Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur la politique d'aménagement foncier, avec notamment la nécessité de la mutualisation des expertises, la simplification des normes en matière d'urbanisme et les projets de réforme de la loi de 1970 sur les agences immobilières et de la loi de 1965 sur les copropriétés, à Paris le 21 novembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 95e Congrès de l'Association des maires de France, à Paris du 20 au 23 novembre 2012 - Atelier "Bien aménager pour construire", le 21

Texte intégral

Je vous remercie pour votre intervention.
Je vous remercie aussi, et cela ne m’étonne pas vraiment mais je vais y revenir, de vous voir aussi nombreux ce matin sur ces questions.
Je voudrais vous présenter mes excuses pour être arrivée après le début de cette table-ronde, mais j’étais au Conseil des ministres, donc je ne pouvais pas vous rejoindre plus tôt. Je voudrais vous dire aussi à quel point la ministre en charge du logement et de l’égalité des territoires que je suis est reconnaissante à l’égard des élus locaux et des maires.
En effet je sais que vous êtes les premiers et les premières sur le front du logement. Cette question du logement, ce bien de première nécessité qui n’est pas un bien comme un autre, est extrêmement douloureuse lorsque vous êtes confrontés à des jeunes qui ont des difficultés à s’installer, qui ne peuvent pas quitter le logement de leurs parents, à des gens qui, parce que leur famille s’agrandit, risquent de devoir quitter la commune à laquelle ils sont attachés ; lorsque vous avez à faire des arbitrages très compliqués quand vous lancez une opération de logements, pour pouvoir assumer la réalisation d’équipements publics qui doivent aller de pair, et qui sont difficiles parfois à financer… Tout cela, je le sais.
Je sais à quel point aussi vous êtes sensibles à ce sujet, à quel point vous êtes mobilisés sur ces questions, et je veux vous assurer de mon soutien et de la vraie préoccupation du gouvernement sur ces questions d’aménagement et de logement.
Les questions d’emploi, de logement, sont absolument centrales et tout à fait liées, je le dis parce que nous avons eu récemment un débat sur la question de la compétitivité : une des difficultés de notre pays est le coût du logement. Vous avez pointé l’augmentation très importante du coût du foncier, mais des études parues il y a deux jours montrent qu’aujourd’hui, pour devenir propriétaire dans certaines régions, il faut 50 000 euros d’apport et 4 000 euros de revenus nets par mois. Vous imaginez bien le nombre de familles qui sont de fait exclues par exemple de l’accession à la propriété.
La question du logement social n’est pas non plus épuisée puisqu’il y a aujourd’hui en France 1,7 million de familles en situation d’être demandeuses d’un logement social.
Nous sommes donc dans une situation très compliquée, dans laquelle vous êtes en première ligne, et que nous devons prendre à bras-le-corps.
Pour cela, il faut faire feu de tout bois, si j’ose dire, et agir de façon pragmatique sur l’ensemble des sujets simultanément : la question du logement ne peut pas être traitée indépendamment de celle de l’aménagement, de la question foncière, de la question, vous l’avez dit, madame la vice-présidente, de l’intercommunalité, de la capacité à agir avec souplesse, mais aussi en dépassant certaines échelles, et c’est pour cela que nous allons travailler sur un certain nombre de sujets.
Je ne reviens pas sur la loi qui vient d’être votée hier soir à l’Assemblée nationale, qui est une loi à la fois de mobilisation sur le foncier et de renforcement des obligations de construction de logement social. Je dis seulement, sur cette question, qu’il y a dix ans, douze ans exactement, au moment du débat sur la loi SRU, les débats avaient été extrêmement tendus. Cette obligation d’un « plancher » de logement social allait être inatteignable dans les communes situées dans les zones denses et dans les zones tendues, était – pour certains – une atteinte à la libre administration des collectivités locales… Je dois dire, pour m’en féliciter, mais aussi avec simplicité, que les débats que nous avons eus – et je parle à côté du sénateur JARLIER – tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont montré que tous ceux qui s’exprimaient en défaveur de cette loi – ce n’était pas votre cas – disaient : « mais la loi que nous avons aujourd’hui est très bien, elle suffit ». C’est-à-dire qu’il n’y a plus aujourd’hui de critique sur cette nécessité de créer de la mixité sur l’ensemble du territoire.
