Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Cest un grand honneur et un grand plaisir pour moi de retrouver les Notaires de France. Il y a beaucoup de raisons qui ont conduit à accepter votre invitation. Dabord lactualité de votre profession est porteuse dinterrogation, auxquelles je crois quil est important de répondre.
Ensuite, votre rôle au sein de la société française illustre des valeurs de confiance et de stabilité quil mimporte de défendre.
Ma conviction est que la belle fonction de notaire est un centre de gravité, un point de rencontre et déquilibre, à la croisée entre le public et le privé, entre le juridique et le judiciaire, entre la liberté et la contrainte. Le notaire incarne la puissance publique, lautorité souveraine placée au service des personnes privées. Il éclaire les consentements pour quils soient lexpression dune liberté consciente et responsable, et leur confère la force exécutoire pour le cas de défaillance de lune ou lautre des parties.
Pour tout dire, le notaire réunit en sa fonction : létat souverain, la libre volonté des citoyens et lexécution forcée. A la liberté, il offre la sécurité qui lui est indispensable pour porter tous ses fruits, en lassortissant de la responsabilité qui justifie, en cas de nécessité, la contrainte. Dans ce monde complexe que nous vivons, si vous nexistiez pas, il faudrait vous inventer !
Des liens personnels mattachent à votre profession et ce nest pas sans une émotion quen madressant à vous je ravive les souvenirs que jai gardés de lEtude mon père. Cette passion que vous avez exprimée dans vos différentes interventions je sais quelle nest pas un vain mot.
Ce rôle fondamental du notaire, que vous nous avez rappelé, je lai souvent vu à luvre. Cette attention à autrui qui vous anime, je lai apprise de mon père. Je nai pas oublié les leçons que me donnait lexemple de son travail ; pas plus que je nai oublié la manière dont il évoquait, et dont il évoque encore, les satisfactions et les émotions que lui a procurées cette vocation de témoin, de conseil, auprès dhommes et de femmes parfois confrontées à des situations difficiles.
Alors vous me direz, si on mavait tellement vanté les mérites de cette profession, pourquoi ne lai-je pas embrassée ? Parce quil arrivait aussi à mon père de nous raconter lors des déjeuners familiaux toutes les histoires désagréables qui ponctuent la vie qui ponctuaient la vie dun notaire de campagne. Et jen ai une notamment en mémoire qui mavait marqué, cétait un paysan qui venait voir mon père alors quil venait de sinstaller et quil navait pas de personnel, pour lui demander de vérifier dans ses archives si son voisin avait bien un droit de passage dans son chemin. Mon père passe une journée entière à fouiller dans les archives qui nétaient sans doute pas dailleurs très bien ordonnées et il dit à ce paysan quil peut se satisfaire, il ny a pas de droit de passage. Et le même paysan lui dit : mais jusquoù vous êtes remonté ? Et mon père lui dit : 20 ans, 30 ans, je ne sais plus. Il lui dit : Vous avez dautres archives, il faut aller plus loin. Et donc il passe une deuxième journée, cette fois-ci dans le grenier, où il y avait les archives poussiéreuses avec les ficelles qui cassaient lorsquon les défaisait. Et après toute une journée de travail il dit à ce paysan que son voisin navait pas de droit de passage dans son chemin. Et alors le paysan lui dit : eh bien vous voyez, je suis bien content, ce nest pas que je veux lempêcher de passer, mais je veux pouvoir lui dire : si tu passes dans mon chemin cest parce que je veux bien. Je croyais dailleurs en embrassant la fonction politique mêtre éloigné de ce type de situation. Je maperçois quil nen est rien.
Les notaires accompagnent lexistence dans ses moments graves, quils soient heureux ou douloureux. Cest une mission qui senracine dans une tradition ancienne et profonde qui établit votre autorité et la confiance que vous inspirez. Les valeurs qui sont votre marque celles de la probité, de la rigueur, de la confidentialité vous ont permis de tisser des liens puissants avec nos concitoyens. A travers les minutes notariales qui remontent au passé le plus lointain, vous êtes les garants dune mémoire collective, dune mémoire des droits qui défend luvre humaine contre les assauts de loubli. La sécurité dont vous entourez les transactions est de longue date une base essentielle pour notre contrat social et notre développement économique.
Alors comment imaginerait-on quune profession si attachée aux grandes permanences de la vie sociale, à ses événements et à ses rythmes intemporels, soit bousculée par des mouvements et des sollicitations éphémères ? Mais comment peut-on croire quétant si intimement au fait des drames, des passions, des intérêts qui traversent notre société, vous nen perceviez pas aussi les bouleversements les plus récents avec une acuité singulière ? Le rôle historique des notaires ne contredit pas leur inscription dans la modernité. Il la fonde, il lenrichit, il laiguise.
En 1998, devant votre Congrès, le Président Chirac avait dit que "lexpérience acquise au fil des années fait de vous les dépositaires dune sagesse". Eh bien cette sagesse est nécessaire à nos concitoyens qui cherchent auprès de vous conseil, éclaircissement, sérénité, devant les ramifications de la loi, la multiplication des sources de droit et des voies de recours, linflation préoccupante du contentieux. Cette sagesse est nécessaire à une société qui se modernise et qui voit souvrir devant elle de nouveaux questionnements, de nouvelles attentes, de nouvelles inquiétudes. Vous êtes souvent parmi les premiers à les entendre, à les analyser, et à en faire part aux responsables politiques de notre pays.
Je pense au combat que vous avez mené il y a quelques années pour défendre la vocation successorale du conjoint survivant, trop longtemps négligée par notre droit, au prix de situations de détresse personnelle sur lesquelles vous nous avez alertés. La loi a répondu à votre interpellation et je veux vous dire, sur cet exemple comme sur bien dautres, que votre contribution au débat public honore votre profession et que nous y sommes particulièrement attentifs.
Cette sagesse, je sais aussi quelle vous guide dans la modernisation de votre profession elle-même. La dématérialisation des échanges, la mise en place de lacte authentique sur support électronique, le développement des bases de données accessibles en ligne, en particulier sur les prix de limmobilier, la préparation du projet "Notaires de France Horizon 2020" tout cela témoigne de votre réactivité et de votre confrontation aux enjeux actuels.
Les clichés ont la vie dure, mais la réalité des faits est là pour les démentir ! Limage que vous nous donnez nest pas celle si elle la jamais été dun exercice routinier. Elle est celle dune profession qui se renouvelle dans ses moyens et dans ses réflexions, pour étudier et pour prévoir les évolutions de notre société. Derrière votre travail dexpertise, danticipation, de proposition, je vois une ambition pour la France. Dans votre mission de conciliation, de régulation, de sécurisation, je vois un pôle de référence, de solidité, pour une société qui aspire à la confiance face aux bouleversements des temps.
