Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Remercions chaleureusement Pierre Mauroy de nous accueillir dans sa ville, et dans ce grand palais et d'avoir accepté d'introduire cette manifestation à laquelle j'attache avec Claude Bartolonne, Ministre de la Ville une importance toute particulière.
Pour une approche intégrée de l'aménagement du territoire
Le champ de compétences qui est le mien au sein du gouvernement français me permet, comme d'ailleurs à beaucoup de mes collègues européens, souvent chargés tout à la fois de l'environnement et de l'aménagement du territoire, de mesurer l'écart existant entre d'un côté, une politique communautaire, celle de l'environnement que l'on pourrait qualifier d'achevée dans sa structure et d'un autre côté, une politique territoriale au sens large, qui reste imprécise tant en termes de procédures que de compétences communautaires.
Pourtant, si l'on se livre à un bref inventaire des champs d'intervention communautaires et surtout de leur impact aux plans national, régional et local, on mesure toute l'importance de l'Europe dans les choix stratégiques et la gestion des espaces.
En la matière, on fait spontanément référence à la politique de cohésion économique et sociale, traduite dans l'agenda 2000 et les fonds structurels, deuxième budget de l'Union européenne. Son impact dans le développement de nos régions, en particulier celles qui marquent un net retard de développement ou qui souffrent de handicaps géographiques et socio-économiques, est capital.
Mais nombre d'autres politiques communautaires ont une influence directe sur l'aménagement du territoire au sens large.
J'évoquerai en premier lieu la sacro-sainte politique de concurrence et notamment les règles relatives aux aides publiques avec une mention particulière pour l'encadrement des aides d'Etat à finalité régionale. Tous les Etats membres sont concernés par ces règles. La réduction sensible du zonage des aides d'Etat à finalité régionale, communautaires et nationales, pour la programmation 2000-2006 a un impact certain sur l'aménagement du territoire.
Dans ce contexte, je suis particulièrement attentive aux récentes initiatives de la Commission européenne sur les services d'intérêt général et leur lien avec la politique de concurrence, sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir.
La politique communautaire de l'environnement, quant à elle est fort bien développée. Et nous pouvons déjà mesurer la valeur ajoutée de la communautarisation d'une politique. En matière de protection de l'environnement et de préservation de la nature, le respect des normes communautaires a des incidences directes sur la gestion de l'espace européen, du niveau communautaire au niveau local.
En ce qui concerne la politique de l'emploi et la dimension sociale, le Traité comporte maintenant un chapitre sur l'emploi et les plans nationaux d'actions pour l'emploi ont été largement influencés par la stratégie communautaire pour l'emploi. Le cadre de référence pour les ressources humaines, traduit dans l'objectif 3 des fonds structurels, est indispensable à la réflexion sur l'aménagement de l'espace, notamment dans sa dimension de lutte contre les exclusions ou encore pour répondre aux mutations industrielles... A quoi bon élaborer des stratégies de développement si l'on ne prend pas en compte la dimension humaine et citoyenne de ce développement. Peut-on envisager une politique de renouvellement urbain sans accompagnement social ? Il en va de même de l'accompagnement des politiques territoriales en milieu rural...
Je voudrais par ailleurs insister sur les secteurs de l'économie - spécialement ceux touchant à l'environnement, aux intérêts culturels et aux activités sociales - où la demande potentielle de services de qualité accompagnée de création d'emplois est considérable et dépasse de loin ce que peut offrir un simple système de marchés. De nombreuses organisations du secteur non-marchand montrent où et comment ce potentiel peut être exploité au mieux. Le chiffre de 8.9 millions d'emplois potentiels est avancé par le Commissaire à l'emploi.
La politique commune des transports, enfin, est un paramètre essentiel des choix d'aménagement.
Il est urgent, à mon sens, que l'Union européenne prenne pleinement en compte le concept de développement durable dans la définition de la politique commune des transports.
En matière ferroviaire, il serait préférable de laisser de côté le débat souvent purement idéologique sur la libéralisation du transport ferroviaire et d'avancer plus concrètement dans la constitution de réseaux transeuropéens, avec des normes techniques et des conditions d'exploitation harmonisées et en rapprochant le niveau des péages.
En matière routière, je regrette que les débats sur l'harmonisation de la durée du travail tardent tant à aboutir et que l'on " balbutie " encore sur la prise en compte des coûts externes dans les coûts du transport routier, en dépit de nombreux rapports qui recommandent d'aller dans ce sens.
On peut voir les conséquences qui en résultent sur certains territoires de transit, comme les Alpes ou les Pyrénées, qui préfigurent les difficultés qui nous guettent sur de vastes portions de nos territoires si nous continuons à ne rien faire. J'ai signé avant hier , à Lucerne, avec quelques ministres ici présents, le protocole " transports " de la Convention alpine. Celui-ci était très attendu et contient d'excellents principes. Je souhaite qu'ils soient mis en uvre, avec plus de résolution, à travers les politiques communautaires.
Le développement durable des échanges entre les pays de l'Union européenne et les PECO nécessite que ces problèmes soient pris en compte au plan communautaire.
