Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les grandes orientations du plan d’action pour les départements dans le cadre de la loi de décentralisation, à Lille le 11 octobre 2013.

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Circonstance : Première convention des départements de France, à Lille (Nord) les 10 et 11 octobre 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Claudy Lebreton, merci de votre accueil. Merci à vous tous.
On m'avait dit que vous ne seriez pas très nombreux mais vous avez, au contraire, décidé d'être ensemble, venant de toute la France – de l'Hexagone et des Outre-Mer – et cela fait chaud au cœur de vous voir et de parler avec vous.
Franchement, merci à toutes et à tous d'être ici, à Lille.
Je voudrais saluer d'abord Martine Aubry, maire de Lille, qui vous a accueillis dans cette grande métropole européenne.
Je salue, bien sûr, le premier vice-président du Conseil régional, le président du Conseil général, Patrick Kanner, qui, je crois, a fait beaucoup pour la préparation de ces rencontres.
Je salue, bien sûr, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui représente tous les parlementaires, mais qui a aussi l'expérience de la présidence d'un Conseil général et qui vous connaît bien.
Je voudrais également saluer les autres présidents et présidentes de Conseils généraux sans oublier Dominique Dupilet, président du Conseil général du Pas-de-Calais, qui est venu aussi en ami et en voisin.
Je salue la ministre Marylise Lebranchu – chère Marylise – et la remercie pour tout son travail, le préfet de région pour son travail aussi, sa disponibilité comme représentant de l'État et vous tous et toutes, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux.
J'ai souhaité participer à cette convention en répondant à l'invitation du président Lebreton, d'abord pour vous dire la confiance qui est la mienne dans l'action des départements et la confiance qui est celle de tout le gouvernement dans l'institution que vous représentez.
Vous avez choisi comme thème de vos débats "La France des départements". Cette France des départements, c'est d'abord une France républicaine où, depuis plus de deux cents ans, les Conseils généraux ont su faire vivre la démocratie locale, maintenu le lien social, soutenu des projets de développement et participé aux grands défis de la nation. C'est cet enracinement, c'est cette tradition de proximité qui font des départements l'échelon privilégié de la solidarité, du lien social, de l'équilibre des territoires. C'est cette légitimité acquise au service des citoyens qui vous a permis de décliner cette belle idée de solidarité dans toutes les politiques auxquelles vous êtes associés.
Ce que je suis venu d'abord vous dire, c'est la reconnaissance de la nation de votre action au service des Françaises et des Français. Mesdames, Messieurs les conseillers généraux, y a-t-il beaucoup de politiques auxquelles vous ne soyez pas associés ? Qu'il s'agisse d'éducation, de transport, de logement, d'aménagement, de numérique, de dépendance, de protection de l'enfance, d'insertion sociale et professionnelle. Le département est là où les citoyens ont besoin de lui. Certains diront, évidemment, que c'est trop, que c'est déjà trop. Mais est-ce vraiment trop d'être là pour aider les populations partout où des personnes sont en difficulté ? Est-ce que c'est trop que d'être présent pour aider les collectivités, en particulier les plus petites, là où les territoires ont besoin d'être soutenus ?
Dans une période de profonde mutation comme celle que nous traversons, c'est une mission décisive qui est la vôtre, une mission de protection des populations, une mission de soutien des territoires les plus fragiles, mais aussi une mission d'encouragement au développement local. Vous êtes mieux placés que quiconque pour répondre à tous ces discours démobilisateurs et déclinistes parce qu'évidemment, vous traitez des difficultés et parfois des grands désarrois, mais vous connaissez aussi l'intelligence, l'imagination, l'esprit d'initiative. Vous le voyez, vous pourriez en parler beaucoup mieux que tout autre, comme un maire peut le faire aussi dans sa commune ou un président d'intercommunalité. Les élus des territoires connaissent la France et ils connaissent les Françaises et les Français et ils savent que le peuple français, même s'il connaît des difficultés, même si, parfois, il se laisse aller au découragement – et cela peut se comprendre pour certains d'entre eux –, vous savez aussi mieux que quiconque quelles sont les potentialités de la France. C'est cela que vous voulez encourager. Et là, le gouvernement et vous, nous marchons dans la même direction, celle du redressement du pays.
