, tels qu'une enveloppe, une machine à laver, et même du papier hygiénique. Mais cette liberté de choix de l'instrument et du support n'a pas été jusqu'à présent étendue aux "supports virtuels".
L'innovation conceptuelle majeure du projet de loi, consiste à redéfinir la preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support.
Le projet de loi élève clairement les documents électroniques au rang de la preuve littérale. A cette fin, il insère, dans la section du code civil consacrée à cette preuve et dans un paragraphe relatif aux dispositions générales précédant les paragraphes consacrés à l'acte authentique et à l'acte sous seing privé un article 1316 nouveau ainsi rédigé :
"La preuve littérale ou par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission".
Désormais, la preuve littérale ne s'identifie plus au papier. Elle ne dépend pas non plus des modalités de sa transmission, ce qui signifie que l'écrit reste un écrit même s'il est transféré ou stocké sous forme électronique, à condition qu'il puisse être à nouveau intelligible.
La validité de l'écrit électronique est toutefois subordonnée à certaines conditions.
C. Les conditions de reconnaissance de la valeur probatoire de l'écrit électronique
Ces conditions seront énoncées à l'article 1316-1 du code civil, aux termes duquel "L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité".
L'admission de l'écrit sous forme électronique en tant que preuve au même titre que l'écrit sur support papier est donc consacrée à la double condition que puisse être identifié celui dont il émane et que les conditions dans lesquelles il est établi et conservé en garantissent l'intégrité.
II. La reconnaissance de la valeur juridique de l'écrit électronique.
Une fois l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique clairement reconnue, il restait à définir, dans le système actuel de la preuve légale, la nature de la force probante attachée à ce mode de preuve. En somme, il fallait répondre à la question du régime de la preuve contraire. Comment prouver contre l'écrit électronique ?.
1°) Comment prouver contre et outre l'écrit électronique ?
Là encore on a écarté certaines solutions.
On aurait pu dire comme le législateur du Québec en 1993 que "le document reproduisant les données d'un acte juridique inscrites sur support informatique pouvait être contredit par tous moyens".
Mais cela reviendrait à consacrer un statut juridique d'infériorité de la preuve électronique, contraire à l'équivalence affirmée à l'article 1316 nouveau, et peu compatible avec l'importance économique de cette nouvelle preuve et à la généralisation de son utilisation pour les échanges sur l'Internet.
La pertinence de ces objections a conduit le Gouvernement à reconnaître à l'écrit sous forme électronique exactement la même force probante que l'écrit traditionnel.
Lorsqu'il n'est pas signé, il aura la force probante très limitée accordée aux écrits sur papier non signés, qui constituent de simples indices laissés à la libre appréciation du juge. Lorsqu'il est signé et qu'il aura été préétabli spécialement pour constater un acte générateur de droits et d'obligations, l'acte sous forme électronique aura exactement la même force probante que l'acte sous seing privé.
Conformément aux dispositions de l'article 1341 du code civil, il ne pourra pas être combattu par des témoignages ou des présomptions, même graves, précises et concordantes, mais seulement par un autre acte, authentique ou sous seing privé.
Cela fait naître une seconde question : comment régler le conflit entre une preuve littérale sous forme électronique et une preuve littérale traditionnelle ?
2°) Comment régler les conflits de preuve
Cette question est résolue par le projet de loi qui insère un article 1316-2 dans le code civil, qui prévoit que "lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu'en soit le support".
Cette disposition laisse au juge le soin de régler les conflits de preuve littérale, et a pour effet de supprimer toute hiérarchie entre la preuve sous forme électronique et la preuve littérale traditionnelle.
Redéfinition de la preuve littérale pour englober dans cette notion l'écrit électronique, reconnaissance expresse de l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique, consécration de l'identité de force probante entre l'acte sous seing privé électronique et l'acte sous seing privé sur support papier, le projet de loi est particulièrement novateur.
Toutefois, la signature étant une condition d'existence de l'acte, la réforme assimilant l'écrit électronique à l'écrit papier serait privée de toute portée si elle ne s'accompagnait pas d'une reconnaissance d'un équivalent électronique à la signature manuscrite. La réforme proposée est donc complétée par un volet relatif à la signature électronique.
