Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Madame la Présidente de la délégation aux collectivités sénatoriales
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs,
Il y a un an, le 5 octobre exactement, le Président partageait avec nous tous, sa conviction que les territoires sont un atout pour le redressement de notre économie.
Il nous avait dessiné son projet pour les territoires en 4 principes auxquels sous la conduite du Premier Ministre, nous n'avons eu de cesse, avec ma collègue Madame Anne-Marie Escoffier, de nous référer pendant cette année qui a été d'une grande richesse.
Le 5 octobre dernier, le président nous disait sa confiance dans la capacité des collectivités à conduire des expérimentations. Il souhaitait voir le droit d'expérimentation je cite - « élargi et assoupli afin que les collectivités locales puissent mettre en oeuvre des politiques nouvelles, des pratiques différentes ou même adaptent, comme il leur paraîtra souhaitable, des dispositifs existants ». Cette faculté existera demain si le Parlement consent à faire de la conférence territoriale de l'action publique le lieu de l'expression des initiatives locales. C'est ainsi qu'il faut comprendre la conférence : à ceux qui voudront bien la faire vivre, elle permettra de faire valoir les responsabilités de chacun tout en organisant finement les délégations de compétences infra régionales, pour aboutir à une vraie simplification de la gouvernance territoriale.
En effet, les collectivités pourront se porter candidates pour des délégations de compétences de l'Etat, qui seront de fait des formes d'expérimentation.
Souvenons-nous que nombre de réformes fondamentales de notre action publique ont d'abord été conduites par expérimentation : la régionalisation des transports de personnes en 1998, la délégation des aides à la pierre en 2004, le RSA en 2007 ou encore la nouvelle procédure de révision des valeurs en cours. Hier les expérimentations, demain les délégations mais toujours la même volonté de permettre à certains l'exercice de nouvelles responsabilités.
La seconde lecture que nous entamons aujourd'hui nous permettra d'affiner cette ambition.
J'admets qu'elle revêt un caractère peut-être déstabilisant, mais le 21ème siècle doit voir s'affirmer en France la société du contrat.
La conférence territoriale de l'action publique doit être le lieu de la concertation de toute l'action publique, y compris celle de l'Etat.
L'Etat doit s'adapter. Ce n'est donc pas d'un Etat arbitre qu'il s'agit ici mais d'un Etat partenaire, d'un Etat partie prenante de l'action publique.
Les CTAP, ce sont les « conférences de partage », prônées par Martin Malvy, dont la région Midi-Pyrénées conjugue avec force avec les autres collectivités l'action économique et qui y voyait déjà le lieu où se déclinent, « par convention », les compétences que la loi attribue « au coordinateur, au chef de file, au pilote ».
En somme, les CTAP, cela consiste à consacrer un peu de temps aux accords de gouvernance, pour en gagner après. Les collectivités n'auront plus à se réunir au quotidien pour savoir sur chaque projet qui fait quoi, qui finance quoi.
Déterminer des modalités d'organisation particulières entre les collectivités, valoriser la confiance entre leurs exécutifs - qui ont déjà su apporter la preuve qu'ils sont capables de s'entendre- libérer les initiatives locales, voilà l'objectif des textes que je défends.
Il demeure un point de désaccord entre nous : il porte sur les incitations à entrer dans le jeu collectif. Oui, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, il a semblé au gouvernement qu'il était nécessaire de prévoir des incitations, parce que chacun d'entre nous le sait bien : jouer collectif, ce n'est ni naturel ni spontané.
Permettez-moi de vous redire que nous avons dû inventer une solution qui combine l'efficacité de l'organisation avec le maintien de la clause générale de compétence et l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre. Le pire eût été de s'en tenir à réduire les dotations, sans autre forme de péréquation ni de perspective. C'est tout le contraire que nous avons choisi de faire :
- Construire le cadre d'une rationalisation concertée, l'efficience de la dépense publique par le contrat
- Le pacte de confiance et de responsabilité avec les collectivités
- Une péréquation qui progresse encore cette année avec en ligne de mire la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et une réforme de la dotation globale de fonctionnement.
La confiance, le Président de la République la plaçait enfin dans de grands desseins en matière de maîtrise de la production de normes.
Et le bilan est très positif : les outils seront bientôt tous en place et les chantiers sont lancés.
La proposition de loi de réforme de la commission consultative d'évaluation des normes, qui deviendra le Conseil National de l'Evaluation des Normes, écrite ici au Sénat et votée en janvier dernier à l'unanimité, a été adoptée il y a deux semaines à l'Assemblée Nationale. Nous aurons à en débattre à nouveau, en deuxième lecture, lundi prochain, avec l'espoir qu'elle soit définitivement votée d'ici la fin de l'année.
