Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, sur les enjeux et le développement de l'intercommunalité, Angers le 7 octobre 2005.

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Circonstance : Réunnion de l'Assemblée des communautés de France, à Angers le 7 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les élus,
Je souhaite, tout d'abord, remercier le Président de votre association, Marc CENSI, de m'avoir invité à m'exprimer devant vous. Permettez-moi de rendre hommage au travail de votre association qui propose, qui construit, qui imagine.
Lorsque vous étiez venu me voir avec le bureau de votre association pour m'inviter, Monsieur le Président, mon emploi du temps ne me permettait pas a priori de vous rejoindre aujourd'hui.
J'ai tenu, malgré tout, à me libérer et à répondre présent à cette invitation tant les sujets que nous abordons aujourd'hui me semblent fondamentaux.
Je vois aussi le maire de cette belle commune d'Angers, Jean-Claude ANTONINI, qui nous accueille aujourd'hui. J'espère que mes propos seront perçus comme aussi heureux que la douceur légendaire de sa ville.
Je suis venu, aujourd'hui, vous dire ma foi qui ne rime pas avec aveuglement dans l'avenir de l'intercommunalité. Nous partageons ce combat mené depuis quinze ans.
Nous le partageons à un moment d'autant plus difficile qu'il faut bien reconnaître qu'un certain nombre d'imperfections dans le processus de construction, imperfections provenant tant de l'Etat que des collectivités, sont venues fragiliser la position de ceux qui, comme nous, considèrent que l'intercommunalité est l'avenir de nos territoires. L'Etat n'est pas là pour vous donner des leçons. Non, bien au contraire, l'Etat est suffisamment conscient de tous les efforts que vous avez menés pour saisir la nécessité de passer à un nouvel âge de la construction de l'intercommunalité.

I. L'intercommunalité est un phénomène majeur qui doit constituer la structuration d'avenir de la France
A) Le succès quantitatif de l'intercommunalité ne doit rien au hasard : le mouvement intercommunal est la structuration d'avenir de notre pays et cela, pour plusieurs raisons :
1) D'abord, un constat : les Français connaissent de plus en plus l'intercommunalité et y adhérent volontiers. Selon le sondage IFOP commandé par votre association, 63 % des Français connaissent l'existence des structures intercommunales. Non seulement les Français apprennent à la connaître mais ils la plébiscitent.
87 % des personnes interrogées parmi celles qui connaissent l'existence de groupements considèrent qu'il s'agit là d'une bonne chose pour leur commune.
2) Cet engouement a plusieurs explications :
- Dans un pays qui compte près de 36.800 communes, le regroupement était une nécessité absolue. Voyez ces petites villes isolées, retirées qui ne peuvent plus assurer un service de proximité à leurs administrés ! Voyez aussi ces communes dont les intérêts sont imbriqués au sein d'une agglomération ! Pour toutes celles-là, l'intercommunalité constituait un besoin réel.
- Après l'échec des fusions de communes et le succès des communautés urbaines, l'Etat a opté pour des formules souples et incitatives financièrement. Ce sont les lois de 1992 et de 1999. Elles ont eu un effet déclencheur remarquable mais l'incitation était telle que certains groupements se sont parfois constitués sur un seul effet d'aubaine fiscale et donc, pour reprendre l'expression du Ministre d'État, sous forme de "coquilles vides". Depuis, l'entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 a même offert de nouvelles possibilités juridiques et financières pour clarifier et simplifier l'intercommunalité.
- Dans de nombreux bassins de vie, l'intercommunalité permet, enfin, de se doter d'équipements et de mutualiser les coûts de fonctionnement qui en découlent (exemples : collecte et traitement des ordures ménagères; adduction d'eau, assainissement ; piscines). L'intercommunalité a été, ainsi, le support d'un formidable mouvement de réalisation d'équipements publics en France (moyens de transport modernes comme les tramways dans les agglomérations ; équipements culturels)
Les résultats sont probants : l'intercommunalité à fiscalité propre compte aujourd'hui 2.525 établissements publics de coopération intercommunale, regroupant ainsi 32.308 communes.
52 millions d'habitants, soit 84 % de la population, sont directement concernés.
