Texte intégral
Intervention de Laurent Fabius
Ministre de l'Économie des Finances et de l'Industrie
devant la commission spéciale de l'Assemblée Nationale
chargée d'examiner la proposition
de loi organiqueaux lois de finances
MARDI 9 JANVIER 2001
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Je suis heureux de me trouver devant vous avec la Secrétaire d'Etat, Florence PARLY, pour débattre de la proposition de réforme de l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances. Et ceci moins de deux ans après le dépôt du rapport sur " l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire " du groupe que j'avais eu l'honneur d'animer avec plusieurs d'entre vous alors que je présidais l'Assemblée Nationale.
A la suite de ce rapport, un important travail de réflexion a été réalisé tant au sein du Parlement que des administrations afin de chercher à améliorer l'efficacité de la dépense publique. Je veux vous en remercier et vous féliciter de l'initiative que vous avez prise. J'attends beaucoup de cette Commission spéciale, comme du concours du Sénat, vous qui êtes désireux de réformer des procédures et des méthodes aujourd'hui obsolètes. Je souhaite qu'ensemble nous menions à bien cette réforme de l'Etat.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : rendre les dépenses plus efficaces pour mieux répondre aux attentes et à l'exigence de qualité des usagers du service public ; le faire dans la transparence et sous le contrôle des élus ; responsabiliser les gestionnaires publics ; maîtriser les dépenses pour alléger les prélèvements obligatoires et les déficits publics. Oui, transparence à l'égard des citoyens et du Parlement. Transparence des prévisions facilitée par une meilleure lisibilité des objectifs visés par chaque politique publique. Transparence des résultats avec une présentation claire d'indicateurs chiffrés et de témoins de performance permettant de comparer prévisions et réalisations.
1 - Mesdames, Messieurs, pour atteindre l'objectif d'une meilleure efficacité de la dépense publique, il nous faut conduire une véritable révolution tranquille et passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. La réforme institutionnelle serait peu opérante sans une modification du fonctionnement et de la gestion interne des administrations, sans la mise en place d'outils d'information permettant de suivre les coûts, de mesurer l'activité et les résultats et d'en rendre compte. C'est par là que la plupart des pays développés ont engagé chez eux la réforme de la gestion publique.
La modernisation de la gestion interne suppose un changement profond de gestion au sein des administrations. Elle repose sur le développement de la responsabilité et de l'autonomie des gestionnaires à partir d'un pilotage par objectifs et d'un mode de gestion orienté vers les résultats.
Pour faire émerger ce nouveau modèle de gestion, le Comité interministériel à la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 a prévu le développement et la généralisation du contrôle de gestion dans l'ensemble des administrations d'ici 2003. Cette décision est bienvenue . Elle devrait permettre de passer d'une situation dans laquelle aujourd'hui les ministères disposent, à des degrés divers et en ordre dispersé, de mécanismes de contrôle de gestion, à une démarche d'ensemble fondée sur des engagements concernant des objectifs et sur la mesure ainsi que le compte rendu précis des résultats.
Le développement de cette démarche devrait favoriser la contractualisation interne dans les administrations, les politiques de qualité, l'évaluation et la simplification des documents et des formulaires. Elle devrait encourager la professionnalisation de la gestion publique, qu'il s'agisse, par exemple, de la fonction de gestion immobilière compte tenu de la dimension du parc de l'Etat (sa valeur est estimée à 300 MdF) et de la fonction de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, en raison même des enjeux majeurs que connaîtra la fonction publique dans les dix prochaines années.
La rénovation du système d'information budgétaire et comptable constitue un second préalable. La mise en uvre d'un mode de budgétisation et de gestion orienté vers les résultats doit en effet s'appuyer sur un système d'information permettant d'apprécier les résultats des services et des politiques publiques et d'en mesurer les coûts complets.
