Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Si vous permettez, chers collègues, parce que même si mes fonctions ne m'ont plus permis d'être maire, j'ai gardé des responsabilités au sein de la mairie de Saint-Jean-de-Luz, je veux vous dire d'abord combien je suis heureuse de vous retrouver, pour vous dire mes convictions quant à nos communes.
Pour les Français, je crois vraiment que la République a un visage et que c'est d'abord le vôtre. Les mots ont un sens. Je crois que pour chacun d'entre nous, la commune, c'est la première communauté politique dont on éprouve physiquement l'existence. C'est le territoire, géographique, bien entendu, mais aussi territoire symbolique sur lequel nous nous découvrons citoyens.
D'ailleurs, si on reprend des mots plus anciens, la communale des jeunes années, c'est bien le premier apprentissage de la citoyenneté. Et certains parfois ne mesurent pas suffisamment l'importance de la commune.
Ce que nous constatons tous les jours, c'est que les maires sont les élus dont les Français connaissent le mieux la personnalité ; à qui ils peuvent dire ce que sont leurs inquiétudes, leurs doutes ; à qui ils s'adressent pour résoudre leurs problèmes du quotidien, le problème de l'emploi - nous savons bien ce que cela représente dans nos communes -, le problème du logement. Parfois même aussi - je pense que vous avez la même expérience que nous - leurs problèmes personnels.
Je crois qu'en ce moment, il y a une conjonction un peu particulière. C'est celle où le président de la République, le premier ministre mais également de nombreux responsables politiques, moi-même, nous avons à notre actif une longue pratique de la gestion municipale. Et c'est pourquoi les problèmes que vous rencontrez au quotidien, les contraintes qui vous font râler comme elles m'ont fait râler, les difficultés, parfois les doutes, qui sont les vôtres, nous les connaissons parce que nous en avons fait l'expérience et que nous les comprenons.
Et c'est aussi la raison pour laquelle je souhaite que dans les mois et les années à venir, lorsque nous aurons à travailler ensemble, ce soit dans un climat, mon cher Jacques, de discussion libre mais surtout de grande confiance pour essayer ensemble de vous aider à accomplir des tâches dont je sais qu'elles ne sont pas toujours faciles, et surtout pour essayer de trouver avec vous les meilleures solutions pour répondre à l'attente de nos concitoyens.
Ces solutions, ce sont souvent des solutions de bons sens, des solutions pragmatiques, qui dépassent les clivages politiques.
Lorsque l'Association des Maires de France a été créée voilà un siècle, il s'agissait en fait pour les maires des plus grandes villes de se retrouver ensemble et d'unir leurs forces pour être, face à l'Etat central, capables de défendre leurs prérogatives.
Il est évident qu'aujourd'hui nous ne sommes plus dans cette configuration. Votre association rassemble la quasi-totalité des 36 600 maires des 36 600 communes et elle est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
Et c'est pour cela aussi que je souhaite que nos rapports reposent sur une confiance liée d'abord à un respect réciproque, liée aussi à la compréhension de besoins qui ne sont pas exactement les mêmes quand je vous regarde tous, liée enfin au souci que nous avons en commun de mieux servir nos compatriotes.
Comme le président de la République et le premier Ministre me l'ont demandé, je veillerai à ce que la commune puisse, au même titre que les autres collectivités, exercez ses compétences de manière plus libre, plus efficace et plus simple. Et je le ferai y compris, lorsque cela sera nécessaire, en impulsant des évolutions réglementaires voire, si c'est nécessaire, des évolutions législatives.
Je crois qu'il est important que les principes auxquels nous sommes tous attachés, qui doivent toujours être clairement réaffirmés, aillent de pair avec le pragmatisme nécessaire à leur mise en oeuvre.
L'Etat et les communes, je ne le répéterai jamais assez, sont des partenaires au service des citoyens. Quelle que soit sa taille, la commune est le partenaire indispensable de l'Etat dans cette tâche comme l'Etat, ne l'oubliez pas non plus, est un partenaire indispensable de la commune. Notre complémentarité est le gage de notre efficacité.
La clarté de cette complémentarité est, elle aussi, un gage d'efficacité. Et de ce point de vue, il y a sans doute beaucoup à dire. C'est vrai que l'objectif de la décentralisation, rapprocher la décision du citoyen, a été largement atteint. Pour autant, reconnaissons qu'à travers les évolutions et les transferts successifs de compétences de l'Etat aux différentes collectivités territoriales, on arrive à un état où souvent les élus comme les citoyens ont quelques difficultés à connaître qui fait quoi et qui est responsable de quoi.
Une enquête récente de l'Observatoire de la décentralisation fait apparaître une demande de stabilité et de lisibilité sur les transferts de compétence. Je pense, comme la grande majorité de ceux qui ont répondu à l'Observatoire, qu'il est temps de marquer une pause dans les transferts de compétence, d'en profiter pour évaluer ce qui a été fait jusqu'ici, de permettre à chacun de prendre ses marques dans le nouvel équilibre et, car il ne doit pas y avoir de tabou, le cas échéant, de revenir sur des dispositions qui se seraient révélées problématiques dans leur application.
La confiance, cela repose, c'est vrai, sur le dialogue, et un dialogue qui doit être sans tabou. Une fois que nous aurons mené cette réflexion ensemble, il sera sans doute nécessaire d'inscrire le partage des tâches et des responsabilités dans une loi organique à laquelle il sera possible alors à chacun de se référer ; une loi qui soit compréhensible par tous et par chacun de nos concitoyens. Ce qui est, je vous le concède, loin d'être le cas des lois et des règlements que nous produisons aujourd'hui.
Je pense qu'il est aussi nécessaire dans ces évaluations et dans notre action de prendre en compte la diversité des situations. C'est vrai que, qu'ils vivent dans une métropole ou dans un village, nos citoyens réclament et ont un droit égal à un service public de qualité. Il revient à l'Etat de veiller, c'est son rôle, à l'égalité de traitement mais en prenant compte les différences de situation et en sachant faire en sorte que l'action de ses agents soit complémentaire de l'action des agents des collectivités. Parce que l'égalité ne signifie pas forcément l'uniformité.
Oui, la diversité des situations doit être prise en compte.