Et c’est nécessaire parce que l’une des questions à laquelle vous devez faire face est la question qui a été pointée ici de la place des petites communes et de l’équilibre au sein des intercommunalités, en particulier des communautés de communes. C’est que nous devons être en situation de réparer une aggravation des inégalités que nous pouvons constater depuis dix ans.
La réalité de l’égalité des territoires, c’est que les moyennes, en particulier en ce qui concerne les revenus ou l’attractivité économique, se sont rapprochées entre les régions, mais elles se sont creusées au sein des régions. Il y a certains territoires – je pense en particulier à certains territoires hyper-ruraux, mais aussi à des territoires au sein même des agglomérations ou des métropoles – qui ont décroché par rapport aux territoires voisins. Et c’est extrêmement difficile, pour les élus locaux et pour les populations, de faire face à ce sentiment d’inégalité croissante entre territoires. C’est pourquoi il faut absolument travailler sur la mutualisation, sur la capacité de disposer des moyens de réponse, et je pense en particulier à l’ingénierie.
Je veux, devant vous, dire une chose qui n’est pas très confortable à dire quand on est ministre, et qui n’a pas été dite depuis des années : il y a trente ans, en 1982, la compétence urbanisme, et notamment la signature des permis de construire, a été pleinement déléguée aux communes. Mais nous avons conservé au sein des services de l’Etat les services d’instruction de ces mêmes permis, avec un double phénomène : je sais que certains d’entre vous ont parlé du côté « tatillon », des délais, voire même ont exprimé des insatisfactions à l’égard de ces services, qui subsistent toujours, trente ans après. Et dans le même temps, vous avez pu constater, et ce n’est pas un secret, que les contraintes financières qui pèsent sur l’Etat ont conduit à ce que ces services et ces personnels diminuent d’année en année, et sur certains territoires de manière extrêmement importante, ce qui ne permet plus aux personnels des services déconcentrés de l’Etat de remplir normalement leurs missions.
Mais cela s’est fait sans bruit, sans être assumé, sans dire de façon franche aux communes : « vous avez cette compétence depuis maintenant trente ans, assurez-là pleinement. Prenez-là à bras-le-corps, y compris l’instruction ». De fait, nous avons conservé cette compétence théorique que nous n’avons plus les moyens d’assurer, c’est une réalité. Donc il faut vraiment que nous nous mettions en situation, l’Etat comme les communes, de passer à une autre phase.
Passer à une autre phase, cela veut dire considérer néanmoins – et je reviendrai sur l’intervention du maire de Gassin parce qu’elle est très intéressante – qu’il faut que nous prenions en considération le fait qu’il doit être conservé une part, j’allais dire presque régalienne, relative au droit des sols, et une expertise, en particulier une expertise de très haut niveau, très pointue, sur des situations très spécifiques. Je veux parler en particulier de la gestion du risque inondation, par exemple : nous avons intérêt à conserver au niveau national une expertise de très haut niveau dont les collectivités ne peuvent pas et ne pourront pas se doter, concernant les risques sur les territoires sensibles, qui soit à disposition des communes qui en ont besoin. C’est de la responsabilité de l’Etat d’assurer cette mutualisation.
Mais pour les fonctions simples, je me dois de vous dire que celles-ci doivent être prises en compte par les collectivités. Cela ne veut pas dire que toutes les communes devront se doter d’un service d’instruction, je sais que ce n’est pas possible. Mais qu’en revanche, la dimension intercommunale – et je ferai le lien avec la question du PLU intercommunal – doit être mieux prise en compte.
Les grandes collectivités, en particulier les métropoles – et je le dis sous le contrôle de Monsieur le président RETIERE qui m’a entendue le dire à l’Association des communautés urbaines de France – doivent pouvoir faire bénéficier des communes qui sont à proximité, même si elles ne sont pas dans leur intercommunalité, de ce niveau d’expertise très important qu’ont atteint, par exemple, les agences d’urbanisme. Il faut le dire, je pense que nous pouvons inventer une autre manière de faire bénéficier l’ensemble du territoire de cette mutualisation d’expertise qui existe. Je le dis en présence du président des établissements publics : il faut que nous terminions la carte des établissements publics fonciers, et leurs déclinaisons en EPFL [NDLR : établissement public foncier local], qui sont, je pense, l’outil déterminant pour s’attaquer à ce qui a été pointé sur l’augmentation du coût du foncier.