Tel est le but du projet ACCORD (système unifié et partagé de comptabilisation de la dépense de l'Etat), qui devrait être déployé dans toutes les administrations centrales d'ici début 2004, puis étendu à tous les services déconcentrés fin 2005. Le système ACCORD ne se bornera pas, comme les systèmes qu'il remplace, à assurer le suivi et le respect de l'autorisation parlementaire en comptabilisant la dépense en engagement et en paiement et à alimenter les grands systèmes de la comptabilité générale de l'Etat et de la comptabilité nationale : il permettra aussi de mesurer la performance de la gestion publique au niveau de chaque gestionnaire et de l'ensemble de l'Etat.
ACCORD permettra de suivre et de restituer les dépenses par nature (personnel, fonctionnement, investissement), par acteurs (c'est-à-dire par responsables), par programmes, par localisation, selon une approche multicritères. Il permettra aussi de connaître les charges et les coûts qui se rattachent à un exercice donné, en autorisant l'enregistrement de la dépense en droits constatés (c'est-à-dire lors de la constatation du service fait) et la prise en compte d'écritures de charges calculées, de provisions et d'amortissements, à l'instar des pratiques comptables des entreprises. Ce faisant, il ouvre la voie à la production de comptes de charges pour les ordonnateurs et à la tenue d'une véritable comptabilité d'exercice, qui reflètera de façon sincère et fidèle la situation financière de l'Etat.
2 - Mesdames et messieurs, même si elle n'est pas suffisante, la réforme du cadre de l'autorisation budgétaire est indispensable pour permettre l'amélioration de l'efficacité de la gestion publique. Pour cela, elle doit être centrée sur la responsabilisation des gestionnaires avec, en contrepartie, un renforcement du contrôle des résultats. Responsabilisation et compte rendu doivent guider notre démarche.A cet égard, je voudrais développer trois idées-force qui devraient structurer cette réforme.
La notion de programmes. Les crédits du budget de l'Etat, actuellement fragmentés en 848 chapitres (PLF 2001) seraient regroupés en 100 à 150 programmes au sein desquels ils pourraient, hors crédits de personnels, être librement redéployés par les gestionnaires. La globalisation et la fongibilité à l'intérieur de programmes à large périmètre ont pour contrepartie la responsabilisation des gestionnaires sur des objectifs et leur engagement sur des résultats. Cette conception, fondée sur le critère de responsabilité, est contradictoire avec une vision purement analytique des programmes reposant sur un découpage théorique qui serait déconnecté du périmètre d'exercice réel des responsabilités. Cela conduit à faire coïncider les programmes avec des centres de responsabilité bien identifiés et à les définir comme le regroupement des crédits concourant à la réalisation d'une mission ou fonction ou d'un ensemble de missions ou fonctions ayant les mêmes finalités.
Il découle de cette définition fondée sur la notion de responsabilité que l'autorisation par programme devra être ministérielle, quand bien même les composantes de ces programmes pourront faire apparaître les actions interministérielles. Il ne s'agit pas de reconstituer les programmes RCB dont le périmètre ne coïncidait pas avec le champ des responsabilités. Une enveloppe votée par le Parlement ne sera donc pas répartie entre plusieurs ordonnateurs principaux, car cela diluerait la responsabilité qui est au cur de la réforme. Cette option est cohérente avec la réalité du pilotage des administrations. Bien entendu, cela n'exclut pas que les crédits de nature interministérielle soient entièrement placés sous la responsabilité d'un ministre. Quand les moyens correspondant à une politique interministérielle (Recherche, Ville) restent nécessairement répartis entre plusieurs ministères, le suivi et la lisibilité de ces politiques continueront à être assurés soit en amont à travers les " jaunes budgétaires ", soit en aval à partir des restitutions fournies par les systèmes d'information.
La définition et la délimitation du périmètre des programmes futurs ne seront pas le strict décalque des structures administratives actuelles, qui ne font pas toujours coïncider missions et centres de responsabilité. Elles devraient résulter d'une revue préalable des programmes impliquant des réformes dans l'organisation actuelle de l'administration afin de faire apparaître les grandes finalités de l'action de l'Etat et de les constituer en centres de responsabilité. Cette exigence justifie à notre sens que la création d'un programme soit subordonnée à une disposition d'initiative gouvernementale. La création d'un programme ne se réduit en effet pas à un problème de nomenclature, elle suppose de satisfaire au préalable des exigences élevées de structuration de l'information et d'organisation administrative, auxquelles le Parlement doit être associé en amont.
