Déclaration de M. Dominique Perben, ministre de la justice, sur les relations entre les forces de sécurité et l'institution judiciaire, sur la diversification des procédures et l'utilisation des nouvelles technologies, la question de l'exécution des peines, la lutte contre la grande criminalité organisée et le développement de la coopération judiciaire internationale, à Montluçon le 4 décembre 2003.

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Circonstance : 32ème congrès du Syndicat national des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), à Montluçon les 4 et 5 décembre 2003.

Texte intégral

Propos recueillis et mis en ligne
par le pôle Publications Identité visuelle de la Ville de Montluçon,
sous l'autorité du directeur de la Communication.
Tout d'abord, je voudrais vous dire, sincèrement, que je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui pour passer un moment, pour échanger, et je voudrais vraiment vous remercier de votre invitation à votre congrès. Vous avez souligné le fait que c'est apparemment la première fois qu'un ministre de la justice vient rencontrer, es qualité, les commissaires de police. Je pense que c'est important de le faire. Merci de m'avoir invité à le faire.
Ensuite, je voudrais féliciter une deuxième fois le nouveau secrétaire général du SCHFPN - je l'ai fait une première fois tout à l'heure, informé de la nouvelle -. Il semble d'ailleurs que le vote ait été acquis dans des conditions tel les qu'il se passe de commentaires. Bravo et puis merci -je parle sous le contrôle de votre prédécesseur - ce ne doit pas être nécessairement très simple à assumer. Donc merci du dévouement que vous manifestez. Bravo aussi à monsieur Damien qui va vous assister dans ce travail.
Je voudrais remercier pour le travail que nous avons effectivement fait ensemble et pour l'esprit de dialogue que nous avons eu avec monsieur Ventre, merci de tout le temps qu'il a passé au service d'une bonne justice et d'une bonne police.
Vous me permettrez de saluer tout spécialement mon ami Daniel Dugléry qui est aussi le vôtre, et qui n'est peut-être pas tout à fait pour rien dans le fait que nous nous rencontrons à Montluçon les uns et les autres.
Et je voudrais saluer, bien sûr, les hauts magistrats qui sont ici, avec qui j'exerce cette responsabilité considérable qui est d'essayer d'administrer une bonne justice. Ce mot extraordinaire, j'ai la chance mais aussi le devoir sans doute d'être le seul ministre dont le ministère porte le nom d'une vertu. C'est dire l'importance de la chose et vraiment je veux dire devant les commissaires de police combien, après un an et demi d'exercice des fonctions, je comprends mieux, je connais mieux et j'ai plus d'admiration pour ceux qui m'entourent et en particulier pour les magistrats qui font un travail si difficile avec vous. Je veux dire combien ce contact aujourd'hui, même s'il est inhabituel, me paraît important. Il me paraît naturel.
D'abord, il convient, je crois, de rendre hommage, non seulement aux commissaires de police, mais au travers de votre Corps à tous les éléments des forces de sécurité. Naturelle aussi, cette rencontre, parce qu'en fait, après mon intervention devant les policiers et les gendarmes de la zone de défense Sud-Est dans le cadre du tour de France de la sécurité qu'a effectué Nicolas Sarkozy et auquel il m'avait associé le 15 septembre 2003, après celle du 30 septembre dernier devant les élèves de l'Ecole d'officiers de gendarmerie de Melun, c'est la troisième fois que je m'adresse à des représentants des forces de sécurité.
Cette rencontre, je crois qu'elle est aussi naturelle parce que vous participez, en relation avec l'institution judiciaire et avec les magistrats, à un même combat qui vise à atteindre un même objectif : celui du rétablissement de la sécurité des Français. Il s'agit je crois d'une demande sans ambiguïté de nos concitoyens, dont le Président de la République et le chef du Gouvernement ont fait une priorité nationale. Je peux porter témoignage devant vous de l'attention personnelle que le Président de la République accorde à ce sujet. Il n'y a pas de rencontres entre lui et moi sans qu'il se préoccupe de façon précise du fonctionnement de l'institution judiciaire, de son articulation avec les forces de sécurité et de notre capacité à améliorer la situation de sécurité des Français.