Comment peut-on imaginer que le service public puisse être assuré selon les mêmes modalités dans une commune d'Outre-mer ou dans une ville de région parisienne ? Comment pourrait-il être assuré selon les mêmes modalités dans une zone de montagne que je connais bien ou dans un village de la Beauce ?
Il y a un certain nombre de réalités que parfois ceux qui écrivent les textes ne prennent pas suffisamment en compte. La décentralisation a permis aux villes les plus importantes, comme d'ailleurs aux départements et aux régions, de développer leur capacité d'initiative au service des habitants. Mais en revanche, on n'a pas suffisamment tenu compte des difficultés particulières des communes de taille modeste. Et ce que je constate de par mon expérience, à la fois dans le Sud-Ouest mais également dans d'autres région où je vais souvent et où j'ai des amis, c'est que l'autonomie accrue pour les petites communes s'est aussi traduite par de nouvelles servitudes, par des difficultés amplifiées et, reconnaissons-le, souvent par un écart grandissant avec les villes à moyens d'action financiers, matériels, humains sans commune proportion avec ce que l'on peut trouver dans un petit village.
Alors, c'est là que les services de l'Etat doivent jouer un rôle pour remédier à cette inégalité et pour essayer de faire en sorte que le citoyen où qu'il soit, dans la petite commune comme dans la grande commune, ait accès au service public avec la même qualité même si les modalités sont différentes.
Je pense aussi, en pensant cette fois-ci à ceux qui gèrent les petites communes, que nous devons assouplir certaines obligations réglementaires pour les communes de petite taille. Trop souvent on a le sentiment que les textes sont faits pour les grandes collectivités et pour les grandes villes. Je pense que lorsque l'on ne peut pas recourir à des réglementations différentes, il faut au minimum que les services de l'Etat apportent à ce moment-là aux petites communes un réel soutien juridique.
Vous savez, je suis juriste moi-même. Et je sais combien il est difficile aujourd'hui même de suivre le droit. Comment voulez-vous que dans une petite commune, on ait les moyens de savoir exactement quelle doit être l'interprétation à donner, si tant est d'ailleurs que les réglementations de deux ministères ne soient pas contradictoires les unes avec les autres ?
Oui, je crois que, d'une façon générale, la souplesse et le pragmatisme doivent être notre préoccupation permanente. Alors, ne nous interdisons rien en la matière. L'important, c'est que chaque situation particulière trouve une réponse adaptée, pragmatique et souvent de bon sens. Parce que le bon sens ne doit pas être écarté de la politique. Rappelons-nous toujours que nous sommes ensemble au service de nos concitoyens. Et la liberté des collectivités que je revendique pour vous doit se conjuguer au quotidien avec une coopération avec l'Etat.
Le domaine de la sécurité dont je suis en charge dans une de mes fonctions actuelles en est un bon exemple. Nous savons bien que le maire joue un rôle essentiel dans la sécurité, parce qu'il est au plus près du terrain, parce qu'il connaît les gens, parce qu'il sent ce qui est en train de se passer. Mais il est non moins indispensable qu'il travaille en bonne intelligence avec les services de police ou de gendarmerie concernés. L'action des conseils locaux de sécurité de prévention de la délinquance, à l''évidence, lorsqu'ils fonctionnent, ont contribué à faire reculer l'insécurité, à la grande satisfaction de nos concitoyens.
Je sais, par ailleurs, la méfiance qui existe parfois à l'égard des administrations ou de certaines d'entre elles, ce que l'on craint de leurs rajouts sur les réglementations existantes, sur les contraintes. Je crois sincèrement que les services de l'Etat ne sont là et ne doivent être là ni pour jouer les censeurs ni pour se muer en technocrates tatillons qui entravent l'action des maires ou qui grignotent sur leurs prérogatives.
Leur rôle et leur ambition, je leur répète régulièrement, doit être de vous aider à assurer vos missions au service de nos concitoyens. Et lorsqu'il y a des blocages, il faut trouver ensemble la façon de les dépasser. Je ne veux pas que l'on vous dise simplement « non », je veux que l'on vous dise « non, mais voilà comment on peut faire ». C'est comme cela que l'on fait avancer les choses.
Le constat d'aujourd'hui, c'est évident, je ne vais pas vous dire le contraire, c'est que des aménagements sont nécessaires pour rendre les relations entre vous-mêmes et les administrations plus fluides. Je m'y emploierai et je vous demande de vous y employer aussi. Je pense d'ailleurs qu'un certain nombre de nouvelles technologies peuvent nous aider à mieux recentrer nos relations sur l'amélioration concrète des grands dossiers que nous avons à gérer.
La dématérialisation doit simplifier et accélérer par exemple le contrôle de légalité. On ne peut pas rester en suspens pendant trop longtemps. Mais surtout ce contrôle de légalité, comme le président de la République l'a dit hier, doit être conçu comme un conseil, comme une aide à la décision, et non pas toujours comme une sanction ou une menace de sanction.
Je pense de ce point de vue que l'avènement de la société en réseau va nous permettre de repenser la relation entre le citoyen et les institutions, qu'elles soient locales ou nationales, et aussi des différentes institutions entre elles. C'est un moyen probablement de diminuer un peu cette trop grande différence qui existe dans les moyens de fonctionnement des grandes collectivités et des petites communes. Les pistes de réflexion sont nombreuses pour inventer ensemble les meilleurs moyens d'être au service de nos concitoyens. Je souhaite, Monsieur le Président, que nous puissions en parler ensemble.
Notre partenariat, pour reposer sur la confiance, suppose aussi des moyens qui soient adaptés et il implique, pour vous, un allègement des contraintes. Nous savons bien que les Français attendent de plus en plus de vous comme de nous. Et nous savons aussi que pour y répondre il nous faut des moyens adaptés à des missions de plus en plus complexes.
Ce que je veux, c'est que vos contraintes, que je connais, soient réduites au strict minimum. C'est impératif si l'on ne veut pas affronter un jour une crise des vocations. Et nous savons que quelques mois avant chaque élection municipale nous avons cette crainte.
Philippe SEGUIN, le président de la Cour des comptes mais surtout l'ancien maire d'Epinal, déclarait récemment : « On ne peut se lancer dans la carrière municipale que par ignorance ».
