Texte intégral
Le garde des Sceaux, ministre de la justice, a présenté une communication sur la réforme de la justice.
Depuis de nombreuses années, en dépit de certains progrès, la société française nest plus satisfaite de sa justice. Il faut donc réformer celle-ci pour la mettre au service des citoyens et des libertés et garantir son indépendance et son impartialité.
1 - Une justice au service des citoyens.
- la justice doit dabord être plus accessible : par la simplification des textes, la poursuite de leur codification et la généralisation des conseils départementaux de laide juridique, la politique daide à laccès au droit doit être amplifiée. Ladaptation indispensable de la carte judiciaire aux réalités locales et aux évolutions sociales doit aller de pair avec un développement des solutions permettant de régler les conflits en évitant les procès.
- la justice doit également être plus rapide : la spécialisation des tribunaux de grande instance, lextension de la compétence des tribunaux dinstance aux litiges dun montant supérieur à 30 000 francs et laugmentation des cas dexécution immédiate des décisions de première instance permettront, entre autres mesures, de renforcer lefficacité du service public de la justice. En matière pénale, le traitement en temps réel, linstauration dune procédure de transaction pour certains délits et, plus généralement, lutilisation de nouveaux modes de règlements pour la petite et la moyenne délinquance contribueront à accélérer la réparation des préjudices.
- ladaptation du droit est également indispensable : la multiplication du nombre de familles recomposées et lallongement de la durée de vie appellent sans doute une modification de la procédure de divorce par consentement mutuel et de la prestation compensatoire ainsi quune amélioration des droits du conjoint survivant. Les évolutions économiques et sociales conduisent en outre à revoir, pour les humaniser, les règles de la saisie immobilière et à adapter le cadre juridique de lactivité des entreprises : assouplissement du régime juridique des sociétés commerciales par une modification de la loi de 1966, amélioration des procédures de redressement et de liquidation judiciaire par un contrôle accru des professionnels, réforme des tribunaux de commerce avec une présence plus forte du ministère public. La construction de lEurope rend enfin nécessaire la création dun véritable espace de coopération judiciaire.
- la justice doit être enfin soucieuse de sécurité : une meilleure coopération de la justice, de la police et de la gendarmerie est la condition dune mise en oeuvre des politiques daction publique définies localement par le procureur propre à améliorer le taux délucidation des affaires, à apporter une réponse rapide et adaptée à chaque acte délictueux et à informer lopinion des suites judiciaires données à ces actes. La police dispose de moyens que la justice doit pouvoir connaître et contrôler : les juridictions doivent être informées de laffectation des moyens des services de police judiciaire et être consultées sur laffectation des effectifs. Afin de renforcer leffectivité du contrôle de lactivité de la police judiciaire, lévaluation par les procureurs de la République doit être prise en compte dans le déroulement de carrière des officiers de police judiciaire.
2 - Une justice au service des libertés.
- si le respect des droits fondamentaux de la personne doit être concilié avec le droit de tout citoyen à la sécurité, il importe de contrôler plus précisément le recours aux mesures de contrainte afin de garantir le principe trop souvent bafoué de la présomption dinnocence : dès la première heure de garde à vue, la personne mise en cause pourra demander la présence dun avocat sauf pour certaines catégories dinfractions (terrorisme, trafic de stupéfiants, criminalité organisée), les décisions de mises en détention seront confiées à un juge distinct du juge dinstruction, des délais seront instaurés dans le déroulement de lenquête, les mesures les plus importantes seront prises au cours daudiences publiques permettant un débat contradictoire, les images des personnes menottées ou entravées et les sondages sur la culpabilité ou sur les sanctions seront interdits et les réparations de latteinte à la présomption dinnocence par voie civile seront étendues.
- la protection des atteintes à la vie privée sera améliorée par la répression renforcée des écoutes téléphoniques sauvages. La directive communautaire relative au traitement des données à caractère personnel sera transposée. Enfin, le développement dInternet, que le Gouvernement entend favoriser, ne peut aller sans une adaptation de notre droit.
