Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur la réforme des collectivités territoriales et sur la recherche de solutions "équitables" pour les finances locales à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, à Pont-L'abbé-d'Arnoult (Charente-Maritime) le 17 octobre 2009.

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Circonstance : Congrès de l'Association des maires de la Charente-Maritime, à Pont-L'abbé-d'Arnoult le 17 octobre 2009

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Président du Conseil général
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président de l'Association des Maires de Charente-Maritime Michel Doublet,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents (es),
Mesdames, Messieurs les Conseillers régionaux et généraux,
Mesdames, Messieurs les Maires,
C'est pour moi un grand plaisir d'être parmi vous en Charente-Maritime.
· D'abord parce que la Charente-Maritime est porteuse d'un attachement particulier aux valeurs républicaines dans lesquelles je me retrouve parfaitement :
- Ce goût de la chose publique, au débat, ce refus des excès et surtout ce respect des opinions différentes. Cet humanisme aussi propre à toutes les terres de vignobles surtout lorsqu'elles recherchent l'excellence par la subtilité d'assemblages improbables.
· Ensuite parce qu'aujourd'hui vous attendez que je vous livre l'état du dossier de la réforme de l'organisation territoriale et sans doute la position du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales.
- C'est la deuxième fois que je me rends en Charente-Maritime, en particulier à la rencontre des maires.
- La première fois c'était à Jonzac le 26 janvier. C'était le déplacement de la Mission Belot, chez lui, juste à l'ouverture de ce délicat dossier.
Vous étiez nombreux, très nombreux. Les « Antilles de Jonzac » étaient remplies.
Vos questions étaient nombreuses, pertinentes.
- Aujourd'hui, nous arrivons au terme de cette longue réflexion, qui aura « maturé » un projet de loi dont nous aurons à débattre bientôt.
Vos réflexions, vos interrogations, vos propositions, sont largement prises en compte. C'est en tout cas cet esprit qui règne au Sénat.
La Charente-Maritime c'est la terre d'amis pour moi.
C'est chez Dominique Bussereau avec lequel nous entretenons une complicité de longue date, c'est chez Claude Belot, cette terre à laquelle il est si passionnément attaché, c'est chez Michel Doublet et Daniel Laurent.
Permettez-moi d'avoir à cet instant une pensée particulière pour mon compagnon de longue date Claude Belot.
Claude nous a fait peur, je suis heureux de le savoir sur la voie d'un rapide rétablissement, je l'ai eu au téléphone. Je tiens à lui témoigner de mon affection.
Claude Belot, à la tête de la Mission temporaire sur les collectivités locales, plus connue aujourd'hui sous la dénomination « Mission Belot » a accompli une oeuvre exceptionnelle : conduire pendant huit mois une mission composée de toutes les sensibilités politiques du Sénat sur un dossier aussi sensible, en faire une vraie équipe solidaire, et à aboutir à ce rapport dont beaucoup se réclament aujourd'hui...
Si nous réussissons cette réforme, et nous la réussirons, il y sera pour beaucoup.
Il est vrai que comme tout charentais, il sait réussir les meilleurs assemblages.
Alors où en sommes-nous aujourd'hui ?
Tout d'abord en préliminaire, puisque nous sommes en assemblée des Maires, je souhaite d'emblée vous dire que le maire apparait au terme de cette longue période de réflexion et de concertation comme l'élément incontournable de notre organisation territoriale.
Il y a une volonté consensuelle de conforter la commune, fondement de la démocratie locale, dans l'ensemble territorial où elle s'insère, et la compétence générale du maire.
La commune est l'échelon de proximité, le berceau de la démocratie. Le maire est la personnalité politique préférée des Français.
Le citoyen connaît son Maire et le Président de la République.
Venons-en sur le fond du dossier de la réforme territoriale.
J'articulerai mon propos sur l'état d'avancement du dossier de la réforme des collectivités territoriales, la place particulière de l'institution communale dans cette réforme, les dispositions prises pour que la question de la taxe professionnelle ne préjuge pas de la réforme de l'architecture territoriale.
1. la réforme des collectivités territoriales (vue du Sénat)
Il faut tout d'abord resituer la réforme territoriale dans son contexte.