Le Premier Ministre a réformé le conseil national du sport et désormais les élus, représentant le tiers des membres de la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, pourront saisir directement le conseil national des normes. C'est une garantie supplémentaire pour les communes de faire entendre leurs voix alors qu'elles assument l'essentiel des dépenses d'entretien et de mise aux normes des équipements sportifs.
Vous avez raison de dire que nous devons gagner du temps. C'est pourquoi nous avons ouvert les chantiers de plusieurs habilitations à procéder par ordonnances :
- Pour la simplification des relations entre les citoyens et l'administration, qui prévoit que le silence de l'administration vaudra désormais accord pour la majeure partie des autorisations administratives : je salue sur ce point les rapporteurs des deux Assemblées qui ont permis l'adoption de ce texte à l'unanimité dans les deux chambres. Nous oeuvrons à l'adoption définitive rapide de ce texte et vous remercions de votre soutien.
- Je rappelle aussi l'ordonnance en cours de préparation sur la construction et l'urbanisme
- Ainsi que celle visant à simplifier la vie des entreprises L'habilitation est en cours d'examen au Parlement : vous aurez à débattre dans les prochaines semaines
Le second principe que le Président mettait en avant devant nous tous le 5 octobre dernier, c'était la clarté. Il nous disait : « Nous devons sortir de la confusion des responsabilités entre l'Etat et les collectivités, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes. »
Cette clarté, c'est celle qui découlera de l'article 2 de notre projet de loi, dans lequel nous vous proposons de définir des chefs de file qui organisent les modalités de l'action commune de toutes les collectivités intéressées à l'exercice d'une compétence.
Le président évoquait déjà, en octobre la création des métropoles. Nous avons avancé dans cette direction. Il nous disait qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que les territoires s'organisent différemment, selon qu'ils abritent des territoires plutôt urbains ou plutôt ruraux.
J'avais déjà eu l'occasion de le dire et je le redirai autant qu'il le faudra : nous avons suivi une feuille de route qui était déjà largement inspirée de vos travaux du Sénat, des différents rapports de la délégation aux collectivités présidée par Madame GOURAULT. Alors qu'en est-il aujourd'hui ? De quoi sera fait demain ?
Nous avons obtenu l'assurance du Premier Ministre qu'une fois voté ce premier volet de la réforme, nous discuterions rapidement, dès janvier prochain, du volet n° 2 qui donnera leur contenu aux missions de chef de file des régions et des départements (développement économique, formation professionnelle, développement des solidarités territoriales, schéma des services publics).
C'est pourquoi nous ne devons pas fléchir. Nous voici rassemblés pour l'examen de notre texte en deuxième lecture :
Dans le titre Ier, nous avons tenu à déposer un amendement fondamental à nos yeux, car il offre (à l'article 2), la possibilité pour une ou plusieurs collectivités la faculté de proposer des rationalisations d'exercice des compétences, notamment en matière de schémas.
Les élus locaux n'ont de cesse de réclamer « moins de schémas et de paperasse » et plus de liberté pour l'action.
Il m'apparaît aujourd'hui pertinent de nous inspirer du Plan d'Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC) ou du Schéma de Développement de la Région Ile-de-France, deux documents à la fois plus efficaces sur le terrain qu'un simple schéma régional, mais aussi plus respectueux des stratégies des collectivités que les Directives Territoriales d'Aménagement (DTA) car élaborés avec plus de concertation. C'est le chemin que je vous invite à avoir en tête.
A titre d'illustration, la commission européenne a présenté au mois de mai dernier un projet de directive sur la planification spatiale maritime et la gestion intégrée des zones côtières. La question de la gouvernance y est majeure. C'est dans cette perspective que s'inscrit la mission confiée par le Premier Ministre à Odette Herviaux, votre collègue du Morbihan, sur la gouvernance des Grands Ports Maritimes. C'est dans cette perspective que les conférences territoriales de l'action publique devront se saisir des enjeux liés au développement des économies maritimes et côtières.
S'agissant des métropoles, il n'est pas inutile de revenir sur le souci qui est le nôtre : il s'agit de doter nos territoires urbains des outils nécessaires à leur développement. Les domaines sont vastes : mobilité durable, urbanisme, qualité de vie, logement, services d'eau, déchets et assainissement Je sais là encore ce qui nous oppose : le gouvernement souhaite une automaticité de la transformation, le Sénat entend s'en tenir au volontariat.
