Texte intégral
Mesdames,
Messieurs.
Je suis très heureux de vous voir aujourd'hui réunis tous ensemble pour pouvoir parler très directement, avec vous tous, simplement avec franchise, des défis qui sont les nôtres de notre Etat, de sa réforme et aussi et surtout de la gestion des femmes et des hommes qui constituent notre fonction publique. Dans le passé, j'exerçais, un septennat durant, le métier de consultant en entreprise et tous les ans, il y avait naturellement une réunion des directeurs. Pour l'Etat, il paraît que c'est une première, que la démarche est originale. Elle me semble à moi tout à fait naturelle ainsi qu'aux ministres qui, ici, m'accompagnent car je crois vraiment qu'il est important que l'autorité gouvernementale, au-delà des départements ministériels, puisse en effet rencontrer les principaux cadres de son administration. Vous avez compris les uns et les autres - vous êtes suffisamment exposés à cela - que, face aux incertitudes que nous connaissons, face à la rupture de croissance, face aussi à l'engagement que le Gouvernement a entrepris sur l'orientation du président de la République pour choisir le chemin de la réforme, il est nécessaire que nous puissions partager des directions communes. Et nous voyons bien que plus les marges extérieures sont étroites, plus il nous faut, à l'intérieur de la société française, à l'intérieur de notre République trouver nos marges de mouvement. C'est un choix politique fondamental qui nous concerne tous. C'est un choix qui ne menace pas l'Etat mais c'est un choix qui doit nous permettre de le recentrer pour le renforcer. Il faut, je le crois, mettre rapidement fin à l'affaiblissement de l'Etat. J'en parle assez librement, je ne suis pas né dedans, mais je le connais bien pour le fréquenter depuis longtemps. Nous sommes face à un vrai affaiblissement de l'Etat. Pourtant, la demande d'Etat est forte partout dans le pays, mais elle est insatisfaite. Elle s'est exprimée, chacun s'en souvient, au printemps dernier notamment, le 21 avril par la voix de nos concitoyens qui l'ont dit clairement. Nous avons tous ensemble le devoir de répondre à cette demande d'Etat.
La demande est forte parce qu'au fond, l'Etat tient dans notre histoire, au cœur même de nos valeurs nationales, une place évidemment particulière. Il y a, dans l'esprit de chacun de nos concitoyens, un rôle que seul il peut tenir. C'est, je crois, ce point clé qui fait aujourd'hui que cette demande d'Etat est particulière : c'est qu'on attend l'Etat sur un certain nombre de missions qu'il est le seul à pouvoir accomplir. Il est évidemment le garant de notre sécurité. Il est le garant aussi, ne l'oublions pas, de la cohésion sociale. Et nous l'avons entendu encore récemment, il est aussi le garant de l'équilibre des territoires et le dépositaire des valeurs, de toutes les valeurs républicaines. Il est aussi, et nous venons de le vivre aussi, vecteur du rayonnement international et l'expression de la voix de la France. Tant d'attentes de nos concitoyens d'un côté, tant de missions essentielles qui lui échoient de l'autre au nom de l'intérêt général : l'Etat ne peut tenir sa place que s'il sait concentrer ses forces. Or, je vous le disais, l'Etat s'est affaibli. Voilà de longues années qu'il peine à prendre l'initiative de la réforme dans les principaux secteurs dont il a la charge, la sécurité, la santé, l'éducation, la préservation des retraites. Il y a toujours de bonnes raisons pour retarder le mouvement. Il a perdu particulièrement au cours des récentes années de croissance la capacité à trouver en lui-même les marges de manœuvre budgétaires nécessaires pour préparer l'avenir et ainsi, ses modes de gestion sont souvent archaïques notamment - nous y reviendrons tout à l'heure - sur les questions budgétaires où nous avons du mal à avoir de véritables visions pluriannuelles et pour lesquelles nous avons des difficultés à trouver les marges nécessaires aux ambitions que porte l'Etat. Il gère souvent les problèmes de loin sans faire suffisamment confiance à la responsabilité des acteurs locaux. Il s'est progressivement renfermé dans un formalisme qui le paralyse et qui complique la vie des usagers et une réelle distance s'est créée ainsi entre l'appel de l'Etat et l'usage de l'Etat, un usage décevant par rapport à un appel sincère.
Je crois, Mesdames et Messieurs les directeurs, à l'Etat comme socle de notre destin collectif. Mais je souffre de voir aujourd'hui diminuer sa capacité d'agir face aux attentes de nos concitoyens. J'ai souffert souvent de cette impuissance de l'Etat. J'ai souffert souvent dans la pratique concrète d'un Etat dispersé. J'ai vu des commissions régionales avec plusieurs représentants de l'Etat, les uns votant contre les autres comme si l'Etat pouvait opposer ses fonctionnaires sur des choix fondamentaux face à des partenaires de l'Etat. Je crois qu'il y a là des managements, des méthodes, des gouvernances à modifier pour que l'Etat puisse affirmer sa force en recentrant son action. C'est pour cela que j'ai souhaité vous rencontrer, vous qui êtes dans l'Etat en première ligne de l'action pour vous faire part de la résolution du chef de l'Etat, le président de la République et du Gouvernement pour délivrer l'Etat de l'impuissance qui le mine et pour vous dire comment et à quel rythme nous voulons conduire cette réforme et engager avec vous les initiatives nécessaires pour que nous puissions ensemble recentrer l'Etat en le réformant. L'Etat vit dans la permanence évidemment mais il n'assoit son autorité et son crédit que s'il sait percevoir l'urgence des mutations de notre société. Vos prédécesseurs ont vécu dans l'urgence de la reconstruction notamment et c'est parce qu'ils étaient habités de cette ardente obligation de redresser le pays, cette nécessité nationale que les Bloch-Laîné, que les Monnet, les Delouvrier ont été les principaux artisans des Trente glorieuses. L'ardente obligation d'aujourd'hui, elle vous concerne également pour votre génération de directeurs. Elle a aussi du sens. Et je crois profondément que cette ardente obligation, c'est de restaurer le crédit de l'action publique et donc de réformer l'Etat.
