Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur les finances des collectivités de montagne, le projet de loi relatif à la modernisation de la fonction publique territoriale, l'intercommunalité, et sur les responsabilités particulières des maires des zones de montagne, Paris le 27 octobre 2006.

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Circonstance : Congrès de l'Association Nationale des élus de Montagne, à Paris le 27 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, pour témoigner, comme le feront après moi mes collègues Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture et Christian ESTROSI, Ministre délégué à l'Aménagement du Territoire, de l'attention que porte le gouvernement aux territoires de montagne.
Comme vous le savez, ma participation à votre Assemblée générale ne relève pas d'un exercice contraint et d'un intérêt convenu, mais d'une préoccupation que l'élu Auvergnat que je suis partage, avec vous, quotidiennement.
Je suis heureux de saluer et de féliciter le tout nouveau Président de l'ANEM, Martial SADDIER et de rendre hommage à son prédécesseur, François BROTTES.
Je voudrais évoquer avec vous 4 principaux sujets :
- d'abord, dans le prolongement de votre table ronde de ce matin, la question des finances des collectivités de montagne ;
- en second lieu, je voudrais vous dire un mot du projet de loi relatif à la modernisation de la fonction publique territoriale ;
- quelques éléments de réflexion sur l'intercommunalité ;
- et, bien entendu, je ne partirai pas sans évoquer les questions relatives aux responsabilités particulières des maires des zones de montagne, y compris les sujets chers au Président Bonrepaux.

I - En matière de finances, je voudrais tout d'abord faire observer que le budget 2007 préserve les ressources des collectivités en général et reste particulièrement attentif aux zones de montagne.
Certains d'entre vous auront peut-être un sentiment de "déjà vu" s'ils ont eu l'occasion de m'entendre récemment dans une autre enceinte... Mais je crois que la reconduction du contrat de croissance, en 2007 - qui est un sujet à 1 Mdeuros - mérite que l'on s'y arrête.
1) Les dotations aux collectivités locales continueront donc de progresser en 2007.
L'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales atteint désormais plus de 67 Mds euros. Si l'on y ajoute la fiscalité transférée et la fiscalité partagée, on dépasse le 80 Mds d'euros. Le soutien aux collectivités locales et le financement de la décentralisation constituent désormais le 1er budget de l'Etat.
Vous le savez, le gouvernement s'est fixé un engagement national de désendettement : ramener la dette de 66 % à 60 % du PIB à l'horizon 2010.
La question du maintien de ce contrat a donc été au coeur de la concertation engagée par le gouvernement avec les associations d'élus à la suite de la première réunion de la conférence nationale des finances publiques.
Le gouvernement s'est finalement rangé à la proposition du CFL de ne pas modifier le contrat de croissance pour 2007.
L'effort ainsi accompli par l'Etat en faveur des collectivités locales est remarquable et il l'est d'autant plus que l'Etat s'impose à lui-même une norme de croissance très stricte. Cet effort supplémentaire consenti par l'Etat en 2007 atteindra donc près d'1 Mdeuros.
L'essentiel de cette croissance bénéficiera à la DGF qui progressera de loi de finances à loi de finances de 2,55%.
Concrètement, les communes et leurs groupements connaîtront une augmentation de leur enveloppe de DGF de 542 Meuros, le gain net pour les départements sera de 286 Meuros et celui des régions de 127 Meuros.
2 ) Le second souci qui m'a animé est celui de l'équilibre entre les territoires.
La solidarité territoriale aura été tout au long de cette législature l'une des priorités majeures du gouvernement en matière de finances locales. Elle se sera traduite par un renforcement très net de la péréquation.
Les collectivités les plus défavorisées ont tiré, entre 2004 et 2006, le bénéfice des réformes structurelles engagées dès 2003.
A titre d'exemple, la péréquation régionale a augmenté en 2006 de 19,5 %. Pour les départements, la dotation de fonctionnement minimale a cru de 12,6 %.
Le PLF 2007 s'inscrit dans la continuité de cette démarche. Sans entrer dans le détail, trois aménagements sont apportés à la DGF des communes, des départements et des régions pour élargir les marges de manoeuvre du CFL et dégager ainsi davantage de ressources en faveur de la péréquation.
