Texte intégral
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Je tiens, tout d'abord, à remercier les deux présidents des commissions
des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat français, Jean-Luc
WARSMANN et Jean-Jacques HYEST, de m'avoir permis de m'exprimer devant
vous, ce matin.
Je profite naturellement de cette occasion pour saluer aussi quelques
personnalités que je connais bien, pour qui j'ai de l'estime, et avec
lesquels je travaille en étroite collaboration dans le cadre de la
présidence française de l'Union européenne : Jacques BARROT, vice-
président de la commission européenne et Commissaire en charge des
questions qui nous réunissent aujourd'hui, mais aussi Gérard DEPREZ, le
président de la Commission LIBE au Parlement européen.
Vous m'avez demandé de m'exprimer sur le bilan et les perspectives d'
avenir de FRONTEX, l'agence européenne pour la gestion de la
coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres
de l'Union.
Si ce point d'étape me paraît essentiel, je crois qu'au-delà de l'
activité et de l'avenir de FRONTEX, se dessine, plus globalement, un
enjeu fondamental : celui du contrôle aux frontières extérieures de l'
Union européenne.
La sécurisation de nos frontières nécessite à l'évidence l'utilisation
d'un outil opérationnel qu'est FRONTEX. Elle passe aussi, aujourd'hui,
par la mise en cohérence des réglementations nationales et par une plus
grande concertation avec les pays sources d'immigration.
La sécurité de l'Europe passe donc par l'harmonisation d'une part, la
concertation d'autre part. La création de l'outil opérationnel qu'est
FRONTEX a constitué une étape essentielle dans le contrôle des
frontières de l'Europe, mais cet outil ne peut démontrer tout son
intérêt et toute son efficacité sans cette harmonisation et cette
concertation.
Dans quelle mesure la sécurisation des frontières constitue-t-elle
véritablement aujourd'hui un défi ? Concrètement, où en sommes-nous de
l'agence FRONTEX et que faisons-nous pour l'améliorer ? Plus largement,
que proposons-nous aujourd'hui pour rendre plus efficace le contrôle
des frontières de l'Union ?
Je voudrais tenter, ce matin, d'apporter une réponse à chacune de ces
questions.
I. L'un des enjeux fondamentaux pour l'ensemble de l'Union européenne
est, aujourd'hui, celui de la sécurisation de ses frontières
extérieures.
Très vite après ma prise de mes fonctions comme ministre en charge de
l'immigration, j'ai pu me rendre compte, sur le terrain, de la
nécessité de répondre à ce défi. Je me suis, en effet, rendu à Toulon,
le 3 juin 2007, afin de recueillir les corps de 18 malheureux
immigrants clandestins noyés au large de Malte, et qui avaient été
recueillis par une frégate de la marine française, « la Motte-Picquet
». Le parcours de ces migrants, venus d'Afrique, s'était achevé dans la
tragédie, parce qu'ils avaient croisé le chemin d'un passeur leur
proposant une embarcation vers la mort.
En me recueillant sur ces dépouilles, en voyant le visage défait de
ceux qui avaient repêché les corps, en imaginant le calvaire qu'avaient
pu vivre, en pleine mer et pendant plusieurs jours, ces hommes et ces
femmes, j'ai mieux perçu combien les premières victimes de l'
immigration clandestine étaient, avant tout, les clandestins eux-mêmes.
En 2007, ce sont, au total, au moins 1 800 clandestins qui sont morts
alors que, victimes de filières et de réseaux, ils tentaient de
rejoindre l'Europe qu'on leur avait présentée comme un Eldorado.
Bien entendu, la pression de l'immigration clandestine sur l'Europe ne
se manifeste pas de la même manière d'un pays à l'autre. Elle se fait
beaucoup plus forte dans les pays du Sud et de l'Est de l'Union
européenne. Trois exemples de pays dans lesquels je me suis récemment
rendu permettent de mesurer l'ampleur du phénomène.
Je pense, tout d'abord, à la Grèce qui, avec 1 250 km de frontières
balkaniques et 16 000 km de côtes, possède la plus grande et la plus
poreuse frontière extérieure de l'Union européenne. J'en veux pour
preuve l'explosion du nombre de migrants interpellés en mer et le
doublement du nombre de demandeurs d'asile, ces deux dernières années.
En me rendant sur l'ile de Samos, qui se situe à 800 mètres des côtes
turques, j'ai vu à quel point il était nécessaire, dans certains
endroits plus que d'autres, d'assurer un contrôle strict des
frontières.
Je pense aussi à l'ile de Malte, qui est soumise à l'intensification de
l'immigration irrégulière en provenance notamment de la Corne de l'
Afrique. A partir de 2002, Malte a dû faire face à une immigration
importante pour une population de 407 700 habitants, une surface de 316
km², ce qui en fait un des pays à la densité la plus élevée au monde (1
290 hab/km²). Le flux migratoire annuel tourne autour de 1 500 à 1 700
immigrants par an.
Je pense, enfin, à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. Sur les
1 580 kilomètres de frontière terrestre que constituent la Pologne, 535
kilomètres sont communes avec l'Ukraine. Cette frontière doit être
véritablement sécurisée dans la mesure où elle constitue un véritable
lieu de circulation : en effet, entre 2005 et 2007, le trafic de poids
lourds y a été augmenté de 50%, celui de marchandises de 100%, et le
trafic aérien de 160%.