Le gouvernement promeut un pas supplémentaire en faveur de l'intégration intercommunale. Non pas pour tuer les communes ! Au contraire, pour un certain nombre d'entre elles, l'association intercommunale est la garantie d'un meilleur service et d'une plus grande régulation. Je préfère qu'une petite commune puisse bénéficier des services d'ingénierie publique de l'intercommunalité ou du département ; c'est plus efficace et moins onéreux que le recours contraint au bureau d'étude. Voilà ma philosophie de l'intégration intercommunale : partout, les communes doivent être préservées, sauf évidemment si elles souhaitent fusionner.
S'agissant de Paris, Lyon et Marseille, les débats sont différents.
Au lendemain de la suppression par le Sénat des dispositions relatives à la Métropole du Grand Paris, j'ai ouvert les portes de mon Ministère à qui voulait venir discuter (Monsieur DALLIER vous vous en souvenez, j'en suis sûre). Au fil des réunions, il est apparu qu'une majorité de parlementaires d'Ile de France s'accordait sur la timidité relative du premier projet et voulait aller plus loin dans une plus forte intégration, plus audacieuse. Je n'avais qu'un objectif : ne pas laisser une page blanche pour notre région capitale. Je n'ai eu qu'une méthode : rapprocher sans cesse les positions éloignées, que dis-je ?, rapprocher les contraires mêmes tant les solutions proposées alors pouvaient paraître dissemblables.
Les uns voulaient la fusion des départements, les autres (Madame Lipietz, souvenez-vous) voulaient la création d'une métropole « à la lyonnaise », d'autres voulaient une communauté urbaine, d'autres encore voulaient fusionner région et départements
Mesdames et messieurs les sénateurs des groupes communistes et UMP : finalement je vous remercie. Je vous remercie parce que votre vote en première lecture est à l'origine d'une solution unique, innovante et ambitieuse.
La solution que j'ai proposée par amendement à l'Assemblée Nationale nous est simple, elle est inspirée des métropoles de droit commun, et elle prend en compte les particularités de la région parisienne, notamment sa taille et sa densité.
Cette solution répond à 4 impératifs :
- Un périmètre clair et lisible : Paris et sa petite couronne
- Une efficacité pour le logement : la métropole concentre les compétences en la matière
- Un impératif de péréquation : la métropole, EPCI à fiscalité propre, permettra la mutualisation de la richesse fiscale, qui sera redistribuée sous forme de dotations territoriales et d'actions d'intérêt métropolitain au bénéfice de l'ensemble du territoire
- Enfin, et c'était une condition sine qua non : il importait à tous de ne pas créer une région à deux vitesses. C'est pour cette raison que les intercommunalités en grande couronne doivent atteindre une taille leur permettant de faire valoir leurs politiques et leurs projets dans le concert régional.
Une métropole forte dans une région équilibrée, ce sont en fait 4 articles fondateurs : Ainsi, les articles 10 et 11 prévoient la structuration intercommunale de la Grande Couronne. Votre commission des lois les a supprimés, nous comptons les rétablir pour les raisons que je viens d'exposer.
L'Article 12 crée la Métropole du Grand Paris, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier comprenant Paris et les communes des trois départements de la petite couronne au 1er janvier 2016.
Elle sera organisée en territoires qui exerceront les compétences classiques de chaque territoire à l'exception des missions stratégiques pour le développement de la métropole : habitat, logement, aménagement et environnement.
Je sais que la question du statut des territoires vous a beaucoup occupés.
Question sur leur statut juridique : vous avez souhaité leur conférer une personnalité morale.
Ce n'est pas la position du gouvernement. Nous avons d'autres solutions pour leur faire gagner en reconnaissance institutionnelle sans bloquer la Métropole.
Question sur leur statut politique aussi : comment interviendront ces territoires dans les politiques de la métropole ? Quelles marges de manoeuvre auront-ils ? Ces questions sont les véritables enjeux car elles questionnent l'avenir démocratique de la métropole.
La solution qui a été adoptée à l'Assemblée Nationale est certainement perfectible. Les amendements que la commission des lois a votés ont conduit à une forme moins intégrée de la métropole du Grand Paris. Autrement dit : le gouvernement cherchera avec les volontaires et il y en a des solutions pour que le Sénat se rapproche d'une forme plus cohérente de métropole en matière de logement, en matière d'aménagement, en matière d'environnement. Enfin, pour parfaire l'édifice, l'article 13 crée un document dédié au logement en Ile-de- France, dénommé « schéma régional de l'habitat et de l'hébergement » pour permettre une coordination renforcée à l'échelle régionale.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, la métropole du Grand Paris, c'est le cadre institutionnel pour la mise en place des politiques publiques qui permettront de juguler la crise : la métropole du Grand Paris est une solution. Comme partout ailleurs sur le territoire, l'intercommunalité est une solution contre les égoïsmes locaux pour des politiques publiques plus efficaces. L'intercommunalité c'est bien, mais en Ile de France c'est mieux quand elle permet la péréquation, le développement de projets cohérents avec les besoins des citoyens d'un territoire.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la Métropole du Grand Paris, c'est la plus importante opération de péréquation jamais réalisée en France, sans heurts, dans le respect des fonctions des besoins de chaque territoire.