Au cur de votre activité, au cur de votre mission de service public, il y a lacte authentique. Cest une prérogative ancienne et intangible de votre profession, et nos concitoyens ne sont pas prêts à renoncer à la sécurité quelle procure, aux engagements les plus décisifs de leur vie. Mais je nignore pas les inquiétudes dont plusieurs dentre vous se sont faits lécho depuis la création récente de lacte contresigné par avocat. Ces inquiétudes, je veux les écarter aujourdhui.
Lacte contresigné par avocat na jamais été destiné à se substituer à lacte authentique et aucune confusion ne saurait sétablir entre les deux. Il est motivé par des enjeux qui lui sont spécifiques et qui définissent en même temps les limites entre lesquelles sa mise en uvre doit impérativement demeurer bornée. Il répond à une attente ancienne et il introduit une modernisation qui simposait.
Je crois que le Président de la République a eu raison den prendre linitiative au terme des travaux menés par la commission Darrois. Il nétait pas illégitime de vouloir donner une force probante plus grande à certains actes sous seing privé établis en y introduisant la signature dun avocat. Il nétait pas illégitime de limiter les contestations dont ces actes peuvent faire lobjet, en les entourant lorsque cela est nécessaire, de garanties qui soient à la hauteur des enjeux. Il nétait pas illégitime dinvestir les avocats dune mission de contrôle et dinformation des parties signataires. Et je veux rappeler aussi les distinctions établies par la loi entre lacte contresigné par avocat et lacte authentique dont sont garants les notaires. Lacte contresigné par avocat est un acte sous seing privé investi dune sécurité nouvelle mais qui ne se situe pas au même degré que lauthentification. Seule lauthentification fait dun acte un titre exécutoire qui lui donne la valeur dun jugement ! Seule lauthentification lui donne une force probante telle quil ne peut être contesté que par linscription de faux ! Et seule lauthentification peut recevoir le sceau de la République ! Cest pourquoi nous ne saurions encourager les avocats et je veux le dire en toute franchise et en toute amitié au président Wickers à entretenir lidée que lacte contresigné pourrait tenir lieu dacte authentique et encore moins à lentourer par mimétisme de formes qui doivent rester réservées à lauthentification.
Au fond, la différence entre les deux types dactes atteste dun côté les nouvelles responsabilités quil était juste de reconnaître aux avocats, et de lautre côté la confiance renouvelée du législateur envers ceux qui sont les dépositaires de lauthentification, et singulièrement les notaires.
La loi de modernisation des professions juridiques réaffirme dailleurs cette confiance dans votre profession et dans lacte authentique qui en est la marque, que ce soit en réservant expressément la publicité foncière à cet acte, ou bien en confiant au notaire lenregistrement des PACS lorsque les partenaires choisissent de passer une convention par acte authentique.
Cette loi, nous lavons conçue dans un esprit de complémentarité des différentes professions du droit. Entre les missions des notaires et celles des avocats, cest une vision déquilibre qui doit prévaloir. Aucune de vos deux professions ne sortirait gagnante dune logique de concurrence ou daffrontement. Cest ma conviction et je suis sûr que vous la partagez.
Un autre sujet dinquiétude est intervenu récemment. Il y a quelques jours, la Cour de Justice de lUnion européenne rendait un arrêt excluant la condition de nationalité de laccès à la profession de notaire. Elle a considéré que les activités des notaires ne participent pas directement et spécifiquement à lexercice de lautorité publique, au sens du Traité de lUnion.
Cette décision est-elle de nature à remettre en cause le statut et lorganisation de votre profession ? Fait-elle planer une menace sur lavenir du notariat dans notre pays ? Vous avez eu raison de le dire, Monsieur le Président : il ne faut pas se laisser impressionner par une lecture hasardeuse et prématurée de cet arrêt qui vient tout juste dêtre rendu. Je veux dire tout dabord, que la Cour de Justice de lUnion européenne a de la notion dautorité publique, une interprétation particulière, restrictive qui ne remet pas en cause le statut dofficiers publics et ministériels qui est le vôtre dans notre droit. Je veux dire ensuite que dans ses termes mêmes, larrêt nous donne les moyens de défendre les caractères essentiels du notariat et les structures de son organisation.
La Cour reconnaît en effet la raison impérieuse dintérêt général qui régit lexercice de vos missions. Elle reconnaît que la nature de votre action peut autoriser des restrictions éventuelles à la liberté détablissement des ressortissants de lUnion européenne. Elle reconnaît que les procédures de recrutement des notaires, la limitation de leur nombre, lencadrement de leur compétence territoriale, leur régime de rémunération, dindépendance, dincompatibilités et dinamovibilité, en un mot tout ce qui fait la spécificité de votre profession, peuvent être justifiés, légitimés par les objectifs dintérêt général que vous poursuivez. Et je veux vous assurer que nous utiliserons toutes les armes que cet arrêt nous donne pour préserver notre organisation notariale.
Cet arrêt nuancé ne doit pas nourrir des craintes excessives. Parce que malgré les interrogations quil suscite, il montre que la Cour a compris votre rôle fondamental, quelle a compris qui vous êtes, quelle a compris que votre organisation mérite une attention particulière. Parce que je veux le rappeler aussi, la France nest pas isolée dans la défense du notariat.
La majorité des pays membres de lUnion européenne sont à notre côté et notre voix est entendue lorsque nous veillons à préserver votre profession. Il y a quelques années, lUnion européenne a exclu le notariat de la directive services, à notre initiative. Elle lui a donc déjà reconnu une spécificité qui ne doit pas à nouveau être contestée. Et jai la conviction quil nen sera rien.
Nous avons été et nous serons à vos côtés pour garantir la pérennité de votre vocation et de votre activité. Les notaires sont en France une Institution ancienne. Ils sont un pilier de la tradition juridique qui est la nôtre, mais qui est aussi celle de nombreuses nations en Europe et partout dans le monde. On sait les divergences historiques et philosophiques qui séparent les pays de common law et ceux où prévaut le droit continental romano-civiliste. Il importe que les deux systèmes se respectent et apprennent lun de lautre. Il serait vain de prétendre à je ne sais quelle victoire ou à leffacement dune de ces traditions comme si une nation pouvait subitement renoncer à lune des marques les plus profondes de son héritage et de son destin.
Le droit continental établit sur des fondements puissants le notariat qui en est une expression achevée. La manière dont cette Institution répond concrètement à des interrogations juridiques et philosophiques lui vaut dailleurs dêtre considérée avec la plus grande attention par beaucoup dexperts anglo-saxons. Elle lui vaut aussi cette dimension internationale qui va croissant et au sein de laquelle les notaires français sont appelés à jouer un rôle dexemple et de réflexion. Et jen veux pour preuve la présence aujourdhui des représentants des délégations étrangères qui vous font lhonneur de participer à votre congrès et que je suis heureux à mon tour de saluer chaleureusement. Qui pourrait prétendre reprocher aux notaires une attitude de repli obsidional, quand on voit cette logique dexpansion et de dynamisme qui est la réalité et lactualité de votre profession ? Lavenir vous est ouvert et les enjeux de la modernité ne cessent de requérir votre expertise juridique et votre ancrage profond dans la vie économique et sociale.