Je sais à quel point il a fallu foi et persévérance pour pouvoir arriver jusque-là. Les communes s'étant observées depuis toujours [depuis les villages d'Astérix] en chiens de faïence, apprendre à travailler ensemble a constitué pour vous un véritable défi. Il vous a fallu convaincre les sceptiques, ménager les susceptibilités, surmonter les divisions, soutenir vos projets.
Les encouragements financiers de l'Etat (DGF, DGF bonifié, DDR, priorités pour obtenir DGE 2ème part) ont également beaucoup compté et la maturation des "esprits", combinée avec le recours au volontariat, a permis à l'intercommunalité de se développer. Je n'oublie pas que ce qui nous semble aujourd'hui une évidence n'était pas, hier, une sinécure.
B) Face à la multiplication des échelons et au "mille-feuilles" institutionnel, je crois que l'intercommunalité doit être l'élément de structuration de demain.
Non, Monsieur le Président, le succès de l'intercommunalité ne fait pas peur à l'Etat, bien au contraire. Il fait peur à ceux qui ont une conception frileuse des groupements. Il fait peur à ceux qui ont fait des mariages d'argent et qui craignent aujourd'hui de voir disparaître la corbeille de la mariée. Il fait peur, enfin, à ceux qui ont fait des mariages blancs et qui ont peur que l'on découvre le pot aux roses.
L'Etat, lui, ne craint pas mais se réjouit de voir le succès de l'intercommunalité reconnu par les Français et compte tout faire pour l'accompagner et le développer.
Je crois précisément que vu les attentes des Français, vu la notoriété grandissante de cet échelon dont nos concitoyens attendent beaucoup, il est de notre devoir d'en exiger un fonctionnement performant, pertinent, cohérent. Disons les choses simplement : ce que nous voulons, c'est une intercommunalité qui devienne le principal instrument de gestion des services publics, l'outil majeur de la politique de nos territoires et, à travers eux, la matrice de la France de demain.
II - Nous devons regarder les limites en face pour mieux les corriger et créer l'intercommunalité de projet que les Français souhaitent et méritent.
A) Telle qu'elle est menée actuellement, l'intercommunalité connaît des limites qui doivent être regardées en face.
La réalité du terrain avant tout, mais aussi un certain nombre de rapports récents pointent les travers actuels du développement de l'intercommunalité.
Il s'agit là d'un rapport du Conseil économique et social, d'un autre de la Commission d'enquête sur la fiscalité locale, d'un prochain provenant de la Cour des Comptes ainsi que d'une toute récente contribution de deux parlementaires, MM. Philippe Pemezec et Patrick Beaudouin, intitulée "Le livre noir de l'intercommunalité". Une dernière étude, enfin, est attendue de la part de l'Observatoire de la décentralisation. Tous ces rapports, qu'ils proviennent d'institutions ou d'élus de la nation, partagent le même diagnostic, celui d'une "crise de croissance" de l'intercommunalité. Doit-on rester inactif face à ces travaux ? Peut-on rester sans rien faire ? Je ne le crois pas. Cela nous serait très vite reproché.
Comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de faire le procès de ce qui constitue l'une des innovations institutionnelles les plus intelligentes des trente dernières années. Non, il importe seulement d'être lucide, de regarder en face ce qui ne va pas et de proposer des corrections concrètes. Mon seul souhait est de faire de l'intercommunalité un instrument majeur de stratégie territoriale pour vos communes. Après une première phase de construction, il est temps de passer à un nouvel âge de l'intercommunalité.
Je crois qu'on a trop voulu faire du quantitatif, forcément au détriment du qualitatif. Et ce "reproche"ne s'adresse pas nécessairement aux élus
Il eut sans doute mieux valu un mouvement d'intercommunalité plus lent, mais davantage porteur en termes d'aménagement du territoire et de gestion mutualisée des services publics. A nous d'infléchir cette tendance et de créer des périmètres pertinents, rationnels et qui constituent un vrai projet de territoire.
Je vois trois dysfonctionnements à corriger :
1) L'intercommunalité a trop souvent été l'occasion de surcoûts alors que sa raison d'être était très précisément inverse. L'intercommunalité, ce doit être mieux faire mais en dépensant moins. Les économies d'échelle qu'il fallait rechercher n'ont pas eu lieu.