III - La reconnaissance de la valeur juridique de la signature électronique
Bien que le droit impose fréquemment qu'un acte soit signé, et aussi surprenant que cela paraisse, aucun texte ne définit actuellement ce qu'il faut entendre par le terme de " signature ".
Sans doute, y a-t-il ce ces évidences qui ne se définissent pas ! Et d'ailleurs le projet de loi ne se risque pas à donner une définition générale de la signature qui s'appliquerait aussi bien à la signature manuscrite qu'à la signature électronique.
En revanche, il définit la fonction générale de la signature puis donne une définition de la seule signature électronique.
A - Fonctions générales de la signature et définition de la signature électronique.
Une définition générale des fonctions de la signature
Le projet de loi introduit un nouvel article 1322-2 au code civil qui prévoit, sans distinction entre la signature manuscrite et la signature électronique, que "la signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte".
Cet alinéa établit clairement la double fonction assignée à la signature: identification de l'auteur de l'acte et manifestation de son consentement au contenu de cet acte.
Une définition de la signature électronique.
Le deuxième alinéa, qui traite du cas où la signature est électronique, précise les conditions que celle-ci doit remplir pour se voir reconnaître une valeur juridique, mais en des termes généraux, de manière à pouvoir s'adapter aux évolutions techniques. Lorsqu'elle est électronique, la signature "consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte sur lequel elle porte".
A l'exigence de bon sens tenant à la fiabilité du processus employé, le projet ajoute celle d'un lien indissociable entre la signature et le message. Il n'est en effet pas possible d'accorder une valeur juridique à une signature si elle n'est pas indissolublement liée au contenu qu'elle a pour fonction d'approuver.
Dès lors qu'elle remplit ces conditions, la signature électronique se voit reconnaître la même valeur juridique qu'une signature manuscrite, quel que soit le procédé utilisé.
La fiabilité du procédé utilisé devra en principe être prouvée, sauf si elle peut être présumée parce que ce procédé répond à des exigences fixées par le pouvoir réglementaire.
B - Des signatures électroniques fiables.
Enfin, le projet de loi institue à ce même article 1322-2 du code civil une présomption de fiabilité en faveur des signatures électroniques répondant à des exigences fixées par décret.
Comme le souligne votre rapporteur avec raison, ces décrets seront particulièrement importants puisqu'ils mettront en oeuvre les dispositions de la directive sur les signatures électronique et notamment celles qui sont relatives à l'intervention des prestataires de services de certification. Il y a un marché de la certification en considérable expansion qu'il convient de réguler.
Les décrets devront organiser, conformément à la proposition de directive, un régime d'accréditation volontaire des autorités de certification et préciser les exigences concernant les dispositifs de création de signature. Il faudra fixer les conditions de sécurité que devront remplir les prestataires de services de certification.
Je précise, afin d'éviter toute équivoque sur le rôle de ces prestataires, que dans l'optique de la directive, ceux-ci seront chargés de délivrer des certificats électroniques garantissant le lien entre l'identité d'une personne et un dispositif permettant de vérifier la signature électronique émise par cette personne. Leur rôle est donc d' "identifier" le signataire, mais en aucun cas de certifier le contenu des messages.
Conclusion
Le projet de loi déposé par le Gouvernement fait clairement entrer le droit de la preuve dans l'ère numérique. Certains ont craint qu'il n'accorde une place trop importante à l'écrit électronique. D'autres au contraire ont estimé que ce projet de loi devait être étendu aux actes authentiques.
Telle est la position de la Commission des lois de votre Haute Assemblée qui a adopté un amendement sur ce point, amendement à la fois audacieux et mesuré.
En effet votre Commission entend ne pas limiter la réforme à l'acte sous seing privé mais poser d'ores et déjà le principe que l'acte authentique peut être dématérialisé et sa signature apposée sous la forme électronique.
Il s'agit là d'une question essentielle qui touche à l'authenticité. Défini par l'article 1317 du code civil comme l'acte reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter avec les solennités requises, l'acte authentique tire une force toute particulière de l'intervention d'un tiers investi d'une mission d'intérêt général. Ce tiers est un témoin privilégié de l'opération constatée dans l'acte et du respect des exigences de forme. Par la confiance qu'il inspire, l'acte authentique constitue le meilleur garant de la sécurité juridique.