Que ces chiffres signifient-ils ? Si l'idée d'Europe est, avant tout,
animée par une volonté de libre circulation et de libre échange non
seulement pour les biens mais aussi pour les personnes, nous savons,
aujourd'hui, à quel point il est nécessaire d'améliorer l'efficacité
des contrôles aux frontières extérieures de l'Union. S'il s'agit là d'
un service à rendre aux immigrés clandestins, c'est, je crois aussi,
une attente forte de nos concitoyens partout en Europe.
II. La première étape décisive a été la création de l'agence FRONTEX,
dont les moyens et les pouvoirs ont progressé mais doivent encore être
considérablement accrus.
A la suite du Conseil européen de Séville, en 2002, les États membres
de l'Union ont décidé de se doter de moyens nécessaires pour assurer
une gestion intégrée des frontières extérieures de l'Union européenne.
Après une première étape qui fut celle d'une instance commune
réunissant des hauts fonctionnaires de services en charge du contrôle
des frontières au sein des États membres, la Commission européenne
proposa la création d'une agence dédiée à améliorer la gestion intégrée
des frontières extérieures des États membres de l'Union, c'est-à-dire
les frontières terrestres, maritimes, mais aussi les aéroports et ports
maritimes.
Ainsi, pour la première fois, l'Union européenne se dotait d'un outil
ayant une vocation opérationnelle affirmée en matière de lutte contre
l'immigration irrégulière. Il n'est guère que dans le domaine de la
défense - je pense à l'Eurocorps - que l'on pouvait trouver un
précédent. Cette agence, l'agence FRONTEX, fut créée par un règlement
européen le 26 octobre 2004.
Peu à peu, les moyens de l'agence se sont étoffés.
Des moyens budgétaires, tout d'abord.
Le budget total (budget de fonctionnement et opérationnel) de l'agence
a, en effet, plus que décuplé en trois ans, passant de 6,28 millions
d'euros en 2005 à 70 millions d'euros en 2008.
A ce budget propre à FRONTEX s'ajoute le Fonds frontières extérieures,
au montant élevé : 1,82 milliard d'euros pour la période 2007/2013,
répartis entre les États membres pour appuyer des actions nationales de
contrôle ainsi que des actions transnationales ou d'intérêt
communautaire.
Des ressources humaines, ensuite. Si le personnel de l'agence était de
132 personnes au 31 décembre 1997, ses effectifs, qui sont aujourd'hui
de 176 personnes, devraient atteindre 200 personnes à la fin de l'année
2008.
J'observe aussi que la contribution de la France n'a pas été
négligeable dans le cadre de l'activité de FRONTEX, notamment lors des
différentes opérations entreprises cet été.
Durant ces derniers mois, la France a participé à plusieurs opérations
mises en place sous l'égide de l'agence.
Durant l'opération « POSEIDON 2008 » qui a débuté en Grèce le 5 mai
dernier, la France a mobilisé, certes, des fonctionnaires pour le volet
terrestre de l'opération mais aussi, pour la première fois, un navire
et ce, pendant deux semaines. Le Luxembourg et la Finlande ont, par
exemple, envoyé, quant à eux, un avion chacun lors de cette même
opération.
Lors de l'opération « NAUTILUS 2008 » visant, cette fois-ci, à gérer
les flux de migrants venus de Libye jusqu'à l'île de Lampedusa et
Malte, la France a affecté un navire, un avion et des fonctionnaires à
Malte et à Lampedusa. La contribution française à cette opération n'a
pas été négligeable puisqu'en plus de la France, seuls l'Italie, le
Luxembourg et Malte ont aussi mobilisé des avions.
Enfin, pendant l'opération « HERMES 2008 » qui s'est déroulée cet été
en Sardaigne, la France a mobilisé non seulement des fonctionnaires,
mais aussi un avion de surveillance. Mon pays a alors été le seul d'
Europe à le faire.
Après la visite du siège de FRONTEX que j'avais effectuée, en mars
dernier à Varsovie, je rencontrerai le conseil d'administration de
FRONTEX qui se réunira à Tours, les 19 et 20 novembre prochains. Ce
sera une opportunité pour examiner les voies et moyens du renforcement
de l'action de FRONTEX et de la contribution des différents pays au
plan opérationnel - y compris, bien entendu, celle de la France.
Afin de préparer au mieux cette rencontre, mais aussi tirer les
expériences de l'été et recueillir l'avis de l'agence sur son avenir,
le nouveau président du conseil d'administration de l'agence, le
général autrichien Robert STRONDL, sera reçu le mois prochain par mon
directeur de cabinet ainsi que par le secrétaire général du ministère.
Une chose est certaine : nos pays doivent contribuer bien davantage.
J'invite chacun de vous à peser sur vos gouvernements afin d'aider à la
protection des frontières et ce, au titre de la solidarité européenne.
Soyons clairs : aucun des grands États ne fait, aujourd'hui,
suffisamment.
Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer la réalité des moyens
engagés cet été, d'une part, avec l'inventaire des moyens maritimes et
aériens censés être à la disposition de FRONTEX, d'autre part. Cet
inventaire comporte 111 bateaux, 21 hélicoptères et 372 autres
équipements de contrôle et de surveillance des frontières : on est loin
du compte.
Partant du principe que mon pays doit montrer l'exemple, j'ai décidé
qu'un navire français spécialement réaménagé, le Malin, serait très
prochainement, et ce en permanence, affecté à des missions de contrôle
extérieur des frontières de l'Union européenne. Il s'agit là d'un gros
effort financier de la part de la France puisque le coût du
réaménagement de ce navire a été de 2,3 millions d'euros. Je me suis
aussi entretenu, pas plus tard que la semaine dernière, avec le
ministre français de la défense, Hervé MORIN, afin que la France puisse
faire rapidement de nouvelles propositions visant à renforcer les
moyens de FRONTEX.
