Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le projet de faire des préfectures le "pivot" de l'administration territoriale de l'Etat et de faire des agents qui y travaillent les principaux acteurs de la rénovation, Lyon, le 23 novembre 2000.

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Circonstance : Assises nationales des préfectures à Lyon (Rhône) le 23 novembre 2000-discours de clôture

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

L'heure est venue pour moi de tirer les conclusions de cette journée d'échange et de dialogue.
Permettez-moi d'abord de remercier tous les participants aux tables rondes pour la qualité de leurs interventions et leur souci de nous faire partager la richesse de leur expérience. Je remercie tout spécialement M. Gilbert SANTEL, directeur général de la Fonction Publique et délégué interministériel à la réforme de l'Etat dont la présence marque l'intérêt qu'il porte à l'avenir des préfectures.
Je tiens également à remercier les organisations syndicales de leur présence, et en particulier pour les films qu'elles nous ont présentés tout à l'heure et qui témoignent de la liberté de ce débat.
Je veux aussi remercier M. Didier ADÈS, qui a su, avec beaucoup de professionnalisme, animer et encadrer nos débats. Merci à toutes et à tous de votre attention et de votre patience, car nous ne pouvions évidemment donner la parole à tous ceux qui auraient eu quelque raison de la prendre. Mais, je tiens à le souligner d'emblée, votre participation ne s'arrête pas à cette journée : vous avez, depuis le mois de mai, activement participé à sa préparation ; vous pourrez dès demain en rendre compte à vos collègues et être associés aux travaux qui suivront ces assises ; j'y reviendrai tout à l'heure.
Je voudrais, tout d'abord, m'arrêter quelques instants sur le contexte dans lequel se sont préparées ces assises.
Je me réjouis que l'esprit de concertation et le désir de participer aient prévalu et je souhaite que l'impulsion ainsi donnée à une conception plus participative de la vie administrative ne reste pas sans lendemain. Il s'agit en effet de s'appuyer sur l'expérience et sur l'expertise des agents pour faire progresser la qualité du service public et pour réussir la réforme de l'Etat. Cet esprit de concertation, je l'ai dit, ne doit pas rester exceptionnel. Il doit continuer d'animer la vie au quotidien des préfectures. Il est maintenant de notre responsabilité qu'elles jouent un rôle d'entraînement de ces réformes.
En cette année de bicentenaire du corps préfectoral qui est aussi celui des préfectures, je voudrais souligner une convergence d'attentions dont elles sont l'objet.
J'en veux pour preuve la communication que j'ai présentée hier en Conseil des ministres, c'est, je crois, la première fois qu'un tel sujet y était à l'ordre du jour et je me réjouis de l'intérêt qu'il a suscité à cette occasion.
L'attention personnelle du Premier ministre pour la collaboration que vous apportez à l'exercice de la fonction préfectorale s'était déjà manifestée lors de sa récente allocution devant les préfets le 9 novembre dernier. Le Premier ministre avait alors souligné que "sans la grande compétence et l'exceptionnel dévouement des personnels du cadre national des préfectures," les préfets ne pourraient pas remplir leur mission.
Je veux également mentionner l'intérêt particulier de Monsieur DOSIERE, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée Nationale du projet de loi de finances, qui consacre une part très significative de son rapport au fonctionnement des préfectures, et qui y écrit, je suis heureux de le souligner, que les déplacements qu'il a effectués dans le cadre de sa mission lui "ont permis de constater l'engagement du personnel des préfectures et son sens du service public". Voilà je pense des propos auxquels tous ici nous sommes sensibles.
Monsieur LEMAS vient, de manière tout-à-fait pertinente, de faire la synthèse des travaux de cette journée ; je l'en remercie et je n'y reviens donc pas.
Je voudrais à ce moment de conclusion et avant de nous séparer vous faire part à l'issue de cette journée de mon ambition pour les préfectures et de ma volonté de la mettre en uvre rapidement avec vous.
Mon ambition pour les préfectures, c'est d'en faire le véritable pivot de l'administration territoriale de proximité et de donner à leurs agents la capacité d'être les principaux acteurs de la démarche de rénovation qui s'engage.

I - Mon premier objectif est de faire des préfectures le véritable pivot de l'administration territoriale de l'Etat.

Il faut pour cela :
- d'une part, adapter la place et le rôle des préfectures et des sous-préfectures aux attentes nouvelles des citoyens,
- et d'autre part, simplifier et alléger les tâches et procédures pour permettre aux préfectures de mieux exercer encore leurs missions.