Ces deux exemples montrent la relation étroite entre une politique communautaire et son impact sur l'aménagement du territoire et le développement durable. C'est sur ce type de débat qu'il convient de se concentrer pour faire de l'aménagement du territoire une compétence communautaire permettant de répondre à des préoccupations concrètes dans le court terme.
Dans ce contexte, le SDEC a eu quelques effets sur la mise en uvre des politiques structurelles, c'est malheureusement un instrument sans portée juridique, et il faut avouer que cette initiative laisse un goût d'inachevé.
Ce document a eu tout de même le mérite d'identifier pour la première fois des points communs d'aménagement du territoire européen et de produire des recommandations sur les moyens de coopération à mettre en uvre.
Nous sommes encore loin d'une prise en compte explicite de l'aménagement du territoire dans les politiques communautaires.
Pour traiter de l'aménagement du territoire en Europe, de quels outils dispose-t-on donc?
Je voudrais indiquer, que s'agissant du traité d'Amsterdam, la seule référence expresse à la dimension territoriale, résulte de la disposition qui traite des services économiques d'intérêt général et du rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union.
Pour la première fois, on associe la cohésion territoriale à la cohésion sociale. J'y suis d'autant plus sensible que l'un des piliers de la loi française du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire que j'ai impulsée traite des services publics comme éléments essentiels d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée et " anticipative ". Cette loi repose sur une nouvelle conception de l'aménagement du territoire et du développement durable fondée sur l'appréciation au plan local et régional des besoins à court et moyen termes. La redistribution des fonds publics pour les seules infrastructures a fait son temps. Il faut aujourd'hui aussi savoir mesurer l'équilibre d'un territoire à l'aune des ressources humaines, du niveau de formation de ses occupants, de sa vitalité associative et culturelle, de la qualité de son environnement et des approches de développement durable qu'il propose...
Le Traité ne nous donne donc pas de base juridique explicite, alors que bon nombre des compétences communautaires sont par essence intimement liées à l'aménagement du territoire.
Les Etats et la Commission se sont engagés, à Tampere , à coopérer pour mettre en oeuvre les principes du SDEC dans le cadre d'un programme de 12 actions . La France, en tant que Présidente pendant ce semestre du Comité de Développement Spatial (CDS), souhaite contribuer à pérenniser un cadre de coopération. Et, je reste très attentive à l'évolution des débats entre la Commission et les Etats membres sur le rapprochement du Comité de développement spatial (CDS) et du comité pour le développement à la reconversion des régions (CDRR ou comité Feder).
Je le dis nettement, le mandat de Tampere, ne doit pas être remis en cause. Je suis vigilante sur les propositions qui seront faites sur le domaine de compétences élargi du CDRR et ses modalités amendées de fonctionnement.
Il faut que la Commission européenne précise le projet débattu le 24 Octobre 2000 avec les Etats membres et que le CDRR puisse aborder la question de la territorialisation des politiques communautaires et préparer les réunions des ministres d'aménagement du territoire.
Mais, comme je l'ai indiqué brièvement, l'aménagement du territoire est un domaine de compétence transversal qui ne doit pas être appréhendé sous le seul prisme des fonds structurels.
C'est nécessaire mais pas suffisant, sauf à rester cantonné dans une approche étriquée de l'aménagement du territoire. La "comitologie " communautaire devient une véritable " science " parfois ésotérique qui risque de nuire, si elle n'est pas lisible, et à terme d'obérer la transparence tant attendue et recherchée, notamment par le Parlement européen. Nous avons là l'occasion, par le débat sur l'avenir du Comité de développement spatial, de promouvoir les questions d'aménagement du territoire. II faut s'en saisir pour inviter toutes les compétences à y participer, en tenant compte des questions de transports, de concurrence, d'emploi et de lutte contre les exclusions, d'environnement...
Je le dis devant mes collègues ministres présents en nombre aujourd'hui et que je remercie vivement d'avoir répondu à notre invitation, et devant les représentants des institutions et organes de l'Union européenne, notamment la Commission, ne traitons pas l'aménagement du territoire de manière cloisonnée.
Je soutiendrai dans ce contexte le projet Orate (observatoire en réseau de l'aménagement du territoire). Ce projet sera cofinancé par la Commission et les Etats membres dans le cadre du programme d'initiative communautaire Interreg.
Mais, ici encore, il ne faut pas limiter le champ d'intervention de l'observatoire à la seule politique structurelle, mais couvrir les aspects nécessaires du développement local et de l'aménagement du territoire tels que je les ai esquissés précédemment. Son champ d'intervention ne doit d'ailleurs pas être cantonné à l'Europe des 15, mais élargi à l'Est et au sud.
D'autres échéances majeures nous attendent :
L'élargissement :
La question de l'avenir de la politique régionale va prendre dans les années qui viennent un tour beaucoup plus aigu avec l'élargissement de l'Union .
Compte tenu du niveau de vie beaucoup plus bas des pays accédants, il faudra vraisemblablement financer la montée en puissance des fonds structurels à l'Est dans un contexte où l'augmentation globale du budget communautaire est peu probable et impliquera d'éventuels redéploiements internes difficiles - par un sevrage au moins partiel pour les régions des quinze Etats membres.