Il faut donc veiller tout particulièrement à ce que sa dématérialisation ne remette pas en cause les garanties d'authenticité dont il est revêtu.
Il faut trouver, pour l'acte authentique, un nouveau formalisme électronique qui se substituerait aux exigences actuelles liées à un support papier.
Il est clair que cette substitution exige un travail d'approfondissement sur le double plan juridique et technique. Il suppose qu'il soit pleinement démontré que les exigences de l'authenticité peuvent être pleinement préservées dans un environnement dématérialisé.
Il faut aussi tenir compte de la diversité des actes authentiques qui ne se limitent pas aux actes notariés, mais englobent d'autres actes juridiques comme les actes de l'état civil, les jugements, et qui obéissent à des règles formelles différentes.
C'est pourquoi le Gouvernement s'était proposé de procéder par étapes et, tout en étant pleinement acquis à l'extension du principe de la dématérialisation aux actes authentiques, de limiter dans un premier temps la réforme à ce qu'il est d'ores et déjà possible de réaliser.
En cela d'ailleurs, il rejoignait les travaux communautaires entrepris en matière de commerce électronique puisque, comme vous le savez, la directive européenne qui a fait l'objet d'un accord politique n'impose pas la dématérialisation des actes émanant de détenteurs de l'autorité publique.
Votre commission des lois propose de procéder autrement en rendant possible juridiquement, dans notre code civil, une dématérialisation de l'acte authentique, tout en renvoyant à des décrets en Conseil d'Etat la question de sa mise en oeuvre pratique.
Cela me paraît sage. En effet , à la différence de l'acte sous seing privé, qui ne doit être conservé que pour une durée limitée de trente ans au maximum, l'acte authentique a vocation à être conservé pour une durée illimitée. La technologie utilisée doit donc garantir la pérennité de l'acte.
Or les technologies électroniques actuelles ne permettent de garantir la conservation des informations que pour une durée limitée en raison de leur obsolescence rapide.
Certes, il est possible de faire passer les informations d'un support sur un autre au fur et a mesure des évolutions, mais la récupération de l'information devra être sécurisée.
Je le dis très nettement, les conditions techniques d'une dématérialisation des actes authentiques ne sont pas réunies.
A cet égard, je souscris totalement à l'opinion de votre rapporteur qui a insisté au cours des débats de la Commission sur le fait que cet amendement ne modifie pas les règles de fond régissant l'établissement des actes authentiques et notamment la comparution, c'est à dire la présence personnelle du signataire dans l'étude de l'officier public chargé de recueillir son consentement et de conférer l'authenticité à l'acte.
Il n'en reste pas moins que je souscris à l'idée d'inscrire le principe de la dématérialisation pour ne pas revenir ultérieurement modifier le code civil tout en renvoyant à plus tard les conditions matérielles de sa réalisation .
Je constate donc que cette solution est pleinement conforme à nos objectifs communs.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 10 février 2000)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique est l'un des volets essentiels de l'action actuellement menée par le Gouvernement pour adapter la législation aux nouveaux enjeux de la société de l'information. Il est destiné à faire entrer le droit français de la preuve, confronté au progrès technique, dans l'ère des technologies de l'information.
Comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son rapport de juillet 1998 sur l'internet et les réseaux numériques, l'heure est en effet venue de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dans le nouveau monde virtuel pour réaliser des transactions électroniques : le document et la signature électroniques.
Cette affirmation n'est pas gratuite, elle se nourrit du constat du développement impressionnant du commerce électronique sur l'internet, principalement du commerce inter-entrepises mais aussi du commerce en direction des particuliers. A cet égard, le commerce électronique représente un premier enjeu économique capital. Mais, dès lors que la fourniture des biens et services existe sur le réseau, se pose la question de la validité des contrats de vente passés sous forme électronique. C'est là le second enjeu : celui de la sécurité du cadre juridique dans lequel s'opèrent les transactions, de façon à protéger les consommateurs.
Plusieurs organisations internationales mènent une politique de reconnaissance du document et de la signature électroniques. La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international a adopté en 1996 une loi-type sur le commerce électronique, destinée à créer un environnement juridique plus sûr pour le commerce électronique.