1.1 - Pour répondre aux attentes nouvelles de l'usager et du citoyen, il nous faut adapter le positionnement des préfectures et des sous-préfectures au contexte de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Les préfectures doivent s'adapter.
Cette affirmation semble d'évidence. Elle appelle pourtant, j'en suis sûr, de la part de nombre d'entre vous une question un peu lancinante : pourquoi toujours cette demande d'évolution et de changement et dans quel objectif ?
Il faut donc dissiper certains malentendus. Le changement comme la modernisation ne sont pas des fins en soi. Les préfectures ne sont pas restées à l'écart de la modernisation de l'Etat et du service public entreprise depuis de longues années. Elles ne sont ni sclérosées, ni archaïques : c'est ce malentendu que j'ai souhaité dissiper en modifiant le titre de ces assises.
Je n'en rappellerai qu'un exemple parmi d'autres : les préfectures ont été les premiers services de l'Etat a être dotés en 1986 d'un budget de fonctionnement globalisé et elles ont su en faire bon usage.
Et cependant, s'il existe aujourd'hui de réelles interrogations sur la place et l'avenir des préfectures, c'est sans doute que ces changements et ces adaptations successifs ont manqué de vue d'ensemble, de cohérence, d'une architecture permettant d'en comprendre le sens.
Plus encore, et parce que de grandes réformes vont transformer, dans les années qui viennent, la vie administrative et politique de notre pays, les préfectures doivent faire mieux que s'adapter : elles doivent être en mesure d'anticiper sur ces réformes, d'en prévoir et d'en maîtriser les effets.
· Je rappelais ce matin en ouvrant vos travaux, que le Gouvernement de Lionel JOSPIN s'est engagé dès 1997 dans une politique de réforme de l'Etat pour un meilleur service du public et a fait le choix de mesures de fond consacrées à l'administration territoriale, et non de mesures spectaculaires mais sans lendemain.
· L'autre grande réforme appelée à modifier l'environnement des préfectures est l'approfondissement de la décentralisation.
Le Gouvernement a fait le choix d'engager une nouvelle étape de la décentralisation, dans l'unité de la République, avec comme objectifs essentiels de renforcer les liens entre les élus et les citoyens et de clarifier la place et le rôle de chaque niveau de collectivité locale. Loin de remettre en cause la place de l'Etat, cette réforme doit au contraire s'accompagner d'un renforcement de l'administration territoriale de proximité.

Je voudrais à cet instant particulièrement saluer Monsieur Pierre MAUROY, Président de la Commission pour l'avenir de la décentralisation, pour sa contribution, à travers son interview filmée, à ces assises. L'intérêt qu'il porte à l'institution préfectorale est une grande satisfaction, comme le souligne la partie de son rapport relative au rôle et à la place accrue de l'Etat territorial et des préfectures, et à l'appel à plus de déconcentration. C'est, vous le savez, dans cette voie que travaille mon collègue Michel SAPIN dans le cadre d'un prochain comité interministériel pour la réforme de l'Etat.
Ces projets de réforme, quelle qu'en soit l'ampleur, ne prendront pas les préfectures au dépourvu : l'accueil personnalisé du public, la globalisation budgétaire, l'ingénierie des politiques contractuelles, l'accompagnement de l'intercommunalité sont au cur de vos compétences et de votre expérience. Vous avez, sur la plupart de ces sujets, non pas du retard mais de l'avance sur d'autres administrations.
En effet, loin d'être restées figées dans leur organisation traditionnelle, les préfectures n'ont cessé, depuis 1982 :
- de s'adapter à la décentralisation,
- puis à la mise en uvre de nouvelles politiques interministérielles : politique de la ville, politique de coproduction de la sécurité publique, lutte contre l'exclusion, plans pour l'emploi, accès à la citoyenneté,
- ensuite à l'émergence de nouveaux enjeux : construction européenne, environnement, sécurité sanitaire,
- à de nouvelles procédures : contrats de plan, contrats de ville, fonds structurels,
- ainsi qu'aux exigences du contrôle de légalité des actes des collectivités locales.
Elles ont également su se mobiliser et réagir avec efficacité face à toutes les situations de crise locales ou nationales. Elles incarnent en effet pour nos concitoyens la continuité et l'impartialité de l'Etat, sa présence sur tout le territoire et l'expression, en toutes circonstances, de la solidarité nationale.