Par ailleurs, la procédure de jugement en matière criminelle sera réformée pour permettre un nouvel examen des décisions des cours. La procédure pénale militaire sera alignée sur la procédure de droit commun.
3 - Une justice indépendante et impartiale.
Il existe deux catégories de magistrats : les magistrats du siège, dont lindépendance est garantie et qui rendent des jugements sur les questions dont ils sont saisis, et les magistrats du parquet qui décident dengager ou non des poursuites et dont lindépendance doit être davantage assurée. Pour ce faire, il faut redéfinir le rôle de chacun : parquet, Conseil supérieur de la magistrature et garde des Sceaux.
- Le parquet sera indépendant et responsable. Il ne pourra recevoir aucune instruction du garde des Sceaux dans les affaires individuelles. Les magistrats du parquet seront nommés sur proposition du garde des Sceaux après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Un recours contre les décisions de classer une affaire sans suite sera ouvert aux personnes qui ne peuvent pas mettre en mouvement laction publique mais qui justifient dun intérêt. Un rôle accru sera donné aux procureurs généraux dont la mission sera précisée par la loi. Ils veilleront à lapplication des directives de politique pénale du garde des Sceaux dans leur ressort afin que la loi soit appliquée de façon cohérente et égale sur tout le territoire.
Il est proposé que la composition du CSM soit profondément modifiée. Le CSM comprendrait vingt-et-un membres, dont onze personnalités extérieures au corps judiciaire reconnues pour leur autorité morale et leur compétence dans les questions juridiques. Les dix magistrats seraient élus par leurs pairs, selon des modalités favorisant une représentation pluraliste.
En matière disciplinaire, la décision serait prise, dans tous les cas, par le CSM, qui siégerait en audience publique.
Les décisions du garde des Sceaux portant mutation dun magistrat du parquet dans lintérêt du service seraient prises après avis conforme du CSM.
- Le garde des Sceaux définira la politique judiciaire, déterminée par le Gouvernement, par des directives générales adressées aux parquets qui seront plus précises que par le passé et fixeront la politique pénale. Pour en suivre la mise en oeuvre, le garde des Sceaux sera informé par les procureurs généraux de lapplication de ses directives générales et du déroulement des affaires en cours, soit dinitiative, soit sur demande. Le garde des Sceaux rendra compte annuellement au Parlement de la définition et de la mise en oeuvre de la politique pénale.
Le garde des Sceaux disposera, au nom de lEtat, dun droit daction, quand il souhaitera engager des poursuites ou exercer des voies de recours.
Il pourra également demander lextension de la saisine dun juge, le regroupement des procédures auprès dune même juridiction dans le souci dune bonne administration de la justice ou lintervention de mesures de contrainte (contrôle judiciaire). Dans ces derniers cas, il devra saisir une commission près la Cour de Cassation, dont laccord sera requis pour que ces mesures puissent être prononcées.
Lindépendance doit saccompagner dune responsabilité effective des magistrats.
La responsabilité disciplinaire ne concerne pas uniquement les magistrats du parquet. Les abus ou linertie dun juge ou dune juridiction doivent pouvoir être sanctionnés. La réforme de linspection générale des services judiciaires permettra de concourir à une saisine plus fréquente du CSM.
Les poursuites disciplinaires seront engagées par le garde des Sceaux mais aussi par les chefs de cour. Elles pourront également être engagées par des commissions placées auprès des cours dappel, qui ne seront pas composées majoritairement de magistrats de lordre judiciaire et apprécieront les suites à donner aux réclamations dont elles seront saisies par les citoyens.
Le recrutement et la formation des magistrats doivent mieux mettre en valeur les qualités dimpartialité et dobjectivité. Des échanges de formateurs seront développés entre les écoles de magistrats, de policiers et de gendarmes.
Pour mettre en oeuvre les réformes annoncées, un effort budgétaire significatif devra être consenti en faveur de la justice au cours des prochaines années.