Vous avez appelé votre rencontre, justement, « solidaire et entreprenante », soulignant votre volonté de toujours associer le développement territorial et la solidarité. Ces deux piliers de l'action des départements sont aussi les deux priorités de mon gouvernement et deux impératifs nationaux. Cela vous place donc en première ligne dans la bataille pour l'emploi qui était la conclusion du président Lebreton. C'est la priorité du gouvernement. C'est l'objectif majeur qui concentre tous nos efforts et qui doit nous mobiliser collectivement et durablement. Vous y avez pris votre part dès le début et je salue ici publiquement l'engagement de l'Assemblée des Départements de France dans la déclaration commune État-départements que nous avons signée ensemble à l'initiative du président de la République au Palais de l'Élysée il y a maintenant près d'un an, c'était le 22 octobre 2012. C'est en quelque sorte une feuille de route commune et vous êtes, plus que d'autres encore, en situation de mesurer les ravages du chômage, de la précarité dans notre société.
Aussi, je tiens à saluer encore les départements, ceux qui se sont engagés et investis pour créer ou soutenir les emplois d'avenir, pour développer les contrats aidés, pour soutenir les contrats d'apprentissage. Les résultats sont lisibles sur le terrain. D'un département à l'autre, il y a parfois des contrastes mais enfin, quand on est face à la population, quand on est face à ses demandes, quand on est face à la jeunesse, si l'initiative des emplois d'avenir ou des emplois aidés vient d'un gouvernement, même si la couleur politique n'est pas la vôtre, dans la quasi-totalité des cas, heureusement, les élus savent qu'ils ont des comptes à rendre à la population et jouent le jeu. À ceux-là je voudrais adresser – et en particulier tous ceux qui sont ici – un chaleureux remerciement. C'est important pour la confiance des Français dans la démocratie.
Je vous appelle, Mesdames, Messieurs les conseillers généraux, à poursuivre cet effort car nous savons tous que la création de ces emplois fait partie du climat de confiance que nous devons absolument retrouver pour redonner de l'espoir aux familles, redonner de l'espoir et des perspectives à la jeunesse de notre pays, surtout celle qui est la plus éloignée de l'emploi. Toutes nos forces doivent être mobilisées au service de cet objectif national : les vôtres, celles de l'État, celles de l'ensemble des acteurs publics, des acteurs privés : les entreprises, bien sûr, les partenaires sociaux qui, actuellement, négocient un accord – j'espère – sur la formation professionnelle qui doit être profondément réformée, mais aussi les associations, le secteur de l'économie sociale et solidaire auquel vous apportez souvent votre concours. C'est cette mobilisation-là qui est essentielle entre l'État, l'État stratège, l'État qui impulse, qui décide des grandes politiques publiques, mais aussi l'État garant de l'égalité entre les citoyens et puis l'État qui contracte et qui négocie avec les collectivités locales. Parce que, souvent, vous êtes porteurs de ces politiques publiques, même quand elles sont décidées par l'État.
Nous avons donc besoin, dans tous nos territoires, de cohérence. C'est la garantie de l'efficacité. Il y a une méthode que vous avez rappelée, Monsieur le président Lebreton, c'est le dialogue, le dialogue entre l'État et les collectivités locales. C'est tout l'enjeu de la préparation des prochains contrats de plan État-région. Mais ils ne concernent pas que les régions, ils concernent les territoires des régions. Cet exercice de contractualisation est déterminant quand on sait que, dans la période précédente (2006-2013), il aura permis de mobiliser 28 milliards d'euros.