Sur Lyon, nous aurons à discuter de dispositions relativement mineures comparées à tout le chemin qui a déjà été parcouru. J'ai une grande confiance. Et puis, nombre d'entre vous souhaitez revenir sur plusieurs détails afférents à l'exercice des compétences. Je pense que la discussion demeure ouverte sur nombre d'entre elles.
Enfin, nous conclurons ce débat par deux articles majeurs : la dépénalisation du stationnement payant et la création des pôles d'équilibre et de solidarité territoriale.
S'agissant du stationnement, je me réjouis que les propositions que portent les associations d'élus aient enfin pu se concrétiser dans un texte. Deux ans après l'adoption de la loi, cette dépénalisation deviendra effective. Je ne vous cache pas qu'il reste quelques doutes à lever sur les modalités précises de la mise en oeuvre. J'aurais été favorable, avec plusieurs de mes collègues au gouvernement, à ce que nous profitions des deux ans qui nous séparent de la mise en oeuvre concrète de cette réforme pour expérimenter les dispositions sur quelques territoires. Je ne doute pas que nombre d'entre vous se déclarent intéressés pour évaluer, in situ et avec les vrais chiffres, les perspectives tant en matière de recettes que de dépenses et de manque à gagner pour l'Etat et pour certaines collectivités. Je veux aussi redire ici ce que le Premier Ministre a toujours demandé s'agissant de ces dispositions : elles devront être opérées dans la neutralité financière pour l'Etat. Ce qui nous préoccupe réside donc dans l'adaptation des politiques de stationnement de certaines communes aux dispositions futures.
Je finirai par les pôles. Ces pôles ruraux, c'est le Sénat qui les a inventés. Nous avons, Anne-Marie Escoffier et moi, encouragé cette dynamique, estimant que la dynamique créée par les pays en 1995 puis réellement généralisée grâce à la loi Voynet de 1999 était une bonne manière de bâtir des projets communs dans les territoires non urbains.
Vous aurez sur ce sujet des points de désaccords avec l'Assemblée Nationale, les députés ayant souhaité faire de ces nouveaux espaces de concertation des lieux de territorialisation de l'action publique, pouvant se transformer à terme en intercommunalités.
Demain, nous le savons tous, c'est la présence effective des services publics qui garantira le pacte républicain.
Demain, et cela explique notre impatience à entrer dans la discussion du PJL2, la solidarité territoriale, la présence équilibrée des services publics sera le rempart contre les extrémistes, surfant sur la peur de nos citoyens d'être abandonnés par l'Etat.
Voici, Mesdames et messieurs les Sénateurs, la réforme de l'action publique que je défends, mais elle ne doit pas non plus obéir à des postures défensives. Elle doit au contraire être guidée par le seul motif du besoin de nos concitoyens à vivre bien, à être préparés à affronter la crise par des solutions institutionnelles transparentes et efficaces.
Le Premier ministre l'a dit bien avant moi, en janvier dernier, en défendant « le nouveau modèle français » : repenser le rôle des pouvoirs publics, renforcer l'Etat sur sa fonction stratégique, moderniser l'action publique grâce à la coopération de tous, élus, fonctionnaires et usagers et répondre à ce souci d'efficacité grâce à une meilleure répartition des tâches entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités.
Et je le souligne de nouveau, la modernisation de l'action publique, ce n'est pas moins de politiques publiques, qu'elles soient portées par l'Etat ou les régions, mais des services publics plus efficaces, plus proches des citoyens et au final moins coûteux.
Je crois profondément que les collectivités de France sont le lieu dynamique du redressement de notre pays. Trop d'articles de presse ont voulu faire croire que le Gouvernement les avait oubliées.
Je vous rappelle solennellement ici que le Gouvernement tiendra les engagements pris devant vous le 5 octobre dernier par le Président de la République, comme il a choisi d'entendre et de respecter la voix de chacune des composantes de votre Haute Assemblée, comme celles de l'Assemblée nationale, depuis l'entrée de ce texte au Sénat en mai dernier.
Je vous remercie.