Le thème sur lequel vous avez choisi de réfléchir cette année le financement en est une illustration particulièrement pertinente. Je veux dailleurs rendre hommage au travail de Maître Henri Brugerolle et de ses équipes qui ont préparé de longue date lévénement qui nous réunit aujourdhui.
Le rôle économique des notaires nest pas nouveau. Le grand historien des passions françaises, Theodore Zeldin, a écrit quautrefois "les notaires avaient une influence déterminante sur le développement économique du pays par le contrôle quils exerçaient sur les placements des particuliers". Lexemple est parlant mais il faut naturellement actualiser cette idée en considérant toute la diversité des secteurs de léconomie moderne où vous êtes appelés à intervenir de nos jours. Lenjeu du financement, cest la réalisation des projets. Cest en un sens le fondement même de toute activité. Il concerne chacun de nos concitoyens, lorsquil veut acquérir un logement ou financer les études de ses enfants. Mais il concerne aussi la dynamique de notre système économique, lorsquil sagit de financer la création ou le développement dentreprises qui vont amener à la productivité, à la croissance et à lemploi.
Entre la prudence et laudace, entre garantie et prise de risques, le financement nécessite des équilibres subtils, raisonnés que les notaires sont particulièrement bien placés pour déterminer. Poser la question du financement, cest se demander comment libérer les énergies, encourager les initiatives, donner à chacun les moyens daccomplir ses aspirations, tout en prémunissant ceux qui les portent et ceux qui les soutiennent contre les aléas les plus graves. Cest se demander comment créer du potentiel, construire lavenir, concrétiser lespoir, accorder la réalité avec la volonté. Cest là que vos réflexions rencontrent nos ambitions politiques. Il y a laccession des Français à la propriété, que nous navons cessé de favoriser dans un contexte de hausse des prix sur le marché de limmobilier qui rend trop souvent cette ambition difficile.
Au début de lannée, nous avons rénové les dispositifs daides pour quils soient plus simples, plus lisibles, accessibles à tous sans distinction. La création du prêt à taux zéro renforcé est une mesure importante qui doit encore monter en puissance, et nous avons besoin pour cela, de votre rôle de conseil et dinformation auprès de nos concitoyens. Il y a notre fiscalité du patrimoine que nous sommes en train de rénover en réformant lImpôt sur la Fortune, avec la volonté de rendre notre pays plus attractif, plus respectueux du travail, plus équitable dans les efforts qui sont demandés à tous. Au fil des ans, 300 000 foyers sétaient vus assujettis à lISF, notamment à cause de la hausse de la valeur de leur logement, et je crois quil était juste quils sortent du champ de cet impôt.
Je crois aussi quil était juste, comme nous avons décidé de le faire, de financer cette réforme par un relèvement des droits applicables aux donations et successions les plus élevées, sans remettre en cause les avancées de la loi de 2007 qui permettent à ceux qui se sont constitués un patrimoine par leur travail, de le transmettre à leurs enfants. Il y a le défi démographique de la très longue durée de vie et de la perte dautonomie, qui touche lensemble de notre société. Je sais que vous y êtes sensibles, vous que votre travail place au plus près des interrogations des familles, vous dont les conseils sont précieux lorsquil sagit dorganiser au mieux la retraite et la fin de vie.
Nous avons fait le choix de ne pas remettre ce chantier à plus tard. Au terme de la concertation nationale que nous avons engagée, la réforme de la dépendance sera débattue au Parlement à lautomne et nous prendrons alors les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité et de justice. Il y a tous les encouragements que nous avons apportés à lesprit dentreprise, trop souvent négligé en France, trop souvent bridé par des complexités et par des craintes. La création du régime de lauto-entrepreneur a montré que les Français ont en eux cet esprit dentreprise, pour peu que les démarches soient simplifiées et pour peu que les structures soient allégées.
Cela nous a inspiré pour lever les freins à la création dentreprises, en particulier la peur de léchec, la peur de voir saisir ses biens, de se retrouver démuni, de compromettre lavenir de sa famille en cas de difficultés professionnelles. Je me suis engagé personnellement pour que lon crée le régime de lentrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui permet de mettre à labri ses biens personnels. Il faut bien entendu que les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée puissent accéder aux financements bancaires, sans quil leur soit systématiquement demandé de se porter caution sur leurs biens personnels, ce qui irait à lencontre de la logique même de ce nouveau régime. Cest lobjet de la Charte que le gouvernement a signée la semaine dernière avec la Fédération des Banques Françaises, et qui pose notamment le principe de légalité de traitement entre lEIRL et les autres formes juridiques pour laccès au crédit. Puisque jévoque laccès au crédit, je veux dire un mot du financement des entreprises qui a été un axe central de la politique de mon gouvernement depuis 2007, aussi bien pour redonner du souffle à notre économie que pour faire face à la crise économique mondiale. Avec le plan de sauvetage du secteur bancaire, dont je veux rappeler que cest la France et la Grande Bretagne qui ont été à lorigine du plan qui a permis déviter le phénomène de contagion qui aurait sans doute mis complètement par terre notre système bancaire international. Avec laction dOSEO, avec la médiation du crédit, nous avons aidé des milliers dentreprises à financer leur trésorerie pendant la crise. Le résultat, cest que les encours de crédits aux PME nont jamais régressé dans cette période de tourmente ; et maintenant que la reprise se fait sentir, leur rythme de progression annuelle dépasse 4%. Cela vaut aussi bien pour les crédits bancaires à lensemble de notre économie, qui nont baissé à aucun moment, alors quils avaient diminué lors de la récession de 1993 dont limpact sur lactivité avait pourtant été trois fois moindre que la crise que nous venons de connaître. Les entreprises ont besoin de financements bancaires mais elles ont également besoin de fonds propres. Et cest la raison pour laquelle nous avons mis en place le Fonds stratégique dinvestissement. Cest également pour cette raison que nous avons créé en 2007, le dispositif ISF-PME qui oriente lépargne vers le financement de lactivité économique. Depuis que ce dispositif est en place, il a permis de drainer chaque année un peu plus dun milliard deuros vers les fonds propres des PME. Je veux vous dire quil sera naturellement maintenu au sein de la réforme de la fiscalité que nous sommes en train de conduire.
Quant à la transmission des entreprises, cest un sujet que vous connaissez bien et qui est un enjeu de première importance, dans un contexte démographique qui fait que dans les années à venir des centaines de milliers dentreprises vont changer de main. Ces entreprises ne doivent pas être déstabilisées, et je pense en particulier aux entreprises patrimoniales, souvent garantes dun développement raisonné, dune grande proximité entre dirigeants et salariés, dun ancrage fort dans la vie de nos territoires. Cest pourquoi dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, nous allons assouplir les "pactes Dutreil" pour quils répondent encore mieux à leur objectif qui est de favoriser la transmission de ces entreprises patrimoniales.