Rétablir la sécurité, combattre l'insécurité, c'est très concrètement combattre contre la délinquance et la criminalité. Cette lutte, vous l'avez dit, repose sur deux piliers : la police et la gendarmerie, et la justice. Dès l'été 2002, c'est un premier élément je crois très important, avec la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure d'une part, et la loi d'orientation et de programmation pour la justice, Nicolas Sarkozy et moi-même avons mis en uvre au niveau de la programmation des moyens cette priorité du Gouvernement et du Président de la République. De même que le ministre de l'Intérieur et moi-même travaillons en tandem dans le Gouvernement, police et justice doivent travailler en tandem sur le terrain de l'insécurité. Vous travaillez pour un même objectif : faire respecter l'ordre public, faire appliquer la loi Dans le code de procédure pénale, il est spécifié que les officiers de police judiciaire travaillent sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Cela veut dire que sur le terrain de la lutte contre la délinquance et la criminalité, vous êtes des partenaires, policiers, gendarmes et magistrats.
C'est la raison pour la quelle la cohésion doit être la meilleure possible. Sachez que c'est dans cet esprit là que je travaille depuis 18 mois et vous le savez bien. Ce n'est pas un hasard si j'ai souhaité que, dans mes collaborateurs proches, dans mon cabinet, il y ait bien sûr des hauts magistrats, des représentants des différentes administrations et un commissaire de police. Je pense qu'il est important que dès le départ de la conception d'une politique, de la conception d'un texte, il y ait ce souci d'une bonne articulation entre justice et forces de sécurité, de même que je travaille très étroitement avec l'officier de gendarmerie qui est placé auprès du directeur des Affaires criminelles. Cette collaboration doit se concrétiser d'une manière précise. Ainsi, dès le stade de la formation, auditeurs de justice de l'école de la magistrature et élèves commissaires de l'école nationale supérieure de police de Saint-Cyr se retrouvent et suivent des formations communes. Ceci est très important. Cette collaboration doit être approfondie, je le souhaite, pour favoriser l'acquisition de références communes par les policiers et les magistrats, et une bonne connaissance réciproque de la culture de l'autre. C'est extrêmement important pour se comprendre et pour bien travailler sur le terrain. Je serai d'ailleurs amené dans peu de temps à rencontrer les élèves de l'école de la police à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.
Sur le terrain, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance permettent de définir une politique commune de sécurité, d'organiser la coopération entre les autorités administratives, les autorités locales, les forces de police et l'autorité judiciaire. C'est une expérience extrêmement enrichissante qui permet cette collaboration sur le terrain, sur un territoire donné. C'est grâce aussi à de telles pratiques de concertation que l'utilisation des GIR - groupes d'intervention et de recherches - unités pluridisciplinaires regroupant policiers, gendarmes, douaniers, agents du fisc éventuellement, peut-être optimisée. Leur succès dépend d'ailleurs - nous l'observons avec mon collègue de l'Intérieur - de la propension des uns et des autres à travailler ensemble. L'efficacité des GIR a été très directement liée à la manière dont les magistrats les ont saisis. Il y a eu là une évolution extrêmement positive et une pratique sur le terrain très intéressante à observer. La concertation se pratique aussi au niveau des directions centrales de nos ministères respectifs, et les travaux menés en commun permettront de mieux articuler l'emploi des personnels de police et de gendarmerie avec ceux de l'administration pénitentiaire.