J'ai donné le coup d'envoi il y a trois semaines à Matignon. J'ai souhaité que les Conseils généraux y soient pleinement associés, tout comme les agglomérations, les intercommunalités. C'est le sens du message que j'ai adressé aux présidents des Conseils régionaux que j'ai reçus. C'est le sens des instructions que j'ai données aux préfets de région que j'ai réunis la semaine dernière pour lancer cette nouvelle génération de contrats qui portera sur cinq priorités que le gouvernement a fixées : l'enseignement supérieur et la recherche, l'innovation, les filières d'avenir, l'usine du futur, la transition énergétique et écologique, le développement du très haut débit et des usages du numérique.
Je salue encore une fois l'excellent rapport de Claudy Lebreton, votre président, sur les territoires numériques de la France de demain. J'ai pu d'ailleurs me rendre compte lors d'un déplacement dans son département il y a peu de temps, dans un collège de Saint-Brieuc, à quel point le numérique n'était pas seulement un outil, mais un moyen de transformer complètement la pédagogie et donc aussi de contribuer à la réussite des élèves. Et j'ai été frappé à quel point une nouvelle pratique, une nouvelle culture était en train de s'instaurer dans les établissements qui avaient souhaité être volontaires pour l'expérimentation. Il faut généraliser cela. Le numérique, ce n'est pas seulement de la technique, ce n'est pas seulement de l'innovation technologique. C'est bien sûr cela, mais c'est aussi une autre façon d'organiser, de manager. C'est une autre façon d'investir. C'est une autre façon de porter la croissance, y compris en l'associant à la transition énergétique. Donc tout cela doit être présent et fortement présent dans les futurs contrats de plan.
Ces cinq thèmes recoupent ceux des investissements d'avenir que j'ai présentés le 9 juillet dernier, tout comme les orientations des programmes européens. Elles doivent toutes contribuer au développement et à l'emploi. Au sein de ces contrats de plan, j'ai souhaité qu'un volet territorial puisse être développé. Je l'ai dit, il concernera les départements mais il concernera aussi les territoires éligibles à la politique de la ville, prévoyant l'articulation des nouveaux contrats de ville avec les contrats de plan. Les territoires vulnérables subissant des restructurations économiques importantes pourront bénéficier d'un accompagnement dédié. Les territoires confrontés à un déficit de service public seront également concernés. Tout comme les métropoles avec un volet visant à conforter les fonctions métropolitaines qu'elles exercent tout en organisant les complémentarités avec les villes moyennes ou les espaces ruraux. Et, bien sûr, les outre-mer.
C'est tout cela qui est la base du travail des futurs contrats de plan. Ce travail est commencé maintenant et nous allons le mener à bien. L'enjeu, c'est l'égalité, l'égalité si chère aux Françaises et aux Français et au cœur de notre identité politique. L'égalité aussi entre les territoires. C'est une mission fondamentale que les départements exercent. C'est la condition d'un développement équilibré, d'une décentralisation réussie.
La France doit rassembler ses territoires. Elle doit les accompagner dans les mutations qui les touchent et, parfois, les bouleversent. Elle doit être à l'écoute de l'ensemble des Français et répondre le plus efficacement possible aux attentes qu'ils expriment, quel que soit leur lieu de résidence car c'est vrai que, parfois, des Françaises, des Français ont le sentiment d'être oubliés dans des territoires périurbains ou parfois ruraux ou de montagne, éloignés des grands centres, mal connectés. Eh bien c'est cela qu'il faut absolument corriger pour montrer que la France s'intéresse à tous les Français où qu'ils soient, où qu'ils habitent.
Je mesure pleinement les frustrations, les tiraillements qui naissent des inégalités territoriales. Je sais que c'est d'abord la mission de l'État de tout faire pour que le développement des uns ne se solde pas par un décrochage des autres. C'est le sens de la création du Commissariat général à l'égalité des territoires qui succède à la DATAR et qui regroupe aussi la mission interministérielle pour la ville. J'en ai confié la responsabilité à Éric Delzant, qui est d'ailleurs présent à l'occasion de vos rencontres. Le gouvernement mettra tout en œuvre pour conforter l'action des collectivités au service de cet objectif.
