Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les grands axes de la stratégie nationale du développement durable, Paris le 5 juin 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque de l'association Les Eco Maires, à Paris le 5 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui en cette journée mondiale de l'environnement, et alors que nous avons lancé cette année la semaine du développement durable.
La France va bientôt adopter une Charte de l'environnement qui viendra compléter les principes fondamentaux de notre Constitution. Ainsi, par la volonté du Président de la République, et sous le pilotage du Premier Ministre, le Gouvernement va faire entrer notre pays dans une démarche résolue de développement durable, dont l'esprit irriguera l'ensemble des politiques publiques. Dès cette semaine, Monsieur le Premier Ministre a présidé un Conseil Interministériel du Développement Durable qui vient d'adopter une ambitieuse stratégie nationale du développement durable.
La matinée-débat, organisée par l'association " Les Eco Maires " que je remercie, ainsi que tous les participants à ce colloque, me donne l'occasion d'exprimer mon appui aux initiatives des collectivités locales qui s'engagent dans des démarches de développement durable.
La stratégie nationale de développement durable a retenu parmi ses objectifs d'encourager les collectivités territoriales à développer des projets de développement de leur territoire qui répondent aux principes de l'Agenda 21 de Rio. La prise en compte du développement durable à l'échelon territorial est un véritable défi : par ses composantes économique, sociale, culturelle et environnementale, la gestion durable des territoires fait en effet appel à une multitude d'acteurs publics et privés, intervenant à différents niveaux géographiques.
L'aménagement des territoires relève du développement durable en ce sens qu'il engage le très long terme et les générations futures.
La stratégie nationale a choisi de traiter différentes facettes de la question territoriale : tout d'abord, la dimension urbaine et bâtie des territoires, avec un accent particulier pour le patrimoine culturel, dont la valeur en France est exceptionnelle ; ensuite, la dimension rurale et naturelle des territoires, comprenant la nécessaire préservation des milieux ; enfin, l'appui à l'action des collectivités territoriales en faveur du développement durable, dans le but notamment de réduire les inégalités dans les territoires.
La mise en oeuvre de ces objectifs nécessite bien sûr que les décideurs, et notamment ceux qui agissent à l'échelon local, disposent d'outils performants.
Des outils de planification ont été mis en place au profit d'une plus grande solidarité sociale et territoriale. Ils permettent de concevoir des documents stratégiques à l'échelle de l'agglomération qui mettent en cohérence l'ensemble des politiques sectorielles concourant au développement des villes. Je pense notamment à l'habitat, aux déplacements, à l'aménagement, à l'environnement ou encore à l'équipement commercial.
Cette approche globale a été mise en oeuvre par un système de contractualisation entre l'Etat et les villes, notamment par les grands projets de ville ou les contrats pluriannuels d'agglomération.
Nous devons aller au-delà et rechercher ensemble, comment mieux conjuguer développement durable et politique territoriale. Monsieur le Premier Ministre, vous avez souhaité que notre pays franchisse une nouvelle étape vers une République décentralisée. Cette réforme rapprochera, sans nul doute, l'exigence d'un développement durable de nos concitoyens.
Les axes de travail qu'a définis la stratégie constituent aujourd'hui notre feuille de route. Le soutien qu'apportera mon ministère aux collectivités dans le cadre de l'application de cette stratégie se manifestera de diverses façons.
Le premier enjeu du développement durable, c'est bien sûr, la préservation des vies humaines, la sécurité de nos concitoyens face aux risques technologiques, aux risques naturels, aux dangers que l'environnement fait courir à la santé, du fait des pollutions que peuvent générer des activités non maîtrisées. Je me suis engagée, aux côtés du Premier Ministre, pour apporter aux élus, aux collectivités territoriales, les outils nécessaires d'une prise de conscience du risque afin d'améliorer la nécessaire prévention. Le projet de loi sur les risques technologiques et naturels vient de recueillir un accueil très favorable au Parlement : il permettra notamment de mieux traiter la maîtrise de l'urbanisation tant existante que future, de mieux nous permettre de diminuer la vulnérabilité, etc Ce texte constitue un socle institutionnel et méthodologique essentiel.
Un plan ambitieux de lutte contre les inondations, s'appuyant sur l'engagement de collectivités territoriales responsables, est en cours de mise en place.
La restructuration des services de prévision des crues va permettre un renforcement de l'efficacité des services de l'Etat pour alerter les élus et les populations.
Le deuxième enjeu, que vous connaissez bien, c'est celui de l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens : par la maîtrise des déchets (et vous êtes en premier ligne), par la lutte contre le bruit (première nuisance invoquée par les Français), par une politique de l'eau rénovée faisant plus de place aux collectivités territoriales, par l'amélioration de la qualité de l'air, par l'amélioration des transports collectifs. Dans tous les cas, ce sont les collectivités territoriales qui sont responsables et l'Etat doit vous apporter son concours dans cet engagement pour le développement durable.