Les objectifs de cette réforme, tout le monde les connaît et je ne souhaite pas ici y revenir trop longtemps. Il s'agit d'abord de rappeler les fondamentaux du service public et notamment les vieux principes d'adaptabilité et de continuité ce qui signifie en langage moderne la réactivité et aussi la créativité, la capacité à redéployer les moyens là où sont les besoins, sans fétichisme des vieilles structures et des vieilles missions. Il s'agit en second lieu de répondre à l'exigence qualitative, cette exigence de qualité et de service de nos concitoyens. Ceux-ci maintenant sont choyés par une économie de service, par une économie tertiaire, par des entreprises qui souvent prennent de l'avance sur l'administration en ce qui concerne la relation avec le client. Le service est une valeur, pas seulement une politique commerciale et cela doit nous conduire à être exemplaire à l'intérieur de l'Etat dans nos relations avec l'usager. Enfin, il s'agit, disons le clairement, de faire mieux pour un moindre coût. Tout le monde perçoit que nous ne pouvons à accroître sans cesse les prélèvements obligatoires qui pèsent sur notre économie sans risquer de creuser entre les Français et leur administration un fossé qui deviendrait vite délétère. Mais je ne vous ai pas demandé de venir ce matin pour vous redire une nouvelle fois les objectifs de la réforme de l'Etat. Vingt rapports au moins de gauche, de droite - il doit même y en avoir du centre -, de fonctionnaires, de politiques disent la même chose depuis plus de quinze ans. Ce qui compte, je crois, c'est de vous indiquer quelle méthode et avec quels leviers le gouvernement veut s'engager dans cette réforme.
Cette méthode est fondée sur un principe. Nous avons le temps avec nous pour pouvoir mener à bien notre démarche. J'ai la conviction qu'il n'y a pas une réforme de l'Etat, un grand soir qui règlerait les problèmes mais bien qu'il nous faut mener des réformes dans l'Etat en multipliant les leviers et en incitant les administrations à intérioriser l'exigence des réformes. C'est pourquoi j'articule l'action du Gouvernement autour de cinq leviers principaux : la décentralisation, la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finance, la simplification et l'administration de services, l'Etat stratège et enfin les stratégies ministérielles de réformes qui seront présentées par chaque département ministériel devant le Parlement. Commençons par la décentralisation et la réforme de l'administration territoriale. Vous savez que c'est un sujet qui ne m'est pas tout à fait indifférent. J'ai commencé l'action de mon gouvernement en lançant l'acte II de la décentralisation parce que j'ai la conviction que la décentralisation sera le premier levier de la réforme de l'Etat. Et j'ai d'ailleurs souvent vu à cette occasion, quand nous débattions dans les régions, des fonctionnaires prendre la parole pour mettre en préalable au débat sur la décentralisation la définition du rôle de l'Etat. Et je crois que c'était une très bonne démarche de voir comment à cette occasion de débat on peut définir la mission essentielle de l'Etat et de voir ce qui ensuite peut être confié aux partenaires. Et on le voit bien, on le sait, l'Etat s'est affaibli en se dispersant et je veux vraiment que la décentralisation permette à l'Etat d'être plus fort sur ses missions principales notamment en profitant de la responsabilisation des collectivités territoriales. Vous savez, je crois beaucoup à la valeur de proximité mais je crois encore davantage à la valeur de responsabilité. Et ce sont les systèmes où les responsabilités sont opaques et confuses qui permettent souvent l'impuissance et qui, finalement, créent avec les citoyens la distance. Je préfère des recteurs concentrés sur l'objectif pédagogique, sur la qualité des diplômes, sur l'égalité des chances plutôt que de s'épuiser dans la résolution des problèmes de mise aux normes des lycées. Je préfère un ministère du Tourisme qui soit attaché à défendre la France à l'étranger, notre activité, notre image plutôt qu'à gérer les terrains de camping ou les guichets d'intervention qui sont mieux tenus par les collectivités territoriales. Je préfère une direction des routes et des DDE qui se concentrent sur des itinéraires structurants, qui s'attachent à les mettre aux normes de demain pour les rendre moins dangereuses plutôt que de passer leur temps à répondre à des demandes de collectivités qui souvent quand elles ne sont pas payeurs sont particulièrement demandeurs. La responsabilité est un bon élément du dialogue. Elle rend chacun et chacune responsable. J'ai annoncé à Rouen des transferts et des expérimentations importants. Je sais que l'administration toute entière se mobilise, quelquefois avec un peu d'inquiétude, pour réussir ces transferts et engager ces expérimentations. C'est vous maintenant qui détenez la clé de cette réforme. Il vous faut l'expliquer à vos personnels et à vos partenaires et il nous faut l'amener complètement ; je vous le demande sans aucune retenue. Rien ne serait plus dommageable que de conserver des outils d'action réduits dans des secteurs dont l'Etat a décidé de se retirer. L'Etat n'a pas vocation à jouer un rôle marginal, accessoire, secondaire, périphérique. N'ayez pas peur de la responsabilisation de l'action publique et engagez-vous dans ce type d'action de responsabilisation par la décentralisation. Il faut évidemment prolonger la décentralisation par une vigoureuse réforme de l'administration territoriale. La décentralisation ne sera un levier de réforme de l'Etat que si l'Etat en profite pour se renforcer sur ses missions essentielles et pour redéfinir ses priorités. C'est pour cela qu'un groupe de travail interministériel se réunit sur ces questions à ma demande pour définir l'essentiel du rôle de l'Etat notamment dans son partenariat face aux collectivités décentralisées. Face donc à ces collectivités, renforcées par la décentralisation, elle-même renforcée dans la Constitution, l'Etat ne doit pas prendre de retard. Le mouvement de décentralisation est irrésistible et il sera irréversible.