Ces missions, aussi bien traditionnelles et régaliennes, que plus nouvelles et clairement situées dans le cadre de leurs responsabilités interministérielles, sont à la fois de plus en plus importantes et demandent une technicité de plus en plus grande.
· Dans ce nouveau contexte, le préfet et la préfecture de département demeurent le point d'ancrage essentiel de la représentation territoriale de l'Etat et l'échelon de la mise en uvre de la plupart des politiques gouvernementales.
C'est d'ailleurs à ce niveau d'administration, démultiplié par le réseau des sous-préfectures, que s'exercent les responsabilités régaliennes de l'Etat en matière de libertés publiques, de citoyenneté, de sécurité et de contrôle des actes des collectivités locales. C'est également dans le cadre départemental que s'organisent de façon la plus pertinente les actions de lutte contre les exclusions et les discriminations.
L'exigence de lisibilité de l'action administrative de l'Etat serait vidée de son sens si elle n'était pas soutenue par la volonté de proximité en direction des habitants, des élus locaux, des acteurs économiques et du monde associatif.
A cet égard, le réseau des 233 sous-préfectures constitue un atout de l'organisation territoriale de l'Etat et les interlocuteurs naturels des élus locaux. Je pense, pour ma part, que toutes les sous-préfectures d'arrondissement doivent être maintenues, avec des missions précisées et adaptées.
C'est pourquoi j'ai décidé de supprimer la notion de seuil minimal de population nécessaire pour le raccordement des sous-préfectures aux applications nationales de délivrance des titres, le préfet étant seul responsable de l'allocation des moyens nécessaires.
Au-delà de leurs missions traditionnelles, et pour mieux valoriser le réseau des sous-préfectures, les sous-préfets auront vocation à prendre une part active dans l'animation des politiques interministérielles au sein de l'équipe préfectorale et du collège des chefs de service. Les textes leur attribuant des pouvoirs propres seront modifiés pour permettre au préfet d'utiliser pleinement la capacité qui lui est désormais offerte d'organiser les services de l'Etat dans le département. Dans le cadre du projet territorial de l'Etat, le préfet fixera les missions déléguées à chacun des sous-préfets qui, avec le concours du cadre national des préfectures, se verront confier la responsabilité de pôles de compétence ou la conduite de projets mettant en synergie plusieurs services déconcentrés de l'Etat, dans l'arrondissement, et dans certains domaines, au niveau départemental.
· De façon plus générale, l'action des services des préfectures s'effectue dans un cadre de plus en plus interministériel.
J'ai déjà évoqué les projets territoriaux de l'Etat : à ce jour toutes les préfectures de métropole terminent ou ont terminé l'élaboration de leur projet qui constitue désormais à compter du 1er janvier 2001 le cadre de référence unique de l'action interministérielle des services de l'Etat dans le département. Naturellement, ces projets feront au niveau national l'objet d'une évaluation pour en apprécier la mise en uvre.
Le recours aux chefs de projets, la généralisation des pôles de compétences et l'émergence de délégations inter-services, prévus par les projets territoriaux, formeront ainsi l'armature de l'interministérialité au plan local, qu'il s'agisse de la mise en uvre de politiques gouvernementales ou de la prise en charge de fonctions logistiques mutualisées.
L'expérimentation dans les départements de la création de pôles de compétence en matière de sécurité et d'expertise juridiques dans la double perspective de sécuriser davantage les actes administratifs des services de l'Etat et de renforcer l'efficacité du contrôle de légalité des actes des collectivités locales sera étendue. Les préfectures ont, sur ce point, une vocation privilégiée à l'animation de tels pôles.
Enfin, j'ai obtenu lors du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat que les derniers obstacles techniques qui pèsent sur la création des délégations inter-services, notamment en termes de mutualisation des financements, soient levés avant le 31 décembre 2000.
Dans ce contexte, les services des préfectures eux-mêmes sont directement concernés par le développement de cette interministérialité. Ils doivent y prendre toute leur place, ne pas être des spectateurs ou des exécutants. Ils ont en effet un rôle majeur à jouer, qu'il s'agisse de la coordination ou de la conduite des politiques et de leur évaluation, ou du rôle d'interlocuteur et d'interface avec les autres services de l'Etat tant départementaux que régionaux, et plus généralement de cette fonction de synthèse auprès du préfet, représentant de l'ensemble du Gouvernement. Il y a, en matière d'interministérialité, une vraie spécificité des préfectures qu'elles doivent entretenir et développer et qui répond à une nécessité de fonctionnement plus efficace de l'Etat territorial. Elles ont une véritable valeur ajoutée, au delà de leurs compétences techniques spécialisées, notamment à travers leur connaissance des réseaux administratifs, des collectivités et des partenaires économiques de l'Etat, et grâce à leur capacité à les animer et à les faire travailler ensemble, par leur aptitude à synthétiser les actions à entreprendre, à les mettre en perspective et à en assurer le suivi et l'évaluation.
