Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur le rôle des métropoles et des communautés urbaines dans l'acte III de la décentralisation, à Nancy le 16 novembre 2012.

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Circonstance : 40ème édition des Journées des communautés urbaines de France, à Nancy (Meurthe-et-Moselle) les 15 et 16 novembre 2012

Texte intégral

Monsieur les Présidents, Cher Gérard, Cher Michel
Monsieur le Président Rossinot,
Madame la Présidente
Messieurs les Présidents,
Je poursuis ce matin grâce à votre invitation ma visite des associations d’élus avant de la conclure devant le Congrès des maires la semaine prochaine.
Comme le Président de la République l’a annoncé lors des Etats généraux de la démocratie territoriale, le gouvernement travaille à la prochaine étape de décentralisation. Ce n’est pas seulement un acte supplémentaire mais bien un acte de la modernisation de l’action publique. Il s’agit de mieux penser, de mieux définir et simplifier l’intervention publique dans le sens de la lisibilité et de l’efficacité. C’est tout le sens de l’action du Ministère dont j’ai la charge : réformer l’action publique, mettre en cohérence mission et outils de l’Etat avec les compétences et initiatives des collectivités locales.
Ainsi, notre ambition est de tirer les conséquences d’une décentralisation qui a témoigné des aptitudes particulières des collectivités et singulièrement des communes : réactivité, souplesse, adaptation.
Le changement, c’est précisément de s’appuyer sur la libre administration des collectivités locales, de faire confiance aux collectivités pour redéfinir nos politiques publiques, leur efficacité. La responsabilité est un moteur pour cette nouvelle ambition : en mettant les collectivités en situation de faire émerger de nouvelles solutions, d’adapter le service rendu aux besoins des populations sur les différents territoires.
Notre pays doit mieux reconnaître le fait urbain : il est là, il existe. Le reconnaître ce n’est pas rejeter les territoires ruraux ni tourner le dos à une autre France. C’est voir notre pays tel qu’il est.
Les grandes agglomérations constituent aujourd’hui des forces d’attraction et donc de structuration de nos territoires, mais aussi des moteurs de la croissance économique comme des territoires de vie quotidienne.
Aussi, comme l’a annoncé le Président de la République, il est aujourd’hui temps d’organiser nos grandes agglomérations urbaines. Cette nouvelle étape de décentralisation a vocation à accompagner la mutation de nos territoires urbains.
Pour des raisons de rayonnement économique mais pas seulement. L’étalement urbain, lié à cette attractivité vous pose aujourd’hui question : coût énergétique pour les ménages, coût des infrastructures publiques, parfois souffrance sociale de la population périurbaine, qui se trouve souvent être la plus éloignée des centres villes, des lumières de la ville, soumis à des rythmes de vie coûteux en temps, en argent.
A l’heure d’écrire une nouvelle organisation pour les grandes agglomérations de ce pays, l’expérience et l’histoire des communautés urbaines nous est, je crois, précieuse.
Quadragénaire, le statut de communautés urbaines est antérieur à celui des régions, des communautés d’agglomération, des communautés de communes. Il incarne l’intégration communautaire avant l’heure, le projet de territoire partagé. Les communautés urbaines sont aujourd’hui les intercommunalités les plus intégrées dans notre pays.
Aussi, le statut des communautés urbaines, leurs compétences sont une source d’inspiration : d’une part un point de départ pour les actuelles communautés urbaines et leur territoire, d’autre part un point d’arrivée pour les futures communautés d’agglomération.
Concernant les agglomérations métropolitaines, je crois sage de distinguer les plus grandes métropoles et les communautés métropolitaines. Pour les premières, le critère démographique est incontournable, autour du million d’habitants ; en revanche pour les secondes, je crois davantage à un faisceau de critères de métropolisation.
Nous proposerons de réserver par la loi les métropoles européennes aux ensembles de plus d’un million d’habitants : c’est d’ores et déjà le cas de Lyon et Lille ; et pour Marseille, je le crois, et nous y travaillons. Leur statut est destiné à élaborer et conduire un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire. Elles pourraient bénéficier par convention, le cas échéant, de transferts de compétences départementales et régionales.
Les communautés métropolitaines sont destinées à remplacer les métropoles issues de la loi RCT de 2010, trop rigides : d’ailleurs, il n’existe aujourd’hui, deux ans après, qu’une seule métropole modèle 2010. Nous proposons de créer par la loi les communautés métropolitaines en les identifiant à partir d’éléments dynamiques de leur rayonnement comme les infrastructures de transports, universitaires, de recherche ou hospitalières.
Dans ce cas, pourquoi ne pas discuter clairement, avec la Région comme avec l’Etat, de la gestion de grandes infrastructures, la Région, elle, ayant beaucoup à porter en termes de stratégie de développement économique ?