Deuxième objectif au-delà de la décentralisation, des objectifs clairs et des résultats attendus par la réforme des lois organiques, la loi organique pour les lois de finance. L'action publique n'est pas seulement faite évidemment du principe de moyens et de structures, elle est faite aussi, vous le savez, d'objectifs et de résultats. C'est tout l'intérêt de la nouvelle constitution financière que nous devons à l'action conjuguée d'A. Lambert ici présent, alors parlementaire, et de son collègue de l'Assemblée nationale D. Migaud. Pendant des années, les fonctionnaires se sont plaints à juste titre de l'incapacité des politiques à leur fixer des politiques et de la rigidité dans les règles budgétaires. Je le dis solennellement : les politiques, dans un consensus exceptionnellement rare, se sont mis d'accord pour faire évoluer ces règles. Les balles maintenant sont dans votre camp. A vous de faire vivre cette réforme et de proposer à vos ministres les solutions qui en feront un succès. Vous êtes de ce point de vue - j'attire votre attention sur ce point - dans une période cruciale. Vos propositions sur les programmes doivent être faites avant l'été pour qu'ils puissent être arrêtés à l'automne. Ensuite, les objectifs des politiques publiques seront arrêtés sur la base de vos propositions. Cette logique de programmes est une vraie révolution managériale à l'intérieur de notre organisation de l'Etat. Je compte beaucoup sur votre capacité stratégique, vous les directeurs, à pouvoir construire ces programmes et à permettre au gouvernement de pouvoir arrêter l'ensemble des propositions. Troisième levier après la décentralisation, après la LOLF : l'administration de services.
Troisième axe de notre action, c'est la capacité de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire dans sa relation au quotidien. C'est ce à quoi le président de la République nous a engagés en ce début d'année. L'Etat regagnera l'estime des Français, non seulement par la charge symbolique dont il est dépositaire, non seulement par ses grands projets, ses grandes réalisations mais aussi par la façon dont il fonctionne au quotidien. Le Gouvernement a choisi la simplification comme premier symbole de cette administration de services. La raison en est simple : être exemplaire pour l'Etat, c'est accepter de se placer du côté de l'usager. Nous savons bien que l'administration a des solutions de plus en plus complexes à gérer, des demandes de normes nouvelles dans un monde où l'insécurité n'est plus tolérée ; tout ceci conduit à la complexité. Et je crois qu'il ne faut pas promettre aux citoyens une société qui ne serait pas complexe parce qu'au fond, la République est complexe puisqu'elle veut traiter chaque citoyen avec égalité, liberté et fraternité. La démocratie peut s'arranger quelquefois de la complexité en donnant le pouvoir à la majorité sur la minorité. La République, elle, traite chacun à sa place, ce qui veut dire que l'action publique est obligée de considérer chaque Français en tant que tel avec ses aspirations, ses différences, ses spécificités. Et donc, la file indienne, ce n'est pas pour demain matin. Donc, la complexité est dans nos gènes républicains. Mais elle exige que vous soyez vous-mêmes des professionnels de complexité, que cette complexité pour laquelle vous avez été formés, cette complexité-là, vous la gardiez pour vous-même, pour l'intérieur de l'Etat et que vous puissiez transférer - c'est là votre ingénierie - de la simplification. C'est là la grande capacité, vos grandes possibilités d'action, c'est de faire en sorte que vous soyez des experts en complexité dont le langage avec le citoyen est celui de la simplification. La simplification généralisée pour tous, il n'y a que les dictatures qui la connaissent. Les démocraties, les républiques connaissent une complexité et cette complexité, nous devons la garder à l'intérieur de l'Etat, trouver les mécanismes de transfert pour faire en sorte que l'usage pour le citoyen ne soit pas un usage de la complexité. C'est toutes les technologies aujourd'hui qui nous apprennent aujourd'hui à nous servir avec facilité de l'ordinateur, du téléphone sans connaître sa propre complexité intérieure. Eh bien, nous avons la même chose à faire, faire en sorte que nous puissions maîtriser dans l'Etat la complexité pour permettre aux citoyens d'avoir accès avec simplicité aux services publics. Je me réjouis du succès qu'a remporté la première loi d'habilitation pour simplifier le droit par ordonnance et telle qu'elle a été présentée par J.-P. Delevoye et H. Plagnol devant le Parlement il y a quelques jours. J'y vois la preuve que les cartons des administrations sont pleins de projets qui ne demandent qu'à éclore et je vous engage à vous investir dans la préparation des prochaines ordonnances et à continuer à passer en revue vos procédures pour bâtir le second projet de loi d'habilitation qui devrait être présenter, je le souhaite, à l'automne prochain.