Oui, est-il normal, lorsque la collectivité fait des investissements très importants pour améliorer les transports publics, que la rente foncière dégagée par la plus-value sur ces terrains qui disposent d’un meilleurs accès bénéficie aux seuls propriétaires et rende parfois impossible la construction d’équipements publics ou de logements sociaux parce que le prix du foncier a tellement augmenté ?
Cette question foncière, nous devons la prendre à bras-le-corps, et pas de manière principielle, de manière très pragmatique et très concrète, et ce n’est pas un sujet facile de – j’allais dire, si je voulais être un peu provocatrice – réguler le prix du foncier. On voit bien que c’est un changement de réalité par rapport à tout ce que nous connaissons aujourd’hui. Néanmoins, à chaque fois que je me déplace, j’entends les élus locaux dire que c’est l’une des difficultés principales à laquelle vous devez faire face. Donc nous devons le prendre en compte, et cette question sera débattue dans le cadre du futur projet de loi, je reviendrai sur le canevas de ce projet. Mais je crois vraiment qu’il faut décloisonner les expertises, il faut que l’ensemble de l’ingénierie – j’ai parlé des EPF, j’ai parlé des agences d’urbanismes, des ingénieries de très haut niveau – puisse être accessible à l’ensemble des collectivités locales.
Pour que cela fonctionne mieux, je crois profondément – et c’est un message que j’ai envie de vous donner à la fois en ayant été une élue francilienne et en ayant des attaches très profondes en Lozère et dans les Landes, deux territoires où les petites communes rurales doivent assumer beaucoup de choses – que l’intercommunalité de projet, qu’est, par essence, un plan local d’urbanisme, est une force et un confort pour les élus locaux que vous êtes ; une force et un confort, parce que penser à plusieurs, travailler cette solidarité, se mettre autour de la table, crée davantage d’intelligence collective, mutualise les coûts de l’élaboration des documents d’urbanisme, disons les choses franchement parce qu’il faut le dire.
Y compris en zone rurale, ces plans locaux d’urbanisme intercommunaux seront utiles pour les élus locaux, pour les élus communaux. Je pense qu’on peut très bien imaginer que cette compétence, notamment celle de la délivrance des permis, soit conservée par les maires, mais que travailler aux plans d’urbanisme intercommunaux sera une avancée et un confort pour les élus locaux.
Je le dis parce que l’expérience sur les SCoT est assez édifiante. Vous savez que les SCoT sont des projets de territoires bien plus larges, qui n’ont pas de valeur normative, mais qui sont le lieu d’élaboration de discussions, de mise en commun, et j’ai constaté que tous les élus qui ont mis en place ce type de dispositif en sont très heureux, et ces dispositifs, de fait, deviennent la base de la déclinaison territoriale d’un projet de territoire.
Ce saut, qui s’accompagnera d’une mutualisation de l’ingénierie et d’un rapprochement de l’ingénierie du niveau de proximité, sera extrêmement utile. Et cela va de pair – je le dis en tant que ministre – avec sans doute un changement de relation entre l’Etat et les collectivités locales. Trente ans après le début de la décentralisation effective, le temps de l’égalité des territoires et d’une nouvelle relation basée sur la contractualisation, y compris sur la contractualisation avec les territoires, entre l’Etat et les collectivités locales, est importante.
Je pense qu’il ne doit pas y avoir de relation de défiance ni des uns vis-à-vis des autres, ni des autres vis-à-vis des uns, mais qu’il doit y avoir une juste répartition des rôles. Le rôle de l’Etat, sur ces questions d’aménagement, sur ces questions de logement, ne doit pas être un rôle d’autorité, un rôle uniquement de contrôle froid a posteriori. Il doit être un rôle d’élaboration conjointe de points d’appui pour les communes dans l’élaboration de leurs documents, de conseil, d’accès à ces ressources d’ingénierie de très haut niveau dont j’ai parlé. Il existe, dans les services de l’Etat, et je veux leur rendre hommage, des fonctionnaires qui sont extrêmement pointus, précis, de très grande compétence en matière de droit des sols, et je crois qu’ils ne méritent pas le délaissement dont ils ont fait l’objet ces dernières années avec un positionnement peu clair, et je crois vraiment que nous pouvons inventer de nouvelles relations sur ces questions, qui seront utiles pour vous comme pour l’Etat.