Eu égard à leurs fonctions, je crois donc nécessaire de conférer à ces métropoles des statuts renouvelés, plus intégrés, plus puissants, comme vous l’appelez de vos vœux.
Nouvelles métropoles, communautés métropolitaines, ne peuvent se faire sans légitimité démocratique directe. Vos concitoyens vivent à l’échelle métropolitaine mais la métropole ne constitue pas encore un espace politique réel. Le mode de désignation actuel des conseils communautaires est un frein à cette reconnaissance par nos concitoyens.
Comme le Président s’y est engagé, le gouvernement introduira l’élection des délégués communautaires au suffrage universel dès 2014 grâce au fléchage pour l’ensemble des intercommunalités.
Mais l’émergence institutionnelle du fait métropolitain ne se résume pas à une élection tous les 6 ans du conseil communautaire, fut-ce directement en 2020 dans les plus grandes. La construction du fait métropolitain doit aussi se décliner au niveau des territoires de la métropole, à travers - pourquoi pas - des conseils plus localisés assurant un lien entre les communes et la stratégie métropolitaine. Je pense, par exemple, aux conseils des maires animés par territoire au niveau du Grand Lyon.
La question du statut des futurs ensembles métropolitains n’est pas tant de disposer d’un statut que de savoir ce que l’on en fait : c’est-à-dire la mise en œuvre de compétences avec notamment les autres collectivités intervenant sur le territoire métropolitain.
Nouvelles métropoles, communautés métropolitaines seront des acteurs des futures conférences territoriales pour l’action publique. Le rôle de ces conférences est simple : discuter compétence par compétence des modalités concrètes d’exercice, dans le respect du principe de non tutelle d’une collectivité sur l’autre. Ces conférences doivent nous permettre de mieux prendre en compte la diversité des territoires, ruraux comme urbains, tout en cherchant à rendre au citoyen le service public le plus juste et le plus efficace.
Ces conférences territoriales pour l’action publique doivent concrétiser notre souhait de ne pas enfermer les collectivités locales dans un modèle unique.
L’exercice des conférences territoriales doit également faire progresser la mutualisation des moyens, investissement de moyen terme de nos organisations publiques. Au moment où la maîtrise de la dépense est un impératif, nous devons, Etat et collectivités locales, prouver qu’existent des leviers pour dégager des marges de manœuvre.
Dans la déclaration commune signée avec le Premier Ministre, à l’issue de la rencontre du président de la République avec les grandes villes de France, les villes centres de vos communautés urbaines, le 30 octobre dernier, vous vous êtes engagés à approfondir la mutualisation et l’optimisation des dépenses de fonctionnement : c’est l’engagement n°11.
Comme vous le savez dans le contexte particulier que nous vivons et que le Président de la République a rappelé dans sa conférence de presse mardi dernier, nous devons collectivement produire des efforts de maîtrise de nos moyens.
Le Premier Ministre a illustré cette recherche d’efficacité par la mutualisation des services entre la communauté urbaine de Nantes et les communes membres. Comme Jean-Marc Ayrault, je souhaite que la réforme de la décentralisation nous permette d’aller beaucoup plus loin dans cette direction.
Alors, il nous faut aller de l’avant. Pourquoi ne pas prendre en compte pour le calcul des dotations de l’Etat un coefficient d’intégration fonctionnelle des services et pas seulement fiscal ?
Les mutualisations de services que vous engagez, que vous devez mener à bien, ont valeur d’exemples pour l’ensemble des collectivités au-delà du seul bloc communal.
Comme cela a été fait avec les Régions, les Départements, nous nous sommes engagés le 30 octobre dernier, gouvernement et communautés urbaines de France avec les grandes villes, autour de trois priorités :
- les agglomérations et les grandes villes s’organiseront, en lien avec les régions, pour renforcer leur soutien aux PME et aux ETI, notamment ;
- l’Etat, les grandes villes et les agglomérations s’engageront en faveur de la transition énergétique à travers les plans climat-énergie territoriaux ;
- pour préserver leurs capacités d’investissement, l’Etat fera en sorte qu’elles bénéficient d’un large accès à des financements performant et diversifiés.
Je veux revenir en particulier sur deux de ces engagements.
La question de l’articulation avec les régions est majeure, c’est l’engagement n°1.
Nous ne devons pas la contourner, ni l’éluder, mais bien la regarder en face.
Le Président m’a demandé d’aller au bout de la logique des blocs de compétence. Ainsi les régions se verront confier l’ensemble des attributions de l’Etat en matière de formation professionnelle et d’orientation, mais aussi d’aide et de soutien aux PME.