L'administration de services, c'est aussi, au-delà de la simplification, la qualité des relations avec l'usager. Sur ce point évidemment, je le sais, beaucoup reste à faire. Les 35 heures qui devaient permettre de moduler les horaires d'ouverture ont, je le crois, plutôt aggravé la situation. Mais pour faire face à cette situation, l'administration électronique ne progresse pas tout à fait assez vite, en tout cas moins vite que dans d'autres pays. Nous devons développer, comme le secteur privé l'a fait, des chartes de qualité et d'accueil, des engagements de services, trouver de nouveaux modes d'accueil téléphoniques, électroniques, enfin mieux écouter les usagers. J'ai confié à monsieur Y. Cannac une mission sur ce sujet. Sur la base du travail de cette mission, les ministres proposeront au gouvernement un plan d'action que je souhaite ambitieux.
Quatrième levier, l'Etat stratège. Je crois que c'est là quelque chose de très important. On a vu dans le grand débat national au fond que l'Etat avait eu tendance à aller s'engager toujours davantage en aval oubliant le terrain de l'amont, la pensée, la stratégie. Et quand il faut définir des grands programmes à dix, quinze ans, vingt ans, on voit finalement que les outils de l'Etat ont été quelque peu fragilisés, que la capacité stratégique de l'Etat était affaiblie. Et nous voyons bien que, dans l'exigence de stratégie d'un pays comme le nôtre, ni le marché des entreprises, ni les collectivités territoriales n'ont la distance, ni la longueur de portée de vue capables de traiter cette capacité stratégique nécessaire. L'Etat doit cultiver sa capacité d'évaluation, d'anticipation et évidemment, il s'agit là d'une mission qu'il nous faut renforcer. Je crois beaucoup à la crédibilité, pour les citoyens, de l'Etat stratège, à cette mission stratégique de l'Etat. Penser en avant : c'est une mission que j'ai confiée à A. Etchegoyen, penseur, philosophe mais aussi homme d'entreprise pour qu'il puisse nous mener une réflexion globale sur la fonction de prospective de l'Etat avec trois objectifs. D'abord, rationaliser les moyens humains et administratifs qui sont aujourd'hui dispersés parce qu'il existe plusieurs sites de prospective. Essayons de les rationaliser. Développons la prospective pluridisciplinaire afin de favoriser l'émergence de diagnostics partagés notamment en intégrant mieux les travaux conduits dans chacun des ministères qui ont une part donc de perspective et de prospective. Enfin, rapprocher l'université et la recherche privée, associer les chercheurs à cette capacité de penser l'avenir, c'est un élément important de cette mission à laquelle j'attache beaucoup d'importance. Et si l'Etat veut contractualiser avec des partenaires, notamment dans la décentralisation, l'Etat peut difficilement demander aux collectivités territoriales d'avoir des schémas, d'avoir des projets et lui-même n'être pas capable d'avoir cette réflexion stratégique sur laquelle il fondera son action. Je pense que là, nous avons des efforts importants à faire pour renforcer cette dimension et je crois qu'elle servira la cause d'un Etat recentré, un Etat plus fort.
Enfin, cinquième levier, l'implication des ministres directement ministère par ministère dans leur réforme avec un rendez-vous devant le Parlement. J'ai bien conscience qu'aucune des réformes interministérielles que j'ai évoquées ne produira ses fruits si les ministères et les ministres eux-mêmes ne sont pas pleinement investis dans l'exigence de ce mouvement. La réforme de l'Etat, c'est d'abord l'affaire des ministres. Ceux-ci sont impliqués dans la réforme et je m'emploie quotidiennement à essayer de leur faire partager cette ambition. Mais aidez-moi. Entre nous deux, ils auront du mal à y échapper. Ils savent que notre capacité à réformer l'Etat et retrouver des marges de manœuvre budgétaires dépend au fond le succès de l'action du Gouvernement qui doit financer ses projets - et vous le savez bien - dans un contexte difficile. Je reçois en ce moment même l'ensemble des membres du gouvernement les uns après les autres pour voir avec eux quelles réformes structurelles peuvent être mises en œuvre. Je veille à ce que les ministres ne s'occupent pas que de leur politique. Il faut qu'ils s'occupent de leur politique mais il faut aussi qu'ils s'occupent de la gestion de leurs moyens. Les réformes structurelles qui me sont proposées montrent que nous avons collectivement des marges de progrès mais elles peuvent encore être développées. Il faut refuser l'immobilisme. Les réformes que vous n'aurez pas été capables d'inventer nous seront imposées par les moyens les plus sévères, je veux parler de ceux de la régulation budgétaire. Et personne ne peut rêver de la régulation budgétaire comme moyen de réforme. C'est ce qu'il y a de plus primaire mais c'est ce qui reste quand on n'a pas investi en matière grise en amont pour inventer des réformes ; ça se termine par une régulation budgétaire. Je voudrais éviter cette forme d'action dont je mesure qu'elle n'est pas toujours malgré la qualité des ministres subtile comme nous le souhaiterions qu'elle le soit. Mais nous ne pouvons éviter cette démarche qu'en amont, en bâtissant, en inventant, en construisant des réformes. Il s'agit là d'un élément majeur. Rendre compte des objectifs et des résultats obtenus dans la réforme de l'Etat sera maintenant une responsabilité de chaque ministre devant la représentation nationale. C'est un engagement du chef de l'Etat ; c'est un engagement que j'ai repris dans mon discours de politique générale. Chaque ministre ira présenter devant le Parlement ses propositions de réforme. Et vous savez, cela correspond à une attente forte des parlementaires. Voilà les cinq piliers de notre réforme, cinq angles de mouvement que nous voulons impulser pour des réformes de l'Etat. C'est je crois pour nous tous un engagement de temps, de passion et c'est une énergie que nous voulons mettre au service de notre Etat.