Il a certes toujours été un peu pessimiste, Philippe, mais sans aller jusque là, reconnaissons qu'un nombre croissant et souvent excessif de réglementations et de procédures finissent par décourager nos initiatives. Moi, je me souviens que, quand j'ai été élue maire la première fois en 1995, je réussissais à faire en l'espace de neuf mois ce qu'aujourd'hui je mets deux ans et demi à faire et pour un coût qui est le double. Et cela, c'est bien dû aussi à un certain nombre de réglementations.
Je crois que si le principe de précaution est une chose, l'asphyxie normative en est une autre.
Je souhaite donc que nous puissions mettre en place des dispositifs de concertation avec les collectivités territoriales où celle-ci puissent faire valoir leur point de vue avant l'adoption de nouveaux textes qui sont susceptibles d'avoir un impact. Je crois que c'est la moindre des choses que vous soyez informés.
Et que vous soyez aussi informés, parce que cela aussi m'est arrivé, des risques que de nouvelles normes peuvent faire peser sur la validité ou sur le coût des équipements que vous mettez en oeuvre. A combien d'entre nous n'est-il pas arrivé, un équipement sportif à peine terminé, de nous trouver face à de nouvelles normes - de sécurité ou autres - qui font que notre bâtiment n'est plus utilisable pour ce que nous voulions ou bien qu'il nous faut dépenser encore plusieurs centaines de milliers d'euros pour le mettre aux normes ? Eh bien, cela ne va pas.
Et c'est en partant de cette expérience que j'ai souhaité que nous créons effectivement une commission consultative sur l'évaluation des normes, que cette commission soit placée auprès du comité des finances locales et qu'elle puisse donner son avis chaque fois qu'il y a un texte changeant des normes et pouvant de ce fait entraîner un coût supplémentaire pour les communes.
Nous le ferons systématiquement pour les normes nationales. Il est probable que nous aurons un problème sur les normes européennes. Et donc je vous le dis, parce que la confiance, c'est aussi de vous dire, nous aurons à travailler ensemble sur ce point pour essayer d'anticiper.
Un autre domaine où il devra être possible de réduire les contraintes pesant sur les élus, c'est celui de la gestion des personnels.
Le statut de la fonction publique territoriale qui protège, et à juste titre, les agents qui servent nos collectivités, est parfaitement adapté aux grandes collectivités, aux régions, aux départements, aux villes d'une certaine taille.
Il pose d'énormes problèmes aux petites communes. Là encore, je crois qu'il est indispensable ensemble de prendre en compte leurs spécificité et d'essayer de trouver, là où il y a un certain nombre de difficultés et des blocages, des solutions qui à la fois confortent la sécurité des agents mais permettent aux petites communes aussi de faire face à certaines de leurs obligations.
J'entends aussi, par ailleurs, alléger les risques qui pèsent sur les élus dans un domaine qui, je le sais, vous tient à coeur, c'est celui de la responsabilité pénale.
Comment justifier qu'un maire puisse être traduit devant un tribunal correctionnel pour un accident qui est survenu le lendemain de son élection ? Comment tolérer aussi, et je le dis à cette période de l'année, dans un contexte de « juridicisation » croissante de la vie publique, que le droit soit parfois instrumentalisé à l'appui de rivalités politiques ? Il est anormal que des procédures permettent, quelques semaines ou quelques mois avant des élections, de mettre en cause des élus sur des bases pour le moins incertaines dans le seul but d'empêcher ou de gêner des élections futures.
A l'initiative du sénateur FAUCHON, la loi de juillet 2000 a contribué à limiter le champ de la responsabilité pénale en ce qui concerne les infractions non intentionnelles. Je m'en réjouis et je l'ai totalement soutenu. Mais qui ne voit qu'il y a encore des cas qui sont en décalage avec notre volonté, et qu'il est nécessaire d'aller plus loin pour certaines infractions aujourd'hui qualifiées d'intentionnelles par le législateur mais qui, dans la réalité de tous les jours, ne le sont pas forcément ?
Je ne dis pas qu'elles ne le soient pas du tout, je dis qu'elles ne le sont pas dans tous les cas. Je pense en particulier à la commande publique et à toutes ses règles qui sont extrêmement complexes. Je pense aussi à la responsabilité du chef de favoritisme ou de prise illégale d'intérêts qui ne correspondent pas forcément, dans tous les cas, à une intention frauduleuse.
En ce qui concerne le favoritisme, je souhaite un déclassement du délit en contravention pour les marchés inférieurs à 210 000 euros quand les élus sont de bonne foi ou quand il s'agit d'une simple erreur matérielle ou procédurale, parce qu'aujourd'hui il y a des cas de poursuite en correctionnelle pour des erreurs matérielles ou pour une simple méconnaissance de la procédure.
En ce qui concerne la prise illégale d'intérêt, je souhaite éviter qu'un maire puisse être condamné à l'occasion de l'octroi d'une subvention à une association communale, accordée en toute transparence par le conseil municipal, en l'absence de tout enrichissement personnel avéré.
Rachida DATI a d'ailleurs créé un groupe de travail consacré au droit pénal économique et à ses évolutions. J'ai demandé à être associée à ses réflexions pour que la responsabilité pénale des décideurs locaux y soit évoquée.
Les moyens d'action, ce sont aussi des moyens financiers. On atteint le coeur d'une de vos préoccupations, je le sais bien.
Beaucoup d'entre vous, et je dirai nous tous, nous avons le sentiment que nous devons faire face à de nouvelles missions trop souvent sans bénéficier de nouvelles ressources.
Et c'est vrai que les attentes des Français sont exponentielles et que les ressources financières des collectivités territoriales, comme de l'Etat, ne le sont pas.
Ce qui est important ici, pour nous tous, et pour vous d'abord, je le sais, c'est d'avoir de la visibilité, c'est d'avoir des perspectives, c'est de se dire que quand on met en oeuvre une politique, on aura dans la durée les moyens d'y faire face.
C'est aussi dans nos relations de comprendre les contraintes de l'autre. On ne le sait pas toujours, les collectivités locales reçoivent un quart des dépenses de l'Etat, 72 milliards d'euros.
Alors, bien sûr, quand l'Etat doit, pour tenir ses engagements internationaux pour préparer l'avenir, assainir sa situation financière, les collectivités sont appelées à participer naturellement à l'effort collectif.
