Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur la couverture numérique du territoire, l'accès à internet haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique gratuite, Paris La Défense le 13 septembre 2006.

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Circonstance : Première édition du salon ODEBIT, sur le thème "Pour un territoire 100% numérique", au CNIT Paris La Défense le 13 septembre 2006

Texte intégral

Je tiens à remercier Sandrine LAGARDERE pour l'organisation remarquable de cette première édition du salon ODEBIT. Je suis très heureux de m'exprimer devant vous à cette occasion pour vous faire partager ma vision de l'aménagement numérique du territoire. Je tiens à saluer les élus qui ont pris part à ces débats, ainsi que les opérateurs et les industriels présents sur le salon.
Aujourd'hui, plus d'un foyer sur trois possède un accès Internet haut débit à domicile. Quatre Français sur cinq possèdent un téléphone mobile. Quant à la télévision numérique terrestre, la fameuse TNT, plus de quatre millions de récepteurs ont été déployés en à peine 18 mois.
Notre pays est ainsi entré de plein pied dans l'ère du numérique et des nouvelles technologies. Pour autant, il reste encore trop de territoires qui sont exclus de l'une ou l'autre de ces technologies, voire des trois à la fois. C'est notamment le cas d'un certains nombre de communes rurales ou isolées pour lesquelles la rentabilité économique pour les opérateurs difficile. Il est de ma responsabilité, en tant que Ministre délégué à l'Aménagement du territoire de veiller à ce que l'ensemble des Français bénéficient de l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est un outil devenu indispensable, que ce soit pour les services au public, pour le développement économique, ou pour l'attractivité des territoires. Pour cela il faut faire preuve d'équité. L'équité, ce n'est pas donner la même chose à tout le monde. L'équité, c'est faire un effort supplémentaire là où les opérateurs ne vont pas spontanément, là où la qualité du service et le niveau de prix ne sont pas à la hauteur de ce qu'on peut trouver dans les zones les mieux desservies de notre territoire.
C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé à donner à 100 % des communes françaises la possibilité de bénéficier d'ici 2007 de l'ensemble des technologies numériques : l'accès à Internet haut débit, la téléphonie mobile, et la télévision numérique gratuite.
Cette démarche, nous avons souhaité l'inscrire en partenariat avec les opérateurs naturellement, mais aussi et surtout avec les collectivités territoriales qui sont devenues le premier le premier acteur de l'aménagement numérique de leurs territoires.
En effet, avec la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique et l'introduction de l'article L1425-1 dans le code général des collectivité territoriales, nous avons donné à celles-ci la possibilité de s'impliquer pleinement dans l'aménagement numérique de leur territoire.
Permettez-moi maintenant de revenir plus en détail sur les trois axes de notre ambition en matière de nouvelles technologies : le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique.
1. Tout d'abord le haut débit.
Le nombre de lignes éligibles à l'ADSL a progressé de manière très rapide. En 2002, seul un foyer sur deux, dans 5 000 à 6 000 communes uniquement, avait accès à une offre ADSL. Ils seront près de 98% à la fin de cette année, soit environ 33 000 communes.
L'ADSL est aujourd'hui le principal moyen d'accès au haut débit mais 2 à 3 % foyers, représentant environ 3 500 communes, resteront durablement hors d'atteint de cette technologie pour des raisons techniques liées à leur éloignement par rapport au répartiteur téléphonique. Il faut donc faire appel à des technologies alternatives comme le WIMAX, le WIFI, la satellite ou le courant porteur en ligne (CPL) par exemple. Ce salon a d'ailleurs été l'occasion pour les collectivités de mieux appréhender les capacités de ces différentes technologies et de leur pertinence en fonction des territoires à couvrir.
L'an dernier, le Gouvernement a lancé un appel à candidatures pour l'attribution de nouvelles fréquences Wimax, dont le premier des trois critères de sélection était la contribution au développement territorial des services haut débit. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'ARCEP) en a publié le résultat en juillet 2006. Dans chaque région, deux opérateurs ont été retenus et se sont engagés en faveur de la couverture du territoire. Ces engagements, qui doivent être compris comme des engagements minimaux, devront être respectés. Nous y veillerons.
Pour autant, il restera une part significative des communes qui ne sont concernées à court terme par aucune initiative privée.
Certaines collectivités ont choisi de mettre en oeuvre la compétence que leur a donné la loi pour lancer des projets haut débit, notamment axés sur le développement de la concurrence et l'amélioration de la couverture. Avec le soutien de l'Union européenne, l'Etat accompagne le développement de ces projets. Près de 200 millions d'euros au titre des fonds européens FEDER et des crédits d'Etat ont ainsi été fléchés sur des projets haut débit sur la période 2000-2006.
En complément, pour achever la couverture du territoire, le Comité interministériel sur la société de l'information (CISI) du 11 juillet 2006 a mis en place, sur ma proposition, un plan de soutien à l'équipement haut débit des communes. Ce plan gouvernemental, chiffré à 10 Meuros, vise à soutenir l'équipement en haut débit des communes rurales dont la Mairie, l'école ou la zone d'activité ne serait pas couverte par l'ADSL ou une technologie équivalente.