Mais au-delà de ce que le Gouvernement attend de vous, le succès des réforme repose aussi sur la mobilisation de l'ensemble des fonctionnaires. Il n'y a pas de mouvement durable et profond de réforme si la somme des compétences, de l'expérience, de la motivation et du sens du service public des femmes et des hommes qui travaillent n'est pas orientée dans ce sens. C'est pour ça que je vous propose de réfléchir à une nouvelle gestion des ressources humaines. L'Etat employeur a d'évidence d'incontestables progrès à faire. Les agents se plaignent d'une gestion de masse et peu personnalisée, d'un dialogue social trop formel. Et de leur côté, les responsables de l'administration ont souvent l'impression d'être amputés d'une part de leur pouvoir de direction. Sur ce point plus encore que sur les autres, il ne faut pas avoir peur de la réforme. Elle est souhaitée. L'image présentée de façon artificielle et outrancière d'une fonction publique conservatrice, hostile à la réforme et repliée sur elle-même ne correspond pas à la situation générale. La France a une belle tradition de service public qui s'incarne dans la fonction publique. La dénigrer est absurde. Elle a déjà démontré à maintes reprises qu'elle sait s'adapter et sait mobiliser. Encore faut-il que ceux qui en ont la responsabilité puissent jouer pleinement leur rôle de mobilisation des femmes, des hommes placés sous leur autorité. Telle est votre mission et tel est le souhait que j'ai de vous y aider à l'accomplir. Elle revêt à mes yeux, cette mission, une importance primordiale. Je veux vous donner à ce sujet les orientations qu'il vous appartiendra de mettre en œuvre. D'abord et premièrement, réussir le renouvellement démographique. Nous sommes aujourd'hui à un tournant très important, chacun le sait. Près de 50 % des fonctionnaires de l'Etat vont partir en retraite dans les dix ans qui viennent alors même que les viviers vont se réduire. Ils ne seront évidemment pas tous remplacés. Le recrutement va être moins facile. Longtemps, l'Etat n'a pas eu à agir vraiment pour se préoccuper d'attirer à lui une ressource humaine nombreuse et plutôt bien, mieux diplômée à des niveaux de poste équivalente dans le secteur privé. Cette situation a eu des avantages pour les gestionnaires bien sûr, pour les agents en partie et pour la qualité du service public qui a ainsi bénéficié d'un recrutement de bon niveau sur tout le territoire. Cette situation, il ne faut pas se le cacher, a aussi un envers. L'Etat vraiment, anticiper sur ses besoins à venir de recrutement ? A-t-il pu le faire ? A-t-il adapté les systèmes de gestion en particulier les corps ? J'ai trouvé quand même qu'ils étaient très nombreux, les corps. Les capacités d'adaptation à l'évolution des métiers ont nécessité de la mobilité. L'Etat a-t-il reconnu les efforts des meilleurs éléments ? A-t-il vraiment assuré un suivi personnalisé des carrières des agents et, le cas échéant, a-t-il facilité leur adaptation à une seconde carrière ? En un mot, l'Etat a-t-il eu pour les hommes et pour les femmes qui sont à son service la considération et le souci du meilleur emploi qu'il devrait avoir pour une ressource en fait rare ? Je vous laisse juges naturellement des réponses à apporter. Elles ne sont évidemment pas uniformes. La vérité oblige cependant à dire ainsi que le souligne le rapport du Conseil d'Etat - je salue le vice-président - ce rapport souligne que l'Etat et les cadres dirigeants de l'administration se sont accommodés trop souvent d'une gestion des personnels peu performante et excessivement formelle. Mesdames et Messieurs les directeurs, je vous le dis simplement, ce temps est révolu. Un statut ne peut se substituer à une politique. La qualité de l'emploi public comptera davantage dans l'avenir que sa quantité. Les emplois nouveaux seront moins nombreux. Ils seront plus qualifiés. Ils vont être à l'évidence moins faciles à pourvoir. J'ai indiqué au mois de juillet, lors de ma déclaration de politique générale, que le Gouvernement aborderait la question de l'emploi public en fonction de la réalité des besoins et je m'en tiens à cette politique. Dans certains secteurs, les départs en retraite ont été remplacés, des emplois nouveaux ont été créés. Ainsi, 25 000 emplois au total pour les plans justice et sécurité intérieure. Mais à l'inverse, je dis clairement que je ne compte pas remplacer systématiquement nombre pour nombre tous ceux qui s'en vont. J'observe les critiques formulées par le dernier rapport particulier de la Cour des Comptes - je vous salue, Madame et Monsieur - sur la gestion du système éducatif notamment. Faut-il chercher à résoudre les problèmes de certains services publics en créant toujours plus d'emploi ? Je réponds clairement " non ". Il y a de nombreux secteurs où la réforme doit conduire à des organisations plus économes en termes d'emploi. Ce qu'il faut rechercher, ce sont les besoins exacts en nombre et en compétence dans des structures simplifiées, recentrées dans leur mission. Des tâches à faible valeur ajoutée doivent pouvoir être supprimées ou externalisées, les doublons évités et des emplois redéployés car nous savons bien que la difficulté de l'Etat qui s'ouvre va être de continuer à avoir dans la fonction publique des recrutements de qualité dans un contexte de concurrence qu'il ne faut pas mésestimer avec le privé. Cette difficulté doit être pour nous un aiguillon. A nous d'en faire une chance. Il faut pour cela que nous prenions à bras le corps la gestion des ressources humaines.