Le scénario le plus souvent évoqué est celui d'une concentration des fonds structurels à l'Est, avec maintien d'une capacité d'intervention communautaire pour les quinze Etats membres de l'Union européenne, pas seulement pour ses régions les plus défavorisées (actuel objectif 1) mais aussi pour les autres, dans une logique toutefois profondément renouvelée. La logique de solidarité perdurerait, mais avec un ciblage plus fort sur les aires urbaines ou rurales les plus en difficulté .
Comment faire évoluer cette politique régionale vers une véritable politique européenne d'aménagement du territoire ?
Une approche plus stratégique pourrait être adoptée, fondée sur le SDEC ou un " SDEC + " tenant compte de l'élargissement. Les interventions associeraient l'approche structurelle avec l'approche de solidarité et de corrections des inégalités.
Le zonage perdrait alors de son importance au profit d'une approche globale du territoire, mettant beaucoup plus à contribution les politiques sectorielles, notamment communautaires. Il faudra également réfléchir, dans une logique de subsidiarité, au rôle de chacun des acteurs, Europe, Etats , Régions , Collectivités, responsables solidairement de leurs territoires au sein du grand territoire européen.
Une politique européenne de développement des territoires ne pourra être mise uvre et réellement partagée que si elle associe l'ensemble des acteurs institutionnels, et notamment les Régions qui constituent au niveau européen l'échelon de mise en uvre des politiques structurelles.
La contribution des associations de Régions est à ce titre fondamentale.
La France s'engage en effet avec certains Etats ici présents, dans une initiative lancée par ma collègue Elisa Ferreira, Ministre de la Planification au Portugal, avec la conférence des régions périphériques maritimes, destinée à approfondir les travaux du SDEC dans les espaces périphériques européens et à renforcer le dialogue entre les différents niveaux de gestion des territoires. C'est aussi grâce à de telles initiatives, dépassant les clivages traditionnels, que la construction européenne pourra avancer efficacement.
La prise en compte des zones ultra-périphériques et des îles :
Il est essentiel de permettre aux régions ultrapériphériques de l'Union de bénéficier elles aussi pleinement de la construction européenne et de s'intégrer dans l'espace européen, en mettant en uvre une stratégie de développement durable. Cette question est cruciale pour la Présidence française .
Pour la première fois, le Traité a adopté une disposition, l'article 299 §2 qui traite expressément des régions ultrapériphériques et du traitement particulier dont elles doivent bénéficier.
Cette disposition instaure des mesures spécifiques en faveur de ces régions compte tenu de leur situation économique et sociale structurelle provoquée par leur éloignement, leur insularité, leur faible superficie, un relief et un climat difficiles ainsi que leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits.
J'ai noté avec intérêt les avancées réalisées et notamment l'octroi d'aides au fonctionnement non dégressives et non limitées dans le temps, dans le cadre des aides à finalité régionale, lorsque ces aides sont destinées à réduire les coûts additionnels de l'exercice de l'activité économique inhérents aux handicaps.
Mais il faut poursuivre l'exercice et adapter les politiques communautaires par des règlements spécifiques par secteur. J'y accorde, là aussi, la plus grande importance. Le Conseil européen de Nice fera un bilan des avancées en la matière.
Ce dossier recoupe en partie le précédent, celui des régions insulaires de l'Union, dans le nouveau contexte du Traité d'Amsterdam et de la déclaration n° 30 annexée au Traité. Nous devons apporter des réponses aux problèmes spécifiques de nos îles, qu'elles soient méditerranéennes, nordiques ou plus lointaines, et pousser la réflexion sur la façon de traduire en actes, comme elles le demandent, les principes énoncés dans cette déclaration.
La politique d'aménagement du territoire et la relation avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée :
Souhaiter l'introduction de la dimension aménagement du territoire dans le partenariat euro-méditerranéen ne relève pas du désir de voir repris un thème supplémentaire de coopération au même titre que les infrastructures ou l'eau, mais relève de la conviction que tout Etat central ou fédéral devrait pouvoir aujourd'hui disposer d'une connaissance globale et prospective de son territoire national. Les objectifs opérationnels sont de deux ordres :
l'élaboration des politiques de développement territorial et de cohésion sociale
pour se doter à court terme des outils législatifs, statistiques, financiers d'aménagement de l'espace...
Experts et politiques s'accordent aujourd'hui sur les risques d'accentuation des déséquilibres territoriaux au sein de l'espace des pays méditerranéens, risques renforcés par la perspective de l'instauration d'une zone de libre échange en
2010 : métropolisation et exode rural non maîtrisés, concentration des populations et des activités sur le littoral au détriment de l'arrière-pays, menaces sur les ressources en eau...
Ces accords entre l'Union européenne et les Pays tiers méditerranéens et entre pays du sud et de l'est de la Méditerranée risquent en outre d'avoir un effet néfaste sur le développement durable, notamment par une pression forte sur l'environnement et sur les ressources naturelles en cas de gestion désordonnée de ces accords...
L'aménagement du territoire peut être l'un des moyens de régulation d'une zone de libre échange qui pourrait en outre conduire à des abus au détriment des pays du Sud. Je pense aux activités de complaisance interdites ou réglementées en Europe communautaire : biotechnologies, OGM, ou encore aux abus possibles de la libre circulation des entreprises.