Je ne suis pas hostile à ce que l'administration assume un certain nombre de tâches qui aujourd'hui sont assumées par vous. Je pense en particulier aux transferts de détenus, car je connais les contraintes que cela peut imposer. De mon côté, cela peut être un élément d'évolution des métiers de la pénitentiaire, et j'ai eu l'occasion d'en parler avec les organisations syndicales pénitentiaires, avec qui nous réfléchissons sur ce sujet pour diversifier les métiers. On ne peut pas tout faire en un jour et nous avons opté, avec Nicolas Sarkozy, pour une expérimentation que nous ferons dans la région de Strasbourg à partir de la fin 2004 et du début 2005. Vous devez comprendre que cela nécessite une évolution substantielle des métiers de la pénitentiaire, ne serait-ce qu'en termes de port des armes, de sécurité dans des espaces qui ne sont pas des espaces closNous avons là une responsabilité commune, les uns et les autres : puisque nous souhaitions une évolution - et moi je la souhaite, il nous faut la réussir. Il ne faudrait pas faire prendre des risques à des personnels qui n'auraient pas été formés pour cela, ou faire prendre des risques à des concitoyens qui se retrouveraient avec des systèmes de transferts qui n'assureraient pas une sécurité suffisante par rapport à des personnes qui peuvent être dangereuses. Il y a, sachez-le, de ma part, une volonté tout à fait claire d'avancer sur cette affaire contrairement à ce que nous connaissions précédemment où il y avait un blocage réciproque.
Je crois beaucoup aussi, je l'ai introduit déjà dans la loi et nous allons continuer à y réfléchir, à l'utilisation de la visioconférence pour éviter un certain nombre de transferts. J'ai été il y a deux ou trois jours à Caen, non pas pour visiter mais pour découvrir, avec un certain nombre de magistrats, de policiers, de gendarmes et de membres de la pénitentiaire, le " tribunal du futur ". C'était très intéressant parce qu'on voyait comment utiliser, en particulier sur la chaîne pénale, l'ensemble des technologies moderne pour gagner du temps, gagner en efficacité et gagner en qualité dans les procédures et le travail fait. Nous avons en particulier observé les capacités d'utilisation de la visioconférence avec une évolution des techniques extraordinaires. A lors qu'il y a quelques années, il fallait des projecteurs surpuissants, une installation complexe, aujourd'hui, avec une petite caméra qu'on peut installer sur son bureau, on peut communiquer à des milliers de kilomètres de distance avec une image tout à fait bonne. Nous avons donc introduit dans les textes et j'espère que cela se développera dans la pratique la possibilité de la visioconférence pour un certain nombre d'auditions de détenus.
Au registre de la nécessaire coopération, je voudrais évoquer le sujet très préoccupant pour moi de la sécurité des tribunaux, qui fait couler beaucoup d'encre. Là encore, je crois qu'il faut dire les choses comme elles se présentent : nos institutions sont liées dans cette affaire. La justice ne peut être sereinement et efficacement rendue que si la sécurité des magistrats et des tribunaux est convenablement assurée. Les magistrats ne sont d'ailleurs jamais tant menacés que lorsqu'ils appliquent la loi avec fermeté, notamment lorsqu'ils sanctionnent les agressions répétées et délibérées contre les forces de sécurité. Vous êtes vous-mêmes de plus en plus exposés à cette violence et le combat contre les outrages de toute sorte est un combat partagé. Comme vous le voyez, tout en occupant des positions différentes, police gendarmerie et justice appartiennent à une même chaîne pénale. J'ai lu la presse quotidienne régionale, et j'ai vu que c'était votre préoccupation.
Police justice, même mission mais pas même métier, bien sûr. De ces positions différentes qu'occupent les magistrats et les policiers dans la chaîne pénale peuvent résulter des différences d'appréciation sur certaines affaires. C'est normal, chacun est dans son rôle. Il ne faut pas s'en formaliser outre mesure Cette répartition des rôles est nécessaire dans une société de droit. Mais comment faire en sorte que cette collaboration d'une part, cette répartition des rôles d'autre part se passe dans de bonnes conditions ? D'abord, bien sûr, il y a un problème de moyens. Au niveau des moyens de la justice, la loi d'orientation va nous permettre d'augmenter de manière significative le nombre de magistrats professionnels puisqu'il y aura à la fin de la législature 950 magistrats de plus qu'en 2002, c'est-à-dire une augmentation de l'ordre de 15 %. Evidemment, cela aura un effet sur la capacité de traitement des dossiers.