Le Parlement et le Conseil de l'Union européenne ont adopté le 13 décembre 1999 la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Elle a été publiée au Journal officiel des communautés le 19 janvier dernier. Une directive sur certains aspects juridiques du commerce électronique a, quant à elle, fait l'objet d'un accord politique le 7 décembre dernier.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui se fonde sur de nombreux travaux, au premier rang desquels les rapports du Sénat, celui du Conseil d'Etat, et celui que m'a remis en septembre 1997 la mission de recherche Droit et Justice qui avait constitué un comité d'experts pour réfléchir sur "l'écrit et les nouveaux moyens technologiques au regard du droit".
Ce groupe de huit universitaires m'a proposé une réforme du code civil que beaucoup attendaient et qui m'a semblé pleine de promesses. Je tiens à rendre hommage à la remarquable qualité de leur travail.
Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui comporte deux volets particulièrement novateurs : l'un sur l'écrit sous forme électronique (I), l'autre sur la signature électronique (II).
I. - La consécration de l'écrit sous forme électronique comme mode de preuve .
Je ne développerai pas longuement les inconvénients de la situation actuelle. De nombreux rapports ont pu le faire avant moi et celui de votre commission les résument parfaitement. Le Conseil d'Etat le soulignait dans le rapport déjà cité: " le fait qu'un message électronique puisse, en l'état actuel des textes, être assimilable à l'un des écrits visés à l'article 1341 du code civil demeure très contesté ".
Par conséquent, la nécessité d'une réforme étant reconnue, restait à déterminer les modalités qu'elle pouvait revêtir.
Le projet de loi procède en deux étapes pour assurer la reconnaissance juridique du document électronique comme mode de preuve :
* Dans un premier temps, il modifie la notion de preuve littérale ou par écrit afin d'y inclure le document électronique.
* Dans un second temps, il précise la valeur juridique attribuée à cette preuve littérale sous forme électronique.
A - Des solutions qui n'ont pas été retenues.
Pour faire entrer l'écrit électronique dans le droit, un certain nombre de solutions auraient pu être envisagées mais elles n'ont pas été retenues par le projet de loi.
* On aurait pu abandonner l'actuel système de la preuve légale en matière civile en laissant au juge la liberté d'apprécier la valeur des preuves qu'on lui apporte. D'autres pays que le nôtre ont adopté cette façon de voir et, nous mêmes, nous la pratiquons en certaines matières, notamment en droit commercial ou en droit administratif.
Cette solution n'a cependant pas été retenue, non pas parce qu'elle laisserait au juge la liberté d'apprécier la valeur de la preuve qui serait produite devant lui, mais parce qu'elle laisserait aux parties la responsabilité de choisir de se préconstituer une preuve ou non et ainsi de choisir le mode de preuve des conventions qu'elles concluent.
Je suis persuadée que la préconstitution de la preuve mérite d'être conservée. Elle remplit une fonction utile de mise en alerte de celui qui souscrit des obligations. Et, dès lors qu'on la maintient, il convient d'assurer l'égalité des parties face au risque de la preuve.
* On aurait pu aussi ériger les messages électroniques au rang de commencement de preuve par écrit. Mais cette solution n'est pas satisfaisante, car elle obligerait les parties à rechercher d'autres éléments de preuve. Elle consacrerait aussi une hiérarchie entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle, peu conforme avec l'objectif de non-discrimination assigné aux législateurs nationaux par la directive pour un cadre commun sur les signatures électroniques.
La consécration d'une différence de nature entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle par acte sous seing privé aurait été très en deçà de l'objectif, mentionné dans l'exposé des motifs, de facilitation des transactions électroniques, assigné à la réforme du droit de la preuve.
Le projet de loi s'est voulu plus audacieux : il entend faire entrer la preuve électronique dans le code civil par la grande porte, en lui reconnaissant la qualité de preuve complète, se suffisant à elle-même. Il a donc privilégié une logique d'assimilation.
B -La redéfinition de la preuve littérale
Dans le discours préliminaire au projet de code civil, PORTALIS affirmait clairement que " l'écriture est, chez toutes les nations policées, la preuve naturelle des contrats ". Depuis l'ordonnance de MOULINS, au XVI° siècle, la preuve littérale a supplanté la preuve par témoignage.
Dans la lecture qui est faite de l'article 1341 du code civil l'écrit a fini par se confondre avec son support papier, ce qui explique que les documents informatiques n'aient pu, jusqu'à présent, être identifiés à des actes sous seing privé.