La globalisation et la fongibilité des crédits au sein des programmes, qui permettent de donner davantage de responsabilité et d'autonomie aux gestionnaires, ont pour but l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique. Elles doivent avoir logiquement des contreparties portant sur l'engagement des gestionnaires de programmes concernant des objectifs clairement définis et le compte rendu des résultats obtenus. C'est pourquoi, je pense utile qu'à l'instar des agrégats actuellement présentés dans les bleus budgétaires et les comptes rendus de gestion budgétaire, soient également présentés, pour chaque programme, les missions ou fonctions, les coûts associés, les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, mesurés au moyen d'indicateurs. Il serait bon également que le chaînage entre la loi de règlement de l'année n-1 et la loi de finances de l'année n+1, amorcé en 2000 par le dépôt début juillet du projet de loi de règlement et son enrichissement par les comptes rendus de gestion budgétaire (CRGB), -que ce chaînage soit consolidé afin de placer l'analyse de l'efficacité des crédits dépensés et des résultats obtenus pour chaque programme au cur du débat sur l'allocation des crédits au titre de l'année n+1 dans le cadre du PLF. A cette fin, les rapports de performance associés à la loi de règlement et les documents d'informations, qui devront être fournis à l'appui des programmes du PLF, devraient être établis selon la même structure.
Cette orientation du budget vers les résultats devrait permettre au Parlement de jouer mieux son rôle, c'est-à-dire d'allouer les ressources nécessaires aux politiques publiques sur la base d'objectifs clairement explicités et d'apprécier les résultats de ces politiques au vu de comptes rendus exprimés en termes d'efficacité et de qualité.
De même, il paraît souhaitable d'ouvrir la possibilité de faire varier selon les programmes le périmètre des crédits, en laissant à la loi de finances le soin de déterminer ce périmètre soit au niveau du programme lui-même soit au niveau des titres au sein de ces programmes. Cette souplesse permettrait une mise en uvre progressive de la réforme, plaçant en régime de pleine globalisation les gestionnaires ayant montré leur capacité à définir des objectifs et à mesurer des résultats ainsi qu'à maîtriser l'exécution de leur programme au sein de l'enveloppe allouée.
Deuxième idée majeure, la pluriannualité. L'inscription de la prévision budgétaire dans une perspective pluriannuelle est une des avancées majeures amorcées ces dernières années. Elle donne la visibilité indispensable pour assurer la maîtrise et la soutenabilité des politiques budgétaires. Elle se traduit par l'élaboration chaque année d'une programmation pluriannuelle présentée aux institutions de l'Union européenne.
Je partage d'ailleurs l'idée de donner un fondement organique au débat d'orientation budgétaire, avec la présentation par le Gouvernement d'un rapport sur l'évolution de l'économie nationale, sur les orientations des finances publiques ainsi que sur les perspectives d'évolution pour trois ans des dépenses de l'Etat.
L'évolution vers des budgets biennaux ou triennaux, comme certains ont pu l'envisager, me paraît problématique, mais il me paraît en revanche possible de donner un support pluriannuel à certaines dépenses, en généralisant le mécanisme des crédits de paiement et des autorisations de programme (rebaptisées par exemple autorisations d'engagement ou AE). Pourraient être concernées des dépenses telles que les marchés ou les subventions qui s'étalent sur plusieurs années et ne correspondent pas exclusivement à des dépenses en capital.
L'ouverture de cette possibilité découle du choix de globalisation et de fongibilité des crédits au sein d'un programme, qui implique de pouvoir transformer des dépenses de fonctionnement en dépenses d'investissement et réciproquement. Il sera cependant nécessaire de limiter la portée de ce mécanisme pour les dépenses de personnel en prévoyant pour les ouvertures en la matière une clef AE = CP compte tenu de la nature même de ces dépenses.