Toutes ces mesures, auxquelles il faut ajouter ces initiatives fortes du quinquennat quont été la défiscalisation des heures supplémentaires, le triplement du crédit impôt recherche, la suppression de la taxe professionnelle, le lancement du programme dinvestissements davenir, toutes ces mesures nous les prenons pour consolider la dynamique dactivité et de compétitivité qui est au centre de nos ambitions pour la France.
Ces efforts sont en train de porter leurs fruits. Notre économie est entrée dans un cycle favorable, avec une croissance qui devrait atteindre 2% cette année, avec le retour de la création demplois, avec aussi la constance de notre crédibilité budgétaire, encore récemment maintenue au degré le plus élevé par les observateurs. Ce sont les résultats de notre réactivité face à la crise qui se font jour, même si la prudence doit rester de mise. Ce sont aussi les effets des réformes profondes que nous avons engagées et qui se dessinent peu à peu.
Je veux marrêter un instant sur cette question. Nous avons tenu la plupart des engagements que nous avions pris. Mais ce sur quoi je veux insister ce sont les réformes de structures. Les réformes difficiles, les réformes qui ont consisté à briser des tabous et dont les résultats ne se feront jour quau fil du temps. Je veux prendre quelques exemples. La réforme des universités : tout le monde savait dans notre pays depuis trente ans, que nos universités étaient en déclin.
Et elles étaient en déclin parce quelles avaient un statut qui les conduisait à ce déclin : luniformité, la bureaucratie, labsence de compétition et donc labsence dun des moteurs essentiels de lexcellence. Mais en raison des conservatismes du milieu, en raison des dangers que plusieurs gouvernements ont eu à affronter lorsquils avaient tenté une réforme de luniversité, personne ne bougeait. Or luniversité et la recherche en déclin cest lavenir dun pays en déclin. Luniversité et la recherche cest 50% de la croissance de demain. Cétait donc criminel de laisser notre université sombrer comme nous le faisions depuis si longtemps. Eh bien nous avons affronté le risque dimpopularité, le risque de mouvements sociaux et nous avons donné aux universités françaises lautonomie. Cela veut dire que désormais les universités françaises peuvent recruter leurs enseignants. Cela veut dire que désormais les universités françaises peuvent adapter leur pédagogie ; choisir leurs spécialités ; gérer elles-mêmes leur patrimoine ; passer tous les accords quelles veulent avec dautres universités en France, dans le monde ; avec des entreprises, avec des laboratoires de rechercher publics et privés. Voilà une réforme qui ne donne pas évidemment de résultats immédiats. Il faut que les universités intègrent ce statut dautonomie, quelles le mettent en place, il faut quelles recrutent leurs enseignants. Et puis ensuite il faut quune génération détudiants passe par ces universités pour que les résultats se fassent sentir.
Un autre exemple que je voudrais citer, cest la représentativité syndicale et le dialogue social. Combien de fois navez-vous pas entendu critiquer un système de représentativité syndicale qui consistait pour lessentiel à prendre les syndicats existants au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à considérer que leur représentativité était établie une fois pour toutes. Personne navait le courage daller contre cette représentativité qui nétait pas démocratique, qui conduisait dailleurs les salariés à se détourner des organisations syndicales et qui minait finalement le dialogue social. Nous avons réformé la représentativité syndicale. Désormais les organisations syndicales seront représentatives en fonction des résultats des élections professionnelles dans les entreprises. Là aussi, il faudra du temps pour que les résultats se manifestent. Et cela veut dire que demain nous allons assister à des regroupements dorganisations syndicales ; nous allons assister au renforcement dune puissance syndicale réformatrice qui permettra daller vers un dialogue social comme on en connait dans la plupart des grands pays industrialisés.
Je veux prendre un dernier exemple. Celui du changement de lâge de la retraite. Cétait un sujet tellement tabou quavec le Président de la République lorsque nous avons préparé son programme en 2007, nous navions pas osé le mettre. Et puis la force de la crise économique et financière, les difficultés financières de nos régimes de retraite, les mouvements engagés dans tous les autres pays européens nous ont conduits à le faire. Alors quil aurait été tellement plus facile dattendre 2012 pour sintéresser à cette question car nous savions quen revenant sur la retraite à 60 ans, nous allions heurter un sentiment très largement partagé dans notre société. Pourtant nous lavons fait. Et qui peut dire aujourdhui quil nétait pas normal, quil nétait pas naturel, quil nétait pas nécessaire de modifier lâge de départ à la retraite lorsque, dans la quasi-totalité des pays européens on part désormais à la retraite à 65 ans ou à 67 ou à 68 ans.
Voilà ce sont des réformes qui nont pas forcément été très populaires ; ce sont des réformes dont on ne voit pas les effets à court terme. Mais ce sont des réformes qui transforment en profondeur la société française.
Nous avons été élus sur un programme de réformes, et malgré les débats, malgré les difficultés, la légitimité du changement sest imposée dans les faits et dans les esprits. Elle sest imposée parce quelle na dautre but que de nous garantir la maîtrise de notre destin dans un monde dont les équilibres anciens sont bousculés.
La mondialisation des enjeux oblige la France à plus de compétitivité, à plus dinnovation, à plus de solidarit??, à plus de discipline budgétaire, à plus dinfluence internationale. Et tout ceci exige du courage, de la cohérence et de la confiance. Confiance entre les citoyens et les pouvoirs. Et cette confiance qui ne se décrète pas, impose un discours de vérité. Confiance aussi entre les Français eux-mêmes. Notre société contemporaine est traversée par des aspirations contradictoires : dun côté, elle est en quête dun Etat protecteur et de lautre elle sacralise lindividu.
Aucune de ces deux aspirations nest en soi illégitime. Mais entre lespace public et la sphère intime il y a au centre ce pacte civil, ce pacte civique, familial, intergénérationnel qui vitalise et structure la société française. La force de ce pacte, dont vous êtes les intermédiaires et les médiateurs, dépend de la solidité de nos valeurs communes. Je crois aux valeurs du travail, de la responsabilité, du respect. Je crois aux valeurs de la famille et de la transmission. Je crois à la dignité des héritages qui se bâtissent et se lèguent. Je crois que le rêve de laccession à la propriété nest pas le rêve dune élite conformiste, mais un idéal populaire.
Après trois années de récession, beaucoup de nos concitoyens sortent de lépreuve affaiblis et angoissés face à lavenir. Nous devons les écouter, les sécuriser, les entraîner à choisir lespoir, à choisir le rassemblement, à choisir la responsabilité plutôt que de se laisser aller vers le repli ou des solutions extrémistes. Au milieu du changement, il vous revient à vous, les notaires, dassurer la préservation des repères et des valeurs qui donnent tout leur sens aux vies de nos concitoyens. Dun côté, vous préservez le fil de la mémoire et de lautre vous accompagnez les évolutions de notre temps.