En confiant une mission à Monsieur Philippe GALY, afin d'encourager ceux d'entre-vous, élus de grandes villes françaises, à mener des actions très concrètes visant à la fois une meilleure qualité de vie de nos concitoyens et une meilleure gestion urbaine.
En créant des outils et des méthodes qui permettront aux responsables du développement et de la gestion des territoires de choisir de nouveaux modes de développement économes en ressources non renouvelables, plus participatifs et plus solidaires.
L'information est un élément central de tous ces outils qui servent avant tout à préparer les actions et à évaluer les politiques, dans des champs souvent complexes et controversés, en intégrant des éléments d'appréciation socio-économiques et environnementaux.
Puisque nous sommes réunis aujourd'hui pour un débat suscité par les Eco Maires, il faut rappeler qu'une difficulté majeure réside dans la compatibilité entre les différents échelons de l'information sur le développement durable : européen, national et local.
La stratégie européenne de développement durable dispose désormais d'indicateurs. Au niveau national, je salue le travail fondamental effectué par des instances comme la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement, ou par des organismes comme l'INSEE et l'IFEN. Avec leur appui, des indicateurs de développement durable seront élaborés dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, la comptabilité environnementale, qui est le thème du débat de ce matin, fait partie de ces outils.
Permettez moi de vous rappeler quelques uns des travaux qui alimenteront les réflexions de cette matinée.
C'est en 1994 que fut décidée, dans le cadre d'un programme conjoint aux ministères chargés respectivement de l'Equipement et de l'Environnement, une étude dont l'objet était de mesurer les dépenses consenties par les collectivités locales pour l'amélioration de l'environnement en milieu urbain.
Avec l'appui de trois équipes de spécialistes (le BIPE, CDC Consultants et la Fondation des Villes), une méthode a été élaborée pour mettre en oeuvre une comptabilité environnementale à l'échelon local.
Ce travail a nécessité une observation fine des flux financiers consacrés à l'amélioration de l'environnement et des précautions méthodologiques pour faire la part des objectifs environnementaux dans les politiques mises en oeuvre.
En effet, si les dépenses en matière d'eau, de déchets, d'espaces naturels sont facilement assimilables à des dépenses environnementales, il n'en est pas de même d'autres dépenses, comme celles relatives au transport, au logement, aux implantations industrielles, etc., qui participent de façon déterminante à l'amélioration ou à la dégradation de l'environnement. Aussi, des règles méthodologiques ont dû être arrêtées pour comptabiliser, dans ces dépenses, la part relevant d'objectifs environnementaux.
Par exemple, dans les dépenses relatives au développement des transports en commun, il s'agissait de déterminer la part bénéficiant à l'environnement comme la lutte contre le bruit, l'amélioration de la qualité de l'air ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Au final, pour ces dépenses relatives aux transports en commun, la clé de répartition retenue entre la fonction transport et la fonction environnement, a été basée, après bien des débats, sur la part de la population qui effectue un choix d'usage en faveur des transports en commun, alors qu'elle dispose d'une voiture.
Cette mesure des dépenses consacrées à l'intégration de l'environnement dans les choix politiques constitue une avancée certaine vers l'évaluation d'une politique de développement durable. Elle est, aussi, un outil de transparence des politiques publiques.
La simple mesure des dépenses engagées en matière d'environnement ne permet pas de conclure à leur efficacité en l'absence de rapprochement avec des indicateurs physiques comme la qualité de l'eau, le niveau du bruit, les émissions de CO2. Elle permet cependant d'apprécier les efforts consentis par les collectivités et leurs habitants pour la préservation de leur environnement, local comme planétaire.
Les collectivités y sont sensibles, comme l'a montré une enquête réalisée par l'association " Les Eco Maires " .
La synergie avec les expériences internationales qui vont vous être présentées ce matin indique clairement qu'un tel dispositif peut devenir le support d'outils d'aide à la décision pour le développement durable des collectivités locales. Les travaux menés par l'OCDE confirment la demande des collectivités locales pour des outils de management environnemental. La comptabilité environnementale répond en partie à cette demande.
Nos invités italiens nous montreront comment ils ont pu, dans leur pays, affirmer le lien entre la comptabilité environnementale et la mise en oeuvre d'un agenda 21 local. Je partage cette vision et je pense, en particulier, que le rapprochement des expériences italienne et française ouvrira la voie à la définition d'un nouvel outil pour le développement durable des territoires.
La recherche de l'équité d'accès aux services collectifs est une des priorités de la stratégie nationale de développement durable. La mise en place d'une comptabilité environnementale locale, complétant la comptabilité publique des communes, devrait permettre de s'inscrire dans cette exigence. Ceci sera certainement une nouvelle étape de notre travail.
Je serai donc particulièrement attentive aux résultats de cette matinée de travail.
Monsieur le Premier Ministre, votre présence ici, ce matin, témoigne de l'importance que vous attachez à l'implication de tous les acteurs territoriaux dans la réalisation des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, pour engager la France dans la voie d'un développement plus durable.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 10 juin 2003)