L'intégration des politiques environnementales et sociales y sont nécessaires.
Parmi les priorités de la stratégie de la Commission européenne pour relancer la coopération euro-méditerranéenne, présentées par le Commissaire aux relations extérieures Chris Patten
- les infrastructures constituent un élément clé : La philosophie du marché unique s'y retrouve dans le contexte méditerranéen, les investissements réalisés dans de vastes projets d'infrastructures comme les routes, les ports et les télécommunications devraient être financés soit par le secteur privé, soit par des prêts...
- La gestion intégrée de l'eau, la gestion des déchets, les zones sensibles (zones polluées et présentant des risques pour la biodiversité), la gestion intégrée des zones côtières et la lutte contre la désertification en sont les autres enjeux.
Ces questions ne devraient pas être traitées de manière isolée et cloisonnée mais à l'instar des pays du Nord en tenant compte d'équilibres socio-économiques et environnementaux.
Nous avons souhaité avec nos partenaires européens du Comité de développement spatial (CDS), interroger nos homologues du sud et de l'est de la Méditerranée afin de connaître leurs attentes d'une coopération euro-méditerranéenne dans le domaine de l'aménagement du territoire et du développement régional. Les représentants des pays membres de l'UE et de ces pays présents ont unanimement soutenu l'idée de réintroduire l'aménagement du territoire dans le processus de Barcelone .
Je terminerai cette présentation sur une question concrète et qui sera examinée lors du sommet de Nice : les services d'intérêt général.
Je suis attentive à la récente initiative de la Commission qui a élaboré une communication sur les services d'intérêt général en Europe. Il est en effet temps qu'on établisse une doctrine des services publics au lieu de continuer à délibérer au cas par cas. L'objectif n'est évidemment pas de chercher à uniformiser les législations, mais de permettre de garantir aux citoyens et aux entreprises d'Europe des services efficaces. Il est temps que les Institutions européennes s'en occupent très sérieusement, parce que le coût et la disponibilité de l'énergie ou de l'eau, l'efficience des transports, la rapidité des télécommunications influencent et même déterminent la vie quotidienne de toute la population et la compétitivité de l'économie européenne. J'ai suivi avec attention l'élaboration de la charte des services d'intérêt élaborée par la Confédération européenne des syndicats (CES) et le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général (CEEP). Elle vise entre autres à :
- préserver le modèle social européen, qui est largement basé sur les services d'intérêt général ;
- garantir les droits fondamentaux économiques et sociaux des citoyens ;
- assurer la qualité de la vie pour tous ;
- renforcer la solidarité et la lutte contre l'exclusion ;
- appuyer le développement économique et l'emploi d'une main-d'oeuvre qualifiée ;
- renforcer la cohésion sociale et territoriale ;
Aussi et même si je considère que la communication de la Commission va dans le bon sens, je regrette sa discrétion dans le traitement du volet territorial des services d'intérêt général, seulement mentionné sous forme d'allusion pour la cohésion territoriale. Je propose d'y inclure la dimension des services publics en matière d'aménagement du territoire, notamment du principe d'égalité d'accès, y compris dans les zones les plus défavorisées, en ville comme à la campagne, où ils exercent un effet très structurant ou déstructurant quand ils sont absents.
La Présidence française de l'Union européenne proposera au Conseil européen de Nice en décembre 2000 une résolution sur cette question.
Nous visons en effet à l'élaboration d'une Directive cadre sur les services d'intérêt général où pourraient être définis :
les services d'intérêt général, le service universel, le service public
l'affirmation des grands principes qui les soustendent : neutralité, liberté, proportionalité , sans oublier égalité d'accès de tous les citoyens et péréquation ;
la prise en compte de la cohésion économique, sociale et territoriale
la prise en compte du volet aménagement et développement des territoires constitués par les SIG, notamment dans les zones urbaines sensibles et les zones rurales défavorisées ;
la conception de dispositifs d'évaluation, critères qualitatifs à introduire en plus des bonnes pratiques.
Conclusions :
Je tiens à souligner, l'importance pour nous en France de chantiers comme celui de la décentralisation ou de la réforme de l'Etat, dont les contours ont été précisés grâce à l'important travail réalisé par Pierre Mauroy à la demande du Premier Ministre. Sans reprendre les propositions et analyses, vous me permettrez ici de redire mon attachement et ma confiance dans les régions.
Il ne faut pas se cantonner à une conception de l'aménagement du territoire qui ne serait que prospective : les acteurs du développement local, les aménageurs, les acteurs publics et privés attendent aussi de nous des réponses précises aux enjeux du court terme. Ce qui leur importe surtout est de savoir si la politique de concurrence ne fera pas obstacle à court terme au maintien du service public de proximité, ou si le tiers secteur a un rôle à jouer dans l'aménagement ... Sachons leur répondre aussi sur ce terrain...