C'est pour les préfectures et leurs agents un des enjeux majeurs des années à venir que de conforter cette capacité à animer les politiques interministérielles. Tout doit être mis en uvre pour donner aux agents des préfectures les moyens d'assurer cette mission et d'y apporter tout leur savoir-faire.
1.2 - Pour faire des préfectures le pivot de l'administration territoriale de l'Etat, il nous faut aussi simplifier et alléger tâches et procédures.
A cet égard, il faut d'emblée souligner qu'il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause le service public ou de privatiser quoique ce soit. Il s'agit d'adapter les procédures aux évolutions de la technologie et aux attentes du public et de revisiter des réglementations ou des circuits de travail devenus obsolètes, transformant trop souvent les préfectures en boites aux lettres.
La préparation des assises a permis, à travers votre consultation, d'opérer un inventaire très approfondi des procédures et tâches administratives qui trop souvent encombrent vos services et mobilisent des agents au détriment de tâches plus prioritaires et plus au cur des missions des préfectures. Il faut donc les simplifier, les modifier, ou encore les supprimer lorsque leur utilité n'est plus avérée. J'en ai demandé un examen très attentif : certaines décisions peuvent intervenir très rapidement, d'autres nécessitent encore des travaux d'expertise ou de mise au point juridique effectués avec les ministères et les professions concernées, notamment dans le cadre de la COSA, la commission pour les simplifications administratives.
D'ores et déjà j'ai, sur la base de vos suggestions, proposé au Gouvernement, qui les a retenues, un certain nombre de mesures.
J'en évoquerai les plus significatives :
- soit parce qu'elles améliorent le service rendu au grand public : ce sera le cas en portant de 5 à 10 ans la durée de validité du passeport dans des conditions qui allégeront aussi à terme la tâche des services. Je citerai également l'extension de la téléprocédure à l'immatriculation de la majeure partie des véhicules qui a déjà concerné plus d'un million de véhicules neufs en 1999 et qui ne cesse de croître, avec l'application récente à plusieurs marques étrangères,
- soit parce qu'elles simplifient la gestion de procédures réglementaires, en attribuant la compétence aux autorités administratives les plus proches des demandeurs, ou en rationalisant le dispositif d'organisation : ce sera le cas avec le transfert à partir de 2001 auprès des médecins de ville agréés, et après concertation avec eux, d'une grande part des visites médicales pour le permis de conduire, qui allégeront de 800 à 400 000 environ le nombre de visites à la charge des préfectures, ou avec la suppression de la procédure d'interpellation des héritiers dans le cas des dons et legs,
- soit parce qu'elles simplifient la gestion des professions réglementées, comme la procédure de validation professionnelle des coiffeurs qui sera supprimée,
- soit parce qu'elles réduisent enfin les missions pour lesquelles les préfectures n'ont d'autre rôle que de boite à lettres, je pense par exemple aux opérations de recensement au titre du service national.
Ce ne sont là qu'une première série de mesures d'allégements ou de simplifications. D'autres devront être étudiées et mises au point en 2001, notamment en repensant de façon plus globale l'organisation de certaines procédures, en particulier les plus coûteuses en temps de travail. En ce domaine comme dans les autres, vos suggestions seront les bienvenues.
Les préfets devront, par ailleurs, rechercher dans le cadre des pouvoirs qu'ils détiennent désormais sur l'organisation des services déconcentrés, la possibilité d'une meilleure répartition des tâches entre la préfecture et le service le plus directement concerné par une procédure pouvant lui être confiée.
Enfin, deux réformes de fond seront entreprises à échéance de trois ans :
· la transformation de la carte d'identité en "titre fondateur", dont la détention éviterait d'avoir à fournir des pièces justificatives pour obtenir d'autres titres ;
· la refonte du système national d'immatriculation des véhicules en vue de simplifier la procédure de délivrance des cartes grises. S'agissant de l'immatriculation des cyclomoteurs, je tiens à préciser que ce sujet, et donc les charges nouvelles que cela impliquerait pour les préfectures, ne sont pas d'actualité. Cette question sera éventuellement revue ultérieurement.