Au-delà des aspects matériels et des engagements des États de l'Union,
plusieurs questions de fond restent encore sans réponse quant à l'
activité de FRONTEX.
J'en vois quatre.
1) La première question est celle de la destination des personnes
recueillies à bord des navires durant les opérations d'interception des
bateaux de clandestins.
Deux possibilités s'affrontent : soit c'est la nationalité du pavillon
du navire ayant procédé à l'interception qui prévaut, soit c'est celle
du pays dans les eaux duquel a été réalisé le sauvetage.
Aucune des deux solutions n'est idéale : la première revient à
dissuader l'État ayant participé à l'opération de participer à une
opération future dans la mesure où il lui revient d'assurer la charge
des personnes qu'il a sauvées. La seconde consiste à permettre aux
personnes interceptées d'atteindre le but ultime de leur périple. Elle
aboutit au curieux paradoxe d'encourager les tentatives d'immigration
irrégulière dans un pays donné, au lieu de les dissuader.
Notre difficulté à résoudre ce problème s'est illustrée lors de l'
opération NAUTILUS 2007, aux abords des côtes chypriotes. A cette
occasion, plusieurs partenaires européens ont, en effet, ouvertement
conditionné leur participation à des opérations futures à un engagement
de prise en charge des migrants par l'État bénéficiant de l'opération
diligentée.
Des travaux sont engagés sur cette question. Mais il me paraît urgent
de les accélérer et je souhaite que la Commission européenne, sous l'
égide du vice-président BARROT, puisse s'assurer que ce point soit
clarifié au plus vite.
2) La deuxième question est celle des opérations en haute mer.
En réalité, le bilan des opérations maritimes coordonnées de Malte,
Lampedusa et de Sardaigne reste mitigé dans la mesure où il ne s'
accompagne pas d'une véritable action conjointe avec les pays de départ
et avec les pays de transit.
N'est-il pas nécessaire, en effet, de traiter les « routes » des
clandestins plus en amont et d'aller patrouiller au plus près des côtes
de départ ? Ce qui a fait le succès des opérations « HERA » n'est-il
pas d'y avoir associé le Sénégal ?
La Commission n'en ayant pas exclu la possibilité, nous ne devons pas
nous interdire de nous impliquer dans la négociation d'accords de
coopération avec les États tiers de départ et avec les pays de transit,
notamment méditerranéens.
C'est, encore une fois, une question de volonté politique de notre
part.
3) La troisième question me semble être celle des moyens de détection
et de surveillance.
FRONTEX ne doit pas être, seulement, un organisme permettant le
sauvetage de migrants clandestins, en haute mer ou à proximité
immédiate des côtes européennes. L'agence doit être capable de
détecter, en amont, près des côtes des pays d'origine ou de transit,
les embarcations de migrants clandestins.
Nous en sommes encore loin : les systèmes de surveillance nationaux ne
couvrent qu'une partie des frontières extérieures de l'Union ; ils
impliquent une cinquantaine d'autorités, peu coordonnées ; ils
présentent des limites techniques, financières et juridiques.
La Commission européenne a formulé un certain nombre de propositions
pour progresser vers un système européen de surveillance des frontières
(EUROSUR). Il faut avancer pour les concrétiser.
4) La quatrième question est celle de l'organisation, par FRONTEX, de
retours groupés.
Vous le savez, la France a longtemps défendu, avec une minorité de
partenaires, l'idée selon laquelle l'agence était compétente pour
organiser des retours groupés d'étrangers en situation irrégulière.
Jusque là, les seuls vols groupés étaient d'initiatives nationales,
mais jamais communautaires.
Chacun connait la difficulté qu'est susceptible de poser, pratiquement,
une reconduite à la frontière d'un clandestin dans un avion de ligne,
exploité sur une liaison commerciale et embarquant une clientèle
privée.
Parallèlement, l'affrètement d'aéronefs sous le seul pavillon d'un des
États membres est fréquemment source de crispations diplomatiques avec
les autorités des pays d'émigration.
Il nous était donc assez rapidement apparu, c'est du moins la lecture
que nous faisions du mandat de l'agence telle qu'il ressort du
règlement de 2004, que la création de FRONTEX devait nous permettre d'
organiser des opérations de retour groupés.
Un groupe ad hoc, constitué de représentants des pays les plus
directement concernés (France, Autriche, Allemagne, Italie, Pays-Bas,
Pologne, Espagne et Royaume-Uni), s'est réuni pour la première fois il
y a quelques jours afin d'envisager les modalités de mise en oeuvre de
tels retours.
Je tiens à saluer, sur ce point, la détermination du Directeur Général
de l'agence, Monsieur Ilka LAITINEN, qui se saisissant de la question,
a tenu à ouvrir personnellement la première séance de travail de ce
groupe d'experts.
En la matière aussi, il faut avancer rapidement.
Au-delà des différentes questions de doctrine de FRONTEX qui restent à
trancher, permettez-moi d'évoquer ce que, dans le cadre du pacte sur
l'immigration et l'asile, nous proposons aujourd'hui, à l'occasion de
la présidence française de l'Union, pour renforcer le contrôle des
frontières extérieures.
III. Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, qui sera soumis au
Conseil européen d'octobre, aidera l'agence FRONTEX à améliorer sa
mission de coordination et, surtout, permettra de rendre plus efficace
les contrôles aux frontières extérieures de l'Union.