Au total, ces trois mesures créent une marge de manoeuvre potentielle à la disposition du CFL de plus 100 Meuros au profit de la péréquation.
Je voudrais m'arrêter un instant sur la péréquation des départements pour répondre à la déception qu'a créée la réforme de la Dotation de Fonctionnement Minimale réalisée en 2005.
J'entends dire que cette réforme s'était faite au détriment des 24 départements historiquement éligibles à la DFM. C'est faux : leur dotation a continué à progresser.
Mais ce qui est vrai, c'est que ce sont les 40 départements entrants qui ont connu en 2006 la progression la plus importante. Je note, d'ailleurs, que parmi ces entrants, il y a des départements de montagne (Puy-de-Dôme, Jura, Hautes Pyrénées, Savoie, etc...).
C'est logique puisque l'objet de cette réforme était justement d'améliorer la péréquation au bénéfice de ces 40 nouveaux entrants, et dans ces conditions, leur progression plus rapide correspond à un rattrapage attendu.
La péréquation des 24 anciens se fait à des niveaux déjà beaucoup plus importants (46 euros par habitant en 2006 pour les anciens bénéficiaires contre 23 euros par habitants perçus pour l'ensemble des départements éligibles).
Le malentendu - ou la déception - vient du fait que les plus demandeurs de cette réforme étaient les 24 anciens bénéficiaires, or il est vrai qu'il n'en n'ont pas été les bénéficiaires.
C'est la raison pour laquelle, sur l'avis du CFL, le gouvernement est ouvert, je vous le dis, à ce qu'un amendement proroge en 2007 et 2008 une garantie de progression pour les 24 départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale avant 2005. Cette garantie correspondrait au taux de progression de la DGF de l'année.
3 ) Enfin, je souhaiterais revenir sur l'une de vos revendications régulières, concernant une dotation spécifique montagne.
- Tout d'abord, je tiens à vous rappeler que la DGF correspond à une enveloppe fermée. A ce titre, toute dotation spécifique venant avantager systématiquement telle ou telle catégorie de communes viendrait mécaniquement, et injustement, minorer les dotations et désavantager les autres communes - ou réduire les marges disponibles pour la péréquation, ce qui n'est pas le but recherché.
Ne nous faisons pas d'illusion, la répartition des dotations sera de plus en plus à l'avenir un jeu à somme nulle.
Pour autant, je voudrais vous rappeler que le gouvernement a toujours été sensible aux particularités des collectivités de montagne. Le Gouvernement a été très attentif aux réflexions de votre association, lors de la discussion de la loi de finances pour 2005 qui a réformé la DGF, et son volet péréquation en particulier.
Ainsi, ont été introduits dans la nouvelle DGF :
- la dotation «superficiaire» destinée à aider les communes à entretenir de vastes superficies à faible densité démographique (5 euros par hectare pour les communes de montagne contre 3 euros pour les autres) non plafonnée ;
- une majoration de la fraction de la DSR réservée aux bourgs centres situés en zones de revitalisation rurale (ZRR).
Plus récemment, lors de la loi de finances 2006, vous le savez, je me suis personnellement engagé afin qu'un dispositif de garantie vienne corriger les effets négatifs de la substitution du potentiel financier à la place du potentiel fiscal dans la dotation particulière élus locaux. Ainsi, en 2006, ce sont plus de 23.700 communes qui en ont bénéficié, soit plus de 4.000 nouveaux bénéficiaires (47 sortants seulement).
Enfin, je n'oublie pas vos besoins d'infrastructures particuliers : ainsi, l'article 42 de la loi de finances 2006 est venu utilement, à l'initiative du très montagnard Vice-Président de la Commission des Finances, Michel BOUVARD, faire droit à votre demande relative à l'éligibilité au FCTVA des dépenses relatives aux travaux de lutte contre les risques spécifiques liés aux zones de montagne.
On ne peut évidemment pas réduire la question des finances des collectivités de montagne à la question des dotations.
Oui, bien sûr, la péréquation doit trouver sa place dans les dotations - et nous n'avons cessé de nous y attacher -, mais la réflexion à laquelle vous devez participer est celle de la réforme de la fiscalité locale.