Depuis de nombreuses années, en dépit de certains progrès, la société française nest plus satisfaite de sa justice. Il faut donc réformer celle-ci pour la mettre au service des citoyens et des libertés et garantir son indépendance et son impartialité.
1 - Une justice au service des citoyens.
- la justice doit dabord être plus accessible : par la simplification des textes, la poursuite de leur codification et la généralisation des conseils départementaux de laide juridique, la politique daide à laccès au droit doit être amplifiée. Ladaptation indispensable de la carte judiciaire aux réalités locales et aux évolutions sociales doit aller de pair avec un développement des solutions permettant de régler les conflits en évitant les procès.
- la justice doit également être plus rapide : la spécialisation des tribunaux de grande instance, lextension de la compétence des tribunaux dinstance aux litiges dun montant supérieur à 30 000 francs et laugmentation des cas dexécution immédiate des décisions de première instance permettront, entre autres mesures, de renforcer lefficacité du service public de la justice. En matière pénale, le traitement en temps réel, linstauration dune procédure de transaction pour certains délits et, plus généralement, lutilisation de nouveaux modes de règlements pour la petite et la moyenne délinquance contribueront à accélérer la réparation des préjudices.
- ladaptation du droit est également indispensable : la multiplication du nombre de familles recomposées et lallongement de la durée de vie appellent sans doute une modification de la procédure de divorce par consentement mutuel et de la prestation compensatoire ainsi quune amélioration des droits du conjoint survivant. Les évolutions économiques et sociales conduisent en outre à revoir, pour les humaniser, les règles de la saisie immobilière et à adapter le cadre juridique de lactivité des entreprises : assouplissement du régime juridique des sociétés commerciales par une modification de la loi de 1966, amélioration des procédures de redressement et de liquidation judiciaire par un contrôle accru des professionnels, réforme des tribunaux de commerce avec une présence plus forte du ministère public. La construction de lEurope rend enfin nécessaire la création dun véritable espace de coopération judiciaire.
- la justice doit être enfin soucieuse de sécurité : une meilleure coopération de la justice, de la police et de la gendarmerie est la condition dune mise en oeuvre des politiques daction publique définies localement par le procureur propre à améliorer le taux délucidation des affaires, à apporter une réponse rapide et adaptée à chaque acte délictueux et à informer lopinion des suites judiciaires données à ces actes. La police dispose de moyens que la justice doit pouvoir connaître et contrôler : les juridictions doivent être informées de laffectation des moyens des services de police judiciaire et être consultées sur laffectation des effectifs. Afin de renforcer leffectivité du contrôle de lactivité de la police judiciaire, lévaluation par les procureurs de la République doit être prise en compte dans le déroulement de carrière des officiers de police judiciaire.
2 - Une justice au service des libertés.
- si le respect des droits fondamentaux de la personne doit être concilié avec le droit de tout citoyen à la sécurité, il importe de contrôler plus précisément le recours aux mesures de contrainte afin de garantir le principe trop souvent bafoué de la présomption dinnocence : dès la première heure de garde à vue, la personne mise en cause pourra demander la présence dun avocat sauf pour certaines catégories dinfractions (terrorisme, trafic de stupéfiants, criminalité organisée), les décisions de mises en détention seront confiées à un juge distinct du juge dinstruction, des délais seront instaurés dans le déroulement de lenquête, les mesures les plus importantes seront prises au cours daudiences publiques permettant un débat contradictoire, les images des personnes menottées ou entravées et les sondages sur la culpabilité ou sur les sanctions seront interdits et les réparations de latteinte à la présomption dinnocence par voie civile seront étendues.
- la protection des atteintes à la vie privée sera améliorée par la répression renforcée des écoutes téléphoniques sauvages. La directive communautaire relative au traitement des données à caractère personnel sera transposée. Enfin, le développement dInternet, que le Gouvernement entend favoriser, ne peut aller sans une adaptation de notre droit.