La Pacte propose d'agir à trois niveaux.
Le premier niveau concerne FRONTEX. Lors des négociations visant à
établir le Pacte, le scénario selon lequel l'agence était la
préfiguration d'une véritable police européenne aux frontières,
totalement intégrée, a été écarté, au moins pour un avenir immédiat.
Le scénario retenu par les gouvernements européens est celui d'une
coordination des actions nationales, l'agence FRONTEX intervenant en
appui des États membres.
Il est à cet effet proposé de donner à l'agence FRONTEX les moyens d'
exercer pleinement sa mission de coordination dans la maîtrise de la
frontière extérieure, de faire face à des situations de crise et de
mener - à la demande des États membres - les opérations nécessaires,
temporaires ou permanentes, conformément aux conclusions du Conseil des
5 et 6 juin 2008.
Au vu des résultats de l'évaluation de l'agence, qui est en cours, son
rôle et ses moyens opérationnels seront renforcés. Très concrètement,
les résultats de l'évaluation de l'agence devraient nous parvenir début
2009.
La création de « bureaux spécialisés » pourra alors être décidée, en
tenant compte de la diversité des situations, en particulier pour les
frontières terrestres de l'est et maritimes du sud. Je rassure chacun :
cette proposition ne vise aucunement à casser l'unité organique de l'
agence. Ces avancées opérationnelles seront majeures, mais chacun l'a
compris : FRONTEX ne saurait être le seul outil de sécurisation de nos
frontières.
Le deuxième niveau d'action proposé par le Pacte européen concerne le
renforcement plus global de l'efficacité des contrôles aux frontières.
Un chapitre entier du Pacte - le chapitre III - y est consacré.
La Pacte rappelle que le contrôle des frontières extérieures incombe à
chaque État membre pour la partie de frontière qui est la sienne, et
que ce contrôle qui donne accès à un espace commun de libre circulation
doit être exercé dans un esprit de co-responsabilité pour le compte de
chaque État membre.
Le Pacte propose, dès lors, notamment :
- d'inviter les États membres et la Commission à mobiliser tous leurs
moyens disponibles, pour assurer un contrôle plus efficace des
frontières extérieures, terrestres, maritimes et aériennes ;
- de généraliser au plus tard le 1er janvier 2012 la délivrance des
visas biométriques, de renforcer sans délai la coopération entre les
consulats des États membres, de mutualiser autant que possible leurs
moyens et de créer progressivement, sur la base du volontariat, des
services consulaires communs ;
- de déployer des outils de technologies modernes, garantissant l'
interopérabilité des systèmes, et permettant une gestion intégrée
efficace de la frontière extérieure ; à partir de 2012, en fonction des
propositions de la Commission, un enregistrement électronique des
entrées et des sorties devrait être mis en place.
Le recours à ces outils modernes est, en effet, une des clés de la
sécurisation de nos frontières. Seuls des engagements politiques forts
- comme celui de la date-butoir du 1er janvier 2012 pour la délivrance
des visas biométriques - nous permettront de passer à la vitesse
supérieure.
Ces outils, pour être pleinement efficaces, doivent reposer sur une
volonté politique partagée.
C'est le troisième niveau d'action, en matière de contrôle extérieur
des frontières, proposé par le Pacte européen : agir ensemble dans le
cadre d'un engagement politique et solennel, au plus haut niveau.
S'agissant du contrôle aux frontières, cet engagement repose sur deux
idées-forces.
Il faut, en premier lieu, harmoniser les conditions dans lesquelles nos
pays organisent l'immigration légale et désorganisent l'immigration
illégale ; c'est tout l'objet des chapitres 1 et 2 du Pacte.
Il faut, en deuxième lieu, coopérer avec les pays d'origine et de
transit :
- renforcer l'efficacité du contrôle de la frontière extérieure et la
lutte contre l'immigration irrégulière, en accroissant l'aide de l'
Union européenne pour la formation et l'équipement des personnels des
pays d'origine et de transit chargés de la maîtrise des flux
migratoires ;
- au-delà, créer avec ces pays un partenariat global, en favorisant les
synergies entre les migrations et le développement : c'est l'objet du
chapitre 5 du Pacte.
Cette démarche s'inscrit dans la logique que je défends depuis ma prise
de fonctions il y a seize mois : celle de la concertation avec les pays
source d'immigration et les pays de transit.
Soyons clairs : si nous ne voulons pas d'une Europe passoire car notre
priorité consiste à lutter contre les fraudes et à combattre les
filières, nous ne voulons pas non plus d'une Europe forteresse.
C'est la raison pour laquelle j'ai déjà effectué 13 déplacements
officiels en Afrique et ai signé 5 accords de gestion concertée des
flux migratoires. Je décollerai cet après-midi même pour l'Afrique avec
toujours pour méthode l'écoute, et pour message : le Pacte ne se fera
pas sans l'Afrique, mais avec l'Afrique.
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
La sécurité des frontières extérieures de l'Union européennes constitue
un enjeu majeur pour nos concitoyens. Si nous voulons une Europe non
seulement audible, visible mais surtout crédible, nous devons,
aujourd'hui, nous donner les moyens d'une Europe qui protège et qui
agit en partenariat.
Cela exige de la solidarité entre nous. Mais cela exigera aussi, de
notre part à tous, de réels efforts financiers, une véritable volonté
politique et un grand sens du dialogue.
La France y est prête, et je sais que sur tous ces aspects, l'Europe
peut compter sur chacun de vous.