Ce mécanisme devrait aller de pair avec la possibilité de report des AE non engagées. Que deviennent alors les CP, compte tenu du caractère pluriannuel des AE et du caractère strictement annuel des CP ? Dès lors que les autorisations pluriannuelles s'appliquent à la totalité des dépenses, la possibilité de reporter la totalité des crédits de paiement présenterait un risque de gonflement des masses budgétaires incompatible avec la maîtrise de l'exécution budgétaire et avec la sincérité des prévisions. Des reports massifs de crédits susceptibles d'être consommés à tout moment par les gestionnaires seraient de nature à dissocier la prévision et l'exécution de la loi de finances, ce qui n'irait pas dans le sens d'une plus grande transparence. Ce sera donc un point à préciser, sachant qu'on se trouvera dans le cadre d'une budgétisation par programmes beaucoup plus vastes que les chapitres actuels. Elle nécessitera de la part des ministères gestionnaires la mise en uvre d'outils de prévision et de suivi de la dépense afin d'opérer une gestion souple et optimale de trésorerie.
Troisième idée, la budgétisation des dépenses de personnel. En raison de leur poids dans les dépenses de l'Etat (43 % du budget général), de leur forte inertie (GVT solde et pensions) et des perspectives ouvertes par les départs massifs à la retraite dans les années à venir (50 % des agents actuellement en poste vont quitter la fonction publique d'ici 2010), les dépenses de personnels constituent un enjeu majeur des finances publiques qui nécessite un traitement adapté.
Il nous paraît légitime qu'au sein d'un programme donné la fongibilité s'applique de manière différenciée en ce qui concerne les dépenses de personnel. La dotation relative aux dépenses de personnel serait limitative et elle ne pourrait être abondée à partir des autres dépenses ou d'un autre programme, hormis la répartition de la provision salariale prévue pour revalorisation du point Fonction Publique. En revanche, les excédents dégagés au sein de cette enveloppe pourraient venir en majoration des autres catégories de dépenses. Cette règle simple devrait permettre la généralisation de démarches comme celle qui a été initiée avec succès dans plusieurs préfectures. Elle ouvrira aux gestionnaires de larges marges de manuvre et encouragera l'utilisation optimale de la ressource tout en limitant les risques de dérives que permettraient des programmes totalement fongibles.
Un choix devra être fait quant à l'autorisation budgétaire en emplois et en crédits.
A l'évidence, la présentation en emplois en loi de finances est aujourd'hui lacunaire. La distinction entre emplois dits " budgétaires " et emplois sur crédits n'est pas toujours lisible, le périmètre des emplois décrits ne couvre que partiellement ceux des établissements publics. Sans attendre la réforme, nous avons tenté de progresser vers une meilleure lisibilité lors de la présentation du PLF 2001, en décrivant la création des emplois réels de l'Etat et de ses EPA. Nous irons plus loin lors de la présentation du PLF 2002.
La réforme de l'ordonnance doit être l'occasion de traiter cette question en cohérence avec nos objectifs de modernisation de la gestion publiques. Aux termes de la proposition de D. Migaud, à la masse salariale qui fait l'objet du titre 1 de chaque programme est associé un nombre d'emplois décrit en annexe, qui constitue le plafond autorisé. La question est de définir la combinaison et le dosage entre l'autorisation donnée en masse salariale et le plafond d'emplois. L'autorisation en masse salariale, en rendant nécessaires une gestion prévisionnelle des effectifs et une connaissance fine des déterminants des dépenses de personnel, est un puissant levier de modernisation de la gestion. C'est dans l'esprit même de la réforme, un des éléments de responsabilisation des gestionnaires. Si vous choisissez e maintenir parallèlement un vote en termes d'emplois autorisés, je préconiserai d'adopter ne présentation qui sécurise le niveau des effectifs tout en laissant aux ministères gestionnaires une liberté suffisante pour adapter aux besoins la structure des emplois. C'est dans ce sens que nous avons commencé à réfléchir à l'occasion de l'expérimentation menée dans quelques préfectures : dans la limite d'un effectif autorisé, d'une masse salariale donnée, et d'une masse indiciaire plafonnée, le préfet peut choisir de transformer des emplois de catégorie A en emplois de catégorie B ou C ou inversement, pour adapter la structure et la qualification de son personnel aux besoins.