Le coût d'équipement nécessaire est estimé autour de 10 000 euros par commune. Le soutien apporté par l'Etat sera très significatif : à hauteur de 5 000 euros par commune dans le cas général et jusqu'à 8 000 euros, pour les communes de très petite taille financièrement défavorisées. La mesure sera financée par le Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, via la dotation globale d'équipement, ainsi que le Ministère de l'éducation nationale, via le programme « soutien à la politique de l'éducation nationale ».
Les demandes des communes souhaitant bénéficier de cette mesure seront recensées par les Préfets d'ici fin 2006, en recherchant, par souci d'efficacité et de cohérence, un partenariat avec les Conseils régionaux et les Conseils généraux qui le souhaiteront. Avec Brice Hortefeux et Gilles de Robien, nous signerons dans les tous prochains jours une instruction en ce sens. Les premiers comités de pilotage seront mis en place par les Préfets dès ce mois-ci.
Pour faciliter la démarche des collectivités, la DIACT vient de publier à ma demande un « recueil juridique » qui décrit les procédures de marché public possibles. Ce recueil sera complété dans les toutes prochaines semaines par guide technique en cours de finalisation qui présentera les technologies disponibles pour l'équipement d'une commune.
Les communes disposeront ainsi de tous les leviers - technique, juridique et financier - leur permettant d'assurer l'équipement de leur territoire en haut débit. J'ai donné instruction à la DIACT pour que ce dispositif soit aussi simple et concret que possible, afin qu'il puisse être mis en oeuvre par les collectivités de toute taille, y compris les communes les plus petites, directement concernées. Un document de synthèse sera diffusé à cette fin.
Ces mesures permettront d'assurer partout ou presque un service haut débit que je qualifierais de service minimum, c'est-à-dire permettant des débits de l'ordre de 512 kbits/s, voire 1 ou 2 Mbits/s en fonction des cas. C'est déjà un grand progrès. Cela permettra de bénéficier d'une connexion permanent à Internet sans mobiliser la ligne téléphonique, mais aussi des offres de téléphonie sur IP. C'est ce qu'on appelle couramment le « double play » : l'Internet + la téléphonie. Pour autant ces débits ne sont pas suffisants, aujourd'hui, pour proposer des offre dites « triple play », c'est-à-dire intégrant la télévision sur internet. De même ces débits peuvent s'avérer insuffisant pour un usage professionnel.
Des solutions palliatives existent. Depuis fin 2005, des offres professionnelles disponibles sur tout le territoire permettent de disposer de débits symétriques garantis, même si leur coût est encore un peu élevé, de l'ordre de 400 à 500 euros par mois pour du 2 Mbits/s symétrique. Pour ce qui est de la télévision, le fort déploiement de la télévision numérique permettra à tous de recevoir gratuitement le bouquet diversifié des 18 chaînes de la TNT. J'y reviendrai dans un instant.
Ces solutions peuvent être acceptables aujourd'hui, mais ne nous leurrons pas. Demain, les besoins iront croissant et de nouvelles applications nécessiteront encorde davantage de bande passante. C'était d'ailleurs le sujet de la table ronde de ce matin. Les grandes agglomérations et les principales zones d'activités seront progressivement équipées en très haut débit à 100 Mbits/s et plus, recréant un décalage fort avec le reste du territoire. Il est de notre responsabilité d'examiner dès aujourd'hui les réponses qui pourront être apportées à tous les territoires pour leur offrir les services dont il auront besoin. Différentes initiatives ont été prises par le Gouvernement pour encourager le développement des réseaux très haut débit, pour mettre en place des labels pour les logements et les bureaux « très haut débit ». Il faudra aller au-delà. Bien sûr, nous savons tous que ce n'est pas en 5 ou même 10 ans, que l'on pourra desservir en fibre optique tous les foyers français. Mais nous ne pouvons pas regarder le très haut débit se développer dans quelques grandes agglomérations sans réfléchir à une démarche structurante partant des besoins des territoires et non des technologies. C'est d'ailleurs l'un des principaux sujets sur lequel le Comité stratégique sur le numérique créé par le Gouvernement en juillet 2006 et installé par le Président de la République, aura à faire des propositions.
2. En ce qui concerne maintenant la téléphonie mobile.
Le Gouvernement a lancé un programme national afin de couvrir la totalité des 3 000 petites communes recensées en zones blanches, c'est-à-dire qui ne sont couvertes par aucun opérateur.
A cet égard, je sais que certaines communes pourtant non desservies ont pu être oubliées au moment du recensement effectué début 2003. C'est pourquoi j'ai proposé à l'Assemblée des départements de France, en accord avec les opérateurs, que la liste des communes concernées soit réexaminée et mise à jour.