Source http://www.immigration.gouv.fr, le 16 septembre 2008
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Je tiens, tout d'abord, à remercier les deux présidents des commissions
des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat français, Jean-Luc
WARSMANN et Jean-Jacques HYEST, de m'avoir permis de m'exprimer devant
vous, ce matin.
Je profite naturellement de cette occasion pour saluer aussi quelques
personnalités que je connais bien, pour qui j'ai de l'estime, et avec
lesquels je travaille en étroite collaboration dans le cadre de la
présidence française de l'Union européenne : Jacques BARROT, vice-
président de la commission européenne et Commissaire en charge des
questions qui nous réunissent aujourd'hui, mais aussi Gérard DEPREZ, le
président de la Commission LIBE au Parlement européen.
Vous m'avez demandé de m'exprimer sur le bilan et les perspectives d'
avenir de FRONTEX, l'agence européenne pour la gestion de la
coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres
de l'Union.
Si ce point d'étape me paraît essentiel, je crois qu'au-delà de l'
activité et de l'avenir de FRONTEX, se dessine, plus globalement, un
enjeu fondamental : celui du contrôle aux frontières extérieures de l'
Union européenne.
La sécurisation de nos frontières nécessite à l'évidence l'utilisation
d'un outil opérationnel qu'est FRONTEX. Elle passe aussi, aujourd'hui,
par la mise en cohérence des réglementations nationales et par une plus
grande concertation avec les pays sources d'immigration.
La sécurité de l'Europe passe donc par l'harmonisation d'une part, la
concertation d'autre part. La création de l'outil opérationnel qu'est
FRONTEX a constitué une étape essentielle dans le contrôle des
frontières de l'Europe, mais cet outil ne peut démontrer tout son
intérêt et toute son efficacité sans cette harmonisation et cette
concertation.
Dans quelle mesure la sécurisation des frontières constitue-t-elle
véritablement aujourd'hui un défi ? Concrètement, où en sommes-nous de
l'agence FRONTEX et que faisons-nous pour l'améliorer ? Plus largement,
que proposons-nous aujourd'hui pour rendre plus efficace le contrôle
des frontières de l'Union ?
Je voudrais tenter, ce matin, d'apporter une réponse à chacune de ces
questions.
I. L'un des enjeux fondamentaux pour l'ensemble de l'Union européenne
est, aujourd'hui, celui de la sécurisation de ses frontières
extérieures.
Très vite après ma prise de mes fonctions comme ministre en charge de
l'immigration, j'ai pu me rendre compte, sur le terrain, de la
nécessité de répondre à ce défi. Je me suis, en effet, rendu à Toulon,
le 3 juin 2007, afin de recueillir les corps de 18 malheureux
immigrants clandestins noyés au large de Malte, et qui avaient été
recueillis par une frégate de la marine française, « la Motte-Picquet
». Le parcours de ces migrants, venus d'Afrique, s'était achevé dans la
tragédie, parce qu'ils avaient croisé le chemin d'un passeur leur
proposant une embarcation vers la mort.
En me recueillant sur ces dépouilles, en voyant le visage défait de
ceux qui avaient repêché les corps, en imaginant le calvaire qu'avaient
pu vivre, en pleine mer et pendant plusieurs jours, ces hommes et ces
femmes, j'ai mieux perçu combien les premières victimes de l'
immigration clandestine étaient, avant tout, les clandestins eux-mêmes.
En 2007, ce sont, au total, au moins 1 800 clandestins qui sont morts
alors que, victimes de filières et de réseaux, ils tentaient de
rejoindre l'Europe qu'on leur avait présentée comme un Eldorado.
Bien entendu, la pression de l'immigration clandestine sur l'Europe ne
se manifeste pas de la même manière d'un pays à l'autre. Elle se fait
beaucoup plus forte dans les pays du Sud et de l'Est de l'Union
européenne. Trois exemples de pays dans lesquels je me suis récemment
rendu permettent de mesurer l'ampleur du phénomène.
Je pense, tout d'abord, à la Grèce qui, avec 1 250 km de frontières
balkaniques et 16 000 km de côtes, possède la plus grande et la plus
poreuse frontière extérieure de l'Union européenne. J'en veux pour
preuve l'explosion du nombre de migrants interpellés en mer et le
doublement du nombre de demandeurs d'asile, ces deux dernières années.
En me rendant sur l'ile de Samos, qui se situe à 800 mètres des côtes
turques, j'ai vu à quel point il était nécessaire, dans certains
endroits plus que d'autres, d'assurer un contrôle strict des
frontières.
Je pense aussi à l'ile de Malte, qui est soumise à l'intensification de
l'immigration irrégulière en provenance notamment de la Corne de l'
Afrique. A partir de 2002, Malte a dû faire face à une immigration
importante pour une population de 407 700 habitants, une surface de 316
km², ce qui en fait un des pays à la densité la plus élevée au monde (1
290 hab/km²). Le flux migratoire annuel tourne autour de 1 500 à 1 700
immigrants par an.
Je pense, enfin, à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. Sur les
1 580 kilomètres de frontière terrestre que constituent la Pologne, 535
kilomètres sont communes avec l'Ukraine. Cette frontière doit être
véritablement sécurisée dans la mesure où elle constitue un véritable
lieu de circulation : en effet, entre 2005 et 2007, le trafic de poids
lourds y a été augmenté de 50%, celui de marchandises de 100%, et le
trafic aérien de 160%.