En revanche, il y a une chose aussi que je sais, c'est qu'il faut du temps pour s'adapter. C'est bien la raison pour laquelle, alors que l'enveloppe globale aux collectivités était appelée à suivre les mêmes progressions que la dépense de l'Etat, c'est-à-dire être réduite au niveau de l'inflation, j'ai tenu à ce que, contrairement aux autres dépenses de l'Etat, la dotation globale de fonctionnement connaisse pour cette année encore une progression correspondant à ce qui se faisait les autres années, c'est-à-dire l'inflation majorée de 50 % du taux de croissance du PIB, autrement 2,08 %.
Parce que, et c'est ce que j'ai fait valoir, on ne peut pas à trois mois des échéances remettre en cause notamment ce qui concerne le fonctionnement, alors que cela touche en particulier la rémunération de nos personnels et un certain nombre d'actions qui sont en cours. Sur une augmentation de 817 millions d'euros, plus de la moitié de cette somme reviendra aux communes. Cela permettra aussi de maintenir l'effort de solidarité à travers la péréquation, et même de l'intensifier avec notamment la création d'un fonds de soutien aux collectivités victimes de catastrophes naturelles particulières. Parce que nous avons vu cet été dans un certain nombre de nos communes des catastrophes qui prennent des caractères tout à fait différents par rapport à ce que nous connaissons. Et c'est vrai qu'aujourd'hui les conditions de déclaration de catastrophes naturelles ne s'appliquaient pas systématiquement à elles, ce qui pose, bien entendu, de gros problèmes pour la remise en état notamment de nos équipements publics.
Voilà donc une action que j'ai souhaité mener en prenant en compte un certain nombre de contraintes qui sont les vôtres, même si vous aussi devez prendre en compte les contraintes de l'Etat. Mais je veux aussi veiller parallèlement à ce que l'on n'impose pas aux collectivités une norme de progression des dépenses, parce que c'était aussi le risque.
Je pense que les collectivités doivent garder leur liberté parce, sinon, nous serions en contradiction avec le principe de libre administration des communes ou des collectivités auquel je suis attachée. Mais je sais aussi que sur le long terme, vous avez besoin d'abord et avant tout de visibilité. La réforme de la fiscalité locale qui interviendra durant cette législature a bien ce but. Cela vous permettra de savoir sur quelles ressources compter et aussi dans un certain nombre de cas, juger vous-mêmes de ce que vous devez faire.
Elle vous permettra de développer vos outils propres pour attirer les investissements, pour limiter les charges pesant sur vos administrés.
Je souhaite que tout ceci, nous puissions le faire ensemble. Et le président de la République a rappelé hier ici même la mission qu'il m'a confiée en la matière, notamment la mission de trouver les principes de cette réforme en cherchant à le faire au maximum dans un consensus. Nous y arriverons en discutant, en nous comprenant les uns et les autres et en établissant une relation de confiance.
Le pragmatisme, la souplesse, la confiance, pour répondre aux attentes de nos populations, c'est aussi une intercommunalité bien comprise. Certes, dans un pays qui compte non seulement, si je ne me trompe, une centaine de fromages mais aussi quelques dizaines de milliers de clochers et, reconnaissons-le, parfois l'esprit du même nom, aucune commune n'entend renoncer à sa propre personnalité.
Et moi je vous le dis et j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la commune, c'est la collectivité du coeur, de cet attachement personnel et civique de nos concitoyens. Soyez assurés d'une chose : elle le restera.
Mais l'intercommunalité, c'est souvent un choix de raison. Le choix qui permet de faire à plusieurs ce que l'on ferait moins bien ou ce que l'on ne pourrait pas faire en étant tout seul. Et sur ce terrain aussi, je crois que c'est l'intérêt du citoyen qui doit vous guider, qui doit nous guider.
Il s'agit là encore de faire en sorte que ces regroupements ne soient pas un carcan. Je ne suis pas favorable au fait qu'il soit obligatoire parce que quand on fait rentrer de force quelqu'un dans l'intercommunalité, on se prépare des blocages.
Mais je crois qu'il faut convaincre que l'on répond mieux aux attentes en étant à plusieurs sur certaines choses. Et il faut aussi un cadre souple qui permette de répondre aux besoins concrets.
C'est comme cela que, par exemple - mais ce n'est qu'un exemple et nous aurons à en rediscuter ensemble - une commune, à mes yeux, devrait pouvoir s'associer avec différents partenaires en fonction des domaines concernés. Nous avons, je pense, beaucoup de domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble.
Voilà.
Mesdames et Messieurs, je pense que vous devez commencer à avoir faim. Vous avez travaillé tout ce matin, donc je ne voudrais pas abuser.
Je veux simplement en conclusion vous dire, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les élus, que dans la période de bouleversements que nous connaissons, dans cette mondialisation qui fait peur à nos concitoyens, où ils cherchent des repères, les liens anciens que sont les attachements locaux, les attachements au plus près, peuvent se conjuguer avec d'autres affiliations, mais ils doivent rester des liens forts et d'autant plus que le rapport au territoire se fait parfois plus mouvant.
La commune et son maire demeurent l'élément central de l'identité politique de nos concitoyens, je dirai même de leur identité personnelle propre. Nous le voyons depuis quelques années.
Nous avons besoin d'un enracinement. Et l'enracinement passe d'abord par nos communes. Contrairement à ce que prétendent les apôtres d'un monde sans frontière, la mondialisation ne fera certainement disparaître ni les villes ni les nations parce que ce sont des constructions humaines, sédimentées par des siècles d'histoire commune et parce que cela répond à une attente, à un besoin profond de l'individu.
Je crois aussi que le temps des décisions qui descendent du centre vers la périphérie est révolu. Et c'est là où l'on voit, dans toutes ces tendances contradictoires, combien est importante votre mission et en même temps combien elle est complexe.
Dans cette configuration nouvelle et pas facile, soyez convaincus que l'Etat n'est pas et ne sera pas votre adversaire : il est et il sera votre allié. Vous avez besoin de lui comme il a besoin de vous.
Au poste où je suis, je sais que je peux compter sur vous. Sachez que vous pouvez compter sur moi.