L'objectif de ce plan est ambitieux. Il faut installer près de 2 200 sites relais au niveau national, répartis en 2 phases. La première phase concerne environ 60 % d'entre eux. Elle est co-financée par l'Etat - qui y consacre 44 Meuros plus environ 20 millions d'euros en récupération de TVA, les collectivités territoriales, les opérateurs, ainsi que l'Union européenne. Je tiens à cet égard à souligner le rôle déterminant des Conseils Généraux dans le dispositif. Pour la deuxième phase, qui concerne les 40% de sites restants, nous avons obtenu qu'elle soit intégralement prise en charge par les opérateurs.
A mon arrivée, j'ai demandé aux opérateurs de donner un coup d'accélérateur à ce programme pour garantir qu'il puisse être achevé d'ici 2007. Les résultats sont là. Alors qu'elles n'étaient que 91 en juin dernier, 883 communes étaient sorties de ces zones blanches, dans le dernier bilan que j'ai rendu public à fin juin 2006. Je suis heureux de vous annoncer aujourd'hui que nous venons de passer le cap des 1 000 communes couvertes, et que nous serons à 1 500, soit 50% du programme d'ici la fin l'année.
3. Je voudrais pour finir aborder ce qui constitue pour moi le troisième dossier clé d'aménagement numérique du territoire : celui de la télévision numérique.
Aujourd'hui, 58 % des Français sont couverts, par la TNT, qui représente 18 chaînes gratuites en qualité numérique, ainsi qu'une offre payante pour ceux qui le souhaitent. Ils seront 65% en octobre prochain et 80 % d'ici 2007.
L'objectif du Gouvernement est clair : couvrir l'ensemble des Français en télévision numérique gratuite et procéder au basculement complet, de manière progressive, zone par zone, de l'analogique vers le numérique, et ce d'ici fin 2011, ce qui permettra d'arrêter la diffusion de l'analogique. Les fréquences libérées pourront être utilisées pour des services innovants comme la haute définition, la télévision sur mobile, voire même pour faciliter la couverture du territoire par les toutes dernières générations de haut débit fixe et mobile.
Pour y parvenir, nous nous appuyons sur l'approche suivante.
Tout d'abord, il est nécessaire de faire en sorte que les 115 sites prévus initialement soient effectivement mis en place d'ici fin 2007. Aujourd'hui, nous avons réussi à négocier avec nos voisins des accords nous permettant d'identifier les fréquences nécessaires pour lancer la TNT dans les zones frontalières, au moins pour les chaînes gratuites. Pour autant, il nous faut maintenant mobiliser les moyens humains et techniques nécessaires à la planification des sites restants, qui nécessitera un travail très important.
Ensuite, il y a un certain nombre de zones relativement denses pour lesquelles la mise en service d'un réémetteur local en TNT serait pleinement justifiée. Nous inciterons les chaînes à aller le plus loin possible, notamment en leur proposant en contrepartie une prolongation de leurs autorisations. Je crois que les chaînes ont désormais pris conscience de cette nécessité.
Enfin, nous soutenons la mise en oeuvre d'un bouquet numérique par satellite sans abonnement. Ce bouquet, qui sera diffusé sur tout le territoire, a vocation à reprendre les chaînes gratuites de la TNT. C'est une question d'équité. Aujourd'hui, le principe d'un tel bouquet satellite est acté par la plupart des acteurs, d'autant qu'il sera rendu obligatoire dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de la communication audiovisuelle qui sera présenté au Parlement dans les tous prochains mois. Les discussions se poursuivent sur les modalités de sa mise en place, chacun défendant ses intérêts, ce qui est légitime. Il faut maintenant confronter les positions pour aboutir à une solution que je souhaite la plus consensuelle possible.
Un tel bouquet sera particulièrement utile pour compléter la couverture en télévision numérique dans les zones rurales ou isolées. Il nécessitera simplement l'installation d'une parabole et d'un décodeur numérique équivalent aux adaptateurs TNT du commerce. Par la suite aucun abonnement ne sera nécessaire.
Compte tenu des progrès récents en matière de technologie de compression et de haute définition, j'encourage les acteurs à étudier les possibilités de diffusion du bouquet satellite avec des équipements « HD ready ». Cela induira peut-être quelques mois de retard par rapport au calendrier initialement envisagé de la fin 2006, mais cela permettra surtout aux habitants des zones blanches de pouvoir accéder eux aussi aux programmes en haute définition, c'est-à-dire dans un premier temps à certains films et grands événements sportifs.
En quelques années, la France a su rattraper son retard dans le haut débit, étendre sa couverture en téléphonie mobile et lancer avec succès la télévision numérique au point d'être aujourd'hui citée en exemple en Europe. Il est aujourd'hui essentiel de capitaliser sur ce succès pour aller encore plus loin.
Mon ambition est de faire de la France un territoire tout numérique d'ici 2007, en partenariat avec les opérateurs et les collectivités territoriales. C'est ensemble que nous réussirons ce défi afin d'apporter aux Français le niveau de service qu'ils sont en droit d'attendre sur l'ensemble du territoire.
Je vous remercie.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 septembre 2006