La crise mondiale renforce la brutalité de la concurrence, tout en faisant courir à de nombreux territoires le risque du repli sur soi.
Ce contexte est difficile, mais il nous invite à poser la question de la compétitivité des territoires, et par conséquent de leur gouvernance. Les collectivités territoriales ce sont plus de 500 000 élus, plus de 900 000 fonctionnaires, plus de 200 milliards d'euros de dépense publique..., près dès ¾ de l'investissement public civil.
Cette organisation est-elle encore pertinente ?
Cette question est d'importance dans un pays multiséculaire, marqué par la richesse et la diversité de ses territoires. Cette diversité constitue un formidable potentiel.
Pourtant, notre pays est doté d'une organisation territoriale assez sophistiquée : face à la mosaïque des structures, à l'enchevêtrement des compétences et des pouvoirs, reconnaissons-le, le citoyen, et souvent l'élu local lui-même, ont peine à savoir qui est responsable de quoi.
Aux trois niveaux d'origine (État, départements, communes) sont venus s'ajouter non seulement les régions, mais les groupements intercommunaux, les SIVOM, et autres SIVU, des pays et autres agences territoriales...
Il peut y avoir sur nos territoires jusqu'à sept échelons de responsabilité, sans compter les instances européennes. La demande de clarification qu'expriment nos concitoyens et les élus locaux me paraît légitime. (C'était le constat en septembre 2008)
La diversité de nos territoires est une richesse, à laquelle il convient d'adapter notre organisation institutionnelle, au lieu d'écraser les territoires sous la complexité institutionnelle. Telle est notre philosophie générale.
La France s'est engagée depuis plus de vingt ans dans un processus de décentralisation. Je rappelle que la révision constitutionnelle de 2003, qui doit beaucoup aux travaux et réflexions antérieurs du Sénat, a donné naissance à une République dont « l'organisation est décentralisée ».
Il ne suffit pas de poser un principe pour qu'il devienne réalité. La vitalité de la décentralisation ne se mesure pas à l'aune des paquets de compétences transférées, mais à la bonne (ou moins bonne...) organisation de leur exercice.
Il nous faut aujourd'hui passer à une nouvelle étape : la simplification, la clarification de nos institutions locales, au service de l'efficacité de l'action publique et d'une compétitivité renforcée de nos territoires.
Le Président de la République a eu l'audace d'ouvrir ce chantier. C'était un chantier réclamé par beaucoup et depuis longtemps, mais que l'on s'empressait de refermer à peine ouvert !
Le Sénat, représentant des collectivités locales, ne pouvait rester étranger à cette réflexion ouverte, et en vertu de la Constitution, le Sénat aura à connaître en première lecture du projet de loi.
Dès ma prise de fonctions, c'était il y a un an, nous avons décidé la création d'une « Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales », qui a regroupé toutes les sensibilités politiques à travers ses 36 membres, et dont la présidence a été assurée par le sénateur Claude Belot.
En 8 mois, la mission a procédé à de nombreuses auditions. Elle s'est rendue dans les territoires de la Gironde, Charente-Maritime, Rhône, des Hautes-Pyrénées, du Tarn-et-Garonne, afin d'avoir une appréciation plus complète des situations - constatant, notamment, l'importance prise par le fait métropolitain, ou les enjeux propres à la nouvelle ruralité. Elle a recueilli l'avis de toutes les associations d'élus locaux, à plusieurs reprises, avant de présenter ses conclusions.
La « somme » de ses propositions a été soumise au libre débat du Sénat, qui a pu jouer ainsi le rôle d' « éclaireur de la décentralisation ».
C'est ainsi qu'ont été organisés, le 18 mars, sur la base du rapport d'étape de la mission, et le 30 juin, sur ses propositions finales, les deux premiers débats d'initiative parlementaire, suivis par un échange interactif, sous forme de questions-réponses, avec la participation du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales.