Le choix d'Éric Delzant est d'ailleurs aussi symbolique. J'ai veillé à ce qu'il y ait à la fois dans ce nouveau commissaire, pour ce nouveau commissaire, la double expérience : celle de l'État et celle de la direction de services de collectivités territoriales. Cette double culture, c'est aujourd'hui la culture de l'action publique. Elle doit vivre partout et donc d'abord dans les futurs contrats de plan.
S'agissant des financements européens, je dois dire que la France, le président de la République en première ligne, a réussi à obtenir un bon résultat lors de la négociation sur les perspectives financières de l'Europe. Ce n'était pas évident. Je parlerai d'abord de la politique agricole commune qui concerne nos territoires et notamment les territoires ruraux, le développement rural. On disait que la PAC serait la victime. Eh bien non ! Nous avons obtenu non seulement qu'elle soit préservée, mais qu'elle soit modifiée. Et le président de la République, encore la semaine dernière, a montré en quel sens on pouvait remettre de l'équité, de l'égalité entre les bénéficiaires des aides et puis surtout inscrire cette nouvelle politique agricole commune dans une autre vision du développement territorial avec, notamment, le souci de la qualité environnementale. La performance au service de la qualité des territoires.
C'est également un autre succès dans cette négociation, qui concerne la capacité que la France a eue de préserver, dans une Europe à vingt-huit, une enveloppe importante de fonds européens : quatorze milliards d'euros. C'est un vrai succès ! Je mettrai en œuvre l'engagement du président de la République d'en décentraliser la gestion au niveau des régions. Les départements auront aussi à gérer un tiers du Fonds social européen. Je souhaite que nous puissions ensemble, Monsieur le président Lebreton, définir une stratégie commune emploi-inclusion qui favorise l'insertion de nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi, en particulier celle des bénéficiaires du RSA.
Dans tous les domaines, nous devons mettre en place des mécanismes de solidarité territoriale qui préservent l'équilibre et l'unité de notre territoire. Je le répète, notre pays a besoin d'un État fort pour assurer son unité mais aussi d'une France décentralisée, pleinement assumée, pour ne pas se défaire. C'était déjà la conviction de François Mitterrand et de Pierre Mauroy, qui ont apporté à la France ce grand tournant de la décentralisation que nous n'avons cessé, au fil du temps, de perfectionner. Il connaît parfois des difficultés, mais qui imaginerait que nous revenions en arrière ? C'est cette audace de François Mitterrand et de Pierre Mauroy qui nous permet, aujourd'hui, d'être ici, rassemblés dans une autre perspective et une capacité à agir profondément transformée qui correspond beaucoup mieux à l'évolution économique, à l'évolution culturelle, à l'évolution, j'allais dire, historique de notre pays.
C'est à cette étape que nous sommes. Nous devons à tout prix faire réussir cette nouvelle organisation de l'action publique. Il nous appartient de faire émerger des pôles de développement sur nos territoires, capables de tirer la croissance nationale, de rivaliser avec nos concurrents à l'échelle internationale. C'est l'une des dimensions du projet de loi qui est actuellement examiné par le Parlement et que défend Marylise Lebranchu sur la constitution et l'affirmation de métropoles. Des métropoles qui doivent, justement, entraîner les territoires. Mais nous ne devons pas opposer la métropole au reste du territoire. Est-ce qu'on oppose Lille au département ou à la région ? Les régions qui n'ont pas de métropole ont plus de difficultés que les autres.
Je remercie le rapporteur au Sénat, René Vandierendonck – que je vois dans la salle –, qui a fait un travail formidable et connaît ce sujet. J'en ai discuté plusieurs fois avec lui. Comment imaginer qu'il s'agissait là d'opposer les uns aux autres ? Il s'agit de donner une nouvelle dynamique au développement de nos territoires dans des régions qui, elles-mêmes, doivent être fortes et dans lesquelles les départements doivent aussi trouver pleinement leur place dans le cadre des compétences que j'ai rappelées il y a quelques instants.