Cette confusion entre l'écrit et son support est toutefois contestable. Défini dans le langage courant comme tout "système de représentation de la parole et de la pensée par des signes conventionnels tracés et destinés à durer" , l'écrit s'oppose à l'oral et sa durabilité le distingue de la fugacité du langage. "Les paroles s'envolent, les écrits restent". Opposé à l'oral, l'écrit n'est pas, dans le langage courant, réservé au support papier. Peu importe que l'écrit soit rédigé sur le papier, sur la pierre ou sur le marbre. Les tablettes des crétois ou les papyrus des égyptiens sont là pour en témoigner.
D'ailleurs, la jurisprudence relative au procédé de rédaction des actes sous seing privé montre que les juristes ont également adopté une définition large de la notion d'écrit. Par exemple, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 27 janvier 1846, rendu à propos d'un testament rédigé par un berger qui ne disposait que d'un crayon, a jugé que "dans son acception légale, le mot écrire signifie tracer des lettres, des caractères ; que la loi n'a spécifié ni l'instrument ni la matière avec lesquels les caractères seraient tracés".
Que l'écrit ne dépende ni de l'instrument ni de la matière sur laquelle il est rédigé, cela résulte de la jurisprudence ultérieure, qui a admis la validité des actes passés sur les supports matériels les plus divers, tels qu'une enveloppe, une machine à laver, et même du papier hygiénique. Mais cette liberté de choix de l'instrument et du support n'a pas été jusqu'à présent étendue aux "supports virtuels".
L'innovation conceptuelle majeure du projet de loi, consiste à redéfinir la preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support.
Le projet de loi élève clairement les documents électroniques au rang de la preuve littérale. A cette fin, il insère, dans la section du code civil consacrée à cette preuve et dans un paragraphe relatif aux dispositions générales précédant les paragraphes consacrés à l'acte authentique et à l'acte sous seing privé un article 1316 nouveau ainsi rédigé :
"La preuve littérale ou par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission".
Désormais, la preuve littérale ne s'identifie plus au papier. Elle ne dépend pas non plus des modalités de sa transmission, ce qui signifie que l'écrit reste un écrit même s'il est transféré ou stocké sous forme électronique, à condition qu'il puisse être à nouveau intelligible.
La validité de l'écrit électronique est toutefois subordonnée à certaines conditions.
C. Les conditions de reconnaissance de la valeur probatoire de l'écrit électronique
Ces conditions seront énoncées à l'article 1316-1 du code civil, aux termes duquel "L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité".
L'admission de l'écrit sous forme électronique en tant que preuve au même titre que l'écrit sur support papier est donc consacrée à la double condition que puisse être identifié celui dont il émane et que les conditions dans lesquelles il est établi et conservé en garantissent l'intégrité.
II. La reconnaissance de la valeur juridique de l'écrit électronique.
Une fois l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique clairement reconnue, il restait à définir, dans le système actuel de la preuve légale, la nature de la force probante attachée à ce mode de preuve. En somme, il fallait répondre à la question du régime de la preuve contraire. Comment prouver contre l'écrit électronique ?.
1°) Comment prouver contre et outre l'écrit électronique ?
Là encore on a écarté certaines solutions.
On aurait pu dire comme le législateur du Québec en 1993 que "le document reproduisant les données d'un acte juridique inscrites sur support informatique pouvait être contredit par tous moyens".
Mais cela reviendrait à consacrer un statut juridique d'infériorité de la preuve électronique, contraire à l'équivalence affirmée à l'article 1316 nouveau, et peu compatible avec l'importance économique de cette nouvelle preuve et à la généralisation de son utilisation pour les échanges sur l'Internet.
La pertinence de ces objections a conduit le Gouvernement à reconnaître à l'écrit sous forme électronique exactement la même force probante que l'écrit traditionnel.
Lorsqu'il n'est pas signé, il aura la force probante très limitée accordée aux écrits sur papier non signés, qui constituent de simples indices laissés à la libre appréciation du juge. Lorsqu'il est signé et qu'il aura été préétabli spécialement pour constater un acte générateur de droits et d'obligations, l'acte sous forme électronique aura exactement la même force probante que l'acte sous seing privé.