Il y a par ailleurs la nomination et la mise en place des juges de proximité pour les petits contentieux et pour les petits délits qui viendra également soulager l'ensemble du dispositif. Je souhaite également diversifier les procédures ; c'est un souci que vous partagez et sur lequel vous avez d'ailleurs fait des propositions lors de votre congrès précédent. Il est important que cette diversification des procédures permette aux magistrats d'apporter des réponses diversifiées à des circonstances, à des affaires qui sont différentes les unes des autres et ne nécessitent pas les mêmes procédures.
Je veux simplement rappeler l'extension de la possibilité de la comparution immédiate que nous avons réalisée dans la loi de septembre 2002, je veux dire un mot de l'introduction dans le texte qui est actuellement en cours de discussion au Parlement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une autre formule que pourra choisir le procureur de la République s'il a bien sûr l'accord du contrevenant et de son avocat
Je veux parler aussi du recours accru à la visioconférence, des réponses et des directives claires en matière pénale. Tout d'abord un point très important dont on avait débattu dans d'autres corps professionnels concernés par la justice et sur lesquels on a réfléchi : la réponse judiciaire systématique à toute affaire communiquée au parquet. C'est très lourd pour nous, mais les modalités que nous avons trouvées me paraissent satisfaisantes, de manière à ce qu'il y ait cette réponse réelle et ce sentiment de réponse de la part de ceux qui font appel à la justice.
Autre point extrêmement important : l'affaire de l'exécution des peines. En effet, quoi bon mettre en uvre tous les moyens d'enquête, les moyens d'instruction, le jugement, arriver au prononcé de la peine, et constater ensuite comme c'est le cas aujourd'hui que 30 % des peines ne sont pas véritablement exécutées ? Bien sûr ce pourcentage recouvre des choses extrêmement variées, mais nous avons là un impératif de crédibilité et d'efficacité. Car comment parler ensuite de récidive d'une manière crédible, si la première peine n'a pas été exécutée ? Il ne s'agit pas d'une sanction, donc la valeur pédagogique de la sanction n'a pas pu être. Il y a là véritablement une exigence, et je veux vous dire que s'agissant de mon action, je fais de l'amélioration de l'exécution des peines une toute première priorité. C'est souvent parce qu'il n'y a pas eu application de la peine que l'ensemble forces de sécurité justice n'est pas crédible aux yeux de nos concitoyens.
Meilleure coordination aussi de la lutte contre la grande criminalité organisée Vous savez que c'est le cur du texte qui est actuellement en cours de discussion au Parlement. Je suis, comme beaucoup de professionnels parmi vous, préoccupé par le développement d'une criminalité internationale extraordinairement professionnelle de gens qui en réalité sont à la tête d'entreprises criminelles, qui sont des grands pros, et contre lesquels nous avons un problème d'organisation de nos institutions judiciaires et de nos services d'enquête. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de proposer au Parlement la mise en place de juridictions spécialisées interrégional es adaptées aux bassins de délinquance et adaptées à un travail international. Pour faire de la coopération judiciaire internationale, il faut avoir une certaine pratique et une certaine expérience des dossiers.