La montée en puissance des métropoles constitue un défi pour les départements. J'en suis conscient. Mais il serait illusoire de croire que les métropoles pourront se substituer à eux et vous savez bien, en pratique, comment les choses se passent. La plupart des pays d'Europe disposent d'un échelon intermédiaire entre la région et la commune, c'est, je dirais, l'intercommunalité. C'est un enjeu de proximité, c'est un enjeu de diversité, c'est un enjeu d'efficacité. C'est vers une gestion différenciée des territoires que nous devons désormais orienter l'action publique.
Entre l'État, la région, les départements, les intercommunalités dans lesquelles je mets les métropoles, ce n'est pas la concurrence qui doit prévaloir mais la cohérence. C'est un vrai défi et c'est un vrai travail pour lequel vous aurez à agir. Il ne s'agit pas de tout faire, mais de bien faire. Et la conférence territoriale a cet objet ! Ce n'est pas un machin, ce n'est pas une réunion comme ça, c'est dans le dialogue au sein de chaque territoire, en tenant compte des spécificités de ces territoires, que vous trouverez les bonnes réponses pour agir. Et dans le projet de loi en cours, comme le second qui viendra en discussion au Sénat au début de l'année 2014, vous verrez dans ce que propose le gouvernement – mais vous le savez déjà –que la place des départements sera confortée. Ils seront confortés dans leur rôle de chef de file aussi bien pour le développement social que pour la solidarité territoriale.
Un schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public sera établi – après concertation, évidemment – par le Conseil général dans chaque département. Il sera élaboré conjointement par l'État et le département et permettra de décliner les objectifs communs. Il permettra aussi parfois de mutualiser et de mieux servir le public, des maisons de services au public seront facilitées. Vous le faites déjà, mais je crois que nous pouvons amplifier cette dynamique.
Par ailleurs, le champ de l'assistance technique sera étendu à la voirie, à l'aménagement du territoire et à l'habitat afin que les départements et les groupements de communes soient en mesure de venir en appui aux communes isolées et aux intercommunalités ne disposant pas de ressources suffisantes pour mener de manière autonome la conduite de projets structurants.
Mesdames, Messieurs les conseillers généraux, les départements peuvent donc aborder avec confiance cette nouvelle étape de la décentralisation. Ne comptez pas sur mon gouvernement pour prêcher la suppression des départements. D'ailleurs, ceux qui en douteraient doivent se référer simplement au discours qu'avait prononcé à Dijon le président de la République, François Hollande – mais à l'époque, il était encore candidat –, et qui avait dessiné la France décentralisée dans un État retrouvant sa place, sa force. Et il avait bien rappelé la place spécifique des départements.
La suppression des départements, je vous dis que ce n'est pas à l'ordre du jour, mais d'autres s'en chargent et le font régulièrement. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre des paradoxes de voir que ce sont parfois les mêmes qui se retirent de vos débats et qui proposent la suppression des départements ! Il y a là peut-être une forme d'ambiguïté ou une certaine contradiction mais ne vous inquiétez pas, j'en suis convaincu – je fais toute confiance au président Lebreton –, vous aurez l'occasion de clarifier ce point dans vos prochaines rencontres et même avec moi puisque je ne doute pas que les absents seront au rendez-vous quand il y aura l'occasion de mieux répartir les nouvelles ressources que le gouvernement a décidé d'accorder aux départements.
Vous l'avez compris, je crois que la France a besoin de ses départements. Ils sont aussi un échelon de mutualisation des moyens d'action que beaucoup de collectivités ne peuvent s'offrir individuellement. Les politiques de solidarité qu'ils mettent en œuvre épargnent à la Nation le plus irréparable, le plus coûteux de tous les gâchis, celui qui résulte de la destruction de notre lien social, des ravages de la précarité ou des inégalités sociales ou territoriales.