Nous avons à réinvestir des chantiers trop longtemps laissés en friche par l'Etat employeur. Je me limiterai à trois d'entre eux. Le premier concerne l'emploi et les carrières, le second la rémunération, le troisième le dialogue social. Je propose une gestion active de l'emploi et des carrières. Nous ne pouvons plus nous contenter d'une gestion approximative des emplois et des carrières. Une gestion moins administrative et plus proche : la gestion des ressources humaines que je vous propose, que je vous demande de prendre en main doit être moins formelle et plus proche. Il ne s'agit pas de remettre en cause le statut de la fonction publique évidemment. Bien souvent, ce n'est pas le statut lui-même qui est la cause des rigidités d'ailleurs, c'est le droit coutumier, ce sont les pratiques, c'est une certaine forme de démission. Rien n'oblige personne dans le statut à noter la totalité des fonctionnaires entre 17 et 20. Et moi d'ailleurs, tout ce que j'ai vu, c'était au-delà de 19, que des gens exceptionnels, d'ailleurs ce dont je me réjouis. Cependant, rien dans le statut nous oblige à concentrer comme ça les notes entre 17 et 20. Les structures, en revanche, doivent être adaptées aux nécessités d'une gestion efficace. Dans cet esprit, je demanderai à tous les ministres de proposer avant la fin de l'année un programme ambitieux de réduction du nombre de corps et je sais que ce sera un exercice difficile mais c'est nécessaire. Pour avancer de manière significative, une impulsion d'ensemble me paraît devoir être donnée. Dans cette perspective et dans le cadre de la réorganisation plus générale de l'administration territoriale, il faut que les responsables de l'action locale soient aussi ceux qui sont en charge les principales décisions de gestion du personnel. Il faut rapprocher les responsabilités. Et donc, ceux qui sont sur le terrain en charge de l'administration territoriale doivent pouvoir agir sur les décisions de gestion du personnel. Les actes de gestion doivent être déconcentrés au niveau d'entités à taille humaine. Les fonctions supports, notamment la formation, l'action sociale, l'organisation des concours doivent pouvoir être organisées avec professionnalisme autrement qu'à l'échelon central. L'échelon central n'est pas le seul échelon de l'excellence. Sous son contrôle, d'autres échelons peuvent également partager l'excellence.
Une gestion plus stratégique de l'emploi deuxièmement. L'emploi est la première richesse évidemment de l'Etat employeur ; elle doit être gérée comme une ressource stratégique. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a pris du retard. Vous avez la responsabilité, chacun dans le périmètre de vos compétences, de déterminer non seulement quels seront les flux naturels de départ et les nécessités de remplacement mais surtout quelles sont les compétences dont vous aurez besoin demain, comment mettre les emplois dans les endroits et dans les fonctions qui sont prioritaires, quels sont les formations et les circuits de promotion internes qui doivent être organisés, quelles réformes d'organisation doivent être menées, quelle est la part du faire et celle du faire faire dans le contexte démographique et dans celui de la décentralisation. En répondant à ces questions, vous assumez une mission essentielle de votre responsabilité. J'ai demandé que l'exercice soit relancé pour la fin du mois pour que nous puissions respecter nos délais. Enfin, une attention plus grande doit être apportée au recrutement et à la carrière. Les recrutements et les carrières sont en effet prioritaires dans cette politique de ressources humaines stratégique. L'objectif est de recruter là où sont les besoins et de recruter à un bon niveau et de recruter durablement. Dans certaines affectations réputées peu gratifiantes et pourtant prioritaires pour le service public, les demandes de mutation sont posées dès l'entrée en poste. Il faut trouver le moyen de remédier à de telles situations. Des concours nationaux à recrutement local doivent être développés. Des engagements de durée dans certains postes sont nécessaires. Mais à l'inverse, chaque nouvel arrivant doit pouvoir sortir de sa première affectation avec une formation, avec un véritable métier et une réelle chance d'être accompagné dans les étapes de sa carrière et la valorisation de son potentiel professionnel. Cette attention à la gestion des affectations doit demeurer pour l'ensemble de la carrière si l'on veut éviter les phénomènes trop nombreux que nous connaissons de fuite des meilleurs et de lassitude de certains autres. On parle aujourd'hui de seconde carrière, cela suppose qu'un certain moment de la vie professionnelle, chaque fonctionnaire puisse faire avec son employeur un bilan approfondi de ses compétences, de son parcours et de ce que l'administration attend de lui. Vous aurez à mettre en œuvre de tels bilans. Vous aurez aussi à améliorer les procédures de recrutement interne. Il y a là, je crois vraiment, un double enjeu ; pour l'administration, il s'agit, évidemment, de mieux bénéficier des compétences et de ses agents au moment où ils sont recrutés, mais il faut aussi veiller à ce que l'on puisse surmonter les difficultés de recrutement à l'extérieur. Pour les agents, il s'agit d'ouvrir de nouvelles modalités de promotion interne, valorisant les compétences professionnelles davantage que les aptitudes académiques. Enfin reconnaître le mérite et les résultats : le second chantier de la reconnaissance du mérite et des résultats est très important.