Que ces chiffres signifient-ils ? Si l'idée d'Europe est, avant tout,
animée par une volonté de libre circulation et de libre échange non
seulement pour les biens mais aussi pour les personnes, nous savons,
aujourd'hui, à quel point il est nécessaire d'améliorer l'efficacité
des contrôles aux frontières extérieures de l'Union. S'il s'agit là d'
un service à rendre aux immigrés clandestins, c'est, je crois aussi,
une attente forte de nos concitoyens partout en Europe.
II. La première étape décisive a été la création de l'agence FRONTEX,
dont les moyens et les pouvoirs ont progressé mais doivent encore être
considérablement accrus.
A la suite du Conseil européen de Séville, en 2002, les États membres
de l'Union ont décidé de se doter de moyens nécessaires pour assurer
une gestion intégrée des frontières extérieures de l'Union européenne.
Après une première étape qui fut celle d'une instance commune
réunissant des hauts fonctionnaires de services en charge du contrôle
des frontières au sein des États membres, la Commission européenne
proposa la création d'une agence dédiée à améliorer la gestion intégrée
des frontières extérieures des États membres de l'Union, c'est-à-dire
les frontières terrestres, maritimes, mais aussi les aéroports et ports
maritimes.
Ainsi, pour la première fois, l'Union européenne se dotait d'un outil
ayant une vocation opérationnelle affirmée en matière de lutte contre
l'immigration irrégulière. Il n'est guère que dans le domaine de la
défense - je pense à l'Eurocorps - que l'on pouvait trouver un
précédent. Cette agence, l'agence FRONTEX, fut créée par un règlement
européen le 26 octobre 2004.
Peu à peu, les moyens de l'agence se sont étoffés.
Des moyens budgétaires, tout d'abord.
Le budget total (budget de fonctionnement et opérationnel) de l'agence
a, en effet, plus que décuplé en trois ans, passant de 6,28 millions
d'euros en 2005 à 70 millions d'euros en 2008.
A ce budget propre à FRONTEX s'ajoute le Fonds frontières extérieures,
au montant élevé : 1,82 milliard d'euros pour la période 2007/2013,
répartis entre les États membres pour appuyer des actions nationales de
contrôle ainsi que des actions transnationales ou d'intérêt
communautaire.
Des ressources humaines, ensuite. Si le personnel de l'agence était de
132 personnes au 31 décembre 1997, ses effectifs, qui sont aujourd'hui
de 176 personnes, devraient atteindre 200 personnes à la fin de l'année
2008.
J'observe aussi que la contribution de la France n'a pas été
négligeable dans le cadre de l'activité de FRONTEX, notamment lors des
différentes opérations entreprises cet été.
Durant ces derniers mois, la France a participé à plusieurs opérations
mises en place sous l'égide de l'agence.
Durant l'opération « POSEIDON 2008 » qui a débuté en Grèce le 5 mai
dernier, la France a mobilisé, certes, des fonctionnaires pour le volet
terrestre de l'opération mais aussi, pour la première fois, un navire
et ce, pendant deux semaines. Le Luxembourg et la Finlande ont, par
exemple, envoyé, quant à eux, un avion chacun lors de cette même
opération.
Lors de l'opération « NAUTILUS 2008 » visant, cette fois-ci, à gérer
les flux de migrants venus de Libye jusqu'à l'île de Lampedusa et
Malte, la France a affecté un navire, un avion et des fonctionnaires à
Malte et à Lampedusa. La contribution française à cette opération n'a
pas été négligeable puisqu'en plus de la France, seuls l'Italie, le
Luxembourg et Malte ont aussi mobilisé des avions.
Enfin, pendant l'opération « HERMES 2008 » qui s'est déroulée cet été
en Sardaigne, la France a mobilisé non seulement des fonctionnaires,
mais aussi un avion de surveillance. Mon pays a alors été le seul d'
Europe à le faire.
Après la visite du siège de FRONTEX que j'avais effectuée, en mars
dernier à Varsovie, je rencontrerai le conseil d'administration de
FRONTEX qui se réunira à Tours, les 19 et 20 novembre prochains. Ce
sera une opportunité pour examiner les voies et moyens du renforcement
de l'action de FRONTEX et de la contribution des différents pays au
plan opérationnel - y compris, bien entendu, celle de la France.
Afin de préparer au mieux cette rencontre, mais aussi tirer les
expériences de l'été et recueillir l'avis de l'agence sur son avenir,
le nouveau président du conseil d'administration de l'agence, le
général autrichien Robert STRONDL, sera reçu le mois prochain par mon
directeur de cabinet ainsi que par le secrétaire général du ministère.
Une chose est certaine : nos pays doivent contribuer bien davantage.
J'invite chacun de vous à peser sur vos gouvernements afin d'aider à la
protection des frontières et ce, au titre de la solidarité européenne.
Soyons clairs : aucun des grands États ne fait, aujourd'hui,
suffisamment.
Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer la réalité des moyens
engagés cet été, d'une part, avec l'inventaire des moyens maritimes et
aériens censés être à la disposition de FRONTEX, d'autre part. Cet
inventaire comporte 111 bateaux, 21 hélicoptères et 372 autres
équipements de contrôle et de surveillance des frontières : on est loin
du compte.
Partant du principe que mon pays doit montrer l'exemple, j'ai décidé
qu'un navire français spécialement réaménagé, le Malin, serait très
prochainement, et ce en permanence, affecté à des missions de contrôle
extérieur des frontières de l'Union européenne. Il s'agit là d'un gros
effort financier de la part de la France puisque le coût du
réaménagement de ce navire a été de 2,3 millions d'euros. Je me suis
aussi entretenu, pas plus tard que la semaine dernière, avec le
ministre français de la défense, Hervé MORIN, afin que la France puisse
faire rapidement de nouvelles propositions visant à renforcer les
moyens de FRONTEX.