Dans cet esprit, il serait intéressant qu'un plafond global d'emplois s'applique à un ministère dans son ensemble, étant entendu que, par ailleurs, la masse salariale est limitée au niveau de chaque programme. Une description plus détaillée des emplois concernés serait bien sûr annexée, à titre prévisionnel et informatif. Cette nomenclature reste à préciser. Lors du compte rendu de gestion, un état détaillé des effectifs employés lors de l'année considérée serait fourni au Parlement.
3 -La réforme proposée doit se traduire par un renforcement du rôle du Parlement sans pour autant bouleverser l'équilibre institutionnel entre le législatif et l'exécutif résultant de la Constitution. Cela se traduira de plusieurs façons.
L'orientation du budget vers les résultats, qui permet d'améliorer la transparence de la gestion publique et de recentrer le débat budgétaire sur les enjeux des projets et les objectifs des politiques publiques, représente un renforcement du rôle du Parlement en matière d'allocation de la ressource publique et de contrôle de la dépense publique.
L'accroissement de la responsabilité et de l'autonomie accordée aux gestionnaires à travers la globalisation et la fongibilité des crédits devra trouver sa contrepartie dans le renforcement du contrôle a posteriori et dans l'amélioration des comptes rendus présentés au Parlement lors de la présentation de la loi de règlement. Le contrôle du Parlement s'exerce en particulier dans le cadre de l'élaboration du PLF à travers l'allocation des crédits au vu des comptes rendus sur les résultats des politiques publiques. S'il est normal et saint que le Parlement soit mieux associé à la gestion des crédits en cours d'exercice, ceci ne devra pas déboucher sur un contrôle tatillon ni empiéter sur les pouvoirs réglementaires de l'exécutif.
Le champ de compétence de la loi de finances pourrait être élargi et consolidé. Ainsi, en matière de prélèvements fiscaux, la loi de finances pourrait prévoir dans une annexe la récapitulation des impositions de toutes nature, notamment celles affectées à des personnes morales autres que l'Etat, pour l'information du Parlement Cette mesure permettrait en particulier de mieux articuler les débats du PLF et du PLFSS.
Le renforcement du rôle du Parlement passe par une simplification souhaitable de la présentation du PLF, une réaffirmation des principes d'unité et d'universalité budgétaires Les mesures suivantes permettraient de concrétiser cette orientation:
- Il faut réfléchir à la suppression progressive des budgets annexes et des comptes d'affectation spéciale (CAS) afin d'accroître la portée de l'universalité budgétaire ;
- Devra être étudiée l'éventuelle suppression des comptes de commerce et du compte de règlement avec les gouvernements étrangers et la fusion dans une catégorie de comptes unique des actuels comptes de prêts et comptes d'avances. Cette mesure nécessitera en tout état de cause une période d'adaptation. L'Inspection générale des Finances pourrait mener une mission d'expertise afin d'en étudier la faisabilité exacte.
La question du traitement en prélèvement sur recettes de l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités locales devra être abordée. Elle n'est pas facile. Le Conseil d'Etat vient de rendre un avis estimant que ceux-ci ne sont pas conformes à la Constitution, tant au regard du principe d'universalité que de l'article 40 relatif au droit d'amendement qui prohibe l'aggravation d'une charge publique. Le Gouvernement n'est pas favorable à la modification de l'article 40 de la Constitution. Pour autant, le droit d'amendement ne devra bien évidemment pas être réduit.
Un aménagement du calendrier du projet de loi de finances est envisageable : la réforme du texte organique doit être l'occasion de réfléchir à une amélioration du calendrier de discussion de la loi de finances au Parlement. Il serait utile notamment, d'avancer les délais de vote de la loi de finances rectificative de fin d'année : ceci afin de l'exécuter avant le 31 décembre pour des raisons de transparence. Pour cela, il peut être notamment envisagé des débats en séance publique plus courts.
