Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous examinez aujourdhui en deuxième lecture la proposition de loi de loi relative au traitement de la récidive que vous avez adoptée en février 2005 et qui a été modifiée, il y a deux semaines, par lAssemblée Nationale.
Cette question présente évidemment à mes yeux une particulière importance, puisque dans mes précédentes fonctions de président de la commission des lois de lAssemblée Nationale, jai été à lorigine de la création de la mission dinformation sur le traitement de la récidive et de lélaboration de cette proposition de loi. Jai la responsabilité de la suivre aujourdhui, au nom du Gouvernement, en tant que garde des sceaux.
Cest un sujet grave, complexe et douloureux.
Un sujet grave parce que notre droit pénal nest pas adapté à lévolution de la délinquance. Si cette dernière a baissé ces trois dernières années de manière importante, il reste aujourdhui un noyau dur de multirécidivistes pour qui la loi nest plus dissuasive. Ces délinquants dhabitude commettent plus dun délit sur trois. Lutter contre la récidive, cest donc faire baisser durablement la délinquance et notamment celle qui frappe quotidiennement nos concitoyens.
Peut-on en effet tolérer les violences urbaines récurrentes ou des vols répétés ? Peut-on accepter la banalisation des infractions ? Bien sûr que non.
Aujourdhui la loi linterdit, mais la loi ne lempêche pas. Je vous demande solennellement de donner au gouvernement les moyens juridiques de combattre cette forme de délinquance.
Mais il sagit également dun sujet complexe.
Pourquoi ?
Parce que les textes actuels étaient insuffisants, voire inexistants, pour prévenir la récidive des grands criminels. Pouvions-nous assister sans rien faire aux récidives annoncées de condamnés pervers et violents ? Pouvions-nous tolérer des sorties « sèches » de prison, dont tout le monde sait quelles ne peuvent que favoriser la récidive ? Le gouvernement est responsable. Il a pris ses responsabilités.
Il sagit enfin dun sujet douloureux. Chaque récidive, cest une ou plusieurs victimes qui souffrent. Que demandent-elles ? Que dautres nendurent pas les mêmes souffrances.
Contrairement à ce qui a été dit par certains, ce texte nest pas un texte de circonstance, même un texte équilibré qui a été mûri pendant plus de deux ans.
Il répond à lattente des français qui souhaitent que la justice réprime ceux qui récidivent sciemment, mais quelle accompagne également les personnes condamnées vers la réinsertion. Cest ainsi que nous éviterons la récidive
Pour gagner la bataille de la délinquance, nous devons rendre les sanctions plus dissuasives.
Quest-ce que cela signifie ?
Cela veut dire que les récidivistes seront traités différemment des primo-délinquants. Je suis persuadé quil faut sanctionner plus sévèrement ceux qui nont pas tenu compte des premiers avertissements de la justice. Cest pourquoi :
Le nombre de sursis avec mise à lépreuve pouvant être prononcés successivement sera limité.
Les peines seront aggravées en cas de viols multiples.
Cest pourquoi également les crédits de réductions de peines dont bénéficient les récidivistes devront être divisés par deux. Je souhaite, en effet, rétablir leffectivité de la peine pour les récidivistes.
Cest pourquoi, aussi, la récidive pourra être relevée par le tribunal même si elle na pas été visée par le parquet.
Cest pourquoi, enfin, les peines demprisonnement fermes prononcées à lencontre des récidivistes violents devront être exécutées immédiatement, sauf décision contraire du tribunal.
Cette volonté de mieux prendre en compte la dangerosité des criminels les plus violents se retrouve dans deux autres dispositions :
Le suivi socio judiciaire sera étendu aux incendiaires et aux criminels dangereux.
Le temps dépreuve sera porté de 15 à 18 ans pour les condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité, et à 22 ans en cas de récidive.
Si lemprisonnement des criminels dangereux est nécessaire, il nest pas suffisant.
Cest pourquoi jai souhaité que les mesures de suivi et de contrôle de ces condamnés soient renforcées.
Sur le plan médical, tout dabord
La possibilité de recourir aux traitements inhibiteurs de la libido dans le cadre du suivi socio judiciaire sera rappelée.
Afin de favoriser le développement de cette mesure, les médecins coordonnateurs pourront agréer des psychologues, et non plus seulement des psychiatres, pour soigner les délinquants sexuels.
Enfin, les personnes détenues seront, par le biais des réductions de peines, incitées à suivre des soins en prison.
Mais je veux également renforcer les mesures dalerte et de suivi nécessaires pour prévenir la récidive.