Une politique de rémunération plus incitative : l'enjeu principal est de redonner tout son sens et son caractère incitatif à la politique de rémunération. Je voudrais parler vraiment devant vous sans aucune ambiguïté : le mérite est une valeur républicaine, l'Etat se doit de promouvoir le mérite, c'est une condition de justice pour la gestion des agents, c'est une condition d'efficacité pour le service public. S'il y a un lieu où le mérite ne peut pas être mésestimé, c'est bien l'Etat. Les règles qui permettent de reconnaître le mérite et la performance existent ; ces règles je vous demande les appliquer. Il en va vraiment de votre autorité, c'est même une question qui, au-delà de vous-même, concerne la crédibilité de l'Etat. La plus mauvaise situation est celle dans laquelle ces principes sont affichés mais pas respectés. Votre devoir est de reconnaître le mérite de vos collaborateurs. Naturellement, on ne peut pas reconnaître les résultats si le travail en préparation, en amont, n'a pas effectué, il faut définir des objectifs, fixés collectivement, individuellement, et donc vous avez, sous l'autorité de vos ministres, cette responsabilité. Je vous demande de l'exercer, je demanderai à l'ensemble des ministres de me rendre compte, avant la fin de l'année, des dispositions que vous aurez proposées et qu'eux auront retenus. C'est un élément très important du mouvement que nous voulons créer. Enfin, nous souhaitons davantage de clarté dans la politique de rémunération. Bien entendu, et c'est également un enjeu important, cet exercice doit être mené en tout clarté. La clarté exige d'abord que les différentes composantes - traitements, primes et indemnités - soient transparentes, connues de tous et donc publiques. Je salue le travail important qui a été réalisé dans ce domaine sous l'impulsion de la Cour des comptes. La clarté suppose aussi que les agents comprennent comment leur mérite et leurs résultats sont reconnus. Il faut donc accepter de rendre compte de la politique de rémunération, c'est la condition pour arriver sur ce sujet. Face aux contraintes qui s'expriment sur la reconnaissance du mérite, contraintes et craintes que l'on voit souvent trop nombreuses s'exprimer sur cette reconnaissance du mérite, et sur la reconnaissance des résultats, des éléments objectifs sur la politique de rémunération doivent pouvoir être présentés de manière régulière et dans des instances paritaires.
Enfin, il nous faut renouveler profondément le dialogue social. Le dialogue social dans la Fonction publique est considéré trop souvent comme formel. L'organisation et le fonctionnement des instances paritaires n'offrent pas les conditions suffisantes d'un dialogue constructif sur l'évolution des missions et sur l'évolution des moyens. A l'évidence, des marges de progrès importantes existent. Dans une organisation moderne, le dialogue social ne peut pas avoir comme seul horizon l'examen paritaire des cas individuels - je ne dis pas que ce n'est pas important, mais ça ne peut pas être l'horizon unique -. Si vous souhaitez mobiliser les personnels sur la mise en œuvre des stratégies ministérielles de réforme que vous préparez avec les ministres, il faut donc redonner vie au dialogue social, il faut que le dialogue social porte sur la qualité du service à l'usager, qui justifie ces réformes, sur les capacités des plans stratégiques, des plans de gestion prévisionnels des effectifs. Enfin, un certain nombre de décisions qui doivent prendre place dans la concertation. Il y a des progrès à faire pour améliorer le fonctionnement, évidemment, des organismes paritaires, en particulier les fameux CTP où ce dialogue devrait avoir lieu. Je demande à J.-P. Delevoye d'ouvrir une concertation avec les organisations syndicales, afin de me proposer d'ici l'automne les décisions à prendre pour que le dialogue social soit profondément renouvelé. Je crois qu'en ce qui concerne le secteur public, mais aussi dans le secteur privé, nous avons besoin de redonner vie à un dialogue social, avec un peu moins de formalisme, un peu plus de représentativité, et plus de dialogue, et plus de débats vivants. Je compte sur vous pour ce dialogue social, notamment dans les mois qui viennent puisque, dans maintenant trois mois, la grande réforme des retraites sera achevée.