Dans vos propositions conjointes avec l’AMGVF, vous avez clairement affirmé vos engagements à participer à la définition de stratégie territoriales pour le développement, à renforcer les tissus locaux en concertation avec les régions.
L’engagement n°1 signé à l’Elysée parle bien d’articulation des stratégies économiques avec celles des régions et de l’Etat. Je crois donc à la capacité de coopération entre les métropoles, les communautés métropolitaines, les Régions : les objectifs d’attractivité économiques des premières doivent s’inscrire et participer à la stratégie de développement économique régional. Ce qui n’exclut pas la collaboration, la délégation, ni l’adaptation.
C'est tout le principe du chef de file en l'absence de toute tutelle d'une collectivité sur d'autres. Prévu déjà, dans la Constitution, il a pour but d'identifier clairement la collectivité responsable d'une politique de façon à faire en sorte que toute autre collectivité qui en aurait l'envie, ne puisse intervenir que dans le cadre qui aura été fixé par l'autorité qui en a eu compétence. C'est l'article 72.3 de notre Constitution.
Il existe en matière économique. Si un département, une ville veut accorder une aide directe aux entreprises, il ne pourra le faire que dans le cadre déterminé par la région, garante de la cohérence générale du dispositif.
Nous devons développer et amplifier ce principe du chef de file en matière de soutien au développement économique. Il sera mis en œuvre dans le cadre des conférences territoriales pour l’action publique.
L’exercice de la conférence régionale permettra précisément de répartir les responsabilités dans la mise en œuvre des compétences.
Comme je l’ai dit aux Régions à Lyon il y a un mois lors de leur congrès, Régions et métropoles ne s’opposent pas mais se conjuguent. La cohérence des politiques menées, l’efficacité de l’action publique métropolitaine en dépendent.
Par souci de cohérence, je souhaite par exemple voir substituer aux Contrats de projet Etats- régions les contrats Etats territoires. L’objectif est clair : contractualiser avec notamment les grandes agglomérations, les futures métropoles comme les communautés métropolitaines.
La responsabilisation accrue des collectivités locales ne va pas sans moyens. C’est la condition d’une confiance retrouvée entre l’Etat et les collectivités locales. Elle passe notamment par la restauration de l’autonomie fiscale des régions, la garantie de ressources pérennes et suffisantes pour les départements et la péréquation horizontale au sein du bloc communal. Nous nous y employons actuellement dans le cadre du projet de loi de finances.
Je veux vous parler plus particulièrement de la question du financement des investissements, vous qui portez d’importants programmes d’équipements dans vos communautés.
Les collectivités locales assurent les trois quarts des investissements. Il s’agit bien de préserver leur capacité d’investissement, au moment où notre économie et nos emplois en ont tant besoin, et de garantir leur accès aux financements.
Au-delà des réponses d’urgence mises en œuvre par le gouvernement (déblocage d’une enveloppe financière exceptionnelle dès l’été, intervention de la Banque postale), nous travaillons à la mise en œuvre d’une solution pérenne pour 2013.
Le Président de la République et le Premier ministre ont reçu l’ensemble des représentants des régions, des départements, des grandes villes, et le Premier ministre a récemment déclaré, en vous recevant, qu’il était prêt à examiner les moyens de créer un dispositif équilibré pour l’agence de financement des collectivités locales.
Mais il faut éviter plusieurs écueils. Tout d’abord, le statut doit être conforme à Bâle III, et ce n’est pas facile : il faudra osciller entre coopérative et mutuelle. Ensuite, il conviendra d’aller chercher les fonds. Sera-ce une contribution directe des collectivités ? Sera-ce à partir d’autres fonds ?
Quelques propositions ont été faites, par les uns et par les autres, concernant des fonds disponibles qui pourraient abonder cette agence, et lui permettre d’aller chercher sur les marchés des crédits intéressants pour les collectivités territoriales. Pourquoi pas ?
Ce que ne veut pas le Gouvernement, tout le monde le comprendra, c’est appeler en direct la garantie de l’État. Après la sortie de l’échec de Dexia, qui ouvre de nouvelles perspectives, le ministre de l’économie et moi-même sommes disponibles pour travailler à cette agence de financement.
Nous espérons aboutir sur cette agence, dont il est question depuis si longtemps et dont nous avons réellement besoin.
Vous l’aurez compris cette nouvelle étape de décentralisation ne constitue pas un acte supplémentaire de transferts de compétence sans prise en compte globale de notre organisation territoriale dans les territoires urbains. C’est une nouvelle étape de modernisation de l’action publique. Elle s’appuiera sur les grandes agglomérations qui sont les vôtres, qu’elles soient demain métropoles européennes ou communautés métropolitaine. Je vous remercie.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 21 novembre 2012