Ils n'attendront pas pour agir qu'une compétence explicite soit conférée aux instances communautaires par le traité en matière d'aménagement du territoire, mais positionner sur chaque compétence qui est susceptible d'avoir des conséquences dans ce domaine.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 07/11/2000)
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Remercions chaleureusement Pierre Mauroy de nous accueillir dans sa ville, et dans ce grand palais et d'avoir accepté d'introduire cette manifestation à laquelle j'attache avec Claude Bartolonne, Ministre de la Ville une importance toute particulière.
Pour une approche intégrée de l'aménagement du territoire
Le champ de compétences qui est le mien au sein du gouvernement français me permet, comme d'ailleurs à beaucoup de mes collègues européens, souvent chargés tout à la fois de l'environnement et de l'aménagement du territoire, de mesurer l'écart existant entre d'un côté, une politique communautaire, celle de l'environnement que l'on pourrait qualifier d'achevée dans sa structure et d'un autre côté, une politique territoriale au sens large, qui reste imprécise tant en termes de procédures que de compétences communautaires.
Pourtant, si l'on se livre à un bref inventaire des champs d'intervention communautaires et surtout de leur impact aux plans national, régional et local, on mesure toute l'importance de l'Europe dans les choix stratégiques et la gestion des espaces.
En la matière, on fait spontanément référence à la politique de cohésion économique et sociale, traduite dans l'agenda 2000 et les fonds structurels, deuxième budget de l'Union européenne. Son impact dans le développement de nos régions, en particulier celles qui marquent un net retard de développement ou qui souffrent de handicaps géographiques et socio-économiques, est capital.
Mais nombre d'autres politiques communautaires ont une influence directe sur l'aménagement du territoire au sens large.
J'évoquerai en premier lieu la sacro-sainte politique de concurrence et notamment les règles relatives aux aides publiques avec une mention particulière pour l'encadrement des aides d'Etat à finalité régionale. Tous les Etats membres sont concernés par ces règles. La réduction sensible du zonage des aides d'Etat à finalité régionale, communautaires et nationales, pour la programmation 2000-2006 a un impact certain sur l'aménagement du territoire.
Dans ce contexte, je suis particulièrement attentive aux récentes initiatives de la Commission européenne sur les services d'intérêt général et leur lien avec la politique de concurrence, sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir.
La politique communautaire de l'environnement, quant à elle est fort bien développée. Et nous pouvons déjà mesurer la valeur ajoutée de la communautarisation d'une politique. En matière de protection de l'environnement et de préservation de la nature, le respect des normes communautaires a des incidences directes sur la gestion de l'espace européen, du niveau communautaire au niveau local.
En ce qui concerne la politique de l'emploi et la dimension sociale, le Traité comporte maintenant un chapitre sur l'emploi et les plans nationaux d'actions pour l'emploi ont été largement influencés par la stratégie communautaire pour l'emploi. Le cadre de référence pour les ressources humaines, traduit dans l'objectif 3 des fonds structurels, est indispensable à la réflexion sur l'aménagement de l'espace, notamment dans sa dimension de lutte contre les exclusions ou encore pour répondre aux mutations industrielles... A quoi bon élaborer des stratégies de développement si l'on ne prend pas en compte la dimension humaine et citoyenne de ce développement. Peut-on envisager une politique de renouvellement urbain sans accompagnement social ? Il en va de même de l'accompagnement des politiques territoriales en milieu rural...
Je voudrais par ailleurs insister sur les secteurs de l'économie - spécialement ceux touchant à l'environnement, aux intérêts culturels et aux activités sociales - où la demande potentielle de services de qualité accompagnée de création d'emplois est considérable et dépasse de loin ce que peut offrir un simple système de marchés. De nombreuses organisations du secteur non-marchand montrent où et comment ce potentiel peut être exploité au mieux. Le chiffre de 8.9 millions d'emplois potentiels est avancé par le Commissaire à l'emploi.
La politique commune des transports, enfin, est un paramètre essentiel des choix d'aménagement.
Il est urgent, à mon sens, que l'Union européenne prenne pleinement en compte le concept de développement durable dans la définition de la politique commune des transports.
En matière ferroviaire, il serait préférable de laisser de côté le débat souvent purement idéologique sur la libéralisation du transport ferroviaire et d'avancer plus concrètement dans la constitution de réseaux transeuropéens, avec des normes techniques et des conditions d'exploitation harmonisées et en rapprochant le niveau des péages.
En matière routière, je regrette que les débats sur l'harmonisation de la durée du travail tardent tant à aboutir et que l'on " balbutie " encore sur la prise en compte des coûts externes dans les coûts du transport routier, en dépit de nombreux rapports qui recommandent d'aller dans ce sens.
On peut voir les conséquences qui en résultent sur certains territoires de transit, comme les Alpes ou les Pyrénées, qui préfigurent les difficultés qui nous guettent sur de vastes portions de nos territoires si nous continuons à ne rien faire. J'ai signé avant hier , à Lucerne, avec quelques ministres ici présents, le protocole " transports " de la Convention alpine. Celui-ci était très attendu et contient d'excellents principes. Je souhaite qu'ils soient mis en uvre, avec plus de résolution, à travers les politiques communautaires.
Le développement durable des échanges entre les pays de l'Union européenne et les PECO nécessite que ces problèmes soient pris en compte au plan communautaire.