Je vous remercie.Source http://www.amf.asso.fr, le 28 novembre 2007
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Si vous permettez, chers collègues, parce que même si mes fonctions ne m'ont plus permis d'être maire, j'ai gardé des responsabilités au sein de la mairie de Saint-Jean-de-Luz, je veux vous dire d'abord combien je suis heureuse de vous retrouver, pour vous dire mes convictions quant à nos communes.
Pour les Français, je crois vraiment que la République a un visage et que c'est d'abord le vôtre. Les mots ont un sens. Je crois que pour chacun d'entre nous, la commune, c'est la première communauté politique dont on éprouve physiquement l'existence. C'est le territoire, géographique, bien entendu, mais aussi territoire symbolique sur lequel nous nous découvrons citoyens.
D'ailleurs, si on reprend des mots plus anciens, la communale des jeunes années, c'est bien le premier apprentissage de la citoyenneté. Et certains parfois ne mesurent pas suffisamment l'importance de la commune.
Ce que nous constatons tous les jours, c'est que les maires sont les élus dont les Français connaissent le mieux la personnalité ; à qui ils peuvent dire ce que sont leurs inquiétudes, leurs doutes ; à qui ils s'adressent pour résoudre leurs problèmes du quotidien, le problème de l'emploi - nous savons bien ce que cela représente dans nos communes -, le problème du logement. Parfois même aussi - je pense que vous avez la même expérience que nous - leurs problèmes personnels.
Je crois qu'en ce moment, il y a une conjonction un peu particulière. C'est celle où le président de la République, le premier ministre mais également de nombreux responsables politiques, moi-même, nous avons à notre actif une longue pratique de la gestion municipale. Et c'est pourquoi les problèmes que vous rencontrez au quotidien, les contraintes qui vous font râler comme elles m'ont fait râler, les difficultés, parfois les doutes, qui sont les vôtres, nous les connaissons parce que nous en avons fait l'expérience et que nous les comprenons.
Et c'est aussi la raison pour laquelle je souhaite que dans les mois et les années à venir, lorsque nous aurons à travailler ensemble, ce soit dans un climat, mon cher Jacques, de discussion libre mais surtout de grande confiance pour essayer ensemble de vous aider à accomplir des tâches dont je sais qu'elles ne sont pas toujours faciles, et surtout pour essayer de trouver avec vous les meilleures solutions pour répondre à l'attente de nos concitoyens.
Ces solutions, ce sont souvent des solutions de bons sens, des solutions pragmatiques, qui dépassent les clivages politiques.
Lorsque l'Association des Maires de France a été créée voilà un siècle, il s'agissait en fait pour les maires des plus grandes villes de se retrouver ensemble et d'unir leurs forces pour être, face à l'Etat central, capables de défendre leurs prérogatives.
Il est évident qu'aujourd'hui nous ne sommes plus dans cette configuration. Votre association rassemble la quasi-totalité des 36 600 maires des 36 600 communes et elle est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
Et c'est pour cela aussi que je souhaite que nos rapports reposent sur une confiance liée d'abord à un respect réciproque, liée aussi à la compréhension de besoins qui ne sont pas exactement les mêmes quand je vous regarde tous, liée enfin au souci que nous avons en commun de mieux servir nos compatriotes.
Comme le président de la République et le premier Ministre me l'ont demandé, je veillerai à ce que la commune puisse, au même titre que les autres collectivités, exercez ses compétences de manière plus libre, plus efficace et plus simple. Et je le ferai y compris, lorsque cela sera nécessaire, en impulsant des évolutions réglementaires voire, si c'est nécessaire, des évolutions législatives.
Je crois qu'il est important que les principes auxquels nous sommes tous attachés, qui doivent toujours être clairement réaffirmés, aillent de pair avec le pragmatisme nécessaire à leur mise en oeuvre.
L'Etat et les communes, je ne le répéterai jamais assez, sont des partenaires au service des citoyens. Quelle que soit sa taille, la commune est le partenaire indispensable de l'Etat dans cette tâche comme l'Etat, ne l'oubliez pas non plus, est un partenaire indispensable de la commune. Notre complémentarité est le gage de notre efficacité.
La clarté de cette complémentarité est, elle aussi, un gage d'efficacité. Et de ce point de vue, il y a sans doute beaucoup à dire. C'est vrai que l'objectif de la décentralisation, rapprocher la décision du citoyen, a été largement atteint. Pour autant, reconnaissons qu'à travers les évolutions et les transferts successifs de compétences de l'Etat aux différentes collectivités territoriales, on arrive à un état où souvent les élus comme les citoyens ont quelques difficultés à connaître qui fait quoi et qui est responsable de quoi.
Une enquête récente de l'Observatoire de la décentralisation fait apparaître une demande de stabilité et de lisibilité sur les transferts de compétence. Je pense, comme la grande majorité de ceux qui ont répondu à l'Observatoire, qu'il est temps de marquer une pause dans les transferts de compétence, d'en profiter pour évaluer ce qui a été fait jusqu'ici, de permettre à chacun de prendre ses marques dans le nouvel équilibre et, car il ne doit pas y avoir de tabou, le cas échéant, de revenir sur des dispositions qui se seraient révélées problématiques dans leur application.
La confiance, cela repose, c'est vrai, sur le dialogue, et un dialogue qui doit être sans tabou. Une fois que nous aurons mené cette réflexion ensemble, il sera sans doute nécessaire d'inscrire le partage des tâches et des responsabilités dans une loi organique à laquelle il sera possible alors à chacun de se référer ; une loi qui soit compréhensible par tous et par chacun de nos concitoyens. Ce qui est, je vous le concède, loin d'être le cas des lois et des règlements que nous produisons aujourd'hui.
Je pense qu'il est aussi nécessaire dans ces évaluations et dans notre action de prendre en compte la diversité des situations. C'est vrai que, qu'ils vivent dans une métropole ou dans un village, nos citoyens réclament et ont un droit égal à un service public de qualité. Il revient à l'Etat de veiller, c'est son rôle, à l'égalité de traitement mais en prenant compte les différences de situation et en sachant faire en sorte que l'action de ses agents soit complémentaire de l'action des agents des collectivités. Parce que l'égalité ne signifie pas forcément l'uniformité.
Oui, la diversité des situations doit être prise en compte.