C’est dans ce sens que je souhaite – la concertation est en cours – voir émerger un commissariat général à l’égalité des territoires qui ne sera pas une nouvelle structure mais une refonte de ce qu’est aujourd’hui la DATAR, héritage d’un temps où l’Etat décidait pour les territoires, où il y avait une vraie réflexion prospective extrêmement utile, mais une vision de supériorité sur les élus locaux, il faut le dire. Il faut que l’on fasse naître une nouvelle relation, mais qui ne doit pas non plus être une relation de défiance permanente des collectivités locales à l’égard de l’Etat, qui doit être perçu non plus comme une autorité écrasante mais comme un partenaire dans l’élaboration de ces projets de territoire.
Je voudrais faire quelques petits points précis :
Sur la question de la foncière, je suis consciente de la difficulté, je le dis aux élus locaux confrontés à cette réalité. Vous avez raison, il y a quelque chose qui dysfonctionne et nous allons aborder ce sujet.
Je le dis aussi, sur la question de l’expérimentation, je crois que nous devons pouvoir, là aussi, aller dans les deux sens, c’est-à-dire rendre possible certaines expérimentations, mais faire en sorte que certaines d’entre elles puissent être mutualisées quand elles fonctionnent. Je parle librement devant vous, mais par exemple sur des questions liées à l’énergie, les territoires à énergie positive qui ont fait la démonstration dans certaines zones rurales, d’une mutation très importante, portée d’ailleurs par les élus et par les habitants de ces territoires, peuvent faire l’objet d’un retour d’expérience vers d’autres collectivités locales. Là aussi, dans cette nouvelle relation, l’Etat peut jouer un rôle important.
Je vous dis quelques mots sur le projet de loi qui va être débattu à la fin du 1er semestre : l’idée de ce grand – parce qu’il sera grand en termes d’ampleur et en termes de substance – projet de loi, c’est de revoir un certain nombre de questions liées à l’urbanisme, au logement, évidemment de travailler sur des questions très concrètes, mais aussi de faire en sorte d’être dans une démarche de clarification et de simplification.
Je voudrais, par exemple sur ce débat des normes, être assez claire, et peut-être un peu provocatrice parce qu’il n’y a pas ici que des parlementaires mais beaucoup d’élus locaux, mais les mêmes qui se plaignent parfois des normes sont ceux qui les votent et qui demandent à l’Etat de les appliquer. Ce n’est pas l’Etat, ni les fonctionnaires de l’Etat en charge de l’application de ces normes qui sont les responsables de leur existence, je voudrais le dire avec netteté. Donc il faut aborder ce débat de manière courageuse au niveau parlementaire. Cela veut dire que sur certains sujets il faut être capable de dépasser certaines difficultés.
Sur les normes en matière environnementale : je l’ai dit à un certain nombre de professionnels, les normes en matière d’efficacité énergétique ont été depuis les années 70 déterminantes. Ces normes – et j’y reviendrai, ce sera ma conclusion parce que j’ai un appel solennel à vous lancer, à vous, élus municipaux – ont été très efficaces parce quelles ont fait progresser, à coûts quasiment constants la qualité énergétique des bâtiments.
L’augmentation du coût des opérations est essentiellement liée à l’augmentation du coût du foncier, et la question des normes est marginale, exception faite des normes en matière de handicap où chacun constate effectivement que les choses sont compliquées. Mais il faut garder à l’esprit l’idée que si cette loi a été votée à l’unanimité de l’Assemblée nationale en 2005, c’est bien qu’elle répond aussi à une attente sociale très forte. Ces deux éléments doivent être pris en compte, ils ont fait progresser les choses.
En revanche, ce qui me semble évident, c’est qu’en matière de droit de l’urbanisme notamment, nous avons empilé les dispositifs. Je vais vous donner un exemple : en matière de densification, il y a aujourd’hui quatre dispositifs que l’on peut insérer dans les PLU, peu connus des élus, qui nécessitent une grande expertise. Je pense que nous allons réussir à faire en matière d’urbanisme un travail de clarification. Ce sera beaucoup plus simple et cela vous permettra aussi d’aller plus vite, d’avoir une meilleure appréhension du droit de l’urbanisme. Ce n’est pas un travail simple mais je crois que tout le monde est assez d’accord sur le fait que nous pouvons le faire.