Pour vous, responsables de services d'enquêtes, cette organisation judiciaire de lutte contre la grande criminalité autour de juridictions interrégionales - sans doute 7 sur l'ensemble du territoire - sera un changement positif dans votre capacité de collaborer avec soit les cabinets des juges d'instruction, qui seront en fait des juges relativement spécialisés dans la grande criminalité " classique " ou la grande criminalité économique et financière, soit avec les parquets spécialisés. Nous devrions ensemble gagner en efficacité contre cette criminalité dont nous avons eu l'occasion de parler avec les ministres de l'Intérieur et de la Justice du G8 lorsque nous les avons réunis avec Nicolas Sarkozy à Paris. Je parle avec mes collègues européens de la justice extrêmement fréquemment et je peux vous dire que dans tous les pays d'Europe et dans les grands pays comme les Etats-Unis, le Canada ou le Japon, il y a une préoccupation croissante des responsables de la Justice et de la Police devant le développement de ce type de criminalité internationale.
Vous le savez, j'ai procédé à une certaine clarification de la hiérarchisation du ministère public, ce qui peut vous permettre de vous adosser à un dispositif dont vous percevez mieux la définition des priorités et le mode de fonctionnement. Je voudrais également revenir sur la mise en place d'un certain nombre d'outils plus performants au service des enquêteurs, c'est en particulier le texte qui est en cours de discussion au Parlement sur l'adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité, avec des dispositifs parfois très techniques pour les parlementaires, mais que vous connaissez mieux que personne, comme par exemple la possibilité de surveillance des suspects sur l'ensemble du territoire national. Les officiers de police judiciaire, après information du procureur de la République qui peut éventuellement faire part de son désaccord, auront compétence pour effectuer des opérations de surveillance sur les personnes au sujet desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles se livrent à ce genre d'activités sur l'ensemble du territoire.
Dans ce texte de loi, il y a toute une série de dispositifs qui, dans les cas de lutte contre la grande criminalité organisée, donneront des moyens techniques d'enquête plus importants qu'aujourd'hui. Bien entendu, l'utilisation de ces moyens devra se faire sous le contrôle du procureur de la République ou selon les cas du juge des libertés et de la détention. Il faudra être précautionneux avec certains de ces moyens. Je prendrai l'exemple des " sonorisations " : Il n'est pas totalement impossible que ce type de dispositif ait pu exister par le passé, mais dans le discours officiel on ne le dit pas, ce qui fait que l'on se retrouve dans une situation juridique impossible. Un certain nombre de professionnels, serviteurs de l'Etat, prennent des risques personnels, il ne faut pas l'oublie r. Le texte de loi va donc permettre l'utilisation officielle, légale, de ce type de dispositif. Il est évident qu'il faudra une utilisation raisonnable de ce type de dispositif et un contrôle du magistrat. Cet exemple illustre bien la façon dont nous devons, comme dans tous les grands pays démocratiques, nous adapter et adopter un langage vrai sur ces sujets. Mon rôle évidemment, et je ne l'oublie jamais, c'est d'être au sein du Gouvernement, le défenseur des libertés individuelles et publiques.
Mais nous devons, lorsque c'est nécessaire et dans un cadre légal parfaitement défini, donner à ceux qui s'exposent dans la lutte contre la criminalité organisée, les moyens de le faire avec efficacité. C'est la même chose sur l'infiltration, sur laquelle il y a une certaine hypocrisie de discours. Là encore, il vaut mieux clarifier le débat et fixer le cadre légal que d'en rester dans le flou Il en va de la sécurité de la personne qu'on infiltre, il en va aussi de la sécurité juridique de notre pays et d'une certaine conception de la défense des libertés Autre exemple : la rémunération des indicateurs. Il faut bien, à un moment donné, savoir ce que l'on fait, comment on le fait et si on a le droit de le faire. C'est comme cela que l'on fait sorte qu'il y ait un Etat de droit dans notre pays. Je n'accepte pas l'idée que notre législation soit hyper moralisante mais accepterait des choses inacceptables par hypocrisie. Il y a là quelque chose qui n'est pas satisfaisant et c'est la raison pour laquelle j'ai provoqué et assumé un certain nombre de changements, qui me paraissent ainsi permettre aux professionnels de travailler dans une sécurité juridique suffisante et dans le respect des libertés que nous devons les uns et les autres à nos concitoyens.