En agissant au service des territoires les plus en difficulté, en soutenant les personnes les plus faibles, en les empêchant de sombrer devant les aléas de la vie, en les ramenant vers l'emploi et l'activité, c'est un service que vous rendez au pays et cela mérite d'être défendu publiquement par le gouvernement.
En même temps, il ne s'agit pas d'accepter l'immobilisme ni le statu quo. Les collectivités doivent participer à la modernisation de l'action publique. Cela suppose de continuer à mutualiser des services, à rechercher des économies d'échelle partout où cela peut être utile pour les citoyens et les usagers. Mais cela doit se faire dans le dialogue, pas seulement entre l'État et vous, mais entre les administrations locales, les agents territoriaux, leurs syndicats, et aussi les usagers, les citoyens.
C'est ce que vous faites et je vous encourage à poursuivre dans ce sens, dans ce chantier de la modernisation de l'action publique qui est la base de la confiance des citoyens dans nos services publics dont nous avons besoin, mais qui, parfois, doivent être revisités, améliorés, sinon les citoyens disent : « On paye mais on n'est pas toujours satisfaits en retour. » Donc c'est un défi collectif. Cela vaut aussi pour les services de l'État. Nous sommes des partenaires, des partenaires qui se respectent. Nous sommes des acteurs de l'action publique qui se complètent.
C'est aussi le sens de la création du futur Haut Conseil des territoires qui deviendra, lorsque le Parlement l'aura décidé, l'instance permanente de concertation entre l'État et les collectivités locales. Il comprendra un Conseil national d'évaluation des normes. Nous pouvons nous réjouir, d'ailleurs, de l'adoption définitive par le Sénat le lundi 7 octobre dernier de la proposition de loi Gourault-Sueur issue des États généraux de la démocratie territoriale. Le nouveau Conseil des normes examinera l'impact technique et financier des textes réglementaires, des projets de lois, des actes de l'Union européenne créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités locales et il pourra également se saisir du stock de normes en vigueur pour proposer des simplifications.
Le rapport Lambert-Boulard a apporté une vraie contribution dont je me suis inspiré immédiatement en donnant des instructions aux préfets, en laissant l'initiative pour simplifier les normes, qu'elles concernent les collectivités locales ou les entreprises. Ce chantier ne fait que commencer. Ceux qui se plaignent des normes, ils devraient, avant de se plaindre, s'inscrire dans ce chantier, y apporter leur contribution parce que ce chantier, je l'ai lancé. Le président de la République avait parlé de choc de simplification. Entre le choc et le résultat, il faut travailler. C'est ce que nous faisons. Et j'appelle tous ceux qui le veulent à y contribuer. Je sais que c'est votre conviction.
La maîtrise des normes est une des composantes essentielles du Pacte de confiance et de responsabilité que j'ai présenté le 16 juillet dernier à l'ensemble des associations de collectivités locales, qu'a rappelé Claudy Lebreton. Il comprend par ailleurs des mesures importantes pour l'accès au crédit des collectivités locales avec l'enveloppe de vingt milliards d'euros de prêt sur le fonds d'épargne géré par la Caisse des Dépôts ou encore la possibilité de créer l'agence de financement des collectivités locales donnée par la dernière loi bancaire.
Je rappelle également que, dans le cadre du plan européen « Croissance Emploi » et grâce à l'augmentation du capital de la Banque Européenne d'Investissement, le gouvernement a obtenu pour la France des prêts supplémentaires, passant de quatre à sept milliards en 2013, 2014 et 2015. Il est donc essentiel, pour financer vos projets d'investissements, de mobiliser cette opportunité importante.
L'enjeu, c'est de renforcer vos capacités d'investissement. J'entends à cet égard la demande qui a été faite par les collectivités d'une revalorisation du Fonds de compensation de la TVA au 1er janvier 2014. Le président de l'Association des Maire de France, que j'ai rencontré mercredi dernier sur le sujet des rythmes scolaires, en a profité pour me demander si le gouvernement était prêt à bouger. Evidemment, les marges de manœuvre, vous les connaissez. Mais le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Christian Eckert, qui est particulièrement attentif à cette question, a proposé un amendement en ce sens qui, je crois, a déjà été voté par la commission des finances. Je tiens donc à vous dire que le gouvernement est favorable à l'adoption par le Parlement de cet amendement à partir de la semaine prochaine.