Il y aura évidemment la question des documents d’urbanisme qui sera évoquée à ce moment, ou peut-être à l’occasion du débat sur la décentralisation, la question est ouverte. Mais, et je compte en fait sur l’Association des maires de France, sur une forme d’évolution concernant ces PLU intercommunaux ; je crois profondément que cela peut être une chance et un point d’appui pour les élus locaux. Ce n’est pas une approche idéologique, au contraire, c’est une approche très pragmatique dans un moment où nous devons nous serrer les coudes, du fait de la nécessité de redresser les finances publiques, à tous les niveaux et aussi au niveau communal. C’est un outil de projet mais aussi un outil de mutualisation de moyens.
Enfin, il y aura aussi des questions très pratiques, je pense à la révision de deux lois très anciennes, la loi de 1970 sur les agences immobilières et les professionnels de l’immobilier, qui nécessite d’être revue, et la loi de 1965 sur les copropriétés, qui elle aussi provoque des situations de blocage assez avérées, en particulier en matière de rénovation mais pas seulement, et nous y travaillons avec la chancellerie. Vous comprendrez bien que tenter de réformer une loi de 1965, c’est un exercice de haute voltige, mais je crois que nous allons y arriver.
Je voudrais faire un petit point sur la question de l’habitat indigne, parce que nous souhaitons aussi dans cette loi donner aux élus locaux les moyens d’agir. J’ai bien vu les résultats de l’étude concernant qui doit avoir la compétence, mais ce qui est sûr c’est qu’il faut avoir les moyens d’agir face aux marchands de sommeil. Tout le monde ici dans cette salle sait ce qu’est un marchand de sommeil, or cela n’a aucune qualification juridique aujourd’hui. Les élus sont parfois très désarmés devant des gens de très mauvaise foi qui profitent des failles de la loi pour mettre parfois en péril la vie de personnes qui se trouvent dans des situations impossible. Et ce problème est renforcé par la crise du logement. Donc nous donnerons aux élus locaux les moyens d’agir face aux marchands de sommeil, moyens dont ils manquent actuellement.
Je voudrais dire une chose à monsieur le maire de Gassin. Tout d’abord, lui dire qu’il a beaucoup de chance de pouvoir bénéficier sur son territoire de la présence des tortues d’Hermann. Il s’agit d’une espèce en voie de disparition, reconnue comme en voie d’extinction par les instances internationales de protection de la faune.
Je crois que cette question de la biodiversité ne doit pas être prise de manière caricaturale. Pourquoi ? Parce que si on dit « trois tortues contre cent-vingt logements » on ne s’en sort pas ; pas plus que vous ne vous en sortez lorsque vous avez deux dossiers de demande de logement et un seul logement ; lorsque vous avez d’un côté une femme seule avec deux enfants et de l’autre un homme qui doit quitter le domicile conjugal avec son fils et qui dort dans sa voiture. Il faut faire des arbitrages difficiles et je sais que vous savez à quel point c’est délicat.
Il n’y a pas de solution évidente. Notamment si l’on parle du problème d’artificialisation des sols, c’est une situation dramatique, et dramatique pour les agriculteurs. La perte d’un département tous les sept ans, c’est quand même un problème majeur. C’est un problème majeur que dans les bourgs ruraux il soit plus facile de construire à l’extérieur des maisons de moins bonne qualité sur des anciens terrains agricoles que de faire de la ville sur la ville ; et on laisse vides des maisons en centre ville qui deviennent des dents creuses, qui vident de sa vie le centre du bourg … Bien sûr que c’est un sujet difficile !
Mais il faut, même si cela nécessite des modifications législatives, affronter ensemble ce problème et ne pas caricaturer ce débat. Ne pas caricaturer le rôle des fonctionnaires de l’Etat, pas plus que l’égoïsme des élus locaux. Ne pas caricaturer la protection de la biodiversité et la nécessité de construire du logement.
Je pense que c’est vraiment en essayant d’aborder les choses de manière intelligente, sans chercher à trouver quel est le coupable ou l’erreur dans le dispositif, que nous trouverons des solutions, et je constate d’ailleurs que la solution a été trouvée : cela ne me semble pas aberrant d’essayer de préserver de la flore qui a réussi à pousser puisque vous avez entretenu un coupe-feu en lisière de zones habitées ; c’est une chose absolument essentielle et je pense que c’est une très bonne chose que les élus locaux soient en situation d’éviter le risque incendie pour leur population.