Enfin l'impératif de lisibilité de la politique budgétaire conduit à distinguer clairement le budget et les comptes. Le budget, dont la vocation est de retracer l'autorisation parlementaire en dépenses et en recettes, obéit dans sa présentation à une logique de caisse. Il sert de cadre à l'expression des choix de politique économique et financière. Dans un souci de cohérence, l'exécution budgétaire doit être établie selon la même logique que pour l'établissement des projets de lois de finances. Le système dit " de caisse ", qui enregistre les recettes et les dépenses au moment de leur encaissement ou de leur décaissement, possède un avantage considérable : il est parfaitement fiable et adapté au compte rendu de l'activité budgétaire. Il permet de s'assurer que l'autorisation de recette ou de dépense accordée par le Parlement est bien respectée. Par ailleurs, il facilite la mise en place d'une stratégie claire des finances publiques, notamment au sein de la zone euro. Dans cette logique, il ne serait pas raisonnable d'ajouter à la présentation de type budgétaire une présentation en droits constatés et charges calculées, qui conduirait à changer la nature de l'autorisation parlementaire. De surcroît, l'application à la LFI des mécanismes comptables de provisionnement et d'amortissement soulèverait des problèmes méthodologiques lourds qui pourraient faire douter de la pertinence et de la sincérité d'une telle démarche. C'est pourquoi, le budget de l'Etat devrait continuer à être présenté et suivi selon la logique dite " de caisse ".
En revanche, les comptes rendus selon les principes de la comptabilité dite d'exercice ont pour vocation de restituer a posteriori l'ensemble des produits et des charges se rattachant à un exercice donné et de donner pour cet exercice une image sincère et fidèle de la situation financière de l'Etat. Ils apportent une visibilité à moyen et à long terme de la performance de la gestion publique. C'est pourquoi, a été fait le choix de développer la comptabilité de l'Etat dans le format d'une comptabilité d'exercice, largement inspirée du Plan comptable général en vigueur dans les entreprises privées ou publiques. Cette option est celle qui est retenue par la plupart des grands Etats.
Mesdames et Messieurs, la décision de modifier le texte organique de 1959 parallèlement à la réforme des modes gestion interne des administrations et à la rénovation des systèmes d'information budgétaire et comptable constitue donc un choix ambitieux. Ce choix marque la volonté des pouvoirs publics d'ancrer la réforme dans les faits. Nous devons mesurer d'autant plus le niveau de cette ambition qu'aucun des grands pays qui ont engagé la réforme de leur gestion publique ne l'ont conduite de pair avec une réforme institutionnelle.
Quels délais de mise en uvre ? Sans surestimer les obstacles, il convient d'avoir à l'esprit qu'une telle réforme s'étalera sur plusieurs années, ne serait-ce qu'à cause des appels d'offre européens rendus nécessaires par les changements considérables de l'outil informatique indispensable. La dernière étape de mise en uvre devrait intervenir fin 2004. Sans attendre cette date, et dès cette année pour le budget 2002, il conviendra de démarrer plusieurs modifications et de définir précisément les différentes phases de mise en uvre du projet. Parallèlement, vous souhaiterez sans doute modifier sensiblement certains aspects trop académiques du déroulement même de la discussion budgétaire relevant de votre règlement intérieur et non de l'ordonnance organique. Je pense que ce serait souhaitable. Le Gouvernement est à votre disposition en ce sens.
Mesdames et Messieurs,
Le Ministre des Finances qui, en un autre temps et en une autre fonction, vous avait dit et montré son attachement à la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, est heureux de vous redire aujourd'hui concrètement au nom de l'exécutif tout son soutien pour cette réforme majeure. Vous nous trouverez donc, Florence Parly et moi-même, totalement à vos côtés et aux côtés du Sénat pour mener à bien dans la concertation cette réforme majeure de l'Etat.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 11 janvier 2001)