Eh bien chacun selon ses responsabilités nous avons, Mesdames et Messieurs, un devoir commun : cest celui déveiller lesprit de confiance qui est à la source du progrès.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 juin 2011
Cest un grand honneur et un grand plaisir pour moi de retrouver les Notaires de France. Il y a beaucoup de raisons qui ont conduit à accepter votre invitation. Dabord lactualité de votre profession est porteuse dinterrogation, auxquelles je crois quil est important de répondre.
Ensuite, votre rôle au sein de la société française illustre des valeurs de confiance et de stabilité quil mimporte de défendre.
Ma conviction est que la belle fonction de notaire est un centre de gravité, un point de rencontre et déquilibre, à la croisée entre le public et le privé, entre le juridique et le judiciaire, entre la liberté et la contrainte. Le notaire incarne la puissance publique, lautorité souveraine placée au service des personnes privées. Il éclaire les consentements pour quils soient lexpression dune liberté consciente et responsable, et leur confère la force exécutoire pour le cas de défaillance de lune ou lautre des parties.
Pour tout dire, le notaire réunit en sa fonction : létat souverain, la libre volonté des citoyens et lexécution forcée. A la liberté, il offre la sécurité qui lui est indispensable pour porter tous ses fruits, en lassortissant de la responsabilité qui justifie, en cas de nécessité, la contrainte. Dans ce monde complexe que nous vivons, si vous nexistiez pas, il faudrait vous inventer !
Des liens personnels mattachent à votre profession et ce nest pas sans une émotion quen madressant à vous je ravive les souvenirs que jai gardés de lEtude mon père. Cette passion que vous avez exprimée dans vos différentes interventions je sais quelle nest pas un vain mot.
Ce rôle fondamental du notaire, que vous nous avez rappelé, je lai souvent vu à luvre. Cette attention à autrui qui vous anime, je lai apprise de mon père. Je nai pas oublié les leçons que me donnait lexemple de son travail ; pas plus que je nai oublié la manière dont il évoquait, et dont il évoque encore, les satisfactions et les émotions que lui a procurées cette vocation de témoin, de conseil, auprès dhommes et de femmes parfois confrontées à des situations difficiles.
Alors vous me direz, si on mavait tellement vanté les mérites de cette profession, pourquoi ne lai-je pas embrassée ? Parce quil arrivait aussi à mon père de nous raconter lors des déjeuners familiaux toutes les histoires désagréables qui ponctuent la vie qui ponctuaient la vie dun notaire de campagne. Et jen ai une notamment en mémoire qui mavait marqué, cétait un paysan qui venait voir mon père alors quil venait de sinstaller et quil navait pas de personnel, pour lui demander de vérifier dans ses archives si son voisin avait bien un droit de passage dans son chemin. Mon père passe une journée entière à fouiller dans les archives qui nétaient sans doute pas dailleurs très bien ordonnées et il dit à ce paysan quil peut se satisfaire, il ny a pas de droit de passage. Et le même paysan lui dit : mais jusquoù vous êtes remonté ? Et mon père lui dit : 20 ans, 30 ans, je ne sais plus. Il lui dit : Vous avez dautres archives, il faut aller plus loin. Et donc il passe une deuxième journée, cette fois-ci dans le grenier, où il y avait les archives poussiéreuses avec les ficelles qui cassaient lorsquon les défaisait. Et après toute une journée de travail il dit à ce paysan que son voisin navait pas de droit de passage dans son chemin. Et alors le paysan lui dit : eh bien vous voyez, je suis bien content, ce nest pas que je veux lempêcher de passer, mais je veux pouvoir lui dire : si tu passes dans mon chemin cest parce que je veux bien. Je croyais dailleurs en embrassant la fonction politique mêtre éloigné de ce type de situation. Je maperçois quil nen est rien.
Les notaires accompagnent lexistence dans ses moments graves, quils soient heureux ou douloureux. Cest une mission qui senracine dans une tradition ancienne et profonde qui établit votre autorité et la confiance que vous inspirez. Les valeurs qui sont votre marque celles de la probité, de la rigueur, de la confidentialité vous ont permis de tisser des liens puissants avec nos concitoyens. A travers les minutes notariales qui remontent au passé le plus lointain, vous êtes les garants dune mémoire collective, dune mémoire des droits qui défend luvre humaine contre les assauts de loubli. La sécurité dont vous entourez les transactions est de longue date une base essentielle pour notre contrat social et notre développement économique.
Alors comment imaginerait-on quune profession si attachée aux grandes permanences de la vie sociale, à ses événements et à ses rythmes intemporels, soit bousculée par des mouvements et des sollicitations éphémères ? Mais comment peut-on croire quétant si intimement au fait des drames, des passions, des intérêts qui traversent notre société, vous nen perceviez pas aussi les bouleversements les plus récents avec une acuité singulière ? Le rôle historique des notaires ne contredit pas leur inscription dans la modernité. Il la fonde, il lenrichit, il laiguise.
En 1998, devant votre Congrès, le Président Chirac avait dit que "lexpérience acquise au fil des années fait de vous les dépositaires dune sagesse". Eh bien cette sagesse est nécessaire à nos concitoyens qui cherchent auprès de vous conseil, éclaircissement, sérénité, devant les ramifications de la loi, la multiplication des sources de droit et des voies de recours, linflation préoccupante du contentieux. Cette sagesse est nécessaire à une société qui se modernise et qui voit souvrir devant elle de nouveaux questionnements, de nouvelles attentes, de nouvelles inquiétudes. Vous êtes souvent parmi les premiers à les entendre, à les analyser, et à en faire part aux responsables politiques de notre pays.
Je pense au combat que vous avez mené il y a quelques années pour défendre la vocation successorale du conjoint survivant, trop longtemps négligée par notre droit, au prix de situations de détresse personnelle sur lesquelles vous nous avez alertés. La loi a répondu à votre interpellation et je veux vous dire, sur cet exemple comme sur bien dautres, que votre contribution au débat public honore votre profession et que nous y sommes particulièrement attentifs.
Cette sagesse, je sais aussi quelle vous guide dans la modernisation de votre profession elle-même. La dématérialisation des échanges, la mise en place de lacte authentique sur support électronique, le développement des bases de données accessibles en ligne, en particulier sur les prix de limmobilier, la préparation du projet "Notaires de France Horizon 2020" tout cela témoigne de votre réactivité et de votre confrontation aux enjeux actuels.
Les clichés ont la vie dure, mais la réalité des faits est là pour les démentir ! Limage que vous nous donnez nest pas celle si elle la jamais été dun exercice routinier. Elle est celle dune profession qui se renouvelle dans ses moyens et dans ses réflexions, pour étudier et pour prévoir les évolutions de notre société. Derrière votre travail dexpertise, danticipation, de proposition, je vois une ambition pour la France. Dans votre mission de conciliation, de régulation, de sécurisation, je vois un pôle de référence, de solidité, pour une société qui aspire à la confiance face aux bouleversements des temps.