Comment peut-on imaginer que le service public puisse être assuré selon les mêmes modalités dans une commune d'Outre-mer ou dans une ville de région parisienne ? Comment pourrait-il être assuré selon les mêmes modalités dans une zone de montagne que je connais bien ou dans un village de la Beauce ?
Il y a un certain nombre de réalités que parfois ceux qui écrivent les textes ne prennent pas suffisamment en compte. La décentralisation a permis aux villes les plus importantes, comme d'ailleurs aux départements et aux régions, de développer leur capacité d'initiative au service des habitants. Mais en revanche, on n'a pas suffisamment tenu compte des difficultés particulières des communes de taille modeste. Et ce que je constate de par mon expérience, à la fois dans le Sud-Ouest mais également dans d'autres région où je vais souvent et où j'ai des amis, c'est que l'autonomie accrue pour les petites communes s'est aussi traduite par de nouvelles servitudes, par des difficultés amplifiées et, reconnaissons-le, souvent par un écart grandissant avec les villes à moyens d'action financiers, matériels, humains sans commune proportion avec ce que l'on peut trouver dans un petit village.
Alors, c'est là que les services de l'Etat doivent jouer un rôle pour remédier à cette inégalité et pour essayer de faire en sorte que le citoyen où qu'il soit, dans la petite commune comme dans la grande commune, ait accès au service public avec la même qualité même si les modalités sont différentes.
Je pense aussi, en pensant cette fois-ci à ceux qui gèrent les petites communes, que nous devons assouplir certaines obligations réglementaires pour les communes de petite taille. Trop souvent on a le sentiment que les textes sont faits pour les grandes collectivités et pour les grandes villes. Je pense que lorsque l'on ne peut pas recourir à des réglementations différentes, il faut au minimum que les services de l'Etat apportent à ce moment-là aux petites communes un réel soutien juridique.
Vous savez, je suis juriste moi-même. Et je sais combien il est difficile aujourd'hui même de suivre le droit. Comment voulez-vous que dans une petite commune, on ait les moyens de savoir exactement quelle doit être l'interprétation à donner, si tant est d'ailleurs que les réglementations de deux ministères ne soient pas contradictoires les unes avec les autres ?
Oui, je crois que, d'une façon générale, la souplesse et le pragmatisme doivent être notre préoccupation permanente. Alors, ne nous interdisons rien en la matière. L'important, c'est que chaque situation particulière trouve une réponse adaptée, pragmatique et souvent de bon sens. Parce que le bon sens ne doit pas être écarté de la politique. Rappelons-nous toujours que nous sommes ensemble au service de nos concitoyens. Et la liberté des collectivités que je revendique pour vous doit se conjuguer au quotidien avec une coopération avec l'Etat.
Le domaine de la sécurité dont je suis en charge dans une de mes fonctions actuelles en est un bon exemple. Nous savons bien que le maire joue un rôle essentiel dans la sécurité, parce qu'il est au plus près du terrain, parce qu'il connaît les gens, parce qu'il sent ce qui est en train de se passer. Mais il est non moins indispensable qu'il travaille en bonne intelligence avec les services de police ou de gendarmerie concernés. L'action des conseils locaux de sécurité de prévention de la délinquance, à l''évidence, lorsqu'ils fonctionnent, ont contribué à faire reculer l'insécurité, à la grande satisfaction de nos concitoyens.
Je sais, par ailleurs, la méfiance qui existe parfois à l'égard des administrations ou de certaines d'entre elles, ce que l'on craint de leurs rajouts sur les réglementations existantes, sur les contraintes. Je crois sincèrement que les services de l'Etat ne sont là et ne doivent être là ni pour jouer les censeurs ni pour se muer en technocrates tatillons qui entravent l'action des maires ou qui grignotent sur leurs prérogatives.
Leur rôle et leur ambition, je leur répète régulièrement, doit être de vous aider à assurer vos missions au service de nos concitoyens. Et lorsqu'il y a des blocages, il faut trouver ensemble la façon de les dépasser. Je ne veux pas que l'on vous dise simplement « non », je veux que l'on vous dise « non, mais voilà comment on peut faire ». C'est comme cela que l'on fait avancer les choses.
Le constat d'aujourd'hui, c'est évident, je ne vais pas vous dire le contraire, c'est que des aménagements sont nécessaires pour rendre les relations entre vous-mêmes et les administrations plus fluides. Je m'y emploierai et je vous demande de vous y employer aussi. Je pense d'ailleurs qu'un certain nombre de nouvelles technologies peuvent nous aider à mieux recentrer nos relations sur l'amélioration concrète des grands dossiers que nous avons à gérer.
La dématérialisation doit simplifier et accélérer par exemple le contrôle de légalité. On ne peut pas rester en suspens pendant trop longtemps. Mais surtout ce contrôle de légalité, comme le président de la République l'a dit hier, doit être conçu comme un conseil, comme une aide à la décision, et non pas toujours comme une sanction ou une menace de sanction.
Je pense de ce point de vue que l'avènement de la société en réseau va nous permettre de repenser la relation entre le citoyen et les institutions, qu'elles soient locales ou nationales, et aussi des différentes institutions entre elles. C'est un moyen probablement de diminuer un peu cette trop grande différence qui existe dans les moyens de fonctionnement des grandes collectivités et des petites communes. Les pistes de réflexion sont nombreuses pour inventer ensemble les meilleurs moyens d'être au service de nos concitoyens. Je souhaite, Monsieur le Président, que nous puissions en parler ensemble.
Notre partenariat, pour reposer sur la confiance, suppose aussi des moyens qui soient adaptés et il implique, pour vous, un allègement des contraintes. Nous savons bien que les Français attendent de plus en plus de vous comme de nous. Et nous savons aussi que pour y répondre il nous faut des moyens adaptés à des missions de plus en plus complexes.
Ce que je veux, c'est que vos contraintes, que je connais, soient réduites au strict minimum. C'est impératif si l'on ne veut pas affronter un jour une crise des vocations. Et nous savons que quelques mois avant chaque élection municipale nous avons cette crainte.
Philippe SEGUIN, le président de la Cour des comptes mais surtout l'ancien maire d'Epinal, déclarait récemment : « On ne peut se lancer dans la carrière municipale que par ignorance ».