Au terme de cette phase de réflexion, quel bilan provisoire tirer ? Les élus locaux et les parlementaires se sont fortement approprié un dossier complexe. Ensuite - et c'est pour le Président du Sénat une grande source de satisfaction - on note de fortes convergences sur un grand nombre de points :
- le constat de la diversité territoriale, et la nécessité d'apporter des réponses différenciées à la spécificité des situations ;
- l'urgence d'une réforme ambitieuse, qui permette une meilleure prise en compte de cette diversité ;
- la recherche d'une plus grande cohérence dans l'organisation territoriale, clé d'une efficacité accrue dans l'action :
- la nécessité de démocratiser nos structures.
Au total ces réflexions auront été fructueuses.
Nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter.
2. Une nouvelle architecture territoriale pour renforcer la démocratie locale et la gouvernance des territoires.
Le travail sur le dossier territorial ne s'est pas arrêté avec le débat que nous avons eu au Sénat le 30 juin. Nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, avec le Premier ministre, le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis à nouveau pour faire le point de ses travaux. Moi-même me suis entretenu en tête à tête avec le Président de la République et je continuerai de me porter chaque semaine à la rencontre des territoires et de leurs représentants.
Lors des réflexions préalables à la future loi, qui sera votée au Parlement, une convergence suffisante s'est dessinée autour d'une architecture à trois niveaux :
- un niveau de proximité relevant de l'institution communale, dont la place essentielle au coeur du fondement de la République est réaffirmée. La commune restera, comme l'Etat, douée de la compétence générale. C'est le coeur de notre vie citoyenne.
- un niveau de cohérence sociale du territoire, assumé par le département.
- un niveau de cohérence stratégique relatif aux grands services et équipements publics, relevant de la région.
Cette architecture doit répondre à une double nécessité, l'adaptation de l'organisation institutionnelle à la diversité des territoires, et la mise en responsabilité la plus large possible de l'action publique territoriale.
3. L'institution communale confortée par le projet de réforme
Permettez-moi, chers collègues maires et élus locaux, d'être plus précis sur la sphère communale.
On peut s'appuyer sur la volonté unanime de confortation de l'institution communale, qui est au coeur de notre démocratie locale.
Le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre constitue l'une des réformes institutionnelles les plus significatives qu'ait connues notre pays sous la Ve République, en donnant à l'institution communale la capacité d'être à la hauteur de ses missions.
Certes, l'attachement de nos concitoyens aux quelques 36 700 communes qui irriguent encore aujourd'hui notre territoire justifie que l'on ne remette pas en cause ce socle de la démocratie locale.
Personnage le plus populaire parmi les élus, le maire doit conserver sa force symbolique et continuer à jouer son rôle irremplaçable de recours, notamment dans les périodes de mutations et de turbulences, telle celle que nous traversons.
Mais nos communes - dont le nombre représente 40 % de l'ensemble des communes européennes - ne sont que la première strate de l'empilement de structures de notre administration locale :
L'intercommunalité, en France, c'est (chiffres au 1er janvier 2009) :
- 2 601 communautés, qui rassemblent 34 164 communes
- 2 406 communautés de communes
- 174 communautés d'agglomération
- 16 communautés urbaines
- 5 syndicats d'agglomération nouvelle
Les communautés de France représentent 93,1 % des communes et 87,3 % de la population.
S'y ajoutent 11 050 SIVU, 1 435 SIVOM et 3 122 syndicats mixtes, sans oublier les 351 pays et les nombreux schémas dont les périmètres ne s'harmonisent que rarement.
A l'évidence, c'est beaucoup et il y a urgence à essayer de mettre de l'ordre dans cette organisation particulièrement complexe.
C'est donc une carte intercommunale plus cohérente et plus efficace, dont les membres de la Mission sénatoriale souhaitent la mise en place.
Prenant largement appui sur vos recommandations, la Mission sénatoriale a souhaité que la carte de l'intercommunalité à fiscalité propre soit achevée pour la fin 2012, en recourant, le cas échéant, à des outils incitatifs pour y parvenir.
Afin de mener à bien cette opération, la Mission a souhaité que soit renforcé le rôle des commissions départementales de coopération intercommunale, qui devront faire sans doute l'objet d'une recomposition préalable, et d'une amélioration de leur représentativité (on évoque 40 % de maires et 40 % de représentants intercommunaux).
Par ailleurs, même si le maire reste au coeur du dispositif de la sphère communale, cela ne doit pas empêcher l'approfondissement de la légitimité démocratique de l'intercommunalité.