Ces deux exemples montrent la relation étroite entre une politique communautaire et son impact sur l'aménagement du territoire et le développement durable. C'est sur ce type de débat qu'il convient de se concentrer pour faire de l'aménagement du territoire une compétence communautaire permettant de répondre à des préoccupations concrètes dans le court terme.
Dans ce contexte, le SDEC a eu quelques effets sur la mise en uvre des politiques structurelles, c'est malheureusement un instrument sans portée juridique, et il faut avouer que cette initiative laisse un goût d'inachevé.
Ce document a eu tout de même le mérite d'identifier pour la première fois des points communs d'aménagement du territoire européen et de produire des recommandations sur les moyens de coopération à mettre en uvre.
Nous sommes encore loin d'une prise en compte explicite de l'aménagement du territoire dans les politiques communautaires.
Pour traiter de l'aménagement du territoire en Europe, de quels outils dispose-t-on donc?
Je voudrais indiquer, que s'agissant du traité d'Amsterdam, la seule référence expresse à la dimension territoriale, résulte de la disposition qui traite des services économiques d'intérêt général et du rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union.
Pour la première fois, on associe la cohésion territoriale à la cohésion sociale. J'y suis d'autant plus sensible que l'un des piliers de la loi française du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire que j'ai impulsée traite des services publics comme éléments essentiels d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée et " anticipative ". Cette loi repose sur une nouvelle conception de l'aménagement du territoire et du développement durable fondée sur l'appréciation au plan local et régional des besoins à court et moyen termes. La redistribution des fonds publics pour les seules infrastructures a fait son temps. Il faut aujourd'hui aussi savoir mesurer l'équilibre d'un territoire à l'aune des ressources humaines, du niveau de formation de ses occupants, de sa vitalité associative et culturelle, de la qualité de son environnement et des approches de développement durable qu'il propose...
Le Traité ne nous donne donc pas de base juridique explicite, alors que bon nombre des compétences communautaires sont par essence intimement liées à l'aménagement du territoire.
Les Etats et la Commission se sont engagés, à Tampere , à coopérer pour mettre en oeuvre les principes du SDEC dans le cadre d'un programme de 12 actions . La France, en tant que Présidente pendant ce semestre du Comité de Développement Spatial (CDS), souhaite contribuer à pérenniser un cadre de coopération. Et, je reste très attentive à l'évolution des débats entre la Commission et les Etats membres sur le rapprochement du Comité de développement spatial (CDS) et du comité pour le développement à la reconversion des régions (CDRR ou comité Feder).
Je le dis nettement, le mandat de Tampere, ne doit pas être remis en cause. Je suis vigilante sur les propositions qui seront faites sur le domaine de compétences élargi du CDRR et ses modalités amendées de fonctionnement.
Il faut que la Commission européenne précise le projet débattu le 24 Octobre 2000 avec les Etats membres et que le CDRR puisse aborder la question de la territorialisation des politiques communautaires et préparer les réunions des ministres d'aménagement du territoire.
Mais, comme je l'ai indiqué brièvement, l'aménagement du territoire est un domaine de compétence transversal qui ne doit pas être appréhendé sous le seul prisme des fonds structurels.
C'est nécessaire mais pas suffisant, sauf à rester cantonné dans une approche étriquée de l'aménagement du territoire. La "comitologie " communautaire devient une véritable " science " parfois ésotérique qui risque de nuire, si elle n'est pas lisible, et à terme d'obérer la transparence tant attendue et recherchée, notamment par le Parlement européen. Nous avons là l'occasion, par le débat sur l'avenir du Comité de développement spatial, de promouvoir les questions d'aménagement du territoire. II faut s'en saisir pour inviter toutes les compétences à y participer, en tenant compte des questions de transports, de concurrence, d'emploi et de lutte contre les exclusions, d'environnement...
Je le dis devant mes collègues ministres présents en nombre aujourd'hui et que je remercie vivement d'avoir répondu à notre invitation, et devant les représentants des institutions et organes de l'Union européenne, notamment la Commission, ne traitons pas l'aménagement du territoire de manière cloisonnée.
Je soutiendrai dans ce contexte le projet Orate (observatoire en réseau de l'aménagement du territoire). Ce projet sera cofinancé par la Commission et les Etats membres dans le cadre du programme d'initiative communautaire Interreg.
Mais, ici encore, il ne faut pas limiter le champ d'intervention de l'observatoire à la seule politique structurelle, mais couvrir les aspects nécessaires du développement local et de l'aménagement du territoire tels que je les ai esquissés précédemment. Son champ d'intervention ne doit d'ailleurs pas être cantonné à l'Europe des 15, mais élargi à l'Est et au sud.
D'autres échéances majeures nous attendent :
L'élargissement :
La question de l'avenir de la politique régionale va prendre dans les années qui viennent un tour beaucoup plus aigu avec l'élargissement de l'Union .
Compte tenu du niveau de vie beaucoup plus bas des pays accédants, il faudra vraisemblablement financer la montée en puissance des fonds structurels à l'Est dans un contexte où l'augmentation globale du budget communautaire est peu probable et impliquera d'éventuels redéploiements internes difficiles - par un sevrage au moins partiel pour les régions des quinze Etats membres.