Source http://www.action-publique.gouv.fr, le 3 octobre 2013
Monsieur le Président de la commission des lois,
Madame la Présidente de la délégation aux collectivités sénatoriales
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs,
Il y a un an, le 5 octobre exactement, le Président partageait avec nous tous, sa conviction que les territoires sont un atout pour le redressement de notre économie.
Il nous avait dessiné son projet pour les territoires en 4 principes auxquels sous la conduite du Premier Ministre, nous n'avons eu de cesse, avec ma collègue Madame Anne-Marie Escoffier, de nous référer pendant cette année qui a été d'une grande richesse.
Le 5 octobre dernier, le président nous disait sa confiance dans la capacité des collectivités à conduire des expérimentations. Il souhaitait voir le droit d'expérimentation je cite - « élargi et assoupli afin que les collectivités locales puissent mettre en oeuvre des politiques nouvelles, des pratiques différentes ou même adaptent, comme il leur paraîtra souhaitable, des dispositifs existants ». Cette faculté existera demain si le Parlement consent à faire de la conférence territoriale de l'action publique le lieu de l'expression des initiatives locales. C'est ainsi qu'il faut comprendre la conférence : à ceux qui voudront bien la faire vivre, elle permettra de faire valoir les responsabilités de chacun tout en organisant finement les délégations de compétences infra régionales, pour aboutir à une vraie simplification de la gouvernance territoriale.
En effet, les collectivités pourront se porter candidates pour des délégations de compétences de l'Etat, qui seront de fait des formes d'expérimentation.
Souvenons-nous que nombre de réformes fondamentales de notre action publique ont d'abord été conduites par expérimentation : la régionalisation des transports de personnes en 1998, la délégation des aides à la pierre en 2004, le RSA en 2007 ou encore la nouvelle procédure de révision des valeurs en cours. Hier les expérimentations, demain les délégations mais toujours la même volonté de permettre à certains l'exercice de nouvelles responsabilités.
La seconde lecture que nous entamons aujourd'hui nous permettra d'affiner cette ambition.
J'admets qu'elle revêt un caractère peut-être déstabilisant, mais le 21ème siècle doit voir s'affirmer en France la société du contrat.
La conférence territoriale de l'action publique doit être le lieu de la concertation de toute l'action publique, y compris celle de l'Etat.
L'Etat doit s'adapter. Ce n'est donc pas d'un Etat arbitre qu'il s'agit ici mais d'un Etat partenaire, d'un Etat partie prenante de l'action publique.
Les CTAP, ce sont les « conférences de partage », prônées par Martin Malvy, dont la région Midi-Pyrénées conjugue avec force avec les autres collectivités l'action économique et qui y voyait déjà le lieu où se déclinent, « par convention », les compétences que la loi attribue « au coordinateur, au chef de file, au pilote ».
En somme, les CTAP, cela consiste à consacrer un peu de temps aux accords de gouvernance, pour en gagner après. Les collectivités n'auront plus à se réunir au quotidien pour savoir sur chaque projet qui fait quoi, qui finance quoi.
Déterminer des modalités d'organisation particulières entre les collectivités, valoriser la confiance entre leurs exécutifs - qui ont déjà su apporter la preuve qu'ils sont capables de s'entendre- libérer les initiatives locales, voilà l'objectif des textes que je défends.
Il demeure un point de désaccord entre nous : il porte sur les incitations à entrer dans le jeu collectif. Oui, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, il a semblé au gouvernement qu'il était nécessaire de prévoir des incitations, parce que chacun d'entre nous le sait bien : jouer collectif, ce n'est ni naturel ni spontané.
Permettez-moi de vous redire que nous avons dû inventer une solution qui combine l'efficacité de l'organisation avec le maintien de la clause générale de compétence et l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre. Le pire eût été de s'en tenir à réduire les dotations, sans autre forme de péréquation ni de perspective. C'est tout le contraire que nous avons choisi de faire :
- Construire le cadre d'une rationalisation concertée, l'efficience de la dépense publique par le contrat
- Le pacte de confiance et de responsabilité avec les collectivités
- Une péréquation qui progresse encore cette année avec en ligne de mire la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et une réforme de la dotation globale de fonctionnement.
La confiance, le Président de la République la plaçait enfin dans de grands desseins en matière de maîtrise de la production de normes.
Et le bilan est très positif : les outils seront bientôt tous en place et les chantiers sont lancés.
La proposition de loi de réforme de la commission consultative d'évaluation des normes, qui deviendra le Conseil National de l'Evaluation des Normes, écrite ici au Sénat et votée en janvier dernier à l'unanimité, a été adoptée il y a deux semaines à l'Assemblée Nationale. Nous aurons à en débattre à nouveau, en deuxième lecture, lundi prochain, avec l'espoir qu'elle soit définitivement votée d'ici la fin de l'année.