La technique du fléchage devra permettre au citoyen d'identifier les futurs délégués communautaires, lors des élections municipales (> 500 habitants) et une certaine proportionnalité
Je constate également que les avis sont assez convergents sur la nécessité de prendre en compte une réalité nouvelle, qui caractérise la France d'aujourd'hui : le fait métropolitain..
Cela concerne les quelques vraies grandes métropoles (assurément moins d'une dizaine), à forte dimension internationale qui structurent désormais le territoire d'une France, partie constitutive d'une Union Européenne ouverte sur le monde.
Ces métropoles, véritables cités, on pourrait les qualifier de ville encore « sans papier », elles ont, à l'évidence, besoin d'un vrai statut, d'une vraie gouvernance pour pouvoir assumer pleinement leurs responsabilités.
Personnellement, je pense qu'il faut aller assez loin sur cette question, avec audace, tout en respectant la cohérence d'ensemble que porte le département. Il nous faut donner à nos métropoles les instruments qui leur permettront faire jeu égal avec d'autres métropoles européennes.
Par ailleurs, nous ne pouvons occulter cette réalité : les grandes agglomérations sont au coeur de la question sociale, car c'est sur leur territoire que l'exclusion est la plus forte. Il ne peut y avoir dilution des responsabilités, face au devoir de solidarité. Ce serait contraire à l'esprit même de la République.
4. Nécessité d'une coordination entre la région et le département
L'action publique a besoin de cohérence, mais la cohérence ne veut pas dire opération chirurgicale lourde.
La Constitution consacre l'existence de la région et du département comme collectivités territoriales. La suppression de l'un ou de l'autre exigerait donc une révision constitutionnelle, ce que personne n'envisage aujourd'hui. Mais force est de constater que la répartition des compétences entre ces deux échelons manque de clarté.
Là aussi, les travaux préparatoires ont permis de dégager une identité de vue sur le constat, et sur l'objectif à atteindre.
On ne peut accepter que la libre administration des collectivités autorise le jeu de concurrences stériles, dictées par le jeu politique au détriment de l'intérêt général. Alors oui ! Chaque collectivité doit se recentrer sur son coeur de métier.
Pour autant, cette spécialisation ne doit pas injurier l'avenir ! Il faut laisser toute leur place à l'initiative, à l'intelligence des territoires, à la possibilité de répondre à des enjeux spécifiques.
Sur la matière du projet de loi territorial, le Parlement a conduit un dialogue avec le Gouvernement. Ce temps du dialogue est nécessaire, et il ne s'est pas arrêté avec le débat que nous avons eu au Sénat le 30 juin.
Le Sénat ne s'est pas contenté de rester dans l'attente de la lecture du projet de loi. Nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, avec le Premier ministre, avec le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis pour faire le point sur les travaux. Nous avons travaillé avec le Président de la Commission des lois. Nous prendrons le texte sans urgence.
Au total ces réflexions auront été fructueuses : nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter.
Certes, il reste des sujets de discussion importants, qui ne sont pas très nombreux, mais complexes.
Je pense à la création des conseillers territoriaux, bien évidemment. Ce sujet doit être relié au mode d'élection : sur quel territoire ? Avec quel type de système électoral ? Au Sénat, il y aura débat.
L'orientation reposerait sur la base de cantons élargis, où le scrutin resterait uninominal, préservant ainsi le socle territorial de l'élection, avec une dose de proportionnelle (20 %), qui assurerait la représentation au niveau du département et de la région de toutes les sensibilités politiques.
Ma conviction, c'est que l'assise territoriale des élus de région est un point positif, gage que les besoins et les intérêts des territoires seront pris en compte dans leur diversité.
Les territoires ruraux pourront trouver là un nouveau relais pour exprimer leurs préoccupations. Le conseiller territorial pourra relayer plus aisément qu'aujourd'hui auprès du conseil régional les attentes du monde rural. Il jouera un rôle identique au département, dont les interventions en faveur de l'aménagement rural sont si essentielles. Chaque terroir, chaque ville, fut-elle modeste, doit pouvoir bénéficier de défenseurs, auprès des instances de décision compétentes. Chaque citoyen, dans la réalité de la spécificité de son terroir (urbain ou rural), doit pouvoir, par ses représentants directement élus, participer en responsabilité à l'administration cohérente des territoires qui le concerne. C'est cela la décentralisation.