Le scénario le plus souvent évoqué est celui d'une concentration des fonds structurels à l'Est, avec maintien d'une capacité d'intervention communautaire pour les quinze Etats membres de l'Union européenne, pas seulement pour ses régions les plus défavorisées (actuel objectif 1) mais aussi pour les autres, dans une logique toutefois profondément renouvelée. La logique de solidarité perdurerait, mais avec un ciblage plus fort sur les aires urbaines ou rurales les plus en difficulté .
Comment faire évoluer cette politique régionale vers une véritable politique européenne d'aménagement du territoire ?
Une approche plus stratégique pourrait être adoptée, fondée sur le SDEC ou un " SDEC + " tenant compte de l'élargissement. Les interventions associeraient l'approche structurelle avec l'approche de solidarité et de corrections des inégalités.
Le zonage perdrait alors de son importance au profit d'une approche globale du territoire, mettant beaucoup plus à contribution les politiques sectorielles, notamment communautaires. Il faudra également réfléchir, dans une logique de subsidiarité, au rôle de chacun des acteurs, Europe, Etats , Régions , Collectivités, responsables solidairement de leurs territoires au sein du grand territoire européen.
Une politique européenne de développement des territoires ne pourra être mise uvre et réellement partagée que si elle associe l'ensemble des acteurs institutionnels, et notamment les Régions qui constituent au niveau européen l'échelon de mise en uvre des politiques structurelles.
La contribution des associations de Régions est à ce titre fondamentale.
La France s'engage en effet avec certains Etats ici présents, dans une initiative lancée par ma collègue Elisa Ferreira, Ministre de la Planification au Portugal, avec la conférence des régions périphériques maritimes, destinée à approfondir les travaux du SDEC dans les espaces périphériques européens et à renforcer le dialogue entre les différents niveaux de gestion des territoires. C'est aussi grâce à de telles initiatives, dépassant les clivages traditionnels, que la construction européenne pourra avancer efficacement.
La prise en compte des zones ultra-périphériques et des îles :
Il est essentiel de permettre aux régions ultrapériphériques de l'Union de bénéficier elles aussi pleinement de la construction européenne et de s'intégrer dans l'espace européen, en mettant en uvre une stratégie de développement durable. Cette question est cruciale pour la Présidence française .
Pour la première fois, le Traité a adopté une disposition, l'article 299 §2 qui traite expressément des régions ultrapériphériques et du traitement particulier dont elles doivent bénéficier.
Cette disposition instaure des mesures spécifiques en faveur de ces régions compte tenu de leur situation économique et sociale structurelle provoquée par leur éloignement, leur insularité, leur faible superficie, un relief et un climat difficiles ainsi que leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits.
J'ai noté avec intérêt les avancées réalisées et notamment l'octroi d'aides au fonctionnement non dégressives et non limitées dans le temps, dans le cadre des aides à finalité régionale, lorsque ces aides sont destinées à réduire les coûts additionnels de l'exercice de l'activité économique inhérents aux handicaps.
Mais il faut poursuivre l'exercice et adapter les politiques communautaires par des règlements spécifiques par secteur. J'y accorde, là aussi, la plus grande importance. Le Conseil européen de Nice fera un bilan des avancées en la matière.
Ce dossier recoupe en partie le précédent, celui des régions insulaires de l'Union, dans le nouveau contexte du Traité d'Amsterdam et de la déclaration n° 30 annexée au Traité. Nous devons apporter des réponses aux problèmes spécifiques de nos îles, qu'elles soient méditerranéennes, nordiques ou plus lointaines, et pousser la réflexion sur la façon de traduire en actes, comme elles le demandent, les principes énoncés dans cette déclaration.
La politique d'aménagement du territoire et la relation avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée :
Souhaiter l'introduction de la dimension aménagement du territoire dans le partenariat euro-méditerranéen ne relève pas du désir de voir repris un thème supplémentaire de coopération au même titre que les infrastructures ou l'eau, mais relève de la conviction que tout Etat central ou fédéral devrait pouvoir aujourd'hui disposer d'une connaissance globale et prospective de son territoire national. Les objectifs opérationnels sont de deux ordres :
l'élaboration des politiques de développement territorial et de cohésion sociale
pour se doter à court terme des outils législatifs, statistiques, financiers d'aménagement de l'espace...
Experts et politiques s'accordent aujourd'hui sur les risques d'accentuation des déséquilibres territoriaux au sein de l'espace des pays méditerranéens, risques renforcés par la perspective de l'instauration d'une zone de libre échange en
2010 : métropolisation et exode rural non maîtrisés, concentration des populations et des activités sur le littoral au détriment de l'arrière-pays, menaces sur les ressources en eau...
Ces accords entre l'Union européenne et les Pays tiers méditerranéens et entre pays du sud et de l'est de la Méditerranée risquent en outre d'avoir un effet néfaste sur le développement durable, notamment par une pression forte sur l'environnement et sur les ressources naturelles en cas de gestion désordonnée de ces accords...
L'aménagement du territoire peut être l'un des moyens de régulation d'une zone de libre échange qui pourrait en outre conduire à des abus au détriment des pays du Sud. Je pense aux activités de complaisance interdites ou réglementées en Europe communautaire : biotechnologies, OGM, ou encore aux abus possibles de la libre circulation des entreprises.