Ces surcoûts existent bel et bien, notamment en matière de personnels. Les charges de personnel des groupements à fiscalité propre (calculées sur les seuls budgets principaux) sont passées de 1,35 Md d'euros en 2000 à 2,63 milliards en 2003, soit un quasi doublement.
Cet accroissement ne serait pas un problème s'il ne s'accompagnait pas d'une augmentation des charges de personnel de l'ensemble des communes qui passent, elles, de 23,32 Md d'euros à 25,99 milliards, soit une progression de 11,4 %. L'ensemble communes + groupements passe ainsi d'une charge totale de 24,68 Md d'euros à 28,63 milliards, soit une augmentation de 16 %.
Les effectifs se sont, eux aussi, nettement accrus dans les communes passant de 1.045.000 agents en 1999 à 1.093.000 en 2002, cependant que celui des EPCI (y compris SIVOM et SIVU) passait de 124.500 agents à 161.000 en 2005(+29,3 %)
Face à un tel constat, pouvons-nous ne pas bouger ? Bien au contraire, nous devrons apporter des réponses précises car, comme l'a souligné le Ministre délégué au Budget, Jean-François COPE, devant le Comité des Finances Locales, la contrainte budgétaire qui pèse sur l'Etat concerne aussi les collectivités territoriales.
2) L'intercommunalité manque parfois de pertinence.
- Manque de pertinence territoriale, tout d'abord, par rapport aux bassins de vie, aux bassins d'emploi ou aux zones de chalandise.
Ce manque de pertinence empêche une véritable politique d'aménagement du territoire. L'intercommunalité a parfois même été construite de manière défensive contre la ville-centre, ce qui est la négation même de l'intercommunalité.
- Manque de pertinence des compétences prévues par la loi, ensuite. Il existe de trop nombreuses redondances où des SIVU gèrent finalement des compétences qui devraient relever des intercommunalités, rendant ainsi le paysage administratif souvent illisible.
3) Troisième point, l'intérêt communautaire est resté trop souvent flou, voire inexistant.
On ne peut pas se contenter de compétences qui, après plusieurs années d'existence, ne sont exercées que partiellement. Une telle situation est source de gaspillage et d'incompréhension pour les citoyens usagers.
Il n'est pas non plus acceptable que l'intercommunalité cautionne une politique anarchique de multiplications d'équipements publics de nature identique et juxtaposés les uns aux autres.
Il faut que les stratégies d'investissement communautaires s'appuient sur de véritables synergies, sources d'un service public de meilleure qualité mais aussi d'économies pour le contribuable local.
4) Résultat, les projets sont souvent trop faibles pour fédérer les énergies locales.
Beaucoup de communautés de communes éprouvent des difficultés pour piloter de véritables projets intercommunaux. Soyons clairs : l'intercommunalité doit être réservée à ceux et seulement ceux qui ont quelque chose à mettre en commun.
Certains groupements, vous le savez bien, n'ont pas la taille critique. Je citerai, pour l'anecdote, les 24 communautés qui, chacune, ne regroupent que deux communes!
Un autre indice, me semble-t-il, est le nombre de syndicats à vocation multiple qui a doublé en six ans, alors que la multiplication des groupements à fiscalité propre depuis 1999 aurait dû entraîner la disparition de beaucoup d'entre eux puisque les compétences sont désormais du ressort des intercommunalités.
B) Une nouvelle phase s'impose donc pour créer une intercommunalité de projet, aux périmètres pertinents et aux synergies véritables
Trois objectifs doivent être remplis :
1) Créer un véritable intérêt communautaire pour redonner du souffle aux groupements
La définition de l'intérêt communautaire doit être l'objet d'une sérieuse réflexion pour répondre à l'exigence de simplification qui est celle de nos concitoyens. Nous profiterons du nouveau et ultime délai - 18 août 2006 - pour donner une définition consistante à un tel intérêt. Cette redéfinition est essentielle pour clarifier la frontière entre ce qui relève du niveau communal et ce qui est traité par le groupement et permettre ainsi un exercice effectif des compétences transférées.