Tout le monde est d'accord sur le diagnostic, mais à chaque fois que le dossier a été ouvert, on s'est empressé de le refermer...
Notre fiscalité locale est à bout de souffle.
- les bases sont désuètes : c'est le cas à l'évidence des bases servant à la taxe foncière et à la taxe d'habitation. Les valeurs locatives ont été déterminées en 1970, et n'ont donc plus aucun rapport avec la réalité du marché immobilier.
S'agissant par exemple de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, il suffit de rappeler que les catégories de culture imposées à la TFNB sont définies par une instruction de 1908 toujours en vigueur à ce jour!
- les calculs sont extrêmement complexes : sur la fiche d'imposition de tous les contribuables, il n'y a pas moins de cinq opérations avant d'arriver au montant de la taxe foncière. Sans possibilité pour le contribuable de vérifier facilement ces calculs.
Au-delà des "rustines", il nous faudra bien envisager un jour une réforme plus globale de la fiscalité locale. Et compte tenu de l'imbrication de l'ensemble de ces impôts (ils ont tous en commun la base foncière TP; TFB, TEOM), il s'agit de réfléchir au système dans son ensemble.
- la part des exonérations et des dégrèvements fait que l'Etat est devenu le 1er contribuable local, à hauteur de 14 Mds euros, ce qui somme toute, n'est pas logique.
Je suis bien placé pour savoir qu'une réforme fiscale d'envergure n'est pas neutre pour les territoires. J'ai trouvé sur mon bureau lorsque j'ai été nommé le rapport FOUQUET sur la réforme de la taxe professionnelle.
Si l'idée de s'appuyer sur la valeur ajoutée était pertinente, elle entraînait un tel déplacement des bases imposables qu'à l'évidence une telle réforme, si nous l'avions mise en oeuvre, aurait dû me conduire à déplacer aussi mon implantation électorale ailleurs qu'en Auvergne !
Il faut donc être très prudent, très attentif dans les simulations, sur les impacts géographiques de telle ou telle option.
L'AMF, l'ADF et l'ARF ont souhaité travailler le sujet avec le Conseil Economique et Social, je vous invite - avec les relais que sont Michel BOUVARD ou Didier MIGAUX - à porter ce souci de la spécificité géographique dans cette réflexion devenue urgente.
Je ne voudrais pas conclure sur les sujets financiers sans évoquer un sujet, même s'il est plus modeste, sur lequel je m'étais engagé devant le Conseil national de la Montagne : la sécurisation juridique du dispositif de remboursement des frais de secours.
La suppression des contingents communaux au 1er janvier 2008 risquait de faire tomber le support juridique de cette mesure. Même si le report de cette suppression au 1er janvier 2010 a été récemment annoncé par le Ministre de l'Intérieur, nous ferons voter, ainsi que je m'y étais engagé, un amendement au Projet de loi de finances rectificatives pour 2006 pour assurer la pérennité des dispositions qui vous intéressent.
II - S'agissant de la réforme de la Fonction publique territoriale
Pour améliorer le statut de la fonction publique territoriale, j'ai tenu à ce qu'une réforme en profondeur, attendue depuis plus de quatre ans par les collectivités et les syndicats de fonctionnaires territoriaux, soit mise en place et adoptée au plus vite.
Ce fut le cas grâce à l'élaboration d'un projet de loi issu d'une large concertation, ayant reçu un avis très favorable du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale puis voté très largement en première lecture le 16 mars dernier par le Sénat et à l'Assemblée nationale le 12 octobre.
C'est une réforme qui ne vise pas spécifiquement les zones de montagne en tant que telles... mais qui intéresse au tout premier chef les petites collectivités, celles qui ont le plus de difficultés de recrutement, notamment en milieu rural.
En résumé, cette réforme répond à trois défis :
1) Le premier est lié à l'amélioration et à l'assouplissement de la gestion des ressources humaines, notamment en termes de recrutement et de cadre d'emploi, ce qui permettra de donner plus de liberté aux élus locaux dans la gestion des ressources humaines (passerelles avec le privé).