II - Mon second objectif pour les préfectures, c'est de donner aux agents qui y travaillent la capacité d'être les principaux acteurs de la démarche de rénovation qui s'engage.
Le panorama que je viens de vous dresser illustre bien je crois l'ampleur des évolutions que connaissent et vont davantage encore connaître vos préfectures dans les années qui viennent. Vous jouez et continuerez à jouer dans ce mouvement un rôle prépondérant. De ce fait, vous vous préoccupez à juste titre de la capacité des préfectures à faire toujours mieux face à ces nouveaux enjeux.
Il faut en effet que la gestion des préfectures soit mieux adaptée aux situations nouvelles auxquelles elles sont confrontées.

Je veux que les préfectures et leurs agents disposent des moyens de remplir leurs missions de service public de manière encore plus efficace. Ce n'est pas une incantation, mais du réalisme car sans cela les préfectures ne pourront faire correctement face à la diversité de leurs missions.
De vos travaux, il résulte qu'il nous faut tout à la fois moderniser la gestion des moyens d'actions des préfectures et transformer profondément la gestion des ressources humaines.
2.1 - La modernisation de la gestion des moyens passe d'abord, vous le savez bien, par la mise en uvre d'instruments de gestion nouveaux.
C'est dans cet objectif qu'a été lancée l'expérimentation de la globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement qui a concerné, en 2000, 4 préfectures et sera élargie en 2001 à 10 autres.
Je sais que, dans les départements où la globalisation s'applique déjà, elle donne des résultats satisfaisants grâce, il faut le dire, à un très fort investissement professionnel des agents. Il va de soi que la globalisation ne peut se réaliser que dans la plus totale transparence et la concertation permanente, notamment en donnant tout son rôle au comité technique paritaire. De même, la procédure d'évaluation que j'ai décidé de réaliser avant d'aller plus avant permettra en 2001 puis en 2002 de faire un premier bilan parfaitement exhaustif de ce nouveau mode de gestion. Elle se fera en lien étroit avec les représentants du personnel.
Soyons clair. La globalisation, c'est un double contrat de confiance : entre l'administration centrale et les préfets responsables de la bonne qualité de leur gestion d'une part ; entre les préfets et les agents des préfectures d'autre part, parce qu'elle doit et ne peut se faire qu'en alliant le respect des règles statutaires et la capacité d'innover.
· La modernisation des moyens passe ensuite par le développement des nouvelles technologies dans toutes les préfectures.
Tout à l'heure, j'ai visité l'espace d'exposition et de démonstration où étaient présentés un certain nombre d'outils informatiques qui dès à présent et plus encore dans les semaines et les mois à venir changeront vraiment votre travail et la qualité du service rendu aux usagers. Le film que nous avons vu ce matin montre bien quelle évolution cela entraîne au quotidien : tant mieux pour les préfectures et leurs agents ; tant mieux pour le service public et les usagers !
La mise en uvre des nouvelles technologies doit en effet permettre de développer de nouveaux modes de travail et d'organisation. Cela commence bien sûr par l'équipement de base : les préfectures ont bien progressé à cet égard puisque la totalité d'entre elles et les 2/3 des sous-préfectures sont câblées, que pratiquement chaque agent administratif dispose d'un poste informatique et que 50 % des postes sont reliés à une messagerie.
Grâce à cette amélioration considérable au cours de ces deux dernières années, votre travail au quotidien peut vraiment changer. Ainsi la généralisation du travail en réseau doit permettre de répondre plus rapidement aux questions que vous posez à l'administration centrale et d'échanger les bonnes pratiques entre les préfectures. Cela permettra aussi d'apporter aux préfectures des informations les plus actualisées grâce à l'accès aux banques de données réglementaires et jurisprudentielles. Cela doit aussi permettre - et j'ai donné des instructions en ce sens aux directeurs de l'administration centrale - de consulter plus systématiquement les préfectures sur les projets de texte en cours d'élaboration et de recueillir, pour en tenir compte, leurs observations. Je citerai encore la possibilité à venir de développer la lecture optique qui va être expérimentée en Ile de France dès 2001.
Je citerai enfin la dématérialisation de certaines de vos tâches les plus lourdes par la télétransmission des documents permettant l'exercice du contrôle de légalité ou nécessaires au calcul des dotations des collectivités locales.