Le Premier Ministre a réformé le conseil national du sport et désormais les élus, représentant le tiers des membres de la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, pourront saisir directement le conseil national des normes. C'est une garantie supplémentaire pour les communes de faire entendre leurs voix alors qu'elles assument l'essentiel des dépenses d'entretien et de mise aux normes des équipements sportifs.
Vous avez raison de dire que nous devons gagner du temps. C'est pourquoi nous avons ouvert les chantiers de plusieurs habilitations à procéder par ordonnances :
- Pour la simplification des relations entre les citoyens et l'administration, qui prévoit que le silence de l'administration vaudra désormais accord pour la majeure partie des autorisations administratives : je salue sur ce point les rapporteurs des deux Assemblées qui ont permis l'adoption de ce texte à l'unanimité dans les deux chambres. Nous oeuvrons à l'adoption définitive rapide de ce texte et vous remercions de votre soutien.
- Je rappelle aussi l'ordonnance en cours de préparation sur la construction et l'urbanisme
- Ainsi que celle visant à simplifier la vie des entreprises L'habilitation est en cours d'examen au Parlement : vous aurez à débattre dans les prochaines semaines
Le second principe que le Président mettait en avant devant nous tous le 5 octobre dernier, c'était la clarté. Il nous disait : « Nous devons sortir de la confusion des responsabilités entre l'Etat et les collectivités, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes. »
Cette clarté, c'est celle qui découlera de l'article 2 de notre projet de loi, dans lequel nous vous proposons de définir des chefs de file qui organisent les modalités de l'action commune de toutes les collectivités intéressées à l'exercice d'une compétence.
Le président évoquait déjà, en octobre la création des métropoles. Nous avons avancé dans cette direction. Il nous disait qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que les territoires s'organisent différemment, selon qu'ils abritent des territoires plutôt urbains ou plutôt ruraux.
J'avais déjà eu l'occasion de le dire et je le redirai autant qu'il le faudra : nous avons suivi une feuille de route qui était déjà largement inspirée de vos travaux du Sénat, des différents rapports de la délégation aux collectivités présidée par Madame GOURAULT. Alors qu'en est-il aujourd'hui ? De quoi sera fait demain ?
Nous avons obtenu l'assurance du Premier Ministre qu'une fois voté ce premier volet de la réforme, nous discuterions rapidement, dès janvier prochain, du volet n° 2 qui donnera leur contenu aux missions de chef de file des régions et des départements (développement économique, formation professionnelle, développement des solidarités territoriales, schéma des services publics).
C'est pourquoi nous ne devons pas fléchir. Nous voici rassemblés pour l'examen de notre texte en deuxième lecture :
Dans le titre Ier, nous avons tenu à déposer un amendement fondamental à nos yeux, car il offre (à l'article 2), la possibilité pour une ou plusieurs collectivités la faculté de proposer des rationalisations d'exercice des compétences, notamment en matière de schémas.
Les élus locaux n'ont de cesse de réclamer « moins de schémas et de paperasse » et plus de liberté pour l'action.
Il m'apparaît aujourd'hui pertinent de nous inspirer du Plan d'Aménagement et de Développement Durable de la Corse (PADDUC) ou du Schéma de Développement de la Région Ile-de-France, deux documents à la fois plus efficaces sur le terrain qu'un simple schéma régional, mais aussi plus respectueux des stratégies des collectivités que les Directives Territoriales d'Aménagement (DTA) car élaborés avec plus de concertation. C'est le chemin que je vous invite à avoir en tête.
A titre d'illustration, la commission européenne a présenté au mois de mai dernier un projet de directive sur la planification spatiale maritime et la gestion intégrée des zones côtières. La question de la gouvernance y est majeure. C'est dans cette perspective que s'inscrit la mission confiée par le Premier Ministre à Odette Herviaux, votre collègue du Morbihan, sur la gouvernance des Grands Ports Maritimes. C'est dans cette perspective que les conférences territoriales de l'action publique devront se saisir des enjeux liés au développement des économies maritimes et côtières.
S'agissant des métropoles, il n'est pas inutile de revenir sur le souci qui est le nôtre : il s'agit de doter nos territoires urbains des outils nécessaires à leur développement. Les domaines sont vastes : mobilité durable, urbanisme, qualité de vie, logement, services d'eau, déchets et assainissement Je sais là encore ce qui nous oppose : le gouvernement souhaite une automaticité de la transformation, le Sénat entend s'en tenir au volontariat.