En conclusion, je vais vous lancer un appel :
Le gouvernement va lancer un chantier absolument essentiel qui est celui de la rénovation thermique des bâtiments et de la transition énergétique.
Aujourd’hui, nous constatons une aggravation du dérèglement climatique. Cela, chacun le sait, vous avez vu le dernier rapport de la Banque mondiale, il est extrêmement inquiétant. Mais parallèlement, il y a aussi une aggravation de la précarité énergétique. Qu’est-ce que signifie précarité énergétique ? Cela veut dire majoritairement des personnes âgées qui vivent dans une maison des années 60-70 qui est une passoire thermique, qui n’ont plus les moyens de se chauffer. Cela veut dire, par conséquent, une difficulté de vie au quotidien, une vie sociale qui s’affaiblit parce qu’on n’invite pas des gens chez soi quand il fait 12 °, cela veut dire aussi des conséquences sur la santé, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes âgées.
Nous allons trouver les moyens d’un grand plan de rénovation énergétique, y compris les moyens financiers. Nous allons lever un certain nombre de difficultés qui sont du ressort de l’Etat, je pense en particulier à la nécessité de mettre au plus près des territoires un guichet unique, un numéro vert qui permettra à tous les propriétaires de pouvoir interroger de manière très simple et d’avoir des réponses très simples.
Mais nous avons besoin d’avoir accès à ces personnes, à ces familles, aux particuliers. Et je pense que ceux qui sont confrontés au quotidien à cette question, c’est vous. Ce sont les mairies qui distribuent, dans leurs centres communaux d’action sociale des bons ou un peu d’argent pour aider à payer la facture énergétique. C’est vous, avec notamment les bulletins municipaux, dont je sais qu’ils sont parmi les presses des plus lues dans ce pays, qui pouvez avoir accès et donner confiance à tous ceux qui n’oseront pas faire ce pas.
Nous, nous avons la responsabilité de trouver les moyens, mais il faut que les propriétaires occupants en situation difficile aient la volonté de faire la démarche. Pour cela, j’ai besoin de votre aide, de l’aide des 36 000 maires de France pour faire en sorte que ce projet soit partagé.
Nous allons trouver les moyens de rendre médiatiquement lisible ce dispositif, pour faire en sorte aussi que les professionnels soient formés, pour qu’il y ait l’implication de tous les secteurs. C’est aussi un enjeu économique majeur, ce sont des dizaines de milliers d’emplois durables, non délocalisables, au plus près des territoires, dans les TPE et les PME. C’est un chantier majeur et c’est sans doute un des chantiers décisifs de ce début de millénaire.
Mon appel est très solennel mais très sincère, et j’espère que l’AMF pourra être un relais efficace : nous aurons besoin que vous soyez le pivot d’information qui permettra à tous ceux et toutes celles qui en ont besoin d’avoir confiance, de se lancer et d’avoir accès au dispositif d’Etat.
Aujourd’hui il en existe, je vais vous donner un chiffre : il y a encore 500 millions d’euros issus du grand emprunt, qui n’ont pas été utilisés. Il se trouve que la ministre que je suis a fait comme la tortue avec ce budget en disant « non, non, il ne faut pas le réattribuer », parce que la tentation est forte de se dire que si ce n’est pas dépensé, c’est qu’il n’y en a pas besoin, on peut en faire autre chose, surtout par les temps qui courent.
Il faut que cet argent soit utile, c’est décisif pour l’amélioration du quotidien de millions de personnes dans notre pays. J’espère donc que nous trouverons les moyens très opérationnels de faire en sorte que sur l’ensemble de vos communes vous soyez les ambassadeurs de ce grand projet dans les mois qui viennent.
D’ici là, je vous réaffirme mon attention, ma disponibilité. Tous les maires qui ont des problèmes de tortues, d’autres animaux, ou des problèmes de logements, ou des problèmes de bouclage de budget seront toujours les bienvenus. N’hésitez pas à m’écrire, je pense que cette nouvelle relation entre l’Etat et les collectivités locales que j’appelle de mes voeux, c’est aussi sans doute une relation entre la ministre et les maires.
N’hésitez pas.
Je vous remercie beaucoup.
Source http://www.amf.asso.fr, le 23 novembre 2012