Déclaration de M. Dominique Perben, ministre de la justice, sur les priorités du budget de la justice pour 2005, à Paris le 22 septembre 2005.

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Circonstance : Présentation à la presse du budget de la justice pour 2005

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
La présentation du budget est traditionnellement l'occasion de faire le point sur l'activité du Ministère, sur les moyens que la Nation lui attribue pour exercer ses missions et sur la façon dont elles bénéficient effectivement aux françaises et aux français. Il s'agit incontestablement d'un temps fort qui me permet de donner une vue d'ensemble sur la situation de la justice en France, des ses moyens et des résultats obtenus.
Je salue la présence aujourd'hui, outre la presse, d'observateurs et de partenaires du ministère qui, cette année encore, ont répondu nombreux à mon invitation : je vous en remercie.
C'est déjà le 3ème budget que je présente dans ce Ministère. Vous le savez, je bénéficie d'une loi de programmation qui me permet d'améliorer, dans la durée, la qualité de la justice. Cette programmation est évidemment respectée en 2005. Mais les contraintes générales pesant sur le budget de l'État ont naturellement été prises en compte aussi.
Comme vous le savez, après une période difficile en 2002-2003, la croissance économique redémarre de façon plus vigoureuse en France depuis le début de 2004.
Ces bons résultats seront, j'en suis convaincu, confirmés en 2005. Ils ne doivent pas nous conduire à méconnaître nos engagements européens de maîtrise des charges publiques, de notre déficit budgétaire et de notre endettement.
Le ministère de la Justice, tout en étant prioritaire et tout en respectant la loi de programmation quinquennale, participe donc pleinement à la politique de rationalisation de la dépense publique et de réforme de l'État.
S'agissant des crédits 2005 qui nous occupent plus particulièrement aujourd'hui, je peux vous annoncer qu'ils progresseront globalement de 4 % par rapport au budget de 2004, soit 210 M.
Pour la troisième année consécutive, la justice comptera donc au nombre des priorités du Gouvernement, conformément à la loi de programmation quinquennale.
Nos concitoyens attendent de nous une justice plus humaine et plus efficace : progresser effectivement en ce sens n'est pas possible avec une gestion heurtée et chaotique. Nous travaillons dans la durée et nous avons besoin de visibilité sur les moyens et les objectifs.
Si je devais résumer le budget par trois chiffres clés, je dirai ceci :
- créations de 1 100 emplois budgétaires ;
- augmentation de 8 % de nos crédits de fonctionnement ;
- maintien de notre effort d'investissement au niveau élevé de 320 M.
Je voudrais à présent vous donner les principales orientations concrètes de ce budget, en les reliant systématiquement à la politique globale de modernisation et de réforme que je mène pour l'avenir de la justice dans notre pays.
Les créations d'emplois décidées, 1 100 au total, permettent globalement de respecter, pour les trois premières années de la programmation, le rythme prévu initialement pour l'ensemble des directions à l'exception des services judiciaires dont la progression est, cette année, moins forte.
Mais alors pourquoi 1 100 créations d'emplois en 2005 ? et pourquoi 2 200 en 2004 ?
Je rappellerai que l'année 2004 était une année exceptionnelle puisque nous avions accéléré le rythme de la programmation pour répondre très vite à la surpopulation carcérale : nous avons, grâce à cela notamment, pu gérer la situation, et j'en suis particulièrement reconnaissant aux personnels.
Pour 2005, je voudrai revenir en particulier sur les services judiciaires, où la croissance est la moins forte. J'ai en effet donné priorité cette année à la consolidation de la situation.
Deux évolutions majeures sont comme vous le savez prévues ou en cours :
- celle de l'organisation judiciaire : le déploiement des juges de proximité, le développement de la formule des magistrats et greffiers placés et le transfert des dossiers pénaux les plus complexes des 181 TGI sur 8 pôles spécialisés dans la grande criminalité ;
- celle des méthodes et des procédures utilisées : la suppression d'audiences de divorce et la création du plaider coupable. Avant les suites que je donnerai au rapport Magendie, dont l'intérêt me semble majeur.
Ce sont des réformes modernes, qui doivent permettre au service public de la justice, aux juridictions de notre pays, de fonctionner mieux, plus rapidement et en maîtrisant l'inflation des effectifs.