Pour donner dès l'année prochaine une impulsion supplémentaire à cette politique, j'ai obtenu du Premier ministre que la dotation budgétaire du chapitre 37-10 ne soit pas amputée et qu'une dotation particulière de 20 MF puisse être consacrée à ces actions innovantes.
Au total, durant ces quatre dernières années, les dépenses informatiques des préfectures auront pu progresser de près de 30 %, tandis qu'en 2001 les crédits informatiques servant aux préfectures, hors chapitre 37-10, vont s'accroître de 134 MF contre un accroissement de 33 MF en 2000.
· La modernisation des moyens passe enfin par une adaptation du parc immobilier.
La tâche est grande : les préfectures et sous-préfectures sont réparties sur 900 sites représentant 2,5 millions de m2. Ces locaux doivent être adaptés à l'évolution de vos missions, répondre aux attentes des citoyens en matière d'accueil et de gestion personnalisée des dossiers et vous donner des conditions de travail optimales. L'adaptation d'un parc immobilier de cette ampleur nécessite la mise en place d'une politique ambitieuse se traduisant par un schéma immobilier mettant notamment à la disposition des préfectures les outils techniques et financiers qui leur permettent une gestion innovante de l'entretien, de la maintenance et de l'exploitation des bâtiments.
Pour concrétiser ces initiatives, je mettrai en uvre une véritable programmation pluriannuelle des réalisations nouvelles comme des opérations de rénovation qui réponde effectivement aux besoins prioritaires des préfectures et sous-préfectures, y compris pour lancer les grands projets immobiliers indispensables.
D'ores et déjà, pour 2001, les moyens réservés à l'investissement immobilier atteignent 210 MF en crédits de paiement et 268 MF en autorisations de programme, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2000. C'est le montant le plus élevé jamais alloué aux préfectures.
2.2 - Mais quelle que soit l'importance de la modernisation des moyens, les préfectures ne pourront réussir la démarche de rénovation engagée que grâce à une transformation en profondeur de la gestion des ressources humaines.
Compte tenu des préoccupations que vous avez exprimées, notamment cet après-midi, il nous faut agir dans quatre directions :
· Premier axe de travail : rénover le dialogue social.
J'ai rencontré depuis mon arrivée tous les syndicats représentatifs des préfectures : tous m'ont dit le besoin important d'une véritable évolution à cet égard, et vous l'avez bien exprimé au cours de la table-ronde comme dans le débat préparatoire à ces assises. Il ne s'agit pas de mettre en cause tel ou tel, mais plutôt de rechercher ensemble comment être meilleur dans ce domaine essentiel des relations sociales et du mode de gestion des hommes et des femmes qui travaillent dans les préfectures.
Je suis convaincu que l'adaptation du rôle des préfectures dont je vous ai tracé les enjeux nécessite un renouvellement profond de la relation hiérarchique et l'association de l'ensemble des personnels aux décisions qui les concernent dans le cadre d'un paritarisme rénové et approfondi.
Cela demande un meilleur fonctionnement des instances paritaires tant au niveau national que local, notamment en réunissant chaque fois que c'est nécessaire des groupes de travail avec les organisations syndicales représentatives sur des sujets spécifiques. Mais des formes nouvelles de discussion et de concertation peuvent aussi trouver leur place dans le respect du paritarisme et utilement le compléter : je pense en particulier aux collèges des cadres qui se réunissent déjà dans plusieurs préfectures et connaissent je crois un réel intérêt.
Ce dialogue social doit être plus régulier ; il doit être aussi plus substantiel, en privilégiant systématiquement ce qui concerne l'organisation et les conditions de travail, comme l'organisation de l'accueil, l'élaboration et la conduite des projets immobiliers ou l'impact des nouvelles technologies.
Bien sûr, pour que ce dialogue soit vraiment fructueux, il faut que les représentants du personnel dans les instances paritaires puissent vraiment jouer leur rôle : c'est pourquoi j'ai prévu qu'un financement spécifique destiné à la formation des membres des instances paritaires sera mis en place dès 2001.
· Deuxième axe de travail : un déroulement de carrière plus adapté et dont les règles soient plus transparentes.