Le gouvernement promeut un pas supplémentaire en faveur de l'intégration intercommunale. Non pas pour tuer les communes ! Au contraire, pour un certain nombre d'entre elles, l'association intercommunale est la garantie d'un meilleur service et d'une plus grande régulation. Je préfère qu'une petite commune puisse bénéficier des services d'ingénierie publique de l'intercommunalité ou du département ; c'est plus efficace et moins onéreux que le recours contraint au bureau d'étude. Voilà ma philosophie de l'intégration intercommunale : partout, les communes doivent être préservées, sauf évidemment si elles souhaitent fusionner.
S'agissant de Paris, Lyon et Marseille, les débats sont différents.
Au lendemain de la suppression par le Sénat des dispositions relatives à la Métropole du Grand Paris, j'ai ouvert les portes de mon Ministère à qui voulait venir discuter (Monsieur DALLIER vous vous en souvenez, j'en suis sûre). Au fil des réunions, il est apparu qu'une majorité de parlementaires d'Ile de France s'accordait sur la timidité relative du premier projet et voulait aller plus loin dans une plus forte intégration, plus audacieuse. Je n'avais qu'un objectif : ne pas laisser une page blanche pour notre région capitale. Je n'ai eu qu'une méthode : rapprocher sans cesse les positions éloignées, que dis-je ?, rapprocher les contraires mêmes tant les solutions proposées alors pouvaient paraître dissemblables.
Les uns voulaient la fusion des départements, les autres (Madame Lipietz, souvenez-vous) voulaient la création d'une métropole « à la lyonnaise », d'autres voulaient une communauté urbaine, d'autres encore voulaient fusionner région et départements
Mesdames et messieurs les sénateurs des groupes communistes et UMP : finalement je vous remercie. Je vous remercie parce que votre vote en première lecture est à l'origine d'une solution unique, innovante et ambitieuse.
La solution que j'ai proposée par amendement à l'Assemblée Nationale nous est simple, elle est inspirée des métropoles de droit commun, et elle prend en compte les particularités de la région parisienne, notamment sa taille et sa densité.
Cette solution répond à 4 impératifs :
- Un périmètre clair et lisible : Paris et sa petite couronne
- Une efficacité pour le logement : la métropole concentre les compétences en la matière
- Un impératif de péréquation : la métropole, EPCI à fiscalité propre, permettra la mutualisation de la richesse fiscale, qui sera redistribuée sous forme de dotations territoriales et d'actions d'intérêt métropolitain au bénéfice de l'ensemble du territoire
- Enfin, et c'était une condition sine qua non : il importait à tous de ne pas créer une région à deux vitesses. C'est pour cette raison que les intercommunalités en grande couronne doivent atteindre une taille leur permettant de faire valoir leurs politiques et leurs projets dans le concert régional.
Une métropole forte dans une région équilibrée, ce sont en fait 4 articles fondateurs : Ainsi, les articles 10 et 11 prévoient la structuration intercommunale de la Grande Couronne. Votre commission des lois les a supprimés, nous comptons les rétablir pour les raisons que je viens d'exposer.
L'Article 12 crée la Métropole du Grand Paris, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier comprenant Paris et les communes des trois départements de la petite couronne au 1er janvier 2016.
Elle sera organisée en territoires qui exerceront les compétences classiques de chaque territoire à l'exception des missions stratégiques pour le développement de la métropole : habitat, logement, aménagement et environnement.
Je sais que la question du statut des territoires vous a beaucoup occupés.
Question sur leur statut juridique : vous avez souhaité leur conférer une personnalité morale.
Ce n'est pas la position du gouvernement. Nous avons d'autres solutions pour leur faire gagner en reconnaissance institutionnelle sans bloquer la Métropole.
Question sur leur statut politique aussi : comment interviendront ces territoires dans les politiques de la métropole ? Quelles marges de manoeuvre auront-ils ? Ces questions sont les véritables enjeux car elles questionnent l'avenir démocratique de la métropole.
La solution qui a été adoptée à l'Assemblée Nationale est certainement perfectible. Les amendements que la commission des lois a votés ont conduit à une forme moins intégrée de la métropole du Grand Paris. Autrement dit : le gouvernement cherchera avec les volontaires et il y en a des solutions pour que le Sénat se rapproche d'une forme plus cohérente de métropole en matière de logement, en matière d'aménagement, en matière d'environnement. Enfin, pour parfaire l'édifice, l'article 13 crée un document dédié au logement en Ile-de- France, dénommé « schéma régional de l'habitat et de l'hébergement » pour permettre une coordination renforcée à l'échelle régionale.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, la métropole du Grand Paris, c'est le cadre institutionnel pour la mise en place des politiques publiques qui permettront de juguler la crise : la métropole du Grand Paris est une solution. Comme partout ailleurs sur le territoire, l'intercommunalité est une solution contre les égoïsmes locaux pour des politiques publiques plus efficaces. L'intercommunalité c'est bien, mais en Ile de France c'est mieux quand elle permet la péréquation, le développement de projets cohérents avec les besoins des citoyens d'un territoire.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la Métropole du Grand Paris, c'est la plus importante opération de péréquation jamais réalisée en France, sans heurts, dans le respect des fonctions des besoins de chaque territoire.