Cest pourquoi, en parallèle de ce texte, jai décidé de créer une commission danalyse et de suivi de la récidive, présidée par, M. Jacques-Henri Robert, directeur de lInstitut de criminologie de Paris II. Cette commission pluridisciplinaire sera chargée de déterminer des outils fiables de mesure de la récidive et de proposer des instruments adaptés pour prévenir le renouvellement des infractions.
Je vous propose également détendre le fichier des auteurs dinfractions sexuelles aux criminels violents. Ces derniers seront désormais soumis aux mêmes obligations de déclaration que les délinquants sexuels.
Mais la disposition de contrôle la plus innovante est sans conteste le placement sous surveillance électronique mobile.
A la différence du bracelet électronique actuel, le bracelet électronique mobile ninterdira pas au condamné de se déplacer. Mais il alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit. Lorsquun crime sera commis, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux.
Cest donc dans son principe un instrument particulièrement efficace de lutte contre la récidive.
Le bracelet électronique mobile pourra être prononcé dans le cadre dun suivi socio judiciaire ou dune libération conditionnelle.
Les seules divergences qui subsistent désormais entre les deux assemblées portent sur les modalités pratiques de sa mise en uvre. Mais je suis sûr quun accord pourra être trouvé, aussi bien sur la durée de la mesure que sur les personnes concernées par ce nouveau dispositif.
Je voudrais maintenant évoquer la création dune nouvelle mesure de suivi, la surveillance judiciaire.
De quoi sagit-il?
Jai reçu récemment les victimes dun violeur en série. Elles mont dit quelles savaient, avant même quil ne sorte de prison, quil allait récidiver. Elles lavaient dit et les autorités médicales et judiciaires avaient fait passer le même message.
Or rien na été fait, parce que rien ne pouvait être fait.
Jai déjà eu loccasion de le dire. Je ne veux plus assister, impuissant, à la chronique dune récidive annoncée. La récidive de criminels sexuels nest certes, heureusement, pas très fréquente, mais elle est trop grave pour que nous ne la considérions que comme un risque statistique.
Cest dans ces conditions que jai proposé un nouveau régime juridique : la surveillance judiciaire, qui permet dutiliser le temps des réductions de peine pour aménager la sortie de prison des personnes condamnées à des peines supérieures ou égales à dix ans.
Cette surveillance judiciaire doit permettre le placement sous surveillance électronique mobile, mais également le respect dautres obligations, comme celle de suivre un traitement médical.
En cas de non respect de ces obligations, le juge pourra ordonner le retrait des réductions de peine et la réincarcération du condamné.
Il est alors constitutionnellement possible de prévoir lapplication immédiate du placement sous surveillance judiciaire aux condamnations en cours dexécution. Il sagit en effet non pas dune peine, mais dune modalité dapplication dune peine, et les obligations imposées au condamné ne présentent pas un caractère de sanction, mais sont uniquement destinées à éviter une récidive.
Je suis très heureux de constater que votre commission des lois partage cette analyse, et je suis persuadé quil en sera de même de la grande majorité des sénateurs.
Comme vous le voyez, cette deuxième lecture sera loccasion dapprofondir un débat particulièrement riche, qui met en évidence la complémentarité des initiatives parlementaires et gouvernementales pour trouver une solution à ces questions de société.
Je tiens à féliciter votre rapporteur, François Zocchetto, votre commission des lois et son président pour lexcellence de leur travail. Je me réjouis de constater que les dispositions essentielles de ce texte sont aujourdhui sur le point de faire lobjet dun consensus.
Certes, la loi, aussi perfectionnée quelle puisse être, et les acteurs de linstitution judiciaire, aussi motivés et compétents quils soient, ne pourront jamais empêcher toute récidive.
Mais il est de notre responsabilité de faire le maximum, dans les limites dun Etat de droit soucieux de respecter la dignité de la personne et les libertés individuelles, pour réduire autant que possible ce risque de récidive.
Nous devons cela aux Français. Nous devons cela notamment aux victimes, dont la défense des intérêts doit rester un des soucis constant du législateur et du Gouvernement.
Cela suppose que la justice fasse preuve à légard des récidivistes de la fermeté nécessaire. Cela nécessite que la Justice mette en place, dès lors quun risque de récidive est avéré, les mesures de surveillance et de contrôle appropriées après la libération des personnes. Cela exige quelle utilise pleinement les progrès de la science, tant au plan médical quau plan technique.
Cest très précisément ce qua fait la loi du 17 juin 1998 avec le suivi socio-judiciaire et linjonction de soin.