J'ai bien senti une aspiration très forte pour qu'une plus grande attention soit portée à la situation des agents, à tous les moments forts de leur carrière. Cela passe effectivement par une gestion des personnels plus transparente et plus personnalisée, que ce soit lors de l'affectation initiale grâce à une politique d'accueil adaptée, que ce soit en cas de changement d'affectation, ou que ce soit à l'occasion de la notation dont le système doit être refondu pour faire une plus grande part à l'évaluation afin que chacun puisse bâtir un véritable parcours professionnel. Ce parcours pourra se faire au sein de la préfecture mais aussi vers les autres services de l'Etat dans le cadre de l'interministérialité. Mais je sais que la mobilité pose des problèmes tant statutaires que personnels qui ne sont pas simples à résoudre : j'ai demandé qu'un examen attentif en soit fait pour voir comment rendre la mobilité plus attractive et tout simplement plus praticable.
Tout cela nécessite, j'en suis parfaitement conscient, que l'information des agents soit réellement assurée sur toutes les décisions qui les concernent, en particulier en appliquant la plus grande transparence des critères qui s'appliquent pour les promotions et les mutations.
Je voudrais enfin évoquer un sujet sensible qui concerne un nombre croissant d'entre vous et vient gravement et - légitimement - perturber ceux qui en sont l'objet : je veux parler de la mise en cause des agents dans l'exercice de leurs missions. Sachez que je suis très attentif à ces situations et que j'ai demandé que des dispositions soient prises pour qu'un dispositif particulier de soutien aux fonctionnaires concernés soit mis en uvre dès que ceux-ci sont mis en cause d'une façon ou d'une autre.
· Troisième axe : donner une véritable priorité à la formation.
Même si des efforts très importants ont déjà été accomplis dans ce domaine, il faut encore aller plus loin, en particulier pour que d'ici à trois ans chaque agent bénéficie en moyenne de 4 jours de formation par an, contre environ 3 aujourd'hui, et atteigne ainsi la moyenne interministérielle.
J'ai donc lancé un plan de rénovation en ce sens : il vise notamment à favoriser les formations interministérielles, à renforcer les échelons déconcentrés du dispositif de formation et à développer les formations dans les domaines où les préfectures sont confrontées à de nouveaux enjeux telles que les situations de crise, le contrôle de gestion, l'expertise juridique ou la communication.
Il faut par ailleurs systématiser les stages d'accompagnement de prise de poste mais aussi permettre ensuite, dans le déroulement du cursus de chacun, de renforcer sa compétence dans un domaine d'action spécifique.
· Enfin quatrième axe de travail - et qui n'est pas le moindre - il nous faut conforter la capacité des personnels à s'adapter aux évolutions en cours.
Pour tous les personnels qui travaillent en préfecture, qu'il s'agisse du cadre national des préfectures, des corps en charge des transmissions devenus des systèmes d'information et de communication, et du corps du service technique des matériels, je veux maintenant tracer des perspectives d'avenir qui conjuguent l'adaptation de leurs emplois à l'évolution des besoins, ainsi que l'amélioration de leurs carrières et de leurs rémunérations.
Deux orientations me paraissent devoir d'ores et déjà être retenues :
- Le niveau global de rémunération des agents des préfectures doit être équivalent à celui des agents des autres services de l'Etat. Cela répond à la fois à une exigence d'équité et à un besoin d'harmonisation qui est le préalable nécessaire à l'organisation d'une véritable culture interministérielle dans l'administration territoriale de l'Etat, mais aussi pour permettre une réelle mobilité interministérielle.
C'est pourquoi le régime indemnitaire des agents des préfectures doit rejoindre la moyenne interministérielle des autres services déconcentrés de l'Etat. Ce plan de rattrapage a commencé dès le budget 2001 avec une première tranche de 25 MF. Il constitue pour moi une priorité.
- Par ailleurs, la structure des emplois doit s'adapter à l'évolution des missions et aux aspirations d'un meilleur déroulement des carrières.
C'est pourquoi un plan de requalification des emplois complétant les mesures déjà prises ou prévues en 2001 va être élaboré en concertation avec les représentants des personnels visant à :
o accélérer le processus ouvrant aux agents administratifs l'accès au corps des adjoints,
o renforcer le rôle pivot des agents de la catégorie B, l'objectif étant à terme de porter son effectif de 21 à 33 % de l'effectif total et de mieux répondre à la diversité des tâches exercées par des perspectives de carrière plus attractives
o porter à terme le nombre des agents de catégorie A à 20 % des effectifs totaux et augmenter le nombre des emplois d'avancement et de direction dans la catégorie A.
S'agissant de l'encadrement des préfectures, je suis en effet convaincu qu'il faut en renforcer l'importance pour tenir compte de l'évolution des missions des préfectures et mieux prendre en compte encore les fonctions d'état-major qu'elles remplissent et devront de plus en plus remplir dans les domaines les plus divers.