Le contractuel n'est pas nécessairement l'ennemi (c'est même parfois en milieu rural, les seuls que l'on ait sous la main) et c'est la raison pour laquelle j'ai retenu un amendement socialiste au Sénat permettant aux élus d'embaucher en contractuel des secrétaires de mairies à temps plein.
2) Le second défi est celui de l'amélioration de la formation, grâce à un véritable droit individuel à la formation - notamment pour les catégories C -. Une formation plus utile, et aussi moins ingrate pour les communes qui auront financé leur formation puisqu'il y aura désormais une clause pénalisant les débauchages.
3) Le troisième défi est de rendre la fonction publique territoriale plus attractive et plus adaptée à ce qu'on attend d'elle aujourd'hui notamment grâce à des passerelles avec la fonction publique d'Etat et à la prise en compte de l'expérience professionnelle et non plus seulement des concours.
III - L'intercommunalité.
Je n'en dirai que quelques mots, à travers des réflexions d'actualité et les réflexions qui sont les miennes et qui concernent en particulier le fonctionnement de l'intercommunalité dans les zones de montagne.
1) L'intercommunalité, c'est un bilan contrasté.
D'abord, l'intercommunalité est un indéniable succès quantitatif auprès des français et auprès des élus.
Nous avons finalement trouvé une réponse originale à l'émiettement communal, qui est - reconnaissons-le - la seule alternative possible aux suppressions ou aux fusions de communes. C'est sans doute même un peu plus que cela en matière de dynamique des territoires.
L'intercommunalité présente cependant des lacunes sur le plan qualitatif.
- Il y a eu un certain nombre de rapports critiques, dont la Cour des Comptes ou encore celui de la Commission d'enquête sur la fiscalité locale présidée par Augustin BONREPEAUX : tour à tour, ont été dénoncés l'absence de pertinence des périmètres, la difficulté de définir l'intérêt communautaire, le partage des compétences ainsi que les surcoûts.
- d'où la relance de l'intercommunalité (circulaire du 23 novembre 2005) qui a identifié trois axes d'amélioration prioritaires :
- la rationalisation des périmètres (à travers les schémas départementaux d'orientation de l'intercommunalité)
- le partage des compétences et la définition de l'intérêt communautaire avant le 18 août 2006;
- la clarification des relations financières entre les groupements et les communes membres.
2) Quelles sont aujourd'hui les perspectives ?
- Sur le rationalisation des périmètres
Des orientations sont définies : faciliter les regroupements des EPCI déjà existants, réduire le nombre de syndicats. Mais rien n'est figé : nous sommes à l'écoute des spécificités des communes de montagne.
La pertinence des seuils est un vrai sujet, mais il me paraît évident qu'on ne peut l'aborder sans tenir compte des disparités sur le territoire et des spécificités de celui-ci.
Retenir un seuil minimum à 10.000 habitants dans un département comme le Cantal ou la Lozère, cela n'aurait évidemment aucun sens.
- Sur les compétences
Le mauvais exercice des compétences transférées est une des critiques majeures faites à l'intercommunalité à fiscalité propre, comme source de surcoût et de doublons.
Ces transferts justifiant les versements de DGF intercommunale, il convient de s'assurer que les compétences inscrites dans les statuts sont bien mises en oeuvre par les EPCI. Le contrôle de l'effectivité de l'exercice des compétences par les Préfets reste une priorité de leur activité de contrôle de légalité.
Toutefois, le travail mené pour faire face à l'échéance du 18 août 2006 a révélé que certaines compétences se prêtaient mal au découpage "géométrique" qui sous-tend la logique de l'intérêt communautaire. C'est le cas des compétences "transversales" où les interventions croisées sont la règle : habitat, politique de la ville... Pour celles-ci, le recours au concept de "chef de file", introduit dans la Constitution en 2003, me semble une piste intéressante.
D'autres compétences se heurtent à des problèmes très concrets sur le terrain, je pense aux compétences assainissement, éclairage public ou, plus souvent, voirie, sur laquelle de nombreux élus ont des interrogations.
En pratique, on se heurte à la règle selon laquelle on ne peut pas, à l'intérieur d'une même compétence, découpler investissement et fonctionnement.
C'est un sujet qui prend notamment en zone de montagne une certaine actualité avec la réorganisation des DDE : il est assez logique que l'on cherche à faire assumer par les intercommunalités certains compétences qu'exerçaient jusque là les subdivisions.