D'une manière générale, les transferts de compétences aux EPCI ont vocation à dessaisir les communes qui ne peuvent plus intervenir dans le champ de ces compétences.
A vrai dire, je ne crois pas, Monsieur le Président, qu'il soit "stupide" de fixer une date butoir pour définir cet intérêt. J'estime même qu'il y a urgence. Si l'on ne fixe pas de date limite à la réflexion, comment voulez-vous qu'on progresse rapidement et qu'on mette un jour en application le résultat de ses débats ? Peut-on entretenir plus longtemps le flou qui caractérise aujourd'hui la répartition des moyens entre les EPCI et leurs communes membres ?
Ce ne serait pas raisonnable et nos concitoyens, dont nous avons rappelé à quel point ils sont attachés à l'intercommunalité, ne le comprendraient pas.
La date a déjà été prolongée d'un an. Je fais confiance à votre dynamisme et à votre détermination pour réfléchir activement et sereinement pendant encore presque une année. J'ai demandé la semaine dernière aux Préfets de vous assister au maximum dans cette démarche.
2) Ma seconde priorité, et je pense que vous la partagez, est de voir la cohérence de la carte intercommunale se renforcer
La Cour des comptes stigmatise notamment le caractère trop exigu des périmètres communautaires qui ne permettent pas d'apporter des réponses pertinentes aux problématiques locales, ce qui a nécessité la création de Pays pour les rendre opérationnels.
Cette critique porte notamment sur les zones rurales où bon nombre de communautés de communes n'atteignent pas une taille leur permettant d'être un véritable outil du développement local.
La loi du 13 août 2004 a institué une procédure de fusion facilitant le regroupement de plusieurs EPCI en un seul.
Contrairement aux procédures classiques d'extension de périmètre qui impliquent toujours l'accord des nouvelles communes, cette procédure fait jouer la règle de la majorité qualifiée qui peut permettre de dépasser les réticences de certaines communes lorsque la cohérence d'ensemble d'un projet le justifie.
De plus, chaque fois que cela est envisageable, la superposition des structures de coopération locales sur un même territoire doit être évitée.
Ces situations, qui, d'une part, pèsent sur les budgets locaux et donc sur les contribuables et, d'autre part, obscurcissent la répartition des responsabilités locales ne peuvent plus être acceptées. Le cas des Pays me semble précisément significatif de l'échec de l'échelon intercommunal d'occuper suffisamment le terrain. Je tiens à vous rappeler que les Pays, dont le nombre atteint aujourd'hui plus de 300, sont des territoires de projets mais ne constituent pas un nouvel échelon administratif, et encore moins un échelon de gestion. Mais croyez-vous que nos concitoyens y voient clair ? Je ne le pense pas.
Si les EPCI à fiscalité propre ont vocation à regrouper la quasi-totalité des communes françaises, la création ou le maintien de syndicats de communes ou de syndicats mixtes ne doivent, quant à eux, être envisagés que lorsque qu'ils sont véritablement justifiés. La question du maintien des syndicats qui, au fil du temps, ont vu leurs compétences s'amenuiser au profit d'autres EPCI à fiscalité propre doit donc systématiquement être posée.
Le renforcement de la cohérence des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la suppression des syndicats devenus inutiles, la rationalisation des transferts de compétences devront guider vos réflexions dans cette démarche. Il ne s'agira pas, Monsieur le Président, d'un nouveau dispositif contraignant prévu par la loi mais d'un instrument concerté de proposition et de dialogue.
3) L'objectif ultime est de constituer des intercommunalités de projets autour de synergies véritables et incontestables.
Il est temps de rappeler la vocation première de l'intercommunalité à fiscalité propre qui est d'être le périmètre de la réalisation des nouveaux projets très concrets, tels que des équipements sportifs, des équipements culturels ou encore en matière de logement ou de zones d'activité. C'est bien cette intercommunalité de projets qui doit vous mobiliser.
Les communautés de communes seront d'autant plus efficaces et légitimes, y compris pour les maires eux-mêmes, qu'elles sauront aussi se charger de compétences de gestion. Nous voulons une intercommunalité ancrée dans le quotidien et proche des citoyens.