La question des effectifs ne doit évidemment pas être éludée. C'est un fait que les préfectures ont perdu au cours des 5 dernières années près d'un millier d'emplois budgétaires. Et cependant, comme je l'ai rappelé tout à l'heure elle ont su, grâce au professionnalisme et à l'investissement des agents, faire face à l'augmentation de leurs tâches traditionnelles comme à l'intervention de politiques nouvelles dont l'exécution incombe aux préfectures.
Je voudrais à cet égard vous faire part de plusieurs éléments :
- tout d'abord, vous avez pu constater dans le budget pour 2001 une première reconnaissance de cette situation, avec la création de 38 emplois pour traiter les demandes d'asile territorial et de 52 emplois pour la gestion des crédits européens dans les SGAR ;
- d'autre part, j'ai veillé à ce qu'un effort tout particulier soit fait pour que les postes vacants dans les préfectures soient effectivement pourvus, et c'est là le véritable enjeu au-delà du débat sur le nombre d'emplois budgétaires : c'est ainsi que par le jeu des concours tant internes qu'externes, c'est au total 929 agents qui vont être installés d'ici janvier dans les préfectures. Ainsi entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2001, le nombre d'agents effectivement en poste en préfecture aura été maintenu.
- enfin, il faut que soit désormais mesuré, au regard de la situation existante des emplois dans les préfectures et les sous-préfectures, l'impact de l'évolution de leurs missions traditionnelles ainsi que de la charge de missions nouvelles qui leur sont ou seront confiées et des exigences liées à la qualité de l'accueil du public. En tout état de cause, pour ma part, je m'emploierais à ce que les effectifs budgétaires des préfectures soient au moins stabilisés jusqu'à l'achèvement de l'évaluation de l'expérimentation de la globalisation ainsi que de l'examen de l'évolution des charges des préfectures.
Vous pouvez ainsi le constater, c'est une véritable gestion qualitative et prévisionnelle des ressources humaines que je souhaite voir se réaliser.
Nous aurons enfin à débattre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail. Le décret sur les 35 heures dans la Fonction publique date du 25 août. Dès ma prise de fonctions, j'ai mobilisé mon cabinet et les directions du ministère pour en préparer la mise en uvre. Une mission spécifique a été installée qui doit réaliser d'ici à la mi-décembre un état des lieux à partir d'un échantillon représentatif des différents services dans les préfectures et sous-préfectures et établir un diagnostic.
Ce travail va être mené par l'inspection générale de l'administration, que je remercie de sa totale implication et avec le concours d'un consultant extérieur. Cette méthode a bien sûr fait l'objet d'une concertation avec les instances paritaires. Dès ce vendredi d'ailleurs, une réunion de travail aura lieu avec les syndicats représentatifs pour leur présenter les modalités précises de ce dispositif.
Je présenterai sur la base de ce diagnostic un plan de passage aux 35 heures qui sera validé au plan interministériel. Dans le cadre national ainsi fixé pourra alors s'engager tout au long de l'année 2001 la négociation tant centrale que locale avec les organisations syndicales en vue de l'entrée en vigueur des 35 heures à compter du 1er janvier 2002.
Cette journée restera , j'en suis convaincu, un temps fort, non seulement par le caractère inédit et novateur de la démarche, comme par le nombre et la qualité de ceux qui y ont participé, mais aussi par la qualité des échanges qu'elle a permis.
Ces assises marquent le départ d'une nouvelle étape ; je dirai même d'une nouvelle donne pour les préfectures. Ce que vous avez dit tout au long de cette journée ne restera pas, bien sûr, lettre morte. Dès demain, s'engageront sous l'égide du directeur général de l'administration les concertations nécessaires pour mettre en application et élaborer les mesures que j'ai évoquées. Il faudra en priorité en 2001 préparer en concertation avec les représentants des différentes catégories de personnels le plan pluriannuel dont ont besoin les préfectures pour adapter leurs missions, les conditions dans lesquelles elles les exercent, et les moyens qui leur sont nécessaires. Le rattrapage indemnitaire en sera un des points forts.
Je ferai de ce programme d'actions, dont le principe a été décidé lors de ma communication en conseil des ministres, une priorité pour le ministère de l'intérieur. Il témoignera de la confiance que j'ai, et que le Gouvernement a, et que j'en suis certain vous partagez, dans l'avenir des préfectures et des sous-préfectures.
Je vous remercie.

(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 24 novembre 2000)