2005 sera donc pour les juridictions une année de consolidation de ces méthodes nouvelles et de mise en perspective des résultats obtenus.
Dans ce contexte, pour les services judiciaires, l'effort a été concentré sur les créations d'emplois répondant aux principaux besoins et notamment à la nécessité de renforcer les effectifs des greffes et des services administratifs régionaux ( SAR).
J'ai été particulièrement attentif à l'évolution des crédits de fonctionnement qui augmenteront de plus de 8 % cette année. C'est un effort exceptionnel que nous allons ainsi faire. C'est plus que l'an passé.
Pour illustrer ce que j'en attends, je voudrais retenir le cas de l'administration pénitentiaire.
Le budget de fonctionnement de l'administration pénitentiaire progressera en effet de 10 % en 2005.
Comme vous le savez, la restauration de l'autorité de l'État et la sécurité des établissements pénitentiaires restent une priorité du gouvernement. La poursuite du programme d'équipement des établissements en filins anti-hélicoptères, en tunnels à rayon X, en brouillage des téléphones portables le montrera clairement.
Mais la prison, c'est aussi soigner : le programme des unités hospitalières sécurisées inter-régionales (UHSI) se développera en 2005 après l'essai réussi de Nancy ;
La prison, c'est aussi éduquer : 120 emplois d'assistants de formation sont prévus au budget 2005 pour seconder les enseignants dans la lutte contre l'illettrisme ;
La prison, c'est enfin être accompagné vers le retour à la vie en société et le budget 2005 prévoit la création de 200 emplois de conseillers d'insertion et de probation et fait des moyens des services d'insertion une priorité.
Les crédits 2005 doivent aussi permettre aux agents du ministère de disposer des outils, notamment informatiques, adaptés à leurs fonctions : c'est un investissement dans l'efficacité.
Je citerai par exemple :
- l'informatisation de la chaîne pénale avec Cassiopée qui sera déployée dans 4 TGI pilotes à la fin 2005 ;
- - l'informatisation des tableaux de service (gestion des horaires de travail) pour l'administration pénitentiaire ;
- - la refonte du logiciel de gestion des mesures éducatives (COBRA) pour la protection judiciaire de la jeunesse.
Dans le domaine de la gestion budgétaire et financière, j'ai aussi identifié des lacunes. Je prendrai l'exemple des frais de justice qui progressent aujourd'hui de 20 % par an et qui atteindront en 2004 le montant de 400 M.
L'analyse que je fais de cette tendance tient en deux points :
- un fait légitime et que je soutiens : la justice a de plus en plus besoin de faire appel à des technologies performantes et souvent coûteuses. Par exemple les interceptions de téléphonie mobile ou les expertises génétiques contribuent de plus en plus à l'élucidation des affaires. Cet effort, je sais que nos concitoyens le comprennent et le souhaitent ;
- un système de décision qui ne permet pas un réel suivi des dépenses. Il n'est pas rare de voir des prestations payées deux fois ou des factures honorées alors qu'elles ne correspondent plus à des prestations utiles à la procédure (cas des scellés ou des fourrières). Ceci doit être corrigé.
J'ai donc décidé d'appliquer un plan de rationalisation des dépenses qui reposera sur deux axes :
- une réforme des modes de gestion et la mise en place d'un système d'information qui permettent un suivi des dépenses. L'instauration d'un système d'ordonnancement secondaire dont les chefs de cour assumeront la responsabilité va dans ce sens ;
- une rationalisation de la gestion afin d'instaurer pour ces achats publics, finalement ordinaires dans leur nature, une relation normale de client à fournisseur.
Ceci est clairement une priorité pour moi cette année.
La modernisation d'un grand service public repose aussi sur des structures, notamment immobilières, compatibles avec l'exercice des missions et l'accueil des usagers. C'est la raison pour laquelle je mets en uvre l'effort majeur d'investissement que j'ai programmé.
Je ne donnerai que quelques exemples des réalisations concrètes :
- dans les juridictions, en 2005, nous bénéficierons des livraisons de la deuxième tranche du palais de justice de Pontoise, de Besançon et de Narbonne et nous démarrons les travaux de l'École nationale des greffes, des palais de justice de Toulouse, Thonon, Nanterre, Avesne sur Helpe, Ajaccio, Bordeaux et Niort.