Il a certes toujours été un peu pessimiste, Philippe, mais sans aller jusque là, reconnaissons qu'un nombre croissant et souvent excessif de réglementations et de procédures finissent par décourager nos initiatives. Moi, je me souviens que, quand j'ai été élue maire la première fois en 1995, je réussissais à faire en l'espace de neuf mois ce qu'aujourd'hui je mets deux ans et demi à faire et pour un coût qui est le double. Et cela, c'est bien dû aussi à un certain nombre de réglementations.
Je crois que si le principe de précaution est une chose, l'asphyxie normative en est une autre.
Je souhaite donc que nous puissions mettre en place des dispositifs de concertation avec les collectivités territoriales où celle-ci puissent faire valoir leur point de vue avant l'adoption de nouveaux textes qui sont susceptibles d'avoir un impact. Je crois que c'est la moindre des choses que vous soyez informés.
Et que vous soyez aussi informés, parce que cela aussi m'est arrivé, des risques que de nouvelles normes peuvent faire peser sur la validité ou sur le coût des équipements que vous mettez en oeuvre. A combien d'entre nous n'est-il pas arrivé, un équipement sportif à peine terminé, de nous trouver face à de nouvelles normes - de sécurité ou autres - qui font que notre bâtiment n'est plus utilisable pour ce que nous voulions ou bien qu'il nous faut dépenser encore plusieurs centaines de milliers d'euros pour le mettre aux normes ? Eh bien, cela ne va pas.
Et c'est en partant de cette expérience que j'ai souhaité que nous créons effectivement une commission consultative sur l'évaluation des normes, que cette commission soit placée auprès du comité des finances locales et qu'elle puisse donner son avis chaque fois qu'il y a un texte changeant des normes et pouvant de ce fait entraîner un coût supplémentaire pour les communes.
Nous le ferons systématiquement pour les normes nationales. Il est probable que nous aurons un problème sur les normes européennes. Et donc je vous le dis, parce que la confiance, c'est aussi de vous dire, nous aurons à travailler ensemble sur ce point pour essayer d'anticiper.
Un autre domaine où il devra être possible de réduire les contraintes pesant sur les élus, c'est celui de la gestion des personnels.
Le statut de la fonction publique territoriale qui protège, et à juste titre, les agents qui servent nos collectivités, est parfaitement adapté aux grandes collectivités, aux régions, aux départements, aux villes d'une certaine taille.
Il pose d'énormes problèmes aux petites communes. Là encore, je crois qu'il est indispensable ensemble de prendre en compte leurs spécificité et d'essayer de trouver, là où il y a un certain nombre de difficultés et des blocages, des solutions qui à la fois confortent la sécurité des agents mais permettent aux petites communes aussi de faire face à certaines de leurs obligations.
J'entends aussi, par ailleurs, alléger les risques qui pèsent sur les élus dans un domaine qui, je le sais, vous tient à coeur, c'est celui de la responsabilité pénale.
Comment justifier qu'un maire puisse être traduit devant un tribunal correctionnel pour un accident qui est survenu le lendemain de son élection ? Comment tolérer aussi, et je le dis à cette période de l'année, dans un contexte de « juridicisation » croissante de la vie publique, que le droit soit parfois instrumentalisé à l'appui de rivalités politiques ? Il est anormal que des procédures permettent, quelques semaines ou quelques mois avant des élections, de mettre en cause des élus sur des bases pour le moins incertaines dans le seul but d'empêcher ou de gêner des élections futures.
A l'initiative du sénateur FAUCHON, la loi de juillet 2000 a contribué à limiter le champ de la responsabilité pénale en ce qui concerne les infractions non intentionnelles. Je m'en réjouis et je l'ai totalement soutenu. Mais qui ne voit qu'il y a encore des cas qui sont en décalage avec notre volonté, et qu'il est nécessaire d'aller plus loin pour certaines infractions aujourd'hui qualifiées d'intentionnelles par le législateur mais qui, dans la réalité de tous les jours, ne le sont pas forcément ?
Je ne dis pas qu'elles ne le soient pas du tout, je dis qu'elles ne le sont pas dans tous les cas. Je pense en particulier à la commande publique et à toutes ses règles qui sont extrêmement complexes. Je pense aussi à la responsabilité du chef de favoritisme ou de prise illégale d'intérêts qui ne correspondent pas forcément, dans tous les cas, à une intention frauduleuse.
En ce qui concerne le favoritisme, je souhaite un déclassement du délit en contravention pour les marchés inférieurs à 210 000 euros quand les élus sont de bonne foi ou quand il s'agit d'une simple erreur matérielle ou procédurale, parce qu'aujourd'hui il y a des cas de poursuite en correctionnelle pour des erreurs matérielles ou pour une simple méconnaissance de la procédure.
En ce qui concerne la prise illégale d'intérêt, je souhaite éviter qu'un maire puisse être condamné à l'occasion de l'octroi d'une subvention à une association communale, accordée en toute transparence par le conseil municipal, en l'absence de tout enrichissement personnel avéré.
Rachida DATI a d'ailleurs créé un groupe de travail consacré au droit pénal économique et à ses évolutions. J'ai demandé à être associée à ses réflexions pour que la responsabilité pénale des décideurs locaux y soit évoquée.
Les moyens d'action, ce sont aussi des moyens financiers. On atteint le coeur d'une de vos préoccupations, je le sais bien.
Beaucoup d'entre vous, et je dirai nous tous, nous avons le sentiment que nous devons faire face à de nouvelles missions trop souvent sans bénéficier de nouvelles ressources.
Et c'est vrai que les attentes des Français sont exponentielles et que les ressources financières des collectivités territoriales, comme de l'Etat, ne le sont pas.
Ce qui est important ici, pour nous tous, et pour vous d'abord, je le sais, c'est d'avoir de la visibilité, c'est d'avoir des perspectives, c'est de se dire que quand on met en oeuvre une politique, on aura dans la durée les moyens d'y faire face.
C'est aussi dans nos relations de comprendre les contraintes de l'autre. On ne le sait pas toujours, les collectivités locales reçoivent un quart des dépenses de l'Etat, 72 milliards d'euros.
Alors, bien sûr, quand l'Etat doit, pour tenir ses engagements internationaux pour préparer l'avenir, assainir sa situation financière, les collectivités sont appelées à participer naturellement à l'effort collectif.