L'intercommunalité doit ainsi, souvent en partenariat avec le Conseil général, être le moteur de la réorganisation des services publics en milieu rural.
Je crois, en effet, que les compétences très générales d'aménagement ou de développement des territoires ne coïncident pas assez avec les attentes quotidiennes de communes rurales dont les préoccupations relèvent plus simplement de la gestion, comme celle de l'école ou de la voirie.
L'école et la voirie, voici deux compétences qui relèvent pleinement des préoccupations quotidiennes des Français, qui constituent des charges essentielles pour les communes rurales et qui pourraient, pourquoi pas, relever des compétences obligatoires de l'intercommunalité.
N'hésitez pas à vous lancer dans de nouvelles aventures! Je pense, par exemple, aux maisons de services publics ou aux maisons de l'emploi que vous pourriez créer et qui seraient susceptibles de bénéficier de tout l'apport des nouvelles technologies (visio-conférence, télé-service, écrivain public numérique, borne multimédia).
Des technologies qui permettent, certes, de perfectionner les communications des villes mais aussi, surtout, de sauver les communes rurales de l'oubli.
Vous le voyez, le débat sur l'intercommunalité a toute sa place dans celui sur l'avenir des services publics en milieu rural voulu par le Ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy.
Que constatons-nous dans le sondage IFOP que vous avez commandé au nom de votre association, M. le Président ? 53 % des personnes interrogées se déclarent prêtes à favoriser, lorsque c'est nécessaire, la qualité du service par rapport à la proximité.
C'est toute la question. Ne vaut-il pas mieux une école qui forme bien ses élèves et qui se situe à quelques kilomètres qu'une autre, toute proche, mais qui ne joue pas son rôle d'éducation ? Ce débat majeur doit vous interpeller et inspirer votre manière de gérer l'intercommunalité de demain.
Avec le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, nous avons dégagé une dotation spécifique de 20 millions d'euros pour financer les projets innovants.
Dans notre esprit, cette dotation sera allouée pour prendre en charge des dépenses d'équipement et de fonctionnement mais sur une durée limitée : elle n'aura pas vocation à couvrir des charges permanentes mais à favoriser l'impulsion et le partenariat local.
Enfin, il vous faut utiliser les moyens de rationalisation introduits par la loi du 13 août 2004 :
- le renforcement du mécanisme de mise à disposition de services entre l'EPCI et ses communes membres ;
- la possibilité d'organiser une gestion unifiée des personnels ;
- l'assouplissement des conditions dans lesquelles une ou plusieurs communes peuvent confier à un groupement "la création et la gestion de services relevant de leurs attributions".
Voici, sur le fond, les vérités qu'il me semblait utile de vous rappeler. Ne croyez pas que je suis injuste, je suis seulement exigeant. Je suis très conscient de ce que le mouvement intercommunal a apporté et que les dysfonctionnements ne sont que des erreurs de jeunesse. Je n'en suis pas moins obligé de vouloir les rectifier au plus vite.
Mon souhait est tout simplement de créer un mouvement intercommunal d'ampleur qui soit à la hauteur des attentes des Français, c'est-à-dire une intercommunalité financièrement avantageuse et fondamentalement synergique. Pour cela, nous avons besoin de courage politique. Monsieur le Président, soyez-en convaincus : le succès de vos groupements ne fait pas peur à l'Etat. Bien au contraire, l'Etat pense même qu'elles en méritent encore davantage.
III. Pour finir, je souhaite répondre cet après-midi à quelques interrogations que vous avez sur le plan financier. Je voudrais apaiser vos inquiétudes en vous démontrant que nous mettons tout en oeuvre pour préserver les ressources de vos groupements.
Tel est le message que je souhaite que vous reteniez car mon travail consiste à vous apporter les moyens financiers nécessaires à l'exercice de vos missions. Et vu nos contraintes budgétaires, croyez-moi, ce n'est pas toujours facile.
A) D'abord, sachez que les dotations aux collectivités, et plus particulièrement aux EPCI, continueront de progresser en 2006.
Le volet du Projet de Loi de Finances 2006 qui concerne les concours financiers de l'Etat aux collectivités est marqué par la volonté du gouvernement de poursuivre un effort consistant en faveur des dotations de l'Etat à ces collectivités.