Au-delà des aspects matériels et des engagements des États de l'Union,
plusieurs questions de fond restent encore sans réponse quant à l'
activité de FRONTEX.
J'en vois quatre.
1) La première question est celle de la destination des personnes
recueillies à bord des navires durant les opérations d'interception des
bateaux de clandestins.
Deux possibilités s'affrontent : soit c'est la nationalité du pavillon
du navire ayant procédé à l'interception qui prévaut, soit c'est celle
du pays dans les eaux duquel a été réalisé le sauvetage.
Aucune des deux solutions n'est idéale : la première revient à
dissuader l'État ayant participé à l'opération de participer à une
opération future dans la mesure où il lui revient d'assurer la charge
des personnes qu'il a sauvées. La seconde consiste à permettre aux
personnes interceptées d'atteindre le but ultime de leur périple. Elle
aboutit au curieux paradoxe d'encourager les tentatives d'immigration
irrégulière dans un pays donné, au lieu de les dissuader.
Notre difficulté à résoudre ce problème s'est illustrée lors de l'
opération NAUTILUS 2007, aux abords des côtes chypriotes. A cette
occasion, plusieurs partenaires européens ont, en effet, ouvertement
conditionné leur participation à des opérations futures à un engagement
de prise en charge des migrants par l'État bénéficiant de l'opération
diligentée.
Des travaux sont engagés sur cette question. Mais il me paraît urgent
de les accélérer et je souhaite que la Commission européenne, sous l'
égide du vice-président BARROT, puisse s'assurer que ce point soit
clarifié au plus vite.
2) La deuxième question est celle des opérations en haute mer.
En réalité, le bilan des opérations maritimes coordonnées de Malte,
Lampedusa et de Sardaigne reste mitigé dans la mesure où il ne s'
accompagne pas d'une véritable action conjointe avec les pays de départ
et avec les pays de transit.
N'est-il pas nécessaire, en effet, de traiter les « routes » des
clandestins plus en amont et d'aller patrouiller au plus près des côtes
de départ ? Ce qui a fait le succès des opérations « HERA » n'est-il
pas d'y avoir associé le Sénégal ?
La Commission n'en ayant pas exclu la possibilité, nous ne devons pas
nous interdire de nous impliquer dans la négociation d'accords de
coopération avec les États tiers de départ et avec les pays de transit,
notamment méditerranéens.
C'est, encore une fois, une question de volonté politique de notre
part.
3) La troisième question me semble être celle des moyens de détection
et de surveillance.
FRONTEX ne doit pas être, seulement, un organisme permettant le
sauvetage de migrants clandestins, en haute mer ou à proximité
immédiate des côtes européennes. L'agence doit être capable de
détecter, en amont, près des côtes des pays d'origine ou de transit,
les embarcations de migrants clandestins.
Nous en sommes encore loin : les systèmes de surveillance nationaux ne
couvrent qu'une partie des frontières extérieures de l'Union ; ils
impliquent une cinquantaine d'autorités, peu coordonnées ; ils
présentent des limites techniques, financières et juridiques.
La Commission européenne a formulé un certain nombre de propositions
pour progresser vers un système européen de surveillance des frontières
(EUROSUR). Il faut avancer pour les concrétiser.
4) La quatrième question est celle de l'organisation, par FRONTEX, de
retours groupés.
Vous le savez, la France a longtemps défendu, avec une minorité de
partenaires, l'idée selon laquelle l'agence était compétente pour
organiser des retours groupés d'étrangers en situation irrégulière.
Jusque là, les seuls vols groupés étaient d'initiatives nationales,
mais jamais communautaires.
Chacun connait la difficulté qu'est susceptible de poser, pratiquement,
une reconduite à la frontière d'un clandestin dans un avion de ligne,
exploité sur une liaison commerciale et embarquant une clientèle
privée.
Parallèlement, l'affrètement d'aéronefs sous le seul pavillon d'un des
États membres est fréquemment source de crispations diplomatiques avec
les autorités des pays d'émigration.
Il nous était donc assez rapidement apparu, c'est du moins la lecture
que nous faisions du mandat de l'agence telle qu'il ressort du
règlement de 2004, que la création de FRONTEX devait nous permettre d'
organiser des opérations de retour groupés.
Un groupe ad hoc, constitué de représentants des pays les plus
directement concernés (France, Autriche, Allemagne, Italie, Pays-Bas,
Pologne, Espagne et Royaume-Uni), s'est réuni pour la première fois il
y a quelques jours afin d'envisager les modalités de mise en oeuvre de
tels retours.
Je tiens à saluer, sur ce point, la détermination du Directeur Général
de l'agence, Monsieur Ilka LAITINEN, qui se saisissant de la question,
a tenu à ouvrir personnellement la première séance de travail de ce
groupe d'experts.
En la matière aussi, il faut avancer rapidement.
Au-delà des différentes questions de doctrine de FRONTEX qui restent à
trancher, permettez-moi d'évoquer ce que, dans le cadre du pacte sur
l'immigration et l'asile, nous proposons aujourd'hui, à l'occasion de
la présidence française de l'Union, pour renforcer le contrôle des
frontières extérieures.
III. Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, qui sera soumis au
Conseil européen d'octobre, aidera l'agence FRONTEX à améliorer sa
mission de coordination et, surtout, permettra de rendre plus efficace
les contrôles aux frontières extérieures de l'Union.