Nous allons, la police, la justice, de plus en plus, travailler au niveau international. Il faut améliorer les choses. Vous le savez, avec mon collègue de l'Intérieur, nous travaillons beaucoup avec nos collègues européens pour faire avancer les choses. Il y a des choses pratiques qui fonctionnent assez bien avec certains pays, jusqu'à des équipes communes d'enquêtes, des échanges d'informations en particulier avec l'Espagne sur les affaires de lutte antiterroriste. En matière strictement judiciaire, il nous faut aussi améliorer les choses et, dans le projet de loi Criminalité organisée, il y a la possibilité de simplifier les modalités de transmission et d'exécution des commissions rogatoires internationales. Le cauchemar des magistrats, ce sont les délais de réponse avec un certain nombre de pays, y compris à l'intérieur de l'Europe. Nous devons améliorer les choses. Le fait de faciliter les liaisons directes entre magistrats de différents pays me paraît une bonne chose ; le passage obligatoire par les administrations centrales ne me paraît pas une nécessité. Nous allons gagner du temps.
Le mandat d'arrêt européen est dans le même texte. Avec mes collègues anglais, allemands, espagnols et portugais, nous avons fait le point il y a quelques jours en Espagne sur les conditions pratiques de mise en uvre de ce mandat d'arrêt européen et un certain nombre de mes collaborateurs magistrats continuent de travailler avec les représentants de ces différents pays pour améliorer les choses.
Voilà quelques réflexions que je voulais faire devant vous à l'occasion de cette rencontre. Je voudrais redire devant vous combien nous sommes déterminés à mettre en place les moyens matériels et humains consacrés à la justice et permettant de donner effectivement des suites judiciaires au travail que vous faites, aux enquêtes que vous menez.
Par ailleurs, je viens de l'illustrer par quelques exemples, j'ai souhaité que vous ayez à votre disposition des outils d'investigation plus efficaces, en particulier en matière de lutte contre la criminalité organisée.
Troisièmement, je veux vous dire, que les parquets mènent une politique vigoureuse de lutte contre le terrorisme, la maltraitance des enfants, la délinquance, et qu'il y a une volonté commune de l'institution judiciaire aujourd'hui de collaboration efficace pour apporter ces éléments de réponse à cet immense besoin de justice et de sécurité qu'ont exprimé et expriment encore nos concitoyens.
Quatrièmement, je veux vous dire mon souci des victimes Nous avons là un travail à faire en commun : c'est bien sûr de l'institution judiciaire, c'est aussi l'affaire de la police et de la gendarmerie. Nous pouvons dans la pratique, parfois en modifiant certains textes comme je l'ai fait en septembre 2002 en donnant aux victimes davantage de droits à l'information, rendre compte à ceux qui se sont tournés vers nous de ce que nous faisons et les associer au processus judiciaire.
Enfin, je veux insister sur l'idée de confiance. Vous avez eu l'amabilité de m'inviter aujourd'hui, je pense que c'est un geste de confiance à mon égard. Cette confiance, je vous la retourne bien volontiers : l'institution judiciaire a confiance en vous. Je pense que cette confiance doit être partagée entre magistrats et responsables de la police que vous êtes. Vous faites un métier difficile, c'est évident, et de plus en plus exigent. Parce qu'il y a cette demande de sécurité d'efficacité, parce que le respect de la règle de droit s'impose, et c'est bien, chaque jour davantage Cela doit aboutir à cette relation de confiance entre justice et police, magistrats et responsables de la Police nationale. Sachez que ce matin, je suis venu vous dire cela : j'ai confiance en vous et j'ai confiance dans ce partenariat entre la police et la justice.
(source http://www.mairie-montlucon.fr, le 15 décembre 2003)