L'intégration des politiques environnementales et sociales y sont nécessaires.
Parmi les priorités de la stratégie de la Commission européenne pour relancer la coopération euro-méditerranéenne, présentées par le Commissaire aux relations extérieures Chris Patten
- les infrastructures constituent un élément clé : La philosophie du marché unique s'y retrouve dans le contexte méditerranéen, les investissements réalisés dans de vastes projets d'infrastructures comme les routes, les ports et les télécommunications devraient être financés soit par le secteur privé, soit par des prêts...
- La gestion intégrée de l'eau, la gestion des déchets, les zones sensibles (zones polluées et présentant des risques pour la biodiversité), la gestion intégrée des zones côtières et la lutte contre la désertification en sont les autres enjeux.
Ces questions ne devraient pas être traitées de manière isolée et cloisonnée mais à l'instar des pays du Nord en tenant compte d'équilibres socio-économiques et environnementaux.
Nous avons souhaité avec nos partenaires européens du Comité de développement spatial (CDS), interroger nos homologues du sud et de l'est de la Méditerranée afin de connaître leurs attentes d'une coopération euro-méditerranéenne dans le domaine de l'aménagement du territoire et du développement régional. Les représentants des pays membres de l'UE et de ces pays présents ont unanimement soutenu l'idée de réintroduire l'aménagement du territoire dans le processus de Barcelone .
Je terminerai cette présentation sur une question concrète et qui sera examinée lors du sommet de Nice : les services d'intérêt général.
Je suis attentive à la récente initiative de la Commission qui a élaboré une communication sur les services d'intérêt général en Europe. Il est en effet temps qu'on établisse une doctrine des services publics au lieu de continuer à délibérer au cas par cas. L'objectif n'est évidemment pas de chercher à uniformiser les législations, mais de permettre de garantir aux citoyens et aux entreprises d'Europe des services efficaces. Il est temps que les Institutions européennes s'en occupent très sérieusement, parce que le coût et la disponibilité de l'énergie ou de l'eau, l'efficience des transports, la rapidité des télécommunications influencent et même déterminent la vie quotidienne de toute la population et la compétitivité de l'économie européenne. J'ai suivi avec attention l'élaboration de la charte des services d'intérêt élaborée par la Confédération européenne des syndicats (CES) et le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général (CEEP). Elle vise entre autres à :
- préserver le modèle social européen, qui est largement basé sur les services d'intérêt général ;
- garantir les droits fondamentaux économiques et sociaux des citoyens ;
- assurer la qualité de la vie pour tous ;
- renforcer la solidarité et la lutte contre l'exclusion ;
- appuyer le développement économique et l'emploi d'une main-d'oeuvre qualifiée ;
- renforcer la cohésion sociale et territoriale ;
Aussi et même si je considère que la communication de la Commission va dans le bon sens, je regrette sa discrétion dans le traitement du volet territorial des services d'intérêt général, seulement mentionné sous forme d'allusion pour la cohésion territoriale. Je propose d'y inclure la dimension des services publics en matière d'aménagement du territoire, notamment du principe d'égalité d'accès, y compris dans les zones les plus défavorisées, en ville comme à la campagne, où ils exercent un effet très structurant ou déstructurant quand ils sont absents.
La Présidence française de l'Union européenne proposera au Conseil européen de Nice en décembre 2000 une résolution sur cette question.
Nous visons en effet à l'élaboration d'une Directive cadre sur les services d'intérêt général où pourraient être définis :
les services d'intérêt général, le service universel, le service public
l'affirmation des grands principes qui les soustendent : neutralité, liberté, proportionalité , sans oublier égalité d'accès de tous les citoyens et péréquation ;
la prise en compte de la cohésion économique, sociale et territoriale
la prise en compte du volet aménagement et développement des territoires constitués par les SIG, notamment dans les zones urbaines sensibles et les zones rurales défavorisées ;
la conception de dispositifs d'évaluation, critères qualitatifs à introduire en plus des bonnes pratiques.
Conclusions :
Je tiens à souligner, l'importance pour nous en France de chantiers comme celui de la décentralisation ou de la réforme de l'Etat, dont les contours ont été précisés grâce à l'important travail réalisé par Pierre Mauroy à la demande du Premier Ministre. Sans reprendre les propositions et analyses, vous me permettrez ici de redire mon attachement et ma confiance dans les régions.
Il ne faut pas se cantonner à une conception de l'aménagement du territoire qui ne serait que prospective : les acteurs du développement local, les aménageurs, les acteurs publics et privés attendent aussi de nous des réponses précises aux enjeux du court terme. Ce qui leur importe surtout est de savoir si la politique de concurrence ne fera pas obstacle à court terme au maintien du service public de proximité, ou si le tiers secteur a un rôle à jouer dans l'aménagement ... Sachons leur répondre aussi sur ce terrain...
Ils n'attendront pas pour agir qu'une compétence explicite soit conférée aux instances communautaires par le traité en matière d'aménagement du territoire, mais positionner sur chaque compétence qui est susceptible d'avoir des conséquences dans ce domaine.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 07/11/2000)