Sur Lyon, nous aurons à discuter de dispositions relativement mineures comparées à tout le chemin qui a déjà été parcouru. J'ai une grande confiance. Et puis, nombre d'entre vous souhaitez revenir sur plusieurs détails afférents à l'exercice des compétences. Je pense que la discussion demeure ouverte sur nombre d'entre elles.
Enfin, nous conclurons ce débat par deux articles majeurs : la dépénalisation du stationnement payant et la création des pôles d'équilibre et de solidarité territoriale.
S'agissant du stationnement, je me réjouis que les propositions que portent les associations d'élus aient enfin pu se concrétiser dans un texte. Deux ans après l'adoption de la loi, cette dépénalisation deviendra effective. Je ne vous cache pas qu'il reste quelques doutes à lever sur les modalités précises de la mise en oeuvre. J'aurais été favorable, avec plusieurs de mes collègues au gouvernement, à ce que nous profitions des deux ans qui nous séparent de la mise en oeuvre concrète de cette réforme pour expérimenter les dispositions sur quelques territoires. Je ne doute pas que nombre d'entre vous se déclarent intéressés pour évaluer, in situ et avec les vrais chiffres, les perspectives tant en matière de recettes que de dépenses et de manque à gagner pour l'Etat et pour certaines collectivités. Je veux aussi redire ici ce que le Premier Ministre a toujours demandé s'agissant de ces dispositions : elles devront être opérées dans la neutralité financière pour l'Etat. Ce qui nous préoccupe réside donc dans l'adaptation des politiques de stationnement de certaines communes aux dispositions futures.
Je finirai par les pôles. Ces pôles ruraux, c'est le Sénat qui les a inventés. Nous avons, Anne-Marie Escoffier et moi, encouragé cette dynamique, estimant que la dynamique créée par les pays en 1995 puis réellement généralisée grâce à la loi Voynet de 1999 était une bonne manière de bâtir des projets communs dans les territoires non urbains.
Vous aurez sur ce sujet des points de désaccords avec l'Assemblée Nationale, les députés ayant souhaité faire de ces nouveaux espaces de concertation des lieux de territorialisation de l'action publique, pouvant se transformer à terme en intercommunalités.
Demain, nous le savons tous, c'est la présence effective des services publics qui garantira le pacte républicain.
Demain, et cela explique notre impatience à entrer dans la discussion du PJL2, la solidarité territoriale, la présence équilibrée des services publics sera le rempart contre les extrémistes, surfant sur la peur de nos citoyens d'être abandonnés par l'Etat.
Voici, Mesdames et messieurs les Sénateurs, la réforme de l'action publique que je défends, mais elle ne doit pas non plus obéir à des postures défensives. Elle doit au contraire être guidée par le seul motif du besoin de nos concitoyens à vivre bien, à être préparés à affronter la crise par des solutions institutionnelles transparentes et efficaces.
Le Premier ministre l'a dit bien avant moi, en janvier dernier, en défendant « le nouveau modèle français » : repenser le rôle des pouvoirs publics, renforcer l'Etat sur sa fonction stratégique, moderniser l'action publique grâce à la coopération de tous, élus, fonctionnaires et usagers et répondre à ce souci d'efficacité grâce à une meilleure répartition des tâches entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités.
Et je le souligne de nouveau, la modernisation de l'action publique, ce n'est pas moins de politiques publiques, qu'elles soient portées par l'Etat ou les régions, mais des services publics plus efficaces, plus proches des citoyens et au final moins coûteux.
Je crois profondément que les collectivités de France sont le lieu dynamique du redressement de notre pays. Trop d'articles de presse ont voulu faire croire que le Gouvernement les avait oubliées.
Je vous rappelle solennellement ici que le Gouvernement tiendra les engagements pris devant vous le 5 octobre dernier par le Président de la République, comme il a choisi d'entendre et de respecter la voix de chacune des composantes de votre Haute Assemblée, comme celles de l'Assemblée nationale, depuis l'entrée de ce texte au Sénat en mai dernier.
Je vous remercie.
Source http://www.action-publique.gouv.fr, le 3 octobre 2013