C'est un sujet dont Jacques PELISSARD m'a longuement entretenu. Demander à des communes de créer un SIVU - alors même qu'elles ont créé une communauté de communes - pour gérer un chasse-neige ne me paraît pas une réponse acceptable.
J'ai donc demandé à la DGCL de mener rapidement une étude approfondie, notamment en relation avec l'AMF, sur ces compétences qui touchent au quotidien, afin de concilier l'esprit de l'intercommunalité avec la nécessaire souplesse dont vous avez besoin sur le terrain.
Dans cet esprit - pour montrer que mon ouverture d'esprit n'est pas un vain mot - le Sénat a adopté lundi dernier, avec avis favorable du gouvernement, un amendement du sénateur Ladislas PONIATOWSKI visant à opérer une distinction entre l'investissement et le fonctionnement en matière d'éclairage public.
Dans ce cas, les communes pourront confier la maîtrise d'ouvrage à un syndicat tout en conservant la maintenance, pour des raisons d'efficacité et faire appel à des sociétés proches géographiquement, ce qui permet des interventions rapides, alors qu'il n'en va pas de même lorsqu'un syndicat gère ce service.
- De la même façon, face à la complexité croissante du cadre juridique et des dossiers, une solution pourrait passer par la création, peut-être de plein droit au sein de l'EPCI, d'une compétence d'appui, d'assistance technique, de conseil, dédié aux autres communes membres.
Cette organisation répond manifestement à un besoin car cette idée a déjà pris forme au sein de certains EPCI (exemple de la communauté d'agglomération de Royan Atlantique).
C'est là tout le sens de l'intercommunalité, de mutualiser pour rendre un meilleur service public et être plus efficace.
IV - Sur la responsabilité des maires.
C'est un sujet difficile, complexe et sensible. Je l'ai déjà évoqué à Sallanches, devant certains d'entre vous, lors du Conseil National de la Montagne.
La montagne - et en particulier la haute-montagne - est à n'en pas douter, c'est vrai, une zone de concentration des risques pour les élus locaux.
Je suis donc parfaitement conscient que le Gouvernement ne doit pas en ajouter sur ce terrain de la diversification des risques...
Même si, globalement, je crois que depuis la "loi Fauchon", un gros progrès a été réalisé. Le fait que le juge soit désormais tenu de se livrer à une appréciation "in concreto", n'exonère pas l'élu d'une procédure judiciaire, mais rend en tous cas l'appréciation de sa responsabilité normalement plus conforme à la réalité des situations et des moyens.
Ne pas en ajouter sur la diversification des risques, cela veut dire qu'il faut mesurer l'impact concret des textes élaborés par les administrations centrales.
Le sujet des "zones jaunes" avalanches fournit une bonne illustration de ce type de situations.
Elles ont pu être perçues, je le sais, comme une extension et une aggravation de la responsabilité des maires face aux risques en montagne. De quoi s'agit-il ?
Un nouveau guide méthodologique d'élaboration des Plans de prévention des risques (PPR) rédigé par les services de ma collègue du Ministère de l'Ecologie propose de prendre en compte un nouvel aléa de référence pour la définition des couloirs d'avalanche, qui correspondrait à un événement exceptionnel, l'aléa maximal vraisemblable (l'AMV), très rare - d'occurrence tricentennale - et d'étendue plus vaste que celui que l'on retient habituellement.
Cet aléa doit être utilisé pour définir les mesures à prendre pour assurer la sécurité des personnes sur un territoire plus large : l'objectif de l'AMV est de permettre l'information et, autant que possible, de soustraire les personnes des conséquences d'un événement exceptionnel par des moyens appropriés : alerte, évacuation ou mise à l'abri des personnes.
On perçoit évidemment la difficulté et l'enjeu d'une telle "invention" par un simple guide méthodologique de l'identification d'un risque auquel les élus devront apporter des réponses notamment dans les collectivités les plus importantes qui voient une vaste partie de leur territoire concerné.
C'est pourquoi le Ministre de l'Intérieur a souhaité que le sujet des « zones jaunes » soit soumis à l'avis du Conseil national de sécurité civile (CNSC) et retenu dans ses premiers travaux.