Conformément aux dispositions de l'article 1341 du code civil, il ne pourra pas être combattu par des témoignages ou des présomptions, même graves, précises et concordantes, mais seulement par un autre acte, authentique ou sous seing privé.
Cela fait naître une seconde question : comment régler le conflit entre une preuve littérale sous forme électronique et une preuve littérale traditionnelle ?
2°) Comment régler les conflits de preuve
Cette question est résolue par le projet de loi qui insère un article 1316-2 dans le code civil, qui prévoit que "lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu'en soit le support".
Cette disposition laisse au juge le soin de régler les conflits de preuve littérale, et a pour effet de supprimer toute hiérarchie entre la preuve sous forme électronique et la preuve littérale traditionnelle.
Redéfinition de la preuve littérale pour englober dans cette notion l'écrit électronique, reconnaissance expresse de l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique, consécration de l'identité de force probante entre l'acte sous seing privé électronique et l'acte sous seing privé sur support papier, le projet de loi est particulièrement novateur.
Toutefois, la signature étant une condition d'existence de l'acte, la réforme assimilant l'écrit électronique à l'écrit papier serait privée de toute portée si elle ne s'accompagnait pas d'une reconnaissance d'un équivalent électronique à la signature manuscrite. La réforme proposée est donc complétée par un volet relatif à la signature électronique.
III - La reconnaissance de la valeur juridique de la signature électronique
Bien que le droit impose fréquemment qu'un acte soit signé, et aussi surprenant que cela paraisse, aucun texte ne définit actuellement ce qu'il faut entendre par le terme de " signature ".
Sans doute, y a-t-il ce ces évidences qui ne se définissent pas ! Et d'ailleurs le projet de loi ne se risque pas à donner une définition générale de la signature qui s'appliquerait aussi bien à la signature manuscrite qu'à la signature électronique.
En revanche, il définit la fonction générale de la signature puis donne une définition de la seule signature électronique.
A - Fonctions générales de la signature et définition de la signature électronique.
Une définition générale des fonctions de la signature
Le projet de loi introduit un nouvel article 1322-2 au code civil qui prévoit, sans distinction entre la signature manuscrite et la signature électronique, que "la signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte".
Cet alinéa établit clairement la double fonction assignée à la signature: identification de l'auteur de l'acte et manifestation de son consentement au contenu de cet acte.
Une définition de la signature électronique.
Le deuxième alinéa, qui traite du cas où la signature est électronique, précise les conditions que celle-ci doit remplir pour se voir reconnaître une valeur juridique, mais en des termes généraux, de manière à pouvoir s'adapter aux évolutions techniques. Lorsqu'elle est électronique, la signature "consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte sur lequel elle porte".
A l'exigence de bon sens tenant à la fiabilité du processus employé, le projet ajoute celle d'un lien indissociable entre la signature et le message. Il n'est en effet pas possible d'accorder une valeur juridique à une signature si elle n'est pas indissolublement liée au contenu qu'elle a pour fonction d'approuver.
Dès lors qu'elle remplit ces conditions, la signature électronique se voit reconnaître la même valeur juridique qu'une signature manuscrite, quel que soit le procédé utilisé.
La fiabilité du procédé utilisé devra en principe être prouvée, sauf si elle peut être présumée parce que ce procédé répond à des exigences fixées par le pouvoir réglementaire.
B - Des signatures électroniques fiables.
Enfin, le projet de loi institue à ce même article 1322-2 du code civil une présomption de fiabilité en faveur des signatures électroniques répondant à des exigences fixées par décret.
Comme le souligne votre rapporteur avec raison, ces décrets seront particulièrement importants puisqu'ils mettront en oeuvre les dispositions de la directive sur les signatures électronique et notamment celles qui sont relatives à l'intervention des prestataires de services de certification. Il y a un marché de la certification en considérable expansion qu'il convient de réguler.
Les décrets devront organiser, conformément à la proposition de directive, un régime d'accréditation volontaire des autorités de certification et préciser les exigences concernant les dispositifs de création de signature. Il faudra fixer les conditions de sécurité que devront remplir les prestataires de services de certification.