En revanche, il y a une chose aussi que je sais, c'est qu'il faut du temps pour s'adapter. C'est bien la raison pour laquelle, alors que l'enveloppe globale aux collectivités était appelée à suivre les mêmes progressions que la dépense de l'Etat, c'est-à-dire être réduite au niveau de l'inflation, j'ai tenu à ce que, contrairement aux autres dépenses de l'Etat, la dotation globale de fonctionnement connaisse pour cette année encore une progression correspondant à ce qui se faisait les autres années, c'est-à-dire l'inflation majorée de 50 % du taux de croissance du PIB, autrement 2,08 %.
Parce que, et c'est ce que j'ai fait valoir, on ne peut pas à trois mois des échéances remettre en cause notamment ce qui concerne le fonctionnement, alors que cela touche en particulier la rémunération de nos personnels et un certain nombre d'actions qui sont en cours. Sur une augmentation de 817 millions d'euros, plus de la moitié de cette somme reviendra aux communes. Cela permettra aussi de maintenir l'effort de solidarité à travers la péréquation, et même de l'intensifier avec notamment la création d'un fonds de soutien aux collectivités victimes de catastrophes naturelles particulières. Parce que nous avons vu cet été dans un certain nombre de nos communes des catastrophes qui prennent des caractères tout à fait différents par rapport à ce que nous connaissons. Et c'est vrai qu'aujourd'hui les conditions de déclaration de catastrophes naturelles ne s'appliquaient pas systématiquement à elles, ce qui pose, bien entendu, de gros problèmes pour la remise en état notamment de nos équipements publics.
Voilà donc une action que j'ai souhaité mener en prenant en compte un certain nombre de contraintes qui sont les vôtres, même si vous aussi devez prendre en compte les contraintes de l'Etat. Mais je veux aussi veiller parallèlement à ce que l'on n'impose pas aux collectivités une norme de progression des dépenses, parce que c'était aussi le risque.
Je pense que les collectivités doivent garder leur liberté parce, sinon, nous serions en contradiction avec le principe de libre administration des communes ou des collectivités auquel je suis attachée. Mais je sais aussi que sur le long terme, vous avez besoin d'abord et avant tout de visibilité. La réforme de la fiscalité locale qui interviendra durant cette législature a bien ce but. Cela vous permettra de savoir sur quelles ressources compter et aussi dans un certain nombre de cas, juger vous-mêmes de ce que vous devez faire.
Elle vous permettra de développer vos outils propres pour attirer les investissements, pour limiter les charges pesant sur vos administrés.
Je souhaite que tout ceci, nous puissions le faire ensemble. Et le président de la République a rappelé hier ici même la mission qu'il m'a confiée en la matière, notamment la mission de trouver les principes de cette réforme en cherchant à le faire au maximum dans un consensus. Nous y arriverons en discutant, en nous comprenant les uns et les autres et en établissant une relation de confiance.
Le pragmatisme, la souplesse, la confiance, pour répondre aux attentes de nos populations, c'est aussi une intercommunalité bien comprise. Certes, dans un pays qui compte non seulement, si je ne me trompe, une centaine de fromages mais aussi quelques dizaines de milliers de clochers et, reconnaissons-le, parfois l'esprit du même nom, aucune commune n'entend renoncer à sa propre personnalité.
Et moi je vous le dis et j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la commune, c'est la collectivité du coeur, de cet attachement personnel et civique de nos concitoyens. Soyez assurés d'une chose : elle le restera.
Mais l'intercommunalité, c'est souvent un choix de raison. Le choix qui permet de faire à plusieurs ce que l'on ferait moins bien ou ce que l'on ne pourrait pas faire en étant tout seul. Et sur ce terrain aussi, je crois que c'est l'intérêt du citoyen qui doit vous guider, qui doit nous guider.
Il s'agit là encore de faire en sorte que ces regroupements ne soient pas un carcan. Je ne suis pas favorable au fait qu'il soit obligatoire parce que quand on fait rentrer de force quelqu'un dans l'intercommunalité, on se prépare des blocages.
Mais je crois qu'il faut convaincre que l'on répond mieux aux attentes en étant à plusieurs sur certaines choses. Et il faut aussi un cadre souple qui permette de répondre aux besoins concrets.
C'est comme cela que, par exemple - mais ce n'est qu'un exemple et nous aurons à en rediscuter ensemble - une commune, à mes yeux, devrait pouvoir s'associer avec différents partenaires en fonction des domaines concernés. Nous avons, je pense, beaucoup de domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble.
Voilà.
Mesdames et Messieurs, je pense que vous devez commencer à avoir faim. Vous avez travaillé tout ce matin, donc je ne voudrais pas abuser.
Je veux simplement en conclusion vous dire, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les élus, que dans la période de bouleversements que nous connaissons, dans cette mondialisation qui fait peur à nos concitoyens, où ils cherchent des repères, les liens anciens que sont les attachements locaux, les attachements au plus près, peuvent se conjuguer avec d'autres affiliations, mais ils doivent rester des liens forts et d'autant plus que le rapport au territoire se fait parfois plus mouvant.
La commune et son maire demeurent l'élément central de l'identité politique de nos concitoyens, je dirai même de leur identité personnelle propre. Nous le voyons depuis quelques années.
Nous avons besoin d'un enracinement. Et l'enracinement passe d'abord par nos communes. Contrairement à ce que prétendent les apôtres d'un monde sans frontière, la mondialisation ne fera certainement disparaître ni les villes ni les nations parce que ce sont des constructions humaines, sédimentées par des siècles d'histoire commune et parce que cela répond à une attente, à un besoin profond de l'individu.
Je crois aussi que le temps des décisions qui descendent du centre vers la périphérie est révolu. Et c'est là où l'on voit, dans toutes ces tendances contradictoires, combien est importante votre mission et en même temps combien elle est complexe.
Dans cette configuration nouvelle et pas facile, soyez convaincus que l'Etat n'est pas et ne sera pas votre adversaire : il est et il sera votre allié. Vous avez besoin de lui comme il a besoin de vous.
Au poste où je suis, je sais que je peux compter sur vous. Sachez que vous pouvez compter sur moi.
Je vous remercie.Source http://www.amf.asso.fr, le 28 novembre 2007