Cet exemple, peut-être y en a-t-il d'autres... illustre la nécessité de la concertation avec les élus locaux concernés. C'est l'objet désormais du Conseil national de la sécurité civile.
Je sais, cher Martial, que la composition de ce Conseil ne te satisfait pas pleinement puisque seules l'AMF, l'ADF et l'ARF en sont membres. J'avoue que la présence d'un représentant de l'ANEM me semblerait à la fois légitime et utile.
J'ai le plaisir de t'informer que cette demande, dont tu t'étais déjà fais l'écho auprès de moi, sera satisfaite dans des conditions qui nous permettront d'aller au plus vite, c'est-à-dire sans modifier le décret et la composition complète de ce Conseil mais en ajoutant, comme personnalité qualifiée, un représentant de l'ANEM.
Je ne doute pas que votre présence à cette instance lui permettra de rendre des avis encore plus éclairés...
- L'autre sujet que j'avais, je l'avoue, découvert pour ma part assez récemment - à l'initiative d'Augustin BONREPEAUX, c'est la question de la responsabilité des maires du fait des dommages causés par un ours.
Le sentiment des maires concernés, et ici, dans les Pyrénées, ils le sont particulièrement, était un peu que l'Etat avait procédé à ces lâchers d'ours - permettez-moi de ne pas entrer dans le fond de ce sujet qui relève d'une autre compétence ministérielle - mais que ce même Etat était finalement moins précis, moins empressé, pour préciser sa responsabilité dans l'hypothèse d'un "dommage" subi par une personne du fait d'un ours...
Je vous avais indiqué, au mois d'août dernier, à Sallanches que les services du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice avaient apporté leur concours à Madame le Ministre de l'écologie pour analyser la réalité de tels risques juridiques.
Il y a donc une analyse, qui figure en annexe du Plan d'Accompagnement à la réintroduction de l'Ours, et qui a conclu que le terrain de la mise en cause de la responsabilité pénale ou administrative des maires était extrêmement réduit, puisqu'il se résume à l'obligation de veiller à la bonne information du public - pour autant qu'ils disposent eux-mêmes des informations adéquates.
C'est très bien, mais ce n'est pas suffisant.
Quel serait le raisonnement d'un juge dans un cas d'espèce? Ses interrogations seraient d'autant plus légitimes que les règles du jeu n'auraient pas été posées franchement. L'Etat ne doit pas se contenter de soupeser les responsabilités respectives des uns et des autres, il doit assumer l'entière responsabilité de la situation qu'il crée.
J'ai donc proposé qu'une circulaire ministérielle soit signée par les ministères concernés - Intérieur, s'agissant du rôle des Préfets, Ecologie et Agriculture - par laquelle l'Etat
1) reconnaîtra très clairement sa responsabilité au titre des pouvoirs de police spécial dont il dispose,
2) rappellera le dispositif opérationnel de suivi qu'il a mis en place.
Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce sujet.
X
Voici ce que je souhaitais vous dire ce matin.
Vivre en montagne est à la fois un défi et un privilège. C'est un défi dans la mesure où, en montagne, les difficultés des habitants en termes de transport, de services publics ou encore d'aménagement du territoire sont plus accentuées qu'ailleurs. C'est aussi un privilège que d'évoluer dans un environnement qui allie beauté esthétique, qualité environnementale et traditions locales.
C'est précisément la raison pour laquelle je souhaite que les assouplissements qui sont en cours et qui suivent ceux déjà réalisés en 2003 par les lois SRU et urbanisme et habitat ne viennent pas entraver la responsabilité qui est la vôtre.
J'insiste, en effet, sur la nécessité de concilier de tels assouplissements successifs avec les impératifs de protection qui s'imposent à chacun d'entre nous.
Le milieu de la montagne est un milieu fragile et la beauté des paysages qu'il offre est sans doute votre premier atout. Je veillerai donc à ce que les Préfets exercent leur mission de contrôle de légalité avec toute la vigilance qu'appelle le respect de tels paysages. La préservation de notre patrimoine naturel est un défi trop important pour être considéré comme autrement que prioritaire. Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 novembre 2006