Pacte de confiance. Oui, pacte de confiance. Ce sont aussi des efforts d'économies partagés. Je remercie le président Claudy Lebreton d'avoir dit les choses. Tous, nous devons participer au redressement des finances de notre pays. Et l'effort qui est demandé aux collectivités locales n'est pas mince, j'en suis conscient. Un milliard et demi en 2014 et un milliard et demi supplémentaire en 2015. Tous les niveaux de collectivités ont pris leur part, comme cela a d'ailleurs été décidé par le Comité des finances locales. Je les remercie de faire preuve d'un esprit civique, d'un esprit de responsabilité au moment où l'État lui-même, dans la préparation du budget 2014, a prévu un effort d'économie de quinze milliards d'euros. Ce qui n'a jamais été fait, qui est sans précédent, mais dont il faut comprendre le sens !
Je sais que vous le comprenez puisque vous gérez vous aussi des budgets et que vous n'avez pas envie de voir votre situation financière se dégrader. Comme la France, vous n'avez pas envie de dépendre, j'allais dire, des marchés financiers. Il fallait donc mettre fin à cette spirale de la dette et des déficits. Quand je suis arrivé à la tête du gouvernement, j'ai eu connaissance effectivement, -même si nous avions déjà beaucoup d'informations avant- du rapport de la Cour des comptes qui était accablant et dont il ne faut pas sous-estimer l'importance.
On nous dit : « Vous ne l'avez pas dit assez ». Je le redis. Une situation qui nous aurait conduits, si rien n'avait été fait, à 6 % de déficit. Nous avons commencé la réduction (5,3 ; 4,8 ; 4,1 ; 3,6) du déficit nominal. Ce n'est pas un objectif en soi. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga d'une politique mais c'est la capacité que la France se donne à retrouver des marges de manœuvre pour pouvoir agir de façon autonome et indépendante. C'est notre indépendance qui est en jeu ! C'est notre souveraineté qui est en cause ! Et tous les pays qui ne l'ont pas fait, sont aujourd'hui en grande souffrance.
Mais nous n'avons pas fait n'importe comment. Nous avons ajusté au plus près pour que rien ne vienne contrecarrer le retour de la croissance qui est en marche. Nous n'avons rien fait non plus qui nous empêcherait de financer nos priorités. En faisant tout cela, nous finançons la refondation de l'école, nous finançons la politique de l'emploi, nous finançons la transition énergétique et, avec des efforts encore plus importants pour le budget 2014, la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation thermique. Cela a un coût.
Ces priorités, nous les finançons et, en même temps, nous redressons nos comptes publics parce qu'il y a aussi un vrai enjeu qui est la préparation de l'avenir. Dégager des marges de manœuvre, c'est doter le plan des investissements d'avenir de davantage de moyens. Ce que nous avons fait. C'est aussi restructurer notre réseau de transport ferroviaire, et l'on voit que, depuis des années, les investissements n'ont pas été faits, au détriment de la sécurité mais aussi de la qualité des services inter cités. C'est tout ce chantier que nous avons engagé ! Cela demande des efforts, j'en suis conscient ! Des efforts aux collectivités locales, des efforts aux Français, mais ce ne sont pas des efforts en vain, ce sont des efforts utiles. L'objectif, c'est le redressement de la France.
Pour autant, j'ai entendu votre message, le message de l'ADF, et j'ai voulu prendre en compte la situation particulière des départements. La question du financement des allocations individuelles de solidarité était restée sans réponse, en souffrance, on peut dire, ces dernières années. Nous pouvions nous contenter de reconduire des fonds d'urgence en les répartissant, même si certains critiquent, de la façon la plus équitable possible en faveur des départements les plus en difficulté. Mais nous sommes allés au-delà grâce à la concertation engagée avec l'ADF. Cela nous a permis de dégager des solutions consistantes à travers la création du Fonds de compensation péréquée de 830 millions d'euros et la possibilité pour chaque département de relever les droits de mutation pour disposer de ressources supplémentaires.