La Pacte propose d'agir à trois niveaux.
Le premier niveau concerne FRONTEX. Lors des négociations visant à
établir le Pacte, le scénario selon lequel l'agence était la
préfiguration d'une véritable police européenne aux frontières,
totalement intégrée, a été écarté, au moins pour un avenir immédiat.
Le scénario retenu par les gouvernements européens est celui d'une
coordination des actions nationales, l'agence FRONTEX intervenant en
appui des États membres.
Il est à cet effet proposé de donner à l'agence FRONTEX les moyens d'
exercer pleinement sa mission de coordination dans la maîtrise de la
frontière extérieure, de faire face à des situations de crise et de
mener - à la demande des États membres - les opérations nécessaires,
temporaires ou permanentes, conformément aux conclusions du Conseil des
5 et 6 juin 2008.
Au vu des résultats de l'évaluation de l'agence, qui est en cours, son
rôle et ses moyens opérationnels seront renforcés. Très concrètement,
les résultats de l'évaluation de l'agence devraient nous parvenir début
2009.
La création de « bureaux spécialisés » pourra alors être décidée, en
tenant compte de la diversité des situations, en particulier pour les
frontières terrestres de l'est et maritimes du sud. Je rassure chacun :
cette proposition ne vise aucunement à casser l'unité organique de l'
agence. Ces avancées opérationnelles seront majeures, mais chacun l'a
compris : FRONTEX ne saurait être le seul outil de sécurisation de nos
frontières.
Le deuxième niveau d'action proposé par le Pacte européen concerne le
renforcement plus global de l'efficacité des contrôles aux frontières.
Un chapitre entier du Pacte - le chapitre III - y est consacré.
La Pacte rappelle que le contrôle des frontières extérieures incombe à
chaque État membre pour la partie de frontière qui est la sienne, et
que ce contrôle qui donne accès à un espace commun de libre circulation
doit être exercé dans un esprit de co-responsabilité pour le compte de
chaque État membre.
Le Pacte propose, dès lors, notamment :
- d'inviter les États membres et la Commission à mobiliser tous leurs
moyens disponibles, pour assurer un contrôle plus efficace des
frontières extérieures, terrestres, maritimes et aériennes ;
- de généraliser au plus tard le 1er janvier 2012 la délivrance des
visas biométriques, de renforcer sans délai la coopération entre les
consulats des États membres, de mutualiser autant que possible leurs
moyens et de créer progressivement, sur la base du volontariat, des
services consulaires communs ;
- de déployer des outils de technologies modernes, garantissant l'
interopérabilité des systèmes, et permettant une gestion intégrée
efficace de la frontière extérieure ; à partir de 2012, en fonction des
propositions de la Commission, un enregistrement électronique des
entrées et des sorties devrait être mis en place.
Le recours à ces outils modernes est, en effet, une des clés de la
sécurisation de nos frontières. Seuls des engagements politiques forts
- comme celui de la date-butoir du 1er janvier 2012 pour la délivrance
des visas biométriques - nous permettront de passer à la vitesse
supérieure.
Ces outils, pour être pleinement efficaces, doivent reposer sur une
volonté politique partagée.
C'est le troisième niveau d'action, en matière de contrôle extérieur
des frontières, proposé par le Pacte européen : agir ensemble dans le
cadre d'un engagement politique et solennel, au plus haut niveau.
S'agissant du contrôle aux frontières, cet engagement repose sur deux
idées-forces.
Il faut, en premier lieu, harmoniser les conditions dans lesquelles nos
pays organisent l'immigration légale et désorganisent l'immigration
illégale ; c'est tout l'objet des chapitres 1 et 2 du Pacte.
Il faut, en deuxième lieu, coopérer avec les pays d'origine et de
transit :
- renforcer l'efficacité du contrôle de la frontière extérieure et la
lutte contre l'immigration irrégulière, en accroissant l'aide de l'
Union européenne pour la formation et l'équipement des personnels des
pays d'origine et de transit chargés de la maîtrise des flux
migratoires ;
- au-delà, créer avec ces pays un partenariat global, en favorisant les
synergies entre les migrations et le développement : c'est l'objet du
chapitre 5 du Pacte.
Cette démarche s'inscrit dans la logique que je défends depuis ma prise
de fonctions il y a seize mois : celle de la concertation avec les pays
source d'immigration et les pays de transit.
Soyons clairs : si nous ne voulons pas d'une Europe passoire car notre
priorité consiste à lutter contre les fraudes et à combattre les
filières, nous ne voulons pas non plus d'une Europe forteresse.
C'est la raison pour laquelle j'ai déjà effectué 13 déplacements
officiels en Afrique et ai signé 5 accords de gestion concertée des
flux migratoires. Je décollerai cet après-midi même pour l'Afrique avec
toujours pour méthode l'écoute, et pour message : le Pacte ne se fera
pas sans l'Afrique, mais avec l'Afrique.
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
La sécurité des frontières extérieures de l'Union européennes constitue
un enjeu majeur pour nos concitoyens. Si nous voulons une Europe non
seulement audible, visible mais surtout crédible, nous devons,
aujourd'hui, nous donner les moyens d'une Europe qui protège et qui
agit en partenariat.
Cela exige de la solidarité entre nous. Mais cela exigera aussi, de
notre part à tous, de réels efforts financiers, une véritable volonté
politique et un grand sens du dialogue.
La France y est prête, et je sais que sur tous ces aspects, l'Europe
peut compter sur chacun de vous.
Source http://www.immigration.gouv.fr, le 16 septembre 2008