Cet effort se traduit par la reconduction du contrat de croissance et de solidarité en 2006. L'enveloppe du contrat progressera de 2,38 %, atteignant près de 44 Mds d'euros en 2006. La DGF progressera, à elle seule, de 2,73 %, ce qui représente plus d'1.010 millions d'euros.
La DGF des communes et des EPCI progressera ainsi de plus de 577 M d'euros alors que celle des départements de 297 M d'euros, et celle des régions de 135 M d'euros. Vous le voyez, l'Etat n'a pas souhaité appliquer aux collectivités les sacrifices financiers qu'il s'est imposés à lui-même.
B) Mon second souci est l'équilibre financier entre les territoires
J'ai souhaité que les concours financiers de l'Etat soient orientés dans un souci de solidarité. Pour ce faire, j'ai proposé d'abonder la DGF 2006 du montant de la régularisation 2004. Celle-ci s'établit à 92 M d'euros.
J'ai choisi de l'affecter aux communes et aux EPCI en privilégiant une utilisation plus dynamique et conforme à l'esprit qui a présidé, l'an dernier, à la réforme de la DGF. Ainsi, la régularisation sera affectée à hauteur de 88 M d'euros à la DGF 2006 pour garantir une évolution satisfaisante de la péréquation communale.
Elle permettra aussi d'assurer, parallèlement à la croissance de la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU), une croissance similaire de la Dotation de Solidarité Rurale (DSR). Elles connaîtront toutes les deux une progression de l'ordre de 15 %.
S'agissant de la Dotation de Développement Rural (DDR), il m'a paru pertinent que cette dotation soit utilisée en partie pour créer un dispositif de maintien des services publics en milieu rural.
Comme je vous l'ai dit, je souhaite que soient redéployés en 2006, 20 M d'euros au sein de cette enveloppe globale qui s'élève à près de 124 M d'euros pour financer des actions innovantes.
Le maintien ou le développement des services publics en milieu rural sera ainsi facilité conformément aux vux du Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY de réserver à chacune des différentes collectivités un effort de solidarité proportionnel à ses besoins.
C) Enfin, permettez-moi de vous confirmer que les réformes des impôts locaux n'affecteront que très marginalement votre niveau de recettes fiscales.
Mon rôle en tant que Ministre délégué aux collectivités territoriales consiste, avant tout, à veiller à votre autonomie financière. C'est une exigence constitutionnelle depuis mars 2003 et à laquelle je me référerai tout au long de la mise en oeuvre de cette réforme.
En ce qui concerne la taxe professionnelle, je connais vos inquiétudes, qui sont fortes compte tenu de l'importance de ce produit fiscal pour vos groupements.
La taxe professionnelle perçue par vos EPCI correspond, en effet, à près de 10 Mds d'euros et constitue 43 % du produit total de la TP collecté sur le territoire national.

La réforme envisagée de la taxe professionnelle a pourtant deux mérites :
- Elle pérennise, tout d'abord, le dispositif temporaire de dégrèvement des investissements nouveaux. En application de ce dispositif, les immobilisations acquises à compter de 2006 seront exonérées pour la première année au titre de laquelle elles sont imposables ;
- Le projet de loi de finances (PLF) rénove, ensuite, le plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée en y apportant trois aménagements :
- conformément à l'annonce du Premier Ministre, Dominique de Villepin, le premier aménagement consiste à limiter la cotisation de TP à 3,5 % de la valeur ajoutée dans tous les cas (alors que ce taux varie à ce jour de 3,5 % à 4 % selon le chiffre d'affaires) ;
- le deuxième aménagement consiste à actualiser le taux de référence utilisé pour le calcul du dégrèvement en retenant celui de 2004.
La référence actuelle au taux de 1995 minore artificiellement le dégrèvement bénéficiant aux entreprises. Ainsi, certaines d'entre elles acquittent finalement une cotisation de TP supérieure au plafond de valeur ajoutée qui leur est applicable ;
- le dernier aménagement fait en sorte que l'entreprise ne soit plus la seule à supporter les augmentations de taux que les collectivités ont décidées après 2004. L'Etat prend ainsi à sa charge l'augmentation du dégrèvement résultant de l'actualisation du taux de référence (2004) et les collectivités, celle résultant des augmentations de taux qu'elles votent par la suite.