Je précise, afin d'éviter toute équivoque sur le rôle de ces prestataires, que dans l'optique de la directive, ceux-ci seront chargés de délivrer des certificats électroniques garantissant le lien entre l'identité d'une personne et un dispositif permettant de vérifier la signature électronique émise par cette personne. Leur rôle est donc d' "identifier" le signataire, mais en aucun cas de certifier le contenu des messages.
Conclusion
Le projet de loi déposé par le Gouvernement fait clairement entrer le droit de la preuve dans l'ère numérique. Certains ont craint qu'il n'accorde une place trop importante à l'écrit électronique. D'autres au contraire ont estimé que ce projet de loi devait être étendu aux actes authentiques.
Telle est la position de la Commission des lois de votre Haute Assemblée qui a adopté un amendement sur ce point, amendement à la fois audacieux et mesuré.
En effet votre Commission entend ne pas limiter la réforme à l'acte sous seing privé mais poser d'ores et déjà le principe que l'acte authentique peut être dématérialisé et sa signature apposée sous la forme électronique.
Il s'agit là d'une question essentielle qui touche à l'authenticité. Défini par l'article 1317 du code civil comme l'acte reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter avec les solennités requises, l'acte authentique tire une force toute particulière de l'intervention d'un tiers investi d'une mission d'intérêt général. Ce tiers est un témoin privilégié de l'opération constatée dans l'acte et du respect des exigences de forme. Par la confiance qu'il inspire, l'acte authentique constitue le meilleur garant de la sécurité juridique.
Il faut donc veiller tout particulièrement à ce que sa dématérialisation ne remette pas en cause les garanties d'authenticité dont il est revêtu.
Il faut trouver, pour l'acte authentique, un nouveau formalisme électronique qui se substituerait aux exigences actuelles liées à un support papier.
Il est clair que cette substitution exige un travail d'approfondissement sur le double plan juridique et technique. Il suppose qu'il soit pleinement démontré que les exigences de l'authenticité peuvent être pleinement préservées dans un environnement dématérialisé.
Il faut aussi tenir compte de la diversité des actes authentiques qui ne se limitent pas aux actes notariés, mais englobent d'autres actes juridiques comme les actes de l'état civil, les jugements, et qui obéissent à des règles formelles différentes.
C'est pourquoi le Gouvernement s'était proposé de procéder par étapes et, tout en étant pleinement acquis à l'extension du principe de la dématérialisation aux actes authentiques, de limiter dans un premier temps la réforme à ce qu'il est d'ores et déjà possible de réaliser.
En cela d'ailleurs, il rejoignait les travaux communautaires entrepris en matière de commerce électronique puisque, comme vous le savez, la directive européenne qui a fait l'objet d'un accord politique n'impose pas la dématérialisation des actes émanant de détenteurs de l'autorité publique.
Votre commission des lois propose de procéder autrement en rendant possible juridiquement, dans notre code civil, une dématérialisation de l'acte authentique, tout en renvoyant à des décrets en Conseil d'Etat la question de sa mise en oeuvre pratique.
Cela me paraît sage. En effet , à la différence de l'acte sous seing privé, qui ne doit être conservé que pour une durée limitée de trente ans au maximum, l'acte authentique a vocation à être conservé pour une durée illimitée. La technologie utilisée doit donc garantir la pérennité de l'acte.
Or les technologies électroniques actuelles ne permettent de garantir la conservation des informations que pour une durée limitée en raison de leur obsolescence rapide.
Certes, il est possible de faire passer les informations d'un support sur un autre au fur et a mesure des évolutions, mais la récupération de l'information devra être sécurisée.
Je le dis très nettement, les conditions techniques d'une dématérialisation des actes authentiques ne sont pas réunies.
A cet égard, je souscris totalement à l'opinion de votre rapporteur qui a insisté au cours des débats de la Commission sur le fait que cet amendement ne modifie pas les règles de fond régissant l'établissement des actes authentiques et notamment la comparution, c'est à dire la présence personnelle du signataire dans l'étude de l'officier public chargé de recueillir son consentement et de conférer l'authenticité à l'acte.
Il n'en reste pas moins que je souscris à l'idée d'inscrire le principe de la dématérialisation pour ne pas revenir ultérieurement modifier le code civil tout en renvoyant à plus tard les conditions matérielles de sa réalisation .
Je constate donc que cette solution est pleinement conforme à nos objectifs communs.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 10 février 2000)