Cest très précisément ce que poursuit la présente proposition de loi, avec notamment le placement sous surveillance électronique mobile, et, comme je le propose maintenant, le placement sous surveillance judiciaire.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 octobre 2005)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Vous examinez aujourdhui en deuxième lecture la proposition de loi de loi relative au traitement de la récidive que vous avez adoptée en février 2005 et qui a été modifiée, il y a deux semaines, par lAssemblée Nationale.
Cette question présente évidemment à mes yeux une particulière importance, puisque dans mes précédentes fonctions de président de la commission des lois de lAssemblée Nationale, jai été à lorigine de la création de la mission dinformation sur le traitement de la récidive et de lélaboration de cette proposition de loi. Jai la responsabilité de la suivre aujourdhui, au nom du Gouvernement, en tant que garde des sceaux.
Cest un sujet grave, complexe et douloureux.
Un sujet grave parce que notre droit pénal nest pas adapté à lévolution de la délinquance. Si cette dernière a baissé ces trois dernières années de manière importante, il reste aujourdhui un noyau dur de multirécidivistes pour qui la loi nest plus dissuasive. Ces délinquants dhabitude commettent plus dun délit sur trois. Lutter contre la récidive, cest donc faire baisser durablement la délinquance et notamment celle qui frappe quotidiennement nos concitoyens.
Peut-on en effet tolérer les violences urbaines récurrentes ou des vols répétés ? Peut-on accepter la banalisation des infractions ? Bien sûr que non.
Aujourdhui la loi linterdit, mais la loi ne lempêche pas. Je vous demande solennellement de donner au gouvernement les moyens juridiques de combattre cette forme de délinquance.
Mais il sagit également dun sujet complexe.
Pourquoi ?
Parce que les textes actuels étaient insuffisants, voire inexistants, pour prévenir la récidive des grands criminels. Pouvions-nous assister sans rien faire aux récidives annoncées de condamnés pervers et violents ? Pouvions-nous tolérer des sorties « sèches » de prison, dont tout le monde sait quelles ne peuvent que favoriser la récidive ? Le gouvernement est responsable. Il a pris ses responsabilités.
Il sagit enfin dun sujet douloureux. Chaque récidive, cest une ou plusieurs victimes qui souffrent. Que demandent-elles ? Que dautres nendurent pas les mêmes souffrances.
Contrairement à ce qui a été dit par certains, ce texte nest pas un texte de circonstance, même un texte équilibré qui a été mûri pendant plus de deux ans.
Il répond à lattente des français qui souhaitent que la justice réprime ceux qui récidivent sciemment, mais quelle accompagne également les personnes condamnées vers la réinsertion. Cest ainsi que nous éviterons la récidive
Pour gagner la bataille de la délinquance, nous devons rendre les sanctions plus dissuasives.
Quest-ce que cela signifie ?
Cela veut dire que les récidivistes seront traités différemment des primo-délinquants. Je suis persuadé quil faut sanctionner plus sévèrement ceux qui nont pas tenu compte des premiers avertissements de la justice. Cest pourquoi :
Le nombre de sursis avec mise à lépreuve pouvant être prononcés successivement sera limité.
Les peines seront aggravées en cas de viols multiples.
Cest pourquoi également les crédits de réductions de peines dont bénéficient les récidivistes devront être divisés par deux. Je souhaite, en effet, rétablir leffectivité de la peine pour les récidivistes.
Cest pourquoi, aussi, la récidive pourra être relevée par le tribunal même si elle na pas été visée par le parquet.
Cest pourquoi, enfin, les peines demprisonnement fermes prononcées à lencontre des récidivistes violents devront être exécutées immédiatement, sauf décision contraire du tribunal.
Cette volonté de mieux prendre en compte la dangerosité des criminels les plus violents se retrouve dans deux autres dispositions :
Le suivi socio judiciaire sera étendu aux incendiaires et aux criminels dangereux.
Le temps dépreuve sera porté de 15 à 18 ans pour les condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité, et à 22 ans en cas de récidive.
Si lemprisonnement des criminels dangereux est nécessaire, il nest pas suffisant.
Cest pourquoi jai souhaité que les mesures de suivi et de contrôle de ces condamnés soient renforcées.
Sur le plan médical, tout dabord
La possibilité de recourir aux traitements inhibiteurs de la libido dans le cadre du suivi socio judiciaire sera rappelée.
Afin de favoriser le développement de cette mesure, les médecins coordonnateurs pourront agréer des psychologues, et non plus seulement des psychiatres, pour soigner les délinquants sexuels.
Enfin, les personnes détenues seront, par le biais des réductions de peines, incitées à suivre des soins en prison.
Mais je veux également renforcer les mesures dalerte et de suivi nécessaires pour prévenir la récidive.