Bien sûr, cette réforme a un coût. Ce coût représente 1,4 milliard d'euros à la charge de l'Etat et 469 millions d'euros pour les collectivités, notamment celles qui ont fait progresser leur taux entre 2004 et 2005, soit 2 % des recettes. Ce ticket modérateur concernera surtout certaines régions qui ont voté, en 2005, des augmentations de taux parfois excessives.
Cette réforme s'inscrit ainsi dans une logique de partage de l'effort entre l'Etat et les collectivités en faveur des entreprises et, à travers elle, de l'emploi qui, je vous le rappelle, constitue la priorité numéro 1 du gouvernement dirigé par Dominique de Villepin.
N'étant ni sourd, ni aveugle, j'entends et lis les inquiétudes exprimées sur cette année de référence et peux donc vous assurer de l'attention du gouvernement lors du prochain débat parlementaire sur ce sujet.
Je sais que ce qui vous inquiète le plus concerne le plafonnement des bases de taxe professionnelle. Là encore, mon rôle consiste à vous dire la vérité : ce mécanisme a été conçu pour alléger la charge fiscale des entreprises mais je veillerai, lorsque je disposerai non pas d'un échantillon mais de toutes les simulations concernant les 1.101 EPCI à taxe professionnelle unique, à ce que ce mécanisme de plafonnement ne provoque pas de situation localement intenable.
Soyez-en convaincus : je ne vous oublierai pas. Je ne souhaite pas, Monsieur le Président, que votre association soit la victime de telle ou telle réforme.
Comme l'a promis le Ministre délégué au Budget lors du dernier Comité des Finances Locales, des simulations devront vous être remises rapidement afin d'évaluer pleinement les conséquences de la réforme pour vos collectivités.
Pourrais-je terminer ce tour d'horizon fiscal avec vous en passant délibérément sous silence le "bouclier fiscal"? Là encore, j'entends bien l'inquiétude exprimée.
Qui peut estimer normal que dans notre pays, sur 100 jours travaillés, certains de nos concitoyens reversent le revenu de 65 jours en impôts et taxes de toutes sortes ?
Vous commencez à travailler le 1er janvier mais vous ne gagnez votre vie qu'à partir de la fin août ! C'est bien à ces situations intenables qu'entend répondre le "bouclier fiscal" fixé à 60 %.
D'après les projections qu'auraient effectuées le ministère des Finances, les conséquences seraient minimes pour les collectivités locales et ce, pour trois raisons :
- d'abord parce que le reversement du "trop-perçu" s'effectuerait au prorata des impôts responsables du dépassement de 60 % ;
- ensuite parce que ce prélèvement n'interviendrait pas sur le budget pour lequel les impôts ont été perçus, mais sur le budget de la troisième année qui suit ;
- enfin, parce que les sommes en jeu sont faibles. L'hypothèse la plus solide fixerait ce prélèvement à 43 millions d'euros. Je sais que quelques derniers arbitrages sur la question de savoir qui en supportera la charge n'ont pas encore été rendus.
Soyez convaincus d'une chose : si je prône, bien entendu, la solidarité gouvernementale comme Ministre, je souhaite aussi, étant donné mon domaine, défendre avec conviction et détermination les collectivités locales dans nos débats.
Voilà ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui en matière fiscale et financière. Les débats parlementaires feront éventuellement bouger les lignes sur tel ou tel point.
Sachez en tout cas, pour conclure, et qu'il s'agisse des mesures financières ou des réformes de fond, je ferai tout pour que le mouvement intercommunal soit à la hauteur des exigences des Français. Ayant pour seul souci l'intérêt général et loin des clivages partisans, c'est bien du point de vue des usagers que notre réflexion doit être menée.
Attentif aux travaux et à la réalité du terrain, je suis aussi, bien entendu, très ouvert au dialogue, et toujours prêt à convaincre et à me laisser convaincre. Je sais que je peux compter sur vous, vous qui avez su montrer la voie lorsque les innovations institutionnelles s'étaient imposées.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 octobre 2005)