- en matière pénitentiaire, je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil de près de 1 700 places en deux ans et que l'effort se poursuivra en 2005 avec notamment :
- la mise en service du dernier établissement du programme 4000 ( Sequedin) ;
- le démarrage des travaux des premiers établissements pour mineurs, de la maison d'arrêt de la Réunion, de trois centres de semi-liberté (Aix, Bordeaux et Lille) ;
- la poursuite de la rénovation de Fleury Mérogis et des Baumettes ;
- la livraison de l'extension de l'École nationale de l'administration pénitentiaire.
Je rappelle aussi que le ministère sera pionnier en matière de partenariat public privé. Les annonces d'appel public à la concurrence pour quatre établissements ont été publiées en juillet 2004 et je souhaite que les attributaires de ces marchés soient désignés à l'automne 2005.
Il s'agit, je le rappelle, de déléguer la maîtrise d'ouvrage et d'obtenir du secteur privé un service comprenant la construction, la maintenance et la gestion des établissements pénitentiaires. Nous en attendons des idées nouvelles, une réduction des délais de livraison et un moindre coût pour les finances publiques.
Vous l'avez compris, le Ministère de la justice bénéficiera l'an prochain, à nouveau, de moyens supplémentaires très significatifs. Nos méthodes de gestion évolueront. Mais cela n'est pas suffisant. Étant donné l'effort important que ceci représente pour les finances publiques, je souhaite que mon administration soit particulièrement exemplaire sur les résultats obtenus.
En particulier, je souhaite mettre en place des instruments transparents de mesure des performances afin d'être en mesure de prendre le plus rapidement possible les mesures correctrices qui sont parfois nécessaires. J'ai également décidé de mieux communiquer sur les résultats.
Le développement des contrats d'objectifs à partir d'un diagnostic partagé dans les cours d'appel est un premier pas dans cette direction. Les bons résultats des cours qui l'ont expérimenté, comme Douai et Aix, montrent que l'instrument est intéressant.
L'instauration d'un régime de rémunération au mérite pour les cadres du ministère participe du même objectif.
Je souhaite aller plus loin en rendant public ce que j'appelle le baromètre trimestriel des juridictions : il récapitule l'activité des juridictions sous forme de statistiques synthétiques (nombre d'affaires traitées, délais moyens de traitement, durée de résorption du stock) dans un esprit de transparence et aussi de responsabilisation des uns et des autres.
Je crois à la capacité de tous à prendre conscience de l'effort financier que l'État fait pour la justice et de l'obligation de résultats que ceci nous impose. Je suis d'ores et déjà en mesure de vous communiquer les données des deux premiers trimestres, qui ont servi de test au dispositif que j'ai demandé. Je vous donne rendez-vous prochainement pour les chiffres du 3ème trimestre.
L'entrée en vigueur prochaine de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne peut que me conforter dans cette volonté de responsabilisation et de transparence.
Le ministère dans ses différents programmes passera en expérimentation LOLF pour plus du quart de ses crédits dès 2005.
Je suis un des seuls Ministres à présenter mon projet annuel de performance (PAP) dès aujourd'hui, jour de la présentation du projet de budget en conseil des ministres afin de soumettre au Parlement dès maintenant les 70 indicateurs qui retracent l'ensemble de nos activités.
Nous figurions déjà parmi les premiers à proposer une maquette de notre activité en programmes et actions. Ce document n'a pas fait l'objet de critiques de la part du Parlement à qui il a été présenté.
Le ministère de la justice se prépare donc activement à la LOLF et je suis prêt à communiquer sur mes résultats qui, depuis deux ans, sont plutôt encourageants.
Je me contenterai de citer quelques-unes de ces tendances positives :
- la délinquance des mineurs décroît ; leur emprisonnement a baissé de 30 % ; les solutions alternatives comme les centres éducatifs fermés présentent un bilan largement positif dans l'attente des établissements pour mineurs qui seront particulièrement adaptés pour la réinsertion ;
- les délais de traitement des affaires civiles continuent à baisser pour les cours d'appel et commencent à s'inverser pour les TGI ;
- le taux de réponse pénale augmente alors que les classements sans suite baissent corrélativement ;
- le taux d'évasion dans les prisons reste très faible.
Voilà, mesdames et messieurs, les quelques informations que j'ai souhaité porter à votre connaissance avant de céder la parole à madame la Secrétaire d'État puis de répondre à vos questions.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 1er octobre 2004)