D'autres sujets qui doivent encore être réglés :
- La question des métropoles : quel statut ? Quel rapport avec les autres collectivités ?
- la relation région-département : quelle répartition des compétences ? Comment préserver le droit d'initiative ?
Ces questions sont cruciales. C'est pourquoi j'ai demandé, au mois de juillet, que le texte de fond ne fasse pas l'objet d'une procédure accélérée. Le Premier ministre m'en a donné l'assurance.
Nous aurons donc quatre lectures d'un texte nécessairement complexe, qui permettront au Parlement - et en particulier au Sénat - d'exercer pleinement ses responsabilités.
La partie agenda, avec la date de 2014, ne soulève pas grande difficulté et pourra être disjointe du texte de fond.
Mais revenons à l'essentiel.
Je suis convaincu que nous pouvons attendre : doter la France d'une organisation territoriale cohérente, efficace, lisible où le citoyen s'y retrouve.
L'explication m'en apparaît simple. Cette démarche a permis de retrouver la vraie réalité.
Le citoyen n'est pas un être immatériel, il vit dans un territoire et parce que la république est décentralisée, la citoyenneté s'exerce d'abord dans ce territoire.
Le citoyen français est attaché à son territoire particulier.
Et c'est la prise en compte de cette réalité territoriale de la citoyenneté trop longtemps oubliée, si ce n'est niée, qui permet de construire une organisation pertinente.
C'est vers cela que l'on s'achemine : libérer et mettre en cohérence l'intelligence des territoires dans le respect de leur identité, qu'ils soient ruraux ou urbains.
C'est cela le sens de la réforme. C'est sans doute cela qui heurte quelques corporatismes catégoriels de structures qui prennent insuffisamment en compte cette réalité territoriale et cette aspiration citoyenne.
C'est cela le cap.
6. La question de la taxe professionnelle et le calendrier
Enfin, il reste bien évidemment la partie financière « recette », avec notamment la question de la suppression de la taxe professionnelle (et c'est me semble-t-il un point d'inquiétude majeur pour les élus locaux). Je l'ai entendu au Sénat.
Dans le contexte économique actuel, je n'ignore pas qu'il y a urgence à traiter le « volet entreprise » de ce dossier, nécessaire à la compétitivité de nos entreprises.
Le Président de la République a décidé de la suppression de la taxe professionnelle dès cette année, et du traitement de cette question dans le Projet de Loi de Finances pour 2010. Or, le PLF, qui vient en première lecture à l'Assemblée nationale, sera nécessairement débattu et voté avant le projet de loi sur l'organisation territoriale.
Mais il importe - et il y a sur ce point unanimité au sein de la Mission Belot - que le débat sur le PLF ne préempte pas celui de la réforme de l'organisation des collectivités territoriales. Cette réforme est cruciale pour l'avenir, et dépasse les contingences du moment.
Cette démarche est logique : il s'agit de définir qui fait quoi et qui est responsable de quoi, avant de sceller de manière définitive la répartition des ressources.
Il avait été même été envisagé de disjoindre la question fiscale de celle de l'architecture territoriale, et de la traiter postérieurement.
Il n'est pas question, bien évidement, de revenir sur le bien fondé de la suppression de la taxe professionnelle.
Je rappelle que créé en 1975, cet impôt a été réformé plus de vingt fois en 35 ans, il a même été qualifié « d'imbécile » par François Mitterrand.
Ces réformes successives l'ont vidé d'une bonne partie de sa substance pour en faire quelque part une « anomalie ». Il est nécessaire de traiter une bonne fois pour toutes, ce dossier. Il y a urgence à le faire dans le contexte économique actuel pour assurer toute la compétitivité de notre économie.
Pour autant, cet impôt constitue une part majeure de la recette fiscale des collectivités locales. Sa suppression sera bien évidemment remplacée par une autre construction fiscale plus intelligente mais qui reste complexe. Ce qui pose question c'est la répartition entre les collectivités, de ce panier de recettes, et non, pour notre sujet le «volet entreprises ».