Ce dialogue, qui est permanent, nous allons le poursuivre sur le financement de ces allocations. Nous avons d'ailleurs prévu une clause de rendez-vous en 2015. Merci Monsieur le président pour votre aide et je voudrais associer votre équipe. Je voudrais, bien sûr, aussi saluer Michel Dinet qui a été présent depuis le début dans cette concertation. Et d'ailleurs, je ne vous cache pas une certaine satisfaction puisqu'avant la rencontre avec toutes les associations d'élus le 16 juillet, il y a eu la rencontre avec votre association où nous avons conclu. Et vous n'étiez pas seuls. Il y avait certes le président Dinet à vos côtés, mais il y avait aussi d'autres élus de sensibilités qui ne sont pas celles de la majorité gouvernementale. Et j'ai eu une petite satisfaction d'entendre que ces partenaires – puisqu'ils avaient contribué à la discussion – m'ont dit : « Écoutez, nous sommes satisfaits parce que ce que vous nous avez accordé, l'ancien gouvernement ne nous l'avait pas accordé et nous vous le disons franchement. »
Voilà, je ne vais pas être beaucoup plus long. Il y a encore tellement de choses à faire ensemble ! Je pense notamment à la préparation du projet de loi sur l'adaptation de la société du vieillissement. Le gouvernement s'est engagé et, conformément à sa méthode de dialogue, je vous confirme qu'une concertation sera lancée sur ce projet de réforme dans les prochaines semaines et que vous en serez totalement partie prenante.
Voilà, Mesdames et Messieurs les présidents et présidentes, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux et conseillères générales, ce que je voulais vous dire. Vous dire que le gouvernement avait pris la mesure de votre situation financière mais aussi de l'action que vous menez qui est utile à la France. Les départements ne doivent surtout pas se sentir menacés dans leur existence, ni financièrement ni politiquement. Je l'ai dit, je sais ce que vous faites, je sais quelle est votre capacité à vous adapter, à faire évoluer l'action publique, à vous inscrire dans la modernité. Je sais aussi que vous comprenez la France et les Français.
Dans cette période de doute, plus que jamais, il est important que des hommes et des femmes comme vous, qui avez la passion de la France, qui aimez les gens, qui aimez profondément notre pays, vous gardiez ce lien de proximité pour que les valeurs républicaines ne s'éloignent pas des esprits et qu'elles soient vécues concrètement. C'est indispensable à l'avenir de la France. Et moi, j'ai confiance si nous savons expliquer mieux, entraîner davantage. Les premiers signes de la reprise de la croissance sont là. Les indicateurs, je ne dis pas qu'ils sont au beau fixe, mais ils donnent une direction et ils montrent que ce qui a été engagé, même si c'est exigeant – je l'ai rappelé –, va dans la bonne direction qui est celle du redressement du pays, de la préparation de l'avenir. Et cela, ça ne peut pas se faire si nous ne travaillons pas ensemble encore plus résolument.
La France est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale – c'est la Constitution –, mais la France est aussi diverse de ses territoires, de ses cultures… la France de l'Hexagone, la France de l'Outre-mer… Mais c'est la France. Et notre devoir, notre responsabilité, c'est que la France retrouve pleinement confiance dans ce qu'elle est, c'est-à-dire une grande nation. Même s'il faut le temps d'un quinquennat, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, nous progressons, nous redressons les choses, afin que la France retrouve sa vocation de leader.
Oui, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux, vous êtes en première ligne avec d'autres élus pour réussir le redressement de la France et le retour de la confiance dans ce que nous sommes profondément.
Vive la République et vive la France !
Source http://www.gouvernement.fr, le 15 octobre 2013