Au cur de votre activité, au cur de votre mission de service public, il y a lacte authentique. Cest une prérogative ancienne et intangible de votre profession, et nos concitoyens ne sont pas prêts à renoncer à la sécurité quelle procure, aux engagements les plus décisifs de leur vie. Mais je nignore pas les inquiétudes dont plusieurs dentre vous se sont faits lécho depuis la création récente de lacte contresigné par avocat. Ces inquiétudes, je veux les écarter aujourdhui.
Lacte contresigné par avocat na jamais été destiné à se substituer à lacte authentique et aucune confusion ne saurait sétablir entre les deux. Il est motivé par des enjeux qui lui sont spécifiques et qui définissent en même temps les limites entre lesquelles sa mise en uvre doit impérativement demeurer bornée. Il répond à une attente ancienne et il introduit une modernisation qui simposait.
Je crois que le Président de la République a eu raison den prendre linitiative au terme des travaux menés par la commission Darrois. Il nétait pas illégitime de vouloir donner une force probante plus grande à certains actes sous seing privé établis en y introduisant la signature dun avocat. Il nétait pas illégitime de limiter les contestations dont ces actes peuvent faire lobjet, en les entourant lorsque cela est nécessaire, de garanties qui soient à la hauteur des enjeux. Il nétait pas illégitime dinvestir les avocats dune mission de contrôle et dinformation des parties signataires. Et je veux rappeler aussi les distinctions établies par la loi entre lacte contresigné par avocat et lacte authentique dont sont garants les notaires. Lacte contresigné par avocat est un acte sous seing privé investi dune sécurité nouvelle mais qui ne se situe pas au même degré que lauthentification. Seule lauthentification fait dun acte un titre exécutoire qui lui donne la valeur dun jugement ! Seule lauthentification lui donne une force probante telle quil ne peut être contesté que par linscription de faux ! Et seule lauthentification peut recevoir le sceau de la République ! Cest pourquoi nous ne saurions encourager les avocats et je veux le dire en toute franchise et en toute amitié au président Wickers à entretenir lidée que lacte contresigné pourrait tenir lieu dacte authentique et encore moins à lentourer par mimétisme de formes qui doivent rester réservées à lauthentification.
Au fond, la différence entre les deux types dactes atteste dun côté les nouvelles responsabilités quil était juste de reconnaître aux avocats, et de lautre côté la confiance renouvelée du législateur envers ceux qui sont les dépositaires de lauthentification, et singulièrement les notaires.
La loi de modernisation des professions juridiques réaffirme dailleurs cette confiance dans votre profession et dans lacte authentique qui en est la marque, que ce soit en réservant expressément la publicité foncière à cet acte, ou bien en confiant au notaire lenregistrement des PACS lorsque les partenaires choisissent de passer une convention par acte authentique.
Cette loi, nous lavons conçue dans un esprit de complémentarité des différentes professions du droit. Entre les missions des notaires et celles des avocats, cest une vision déquilibre qui doit prévaloir. Aucune de vos deux professions ne sortirait gagnante dune logique de concurrence ou daffrontement. Cest ma conviction et je suis sûr que vous la partagez.
Un autre sujet dinquiétude est intervenu récemment. Il y a quelques jours, la Cour de Justice de lUnion européenne rendait un arrêt excluant la condition de nationalité de laccès à la profession de notaire. Elle a considéré que les activités des notaires ne participent pas directement et spécifiquement à lexercice de lautorité publique, au sens du Traité de lUnion.
Cette décision est-elle de nature à remettre en cause le statut et lorganisation de votre profession ? Fait-elle planer une menace sur lavenir du notariat dans notre pays ? Vous avez eu raison de le dire, Monsieur le Président : il ne faut pas se laisser impressionner par une lecture hasardeuse et prématurée de cet arrêt qui vient tout juste dêtre rendu. Je veux dire tout dabord, que la Cour de Justice de lUnion européenne a de la notion dautorité publique, une interprétation particulière, restrictive qui ne remet pas en cause le statut dofficiers publics et ministériels qui est le vôtre dans notre droit. Je veux dire ensuite que dans ses termes mêmes, larrêt nous donne les moyens de défendre les caractères essentiels du notariat et les structures de son organisation.
La Cour reconnaît en effet la raison impérieuse dintérêt général qui régit lexercice de vos missions. Elle reconnaît que la nature de votre action peut autoriser des restrictions éventuelles à la liberté détablissement des ressortissants de lUnion européenne. Elle reconnaît que les procédures de recrutement des notaires, la limitation de leur nombre, lencadrement de leur compétence territoriale, leur régime de rémunération, dindépendance, dincompatibilités et dinamovibilité, en un mot tout ce qui fait la spécificité de votre profession, peuvent être justifiés, légitimés par les objectifs dintérêt général que vous poursuivez. Et je veux vous assurer que nous utiliserons toutes les armes que cet arrêt nous donne pour préserver notre organisation notariale.
Cet arrêt nuancé ne doit pas nourrir des craintes excessives. Parce que malgré les interrogations quil suscite, il montre que la Cour a compris votre rôle fondamental, quelle a compris qui vous êtes, quelle a compris que votre organisation mérite une attention particulière. Parce que je veux le rappeler aussi, la France nest pas isolée dans la défense du notariat.
La majorité des pays membres de lUnion européenne sont à notre côté et notre voix est entendue lorsque nous veillons à préserver votre profession. Il y a quelques années, lUnion européenne a exclu le notariat de la directive services, à notre initiative. Elle lui a donc déjà reconnu une spécificité qui ne doit pas à nouveau être contestée. Et jai la conviction quil nen sera rien.
Nous avons été et nous serons à vos côtés pour garantir la pérennité de votre vocation et de votre activité. Les notaires sont en France une Institution ancienne. Ils sont un pilier de la tradition juridique qui est la nôtre, mais qui est aussi celle de nombreuses nations en Europe et partout dans le monde. On sait les divergences historiques et philosophiques qui séparent les pays de common law et ceux où prévaut le droit continental romano-civiliste. Il importe que les deux systèmes se respectent et apprennent lun de lautre. Il serait vain de prétendre à je ne sais quelle victoire ou à leffacement dune de ces traditions comme si une nation pouvait subitement renoncer à lune des marques les plus profondes de son héritage et de son destin.
Le droit continental établit sur des fondements puissants le notariat qui en est une expression achevée. La manière dont cette Institution répond concrètement à des interrogations juridiques et philosophiques lui vaut dailleurs dêtre considérée avec la plus grande attention par beaucoup dexperts anglo-saxons. Elle lui vaut aussi cette dimension internationale qui va croissant et au sein de laquelle les notaires français sont appelés à jouer un rôle dexemple et de réflexion. Et jen veux pour preuve la présence aujourdhui des représentants des délégations étrangères qui vous font lhonneur de participer à votre congrès et que je suis heureux à mon tour de saluer chaleureusement. Qui pourrait prétendre reprocher aux notaires une attitude de repli obsidional, quand on voit cette logique dexpansion et de dynamisme qui est la réalité et lactualité de votre profession ? Lavenir vous est ouvert et les enjeux de la modernité ne cessent de requérir votre expertise juridique et votre ancrage profond dans la vie économique et sociale.