Cest pourquoi, en parallèle de ce texte, jai décidé de créer une commission danalyse et de suivi de la récidive, présidée par, M. Jacques-Henri Robert, directeur de lInstitut de criminologie de Paris II. Cette commission pluridisciplinaire sera chargée de déterminer des outils fiables de mesure de la récidive et de proposer des instruments adaptés pour prévenir le renouvellement des infractions.
Je vous propose également détendre le fichier des auteurs dinfractions sexuelles aux criminels violents. Ces derniers seront désormais soumis aux mêmes obligations de déclaration que les délinquants sexuels.
Mais la disposition de contrôle la plus innovante est sans conteste le placement sous surveillance électronique mobile.
A la différence du bracelet électronique actuel, le bracelet électronique mobile ninterdira pas au condamné de se déplacer. Mais il alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit. Lorsquun crime sera commis, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux.
Cest donc dans son principe un instrument particulièrement efficace de lutte contre la récidive.
Le bracelet électronique mobile pourra être prononcé dans le cadre dun suivi socio judiciaire ou dune libération conditionnelle.
Les seules divergences qui subsistent désormais entre les deux assemblées portent sur les modalités pratiques de sa mise en uvre. Mais je suis sûr quun accord pourra être trouvé, aussi bien sur la durée de la mesure que sur les personnes concernées par ce nouveau dispositif.
Je voudrais maintenant évoquer la création dune nouvelle mesure de suivi, la surveillance judiciaire.
De quoi sagit-il?
Jai reçu récemment les victimes dun violeur en série. Elles mont dit quelles savaient, avant même quil ne sorte de prison, quil allait récidiver. Elles lavaient dit et les autorités médicales et judiciaires avaient fait passer le même message.
Or rien na été fait, parce que rien ne pouvait être fait.
Jai déjà eu loccasion de le dire. Je ne veux plus assister, impuissant, à la chronique dune récidive annoncée. La récidive de criminels sexuels nest certes, heureusement, pas très fréquente, mais elle est trop grave pour que nous ne la considérions que comme un risque statistique.
Cest dans ces conditions que jai proposé un nouveau régime juridique : la surveillance judiciaire, qui permet dutiliser le temps des réductions de peine pour aménager la sortie de prison des personnes condamnées à des peines supérieures ou égales à dix ans.
Cette surveillance judiciaire doit permettre le placement sous surveillance électronique mobile, mais également le respect dautres obligations, comme celle de suivre un traitement médical.
En cas de non respect de ces obligations, le juge pourra ordonner le retrait des réductions de peine et la réincarcération du condamné.
Il est alors constitutionnellement possible de prévoir lapplication immédiate du placement sous surveillance judiciaire aux condamnations en cours dexécution. Il sagit en effet non pas dune peine, mais dune modalité dapplication dune peine, et les obligations imposées au condamné ne présentent pas un caractère de sanction, mais sont uniquement destinées à éviter une récidive.
Je suis très heureux de constater que votre commission des lois partage cette analyse, et je suis persuadé quil en sera de même de la grande majorité des sénateurs.
Comme vous le voyez, cette deuxième lecture sera loccasion dapprofondir un débat particulièrement riche, qui met en évidence la complémentarité des initiatives parlementaires et gouvernementales pour trouver une solution à ces questions de société.
Je tiens à féliciter votre rapporteur, François Zocchetto, votre commission des lois et son président pour lexcellence de leur travail. Je me réjouis de constater que les dispositions essentielles de ce texte sont aujourdhui sur le point de faire lobjet dun consensus.
Certes, la loi, aussi perfectionnée quelle puisse être, et les acteurs de linstitution judiciaire, aussi motivés et compétents quils soient, ne pourront jamais empêcher toute récidive.
Mais il est de notre responsabilité de faire le maximum, dans les limites dun Etat de droit soucieux de respecter la dignité de la personne et les libertés individuelles, pour réduire autant que possible ce risque de récidive.
Nous devons cela aux Français. Nous devons cela notamment aux victimes, dont la défense des intérêts doit rester un des soucis constant du législateur et du Gouvernement.
Cela suppose que la justice fasse preuve à légard des récidivistes de la fermeté nécessaire. Cela nécessite que la Justice mette en place, dès lors quun risque de récidive est avéré, les mesures de surveillance et de contrôle appropriées après la libération des personnes. Cela exige quelle utilise pleinement les progrès de la science, tant au plan médical quau plan technique.
Cest très précisément ce qua fait la loi du 17 juin 1998 avec le suivi socio-judiciaire et linjonction de soin.
Cest très précisément ce que poursuit la présente proposition de loi, avec notamment le placement sous surveillance électronique mobile, et, comme je le propose maintenant, le placement sous surveillance judiciaire.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 octobre 2005)