C'est pourquoi j'ai attiré l'attention du Président de la République et du Premier ministre sur ce « risque » qu'implique le calendrier législatif. Je pense avoir été entendu : le « volet entreprise » sera, au maximum possible, découplé du « volet répartition » des recettes fiscales entre collectivités territoriales, et ce sera le Parlement qui le fixera.
Dans l'attente, donc pour le budget 2010, ce serait le maintien du « statut quo ante », avec les compensations intégrales auxquelles s'est engagé le Premier ministre.
La question de la répartition de la fiscalité sera délicate. Le Parlement exercera toutes ses responsabilités. C'est son rôle.
C'est ce qu'il souhaitait.
Le Sénat s'est mis en situation de responsabilité.
Il y a d'ores et déjà des pistes de solutions sur la table, notamment pour les EPCI à TPU. Les premières dispositions indispensables et pour lesquelles il y a un accord, pourraient être adoptées en loi de finances, sous réserve d'une clause de revoyure qui permettra une mise en cohérence avec la future loi sur la réforme de l'organisation des collectivités locales.
Nous veillerons à ce qu'aucun niveau de collectivités ne soit lésé.
Le Sénat met en place une instance collective de réflexion autour de la Commission des finances pour trouver des solutions équitables pour toutes les collectivités en fonction de leurs compétences.
Je sais que le contexte économique rend cet exercice encore plus difficile. La recette fiscale n'est que la contribution du contribuable qui est nécessairement affectée par la crise. Ne l'oublions pas.
Je suis pour ma part convaincu que viendra assez rapidement le moment où devra être rouvert totalement le dossier de la fiscalité locale. Le système actuel a atteint ses limites, s'il ne les a dépassées.
Conclusion
Pour conclure, je dirais que la fierté du Sénat, c'est de pouvoir exprimer des divergences, . Il jouera pleinement son rôle sur le dossier de la réforme territoriale, un dossier difficile, mais que nous n'avons pas le droit d'escamoter.
L'évitement des difficultés n'est pas un mode de règlement des problèmes.
Le projet de loi ne doit pas être reporté et cela suppose, précisément, que l'on puisse dépasser les intérêts catégoriels ou partisans pour une action en responsabilité.
N'oublions pas que les collectivités locales, ce sont aujourd'hui plus de 220 milliards d'euros de dépenses publiques (73 % de l'investissement public), 1 864 676 agents, près de 520 000 élus, qui pour la quasi-totalité donnent leur temps sans compter. La question du nombre des élus n'est pas son slogan.
La compétitivité passe aussi et d'abord par l'optimisation des moyens mis à notre disposition par le citoyen, par la transparence et la responsabilité.
Le diagnostic est clair, l'objectif partagé. Nous devons assurer :
- la compétitivité de nos territoires au sortir de la crise
- l'efficacité de la dépense publique
- la lisibilité et la cohérence des actions territoriales.
Cet impératif de réforme s'impose bien évidemment aux collectivités locales. Mais il oblige aussi l'État. La République française est une et indivisible, et l'on sait combien nos concitoyens attendent de l'État.
L'État doit lui aussi se réformer : les principes de l'administration des territoires par les territoires ne l'exonèrent pas de ses responsabilités. Avec la réforme de l'organisation territoriale, il s'agit d'une réforme globale.
Le temps de la réflexion s'achève. Le temps de la décision va venir. Un projet de loi doit être proposé, nous devons en débattre puis voter.
Les opinions s'expriment dans leurs pleines divergences, mais dans le respect mutuel.
Le Sénat connait les divergences de ses membres.
Mon rôle c'est d'être un passeur, mon rôle est d'être un facilitateur. Le texte ne sortira pas du Sénat comme il y sera présenté. A ceux qui pensaient que le Sénat ne bougerait pas, je pense qu'ils seront surpris...
La réforme est nécessaire, parce que le citoyen l'attend, notre pays en a besoin, nos territoires la justifient. N'ayons pas peur de la réforme : soyons bâtisseurs d'avenir, audacieux et responsables !
Je vous remercie de votre attention et me propose de répondre maintenant à vos questions.
Source http://www.senat.fr, le 27 octobre 2009