Le thème sur lequel vous avez choisi de réfléchir cette année le financement en est une illustration particulièrement pertinente. Je veux dailleurs rendre hommage au travail de Maître Henri Brugerolle et de ses équipes qui ont préparé de longue date lévénement qui nous réunit aujourdhui.
Le rôle économique des notaires nest pas nouveau. Le grand historien des passions françaises, Theodore Zeldin, a écrit quautrefois "les notaires avaient une influence déterminante sur le développement économique du pays par le contrôle quils exerçaient sur les placements des particuliers". Lexemple est parlant mais il faut naturellement actualiser cette idée en considérant toute la diversité des secteurs de léconomie moderne où vous êtes appelés à intervenir de nos jours. Lenjeu du financement, cest la réalisation des projets. Cest en un sens le fondement même de toute activité. Il concerne chacun de nos concitoyens, lorsquil veut acquérir un logement ou financer les études de ses enfants. Mais il concerne aussi la dynamique de notre système économique, lorsquil sagit de financer la création ou le développement dentreprises qui vont amener à la productivité, à la croissance et à lemploi.
Entre la prudence et laudace, entre garantie et prise de risques, le financement nécessite des équilibres subtils, raisonnés que les notaires sont particulièrement bien placés pour déterminer. Poser la question du financement, cest se demander comment libérer les énergies, encourager les initiatives, donner à chacun les moyens daccomplir ses aspirations, tout en prémunissant ceux qui les portent et ceux qui les soutiennent contre les aléas les plus graves. Cest se demander comment créer du potentiel, construire lavenir, concrétiser lespoir, accorder la réalité avec la volonté. Cest là que vos réflexions rencontrent nos ambitions politiques. Il y a laccession des Français à la propriété, que nous navons cessé de favoriser dans un contexte de hausse des prix sur le marché de limmobilier qui rend trop souvent cette ambition difficile.
Au début de lannée, nous avons rénové les dispositifs daides pour quils soient plus simples, plus lisibles, accessibles à tous sans distinction. La création du prêt à taux zéro renforcé est une mesure importante qui doit encore monter en puissance, et nous avons besoin pour cela, de votre rôle de conseil et dinformation auprès de nos concitoyens. Il y a notre fiscalité du patrimoine que nous sommes en train de rénover en réformant lImpôt sur la Fortune, avec la volonté de rendre notre pays plus attractif, plus respectueux du travail, plus équitable dans les efforts qui sont demandés à tous. Au fil des ans, 300 000 foyers sétaient vus assujettis à lISF, notamment à cause de la hausse de la valeur de leur logement, et je crois quil était juste quils sortent du champ de cet impôt.
Je crois aussi quil était juste, comme nous avons décidé de le faire, de financer cette réforme par un relèvement des droits applicables aux donations et successions les plus élevées, sans remettre en cause les avancées de la loi de 2007 qui permettent à ceux qui se sont constitués un patrimoine par leur travail, de le transmettre à leurs enfants. Il y a le défi démographique de la très longue durée de vie et de la perte dautonomie, qui touche lensemble de notre société. Je sais que vous y êtes sensibles, vous que votre travail place au plus près des interrogations des familles, vous dont les conseils sont précieux lorsquil sagit dorganiser au mieux la retraite et la fin de vie.
Nous avons fait le choix de ne pas remettre ce chantier à plus tard. Au terme de la concertation nationale que nous avons engagée, la réforme de la dépendance sera débattue au Parlement à lautomne et nous prendrons alors les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité et de justice. Il y a tous les encouragements que nous avons apportés à lesprit dentreprise, trop souvent négligé en France, trop souvent bridé par des complexités et par des craintes. La création du régime de lauto-entrepreneur a montré que les Français ont en eux cet esprit dentreprise, pour peu que les démarches soient simplifiées et pour peu que les structures soient allégées.
Cela nous a inspiré pour lever les freins à la création dentreprises, en particulier la peur de léchec, la peur de voir saisir ses biens, de se retrouver démuni, de compromettre lavenir de sa famille en cas de difficultés professionnelles. Je me suis engagé personnellement pour que lon crée le régime de lentrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui permet de mettre à labri ses biens personnels. Il faut bien entendu que les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée puissent accéder aux financements bancaires, sans quil leur soit systématiquement demandé de se porter caution sur leurs biens personnels, ce qui irait à lencontre de la logique même de ce nouveau régime. Cest lobjet de la Charte que le gouvernement a signée la semaine dernière avec la Fédération des Banques Françaises, et qui pose notamment le principe de légalité de traitement entre lEIRL et les autres formes juridiques pour laccès au crédit. Puisque jévoque laccès au crédit, je veux dire un mot du financement des entreprises qui a été un axe central de la politique de mon gouvernement depuis 2007, aussi bien pour redonner du souffle à notre économie que pour faire face à la crise économique mondiale. Avec le plan de sauvetage du secteur bancaire, dont je veux rappeler que cest la France et la Grande Bretagne qui ont été à lorigine du plan qui a permis déviter le phénomène de contagion qui aurait sans doute mis complètement par terre notre système bancaire international. Avec laction dOSEO, avec la médiation du crédit, nous avons aidé des milliers dentreprises à financer leur trésorerie pendant la crise. Le résultat, cest que les encours de crédits aux PME nont jamais régressé dans cette période de tourmente ; et maintenant que la reprise se fait sentir, leur rythme de progression annuelle dépasse 4%. Cela vaut aussi bien pour les crédits bancaires à lensemble de notre économie, qui nont baissé à aucun moment, alors quils avaient diminué lors de la récession de 1993 dont limpact sur lactivité avait pourtant été trois fois moindre que la crise que nous venons de connaître. Les entreprises ont besoin de financements bancaires mais elles ont également besoin de fonds propres. Et cest la raison pour laquelle nous avons mis en place le Fonds stratégique dinvestissement. Cest également pour cette raison que nous avons créé en 2007, le dispositif ISF-PME qui oriente lépargne vers le financement de lactivité économique. Depuis que ce dispositif est en place, il a permis de drainer chaque année un peu plus dun milliard deuros vers les fonds propres des PME. Je veux vous dire quil sera naturellement maintenu au sein de la réforme de la fiscalité que nous sommes en train de conduire.
Quant à la transmission des entreprises, cest un sujet que vous connaissez bien et qui est un enjeu de première importance, dans un contexte démographique qui fait que dans les années à venir des centaines de milliers dentreprises vont changer de main. Ces entreprises ne doivent pas être déstabilisées, et je pense en particulier aux entreprises patrimoniales, souvent garantes dun développement raisonné, dune grande proximité entre dirigeants et salariés, dun ancrage fort dans la vie de nos territoires. Cest pourquoi dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, nous allons assouplir les "pactes Dutreil" pour quils répondent encore mieux à leur objectif qui est de favoriser la transmission de ces entreprises patrimoniales.