Par ailleurs, la procédure de jugement en matière criminelle sera réformée pour permettre un nouvel examen des décisions des cours. La procédure pénale militaire sera alignée sur la procédure de droit commun.
3 - Une justice indépendante et impartiale.
Il existe deux catégories de magistrats : les magistrats du siège, dont lindépendance est garantie et qui rendent des jugements sur les questions dont ils sont saisis, et les magistrats du parquet qui décident dengager ou non des poursuites et dont lindépendance doit être davantage assurée. Pour ce faire, il faut redéfinir le rôle de chacun : parquet, Conseil supérieur de la magistrature et garde des Sceaux.
- Le parquet sera indépendant et responsable. Il ne pourra recevoir aucune instruction du garde des Sceaux dans les affaires individuelles. Les magistrats du parquet seront nommés sur proposition du garde des Sceaux après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Un recours contre les décisions de classer une affaire sans suite sera ouvert aux personnes qui ne peuvent pas mettre en mouvement laction publique mais qui justifient dun intérêt. Un rôle accru sera donné aux procureurs généraux dont la mission sera précisée par la loi. Ils veilleront à lapplication des directives de politique pénale du garde des Sceaux dans leur ressort afin que la loi soit appliquée de façon cohérente et égale sur tout le territoire.
Il est proposé que la composition du CSM soit profondément modifiée. Le CSM comprendrait vingt-et-un membres, dont onze personnalités extérieures au corps judiciaire reconnues pour leur autorité morale et leur compétence dans les questions juridiques. Les dix magistrats seraient élus par leurs pairs, selon des modalités favorisant une représentation pluraliste.
En matière disciplinaire, la décision serait prise, dans tous les cas, par le CSM, qui siégerait en audience publique.
Les décisions du garde des Sceaux portant mutation dun magistrat du parquet dans lintérêt du service seraient prises après avis conforme du CSM.
- Le garde des Sceaux définira la politique judiciaire, déterminée par le Gouvernement, par des directives générales adressées aux parquets qui seront plus précises que par le passé et fixeront la politique pénale. Pour en suivre la mise en oeuvre, le garde des Sceaux sera informé par les procureurs généraux de lapplication de ses directives générales et du déroulement des affaires en cours, soit dinitiative, soit sur demande. Le garde des Sceaux rendra compte annuellement au Parlement de la définition et de la mise en oeuvre de la politique pénale.
Le garde des Sceaux disposera, au nom de lEtat, dun droit daction, quand il souhaitera engager des poursuites ou exercer des voies de recours.
Il pourra également demander lextension de la saisine dun juge, le regroupement des procédures auprès dune même juridiction dans le souci dune bonne administration de la justice ou lintervention de mesures de contrainte (contrôle judiciaire). Dans ces derniers cas, il devra saisir une commission près la Cour de Cassation, dont laccord sera requis pour que ces mesures puissent être prononcées.
Lindépendance doit saccompagner dune responsabilité effective des magistrats.
La responsabilité disciplinaire ne concerne pas uniquement les magistrats du parquet. Les abus ou linertie dun juge ou dune juridiction doivent pouvoir être sanctionnés. La réforme de linspection générale des services judiciaires permettra de concourir à une saisine plus fréquente du CSM.
Les poursuites disciplinaires seront engagées par le garde des Sceaux mais aussi par les chefs de cour. Elles pourront également être engagées par des commissions placées auprès des cours dappel, qui ne seront pas composées majoritairement de magistrats de lordre judiciaire et apprécieront les suites à donner aux réclamations dont elles seront saisies par les citoyens.
Le recrutement et la formation des magistrats doivent mieux mettre en valeur les qualités dimpartialité et dobjectivité. Des échanges de formateurs seront développés entre les écoles de magistrats, de policiers et de gendarmes.
Pour mettre en oeuvre les réformes annoncées, un effort budgétaire significatif devra être consenti en faveur de la justice au cours des prochaines années.