Nous nous préparons à un grand rendez-vous, le rendez-vous aura lieu en 2008. Ce sera un rendez-vous d'équité pour tous les Français. Notre réforme sera une réforme de justice, elle n'opposera pas le secteur public au secteur privé ; au contraire, elle cherchera à rassembler les Français pour que leur juste effort permette de sauver notre système de retraite par répartition. Je serai très attentif à ce que, à l'occasion du débat sur les retraites, on n'oppose pas dans le pays le secteur privé au secteur public mais, au contraire, que chacun comprenne bien qu'il s'agit d'une réforme pour la France, pour tous les Français, pour ensemble faire face à cette nécessité qui est de sauver notre système de retraite, tous ensemble, en regardant l'avenir avec détermination, mais aussi avec l'esprit de justice qui va caractériser cette réforme. L'engagement pour la réforme des cadres, des dirigeants de l'Etat, est aussi nécessaire, il sera soutenu. Je voudrais vous dire quelques mots en ce qui concerne le management des plus hauts cadres de l'Etat. Votre engagement personnel pour la réforme de l'Etat est nécessaire et il doit être soutenu, ce qui implique que le management de l'encadrement supérieur soit une véritable préoccupation du Gouvernement dans son ensemble. Et votre effort doit être soutenu, je le dis et j'y participerai personnellement. Je suis frappé par les départs de plus en plus précoces des hauts fonctionnaires ; dans beaucoup d'entreprises qui ont compris que leur principale richesse, c'était le facteur humain, la direction générale consacre beaucoup de son temps à identifier les cadres de demain. Il faut que l'administration s'attache à retenir ces cadres, qu'elle encourage les déroulements de carrière, qui soient valorisants et qui préparent à l'exercice des responsabilités. Il faut qu'elle élargisse le vivier de ses recrutements. Il faut aussi que les ministres sachent reconnaître les mérites de leurs directeurs, ce qui suppose au préalable de leur avoir naturellement fixé des objectifs. Le chantier est lancé, le Gouvernement aura à se prononcer prochainement sur les propositions de trois missions ; la première sous la président d'Y.-T. de Silguy va nous permettre de revoir les modalités de recrutement des hauts fonctionnaires, et de rendre l'ENA plus efficace ; la seconde sous la présidence de G. Berger a pour objet de réfléchir aux passerelles entre le public et le privé, pour favoriser les échanges entre ces deux univers, dans le respect bien sûr des règles déontologiques. Enfin, j'ai demandé à M. Pochard de poursuivre le travail de réflexion engagé sur la Fonction publique en se (coupure de son fin de la face A) d'administration.
Il nous faut aussi nous interroger sur le rôle des cabinets. Je le dis très clairement ; à mes yeux, c'est vous qui êtes nommés en Conseil des ministres, faites-vous respecter. C'est vous qui êtes nommés en Conseil des ministres, c'est donc vous qui êtes responsables sous l'autorité des ministres, et je saurai diffuser à tous les ministres ce message. Les directeurs d'administrations centrales ont un rôle essentiel, leur nomination en conseil des ministres porte sens, et c'est pour ça que je souhaite qu'ils puissent avoir des responsabilités qui ne soient pas rendues plus opaques, moins claires, par la pression des cabinets. J'attends des propositions des missions qui sont lancées sur ces différents points pour formuler un certain nombre de propositions à l'ensemble des ministres, et je renouvellerai cette occasion de pouvoir, avec vous, faire le point sur ces différents sujets. Le Gouvernement donnera aux directeurs ainsi de nouvelles marges de manœuvre. Vous soutenir, c'est aussi vous reconnaître ces marges de manœuvre dont vous avez besoin, qui sont nécessaires à l'exercice plein et entier de vos responsabilités. Il me semble notamment qu'il serait souhaitable que le Gouvernement vous accorde sa confiance pour une durée en rapport avec les objectifs qu'il vous fixe. J'estime également normal que l'organisation de votre administration, le choix de vos collaborateurs relèvent, au premier chef, de votre propre initiative. Enfin, je souhaite que les contraintes procédurales excessives, auxquelles vous vous heurtez quotidiennement sans bénéfice pour le service public, soient revues.
C'est dans cet esprit que la modernisation du Code des marchés publics, par exemple, sera prochainement menée à bien. Partant d'une méfiance de principes vis-à-vis de tout acheteur, les règles actuelles étouffent vos services, font des collectivités publiques des acheteurs pusillanimes, souvent lents et quelquefois faibles. Le Code des marchés publics sera simplifié avant l'été, pour devenir un outil au service des acheteurs, un outil efficace. De même, et pour accompagner la mise en œuvre de la loi organique, les procédures comptables doivent évoluer vers moins de formalisme et vers moins de contrôle a priori. A. Lambert présentera bientôt un plan de simplification de la dépense. En conclusion, Mesdames et Messieurs les directeurs, l'Etat et le gouvernement, le Premier ministre comme tous les ministres, souhaitent entretenir avec vous une relation marquée, à la fois, par une exigence forte, mais aussi par une grande confiance. Je suis venu vous rencontrer pour vous dire, l'une et l'autre au nom de l'exigence, je vous demande de participer de toute votre énergie à la réforme de votre, de notre Etat. Il nous faut des résultats, ils doivent être perceptibles par le citoyen, par l'usager, par le contribuable. C'est votre exigence, c'est notre exigence commune, nous devons avoir des résultats. Au nom de l'exigence mais aussi au nom de la confiance, le Gouvernement tout entier s'attachera à renforcer votre autorité, et les marges de manœuvre nécessaires à l'accomplissement de vos missions. Notre société doit évoluer ; pour que l'Etat porte les réformes, il faut que, ensemble, nous portions la réforme de l'Etat. Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2003)