Toutes ces mesures, auxquelles il faut ajouter ces initiatives fortes du quinquennat quont été la défiscalisation des heures supplémentaires, le triplement du crédit impôt recherche, la suppression de la taxe professionnelle, le lancement du programme dinvestissements davenir, toutes ces mesures nous les prenons pour consolider la dynamique dactivité et de compétitivité qui est au centre de nos ambitions pour la France.
Ces efforts sont en train de porter leurs fruits. Notre économie est entrée dans un cycle favorable, avec une croissance qui devrait atteindre 2% cette année, avec le retour de la création demplois, avec aussi la constance de notre crédibilité budgétaire, encore récemment maintenue au degré le plus élevé par les observateurs. Ce sont les résultats de notre réactivité face à la crise qui se font jour, même si la prudence doit rester de mise. Ce sont aussi les effets des réformes profondes que nous avons engagées et qui se dessinent peu à peu.
Je veux marrêter un instant sur cette question. Nous avons tenu la plupart des engagements que nous avions pris. Mais ce sur quoi je veux insister ce sont les réformes de structures. Les réformes difficiles, les réformes qui ont consisté à briser des tabous et dont les résultats ne se feront jour quau fil du temps. Je veux prendre quelques exemples. La réforme des universités : tout le monde savait dans notre pays depuis trente ans, que nos universités étaient en déclin.
Et elles étaient en déclin parce quelles avaient un statut qui les conduisait à ce déclin : luniformité, la bureaucratie, labsence de compétition et donc labsence dun des moteurs essentiels de lexcellence. Mais en raison des conservatismes du milieu, en raison des dangers que plusieurs gouvernements ont eu à affronter lorsquils avaient tenté une réforme de luniversité, personne ne bougeait. Or luniversité et la recherche en déclin cest lavenir dun pays en déclin. Luniversité et la recherche cest 50% de la croissance de demain. Cétait donc criminel de laisser notre université sombrer comme nous le faisions depuis si longtemps. Eh bien nous avons affronté le risque dimpopularité, le risque de mouvements sociaux et nous avons donné aux universités françaises lautonomie. Cela veut dire que désormais les universités françaises peuvent recruter leurs enseignants. Cela veut dire que désormais les universités françaises peuvent adapter leur pédagogie ; choisir leurs spécialités ; gérer elles-mêmes leur patrimoine ; passer tous les accords quelles veulent avec dautres universités en France, dans le monde ; avec des entreprises, avec des laboratoires de rechercher publics et privés. Voilà une réforme qui ne donne pas évidemment de résultats immédiats. Il faut que les universités intègrent ce statut dautonomie, quelles le mettent en place, il faut quelles recrutent leurs enseignants. Et puis ensuite il faut quune génération détudiants passe par ces universités pour que les résultats se fassent sentir.
Un autre exemple que je voudrais citer, cest la représentativité syndicale et le dialogue social. Combien de fois navez-vous pas entendu critiquer un système de représentativité syndicale qui consistait pour lessentiel à prendre les syndicats existants au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à considérer que leur représentativité était établie une fois pour toutes. Personne navait le courage daller contre cette représentativité qui nétait pas démocratique, qui conduisait dailleurs les salariés à se détourner des organisations syndicales et qui minait finalement le dialogue social. Nous avons réformé la représentativité syndicale. Désormais les organisations syndicales seront représentatives en fonction des résultats des élections professionnelles dans les entreprises. Là aussi, il faudra du temps pour que les résultats se manifestent. Et cela veut dire que demain nous allons assister à des regroupements dorganisations syndicales ; nous allons assister au renforcement dune puissance syndicale réformatrice qui permettra daller vers un dialogue social comme on en connait dans la plupart des grands pays industrialisés.
Je veux prendre un dernier exemple. Celui du changement de lâge de la retraite. Cétait un sujet tellement tabou quavec le Président de la République lorsque nous avons préparé son programme en 2007, nous navions pas osé le mettre. Et puis la force de la crise économique et financière, les difficultés financières de nos régimes de retraite, les mouvements engagés dans tous les autres pays européens nous ont conduits à le faire. Alors quil aurait été tellement plus facile dattendre 2012 pour sintéresser à cette question car nous savions quen revenant sur la retraite à 60 ans, nous allions heurter un sentiment très largement partagé dans notre société. Pourtant nous lavons fait. Et qui peut dire aujourdhui quil nétait pas normal, quil nétait pas naturel, quil nétait pas nécessaire de modifier lâge de départ à la retraite lorsque, dans la quasi-totalité des pays européens on part désormais à la retraite à 65 ans ou à 67 ou à 68 ans.
Voilà ce sont des réformes qui nont pas forcément été très populaires ; ce sont des réformes dont on ne voit pas les effets à court terme. Mais ce sont des réformes qui transforment en profondeur la société française.
Nous avons été élus sur un programme de réformes, et malgré les débats, malgré les difficultés, la légitimité du changement sest imposée dans les faits et dans les esprits. Elle sest imposée parce quelle na dautre but que de nous garantir la maîtrise de notre destin dans un monde dont les équilibres anciens sont bousculés.
La mondialisation des enjeux oblige la France à plus de compétitivité, à plus dinnovation, à plus de solidarit??, à plus de discipline budgétaire, à plus dinfluence internationale. Et tout ceci exige du courage, de la cohérence et de la confiance. Confiance entre les citoyens et les pouvoirs. Et cette confiance qui ne se décrète pas, impose un discours de vérité. Confiance aussi entre les Français eux-mêmes. Notre société contemporaine est traversée par des aspirations contradictoires : dun côté, elle est en quête dun Etat protecteur et de lautre elle sacralise lindividu.
Aucune de ces deux aspirations nest en soi illégitime. Mais entre lespace public et la sphère intime il y a au centre ce pacte civil, ce pacte civique, familial, intergénérationnel qui vitalise et structure la société française. La force de ce pacte, dont vous êtes les intermédiaires et les médiateurs, dépend de la solidité de nos valeurs communes. Je crois aux valeurs du travail, de la responsabilité, du respect. Je crois aux valeurs de la famille et de la transmission. Je crois à la dignité des héritages qui se bâtissent et se lèguent. Je crois que le rêve de laccession à la propriété nest pas le rêve dune élite conformiste, mais un idéal populaire.
Après trois années de récession, beaucoup de nos concitoyens sortent de lépreuve affaiblis et angoissés face à lavenir. Nous devons les écouter, les sécuriser, les entraîner à choisir lespoir, à choisir le rassemblement, à choisir la responsabilité plutôt que de se laisser aller vers le repli ou des solutions extrémistes. Au milieu du changement, il vous revient à vous, les notaires, dassurer la préservation des repères et des valeurs qui donnent tout leur sens aux vies de nos concitoyens. Dun côté, vous préservez le fil de la mémoire et de lautre vous accompagnez les évolutions de notre temps.
Eh bien chacun selon ses responsabilités nous avons, Mesdames et Messieurs, un devoir commun : cest celui déveiller lesprit de confiance qui est à la source du progrès.
Source http://www.gouvernement.fr, le 7 juin 2011