Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, sur les mesures en faveur du secteur du bâtiment et les priorités de la politique pour les PME, à Nantes le 3 octobre 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 2ème convention FNB, à Nantes du 1er au 3 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise,
Vous avez devant vous une secrétaire d'État debout.
Permettez-moi d'abord de vous remercier pour la qualité de votre accueil (même si je vous signale que vous êtes un peu en retard) parce que c'est un plaisir pour moi d'être ici en fin de cette matinée spécialement à Nantes où sont abordés des sujets qui nous tiennent tous à coeur : à vous, à moi et au gouvernement que je représente.
Depuis mercredi, vous avez travaillé sur un grand nombre de thèmes (environnement, assurance construction, marketing stratégique, formation) et plus spécialement depuis ce matin sur la relance des marchés de la construction.
Vous souhaitez qu'à l'occasion de cette deuxième Convention de votre Fédération, les travaux de Nantes constituent le point de départ d'un renouveau de votre profession et, je le dis devant un parterre tout à fait impressionnant d'entrepreneurs du bâtiment qui croient en l'avenir, effectivement vous avez un avenir.
Indiscutablement, les entreprises de votre secteur ont souffert ces six dernières années consécutives. Vous avez connu de grandes difficultés, vous avez perdu un nombre trop important d'emplois. C'est pour cela que vous êtes convaincus, que cette refondation est nécessaire.
Vous avez, il est vrai, trop souvent eu l'impression que les pouvoirs publics n'entendaient pas assez votre voix, n'écoutaient pas assez vos revendications et vos aspirations.
Très simplement, une parenthèse personnelle : c'est vrai que je fais un bizarre métier qui n'en est pas un parce que je ne crée pas d'emplois, un Ministre tout compte fait ça ne sert pas à grand chose ... Mais je voudrais vous dire que si j'ai appris à faire de la politique, c'est aux côtés d'une femme, qui était (parce que maintenant elle a pris sa retraite) chef d'entreprise du bâtiment, avec une trentaine de salariés, qui avait eu en plus à gérer, ce que certaines ou certains d'entre vous connaissent, la difficulté de perdre celui qui dirige ...
Et c'est vrai que j'ai beaucoup appris de ce secteur du bâtiment et je voudrais vous dire que, forte de cette expérience du passé, mais forte aussi d'une expérience de travail avec mes collègues, je considère que c'est une force économique incontournable de la même façon, Monsieur le Président que vous le considérez, avec lequel nous devons compter et sur lequel nous pouvons compter.
Comme votre Président national l'a justement dit :
"On assiste aujourd'hui plus qu'à un frémissement dans votre secteur".
Il y a un certain nombre de signes encourageants qui nous laissent penser que la dégradation est enrayée et qu'une relance durable est possible
Vous avez également décidé, avec cette volonté qui est la vôtre, de suivre les évolutions technologiques et d'avancer dans la constitution de partenariats avec l'ensemble de ceux qui sont concernés par le secteur. C'est une démarche qui est largement entreprise et chaque petit coup de pouce que vous apporterez, je parle de la Fédération à cette démarche-là, sera important.
J'ai entendu, Monsieur le Président, votre message. Nous y sommes attentifs et ma présence à votre Convention me donne l'occasion de rappeler à l'ensemble de la profession qu'un certain nombre de mesures, même si vous l'avez déjà dit, ont été prises par le gouvernement. Ce n'est pas un hasard.
A travers la vidéo conférence que vous avez eue ce matin avec mon collègue Louis BESSON, secrétaire d'État au Logement, vous avez la confirmation que le logement aura, en 1998, un très bon budget (c'est le seul qui ait une progression de 10 %) ; c'est la preuve de l'intérêt que porte le Premier Ministre à votre secteur. C'est une priorité qu'il avait placée, d'ailleurs, dans sa déclaration de politique générale en juin dernier, parce que vous avez raison de dire que le niveau de logement en France n'est pas acceptable.
C'est bien dans un contexte budgétaire dont un des objectifs est de réduire le déficit à 3 % du PIB (et j'ai bien entendu que vous vouliez qu'on réduise le déficit), que le choix a été clairement fait par le gouvernement de favoriser les petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire celles qui créent le plus d'emplois et celles qui en créeront le plus.
Grâce à une politique réelle et réaliste de maîtrise des dépenses publiques, à des redéploiements budgétaires propres à redonner tout leur sens aux grandes orientations politiques, une priorité a été donnée en ce qui concerne les dépenses publiques aux aides au logement et à une relance de l'activité dans le bâtiment.
(Je vous signale, d'ailleurs, que vos collègues des autres Fédérations ne sont pas très contents).
Le projet du budget pour 1998 qui prévoit de porter à 56 milliards de francs le montant total de ces aides répond à une double orientation : l'efficacité économique et la justice sociale. Sous la responsabilité de Monsieur Louis BESSON, notre action est dictée par trois soucis :
- améliorer le droit au logement,
- améliorer la diversité de l'offre,
et contribuer à ce que chacun ait droit à la qualité d'habitat, aussi bien dans les villes que dans les communes rurales.
Pour cela deux objectifs majeurs sont poursuivis :
- soutenir et relancer l'activité du BTP par la construction et la réhabilitation des parcs publics et privés,
- renforcer la justice sociale par la revalorisation des allocations logement ce qui permettra aux organismes d'avoir eux-mêmes une meilleure marge d'autofinancement donc d'investissement.
Relancer la réhabilitation annoncée par le Premier ministre : ceci est largement conforté par le projet de loi de finances que nous proposons, et je pense que là-dessus, il n'y aura aucun problème au Parlement :
*120 000 réhabilitations de logements sociaux, bénéficiant à la fois d'une TVA à 5,5 % et d'une subvention maintenue au taux de 10 % : ces opérations seront à la fois plus nombreuses (il y en avait à peine 100 000 avant le décret d'avances du 9 juillet 1997) et elles seront aussi davantage aidées. L'application de la TVA à 5,5 % aux travaux de rénovation menés par les bailleurs sociaux sur leurs fonds propres sera un facteur supplémentaire de relance de l'activité dans ce secteur.
*La réhabilitation des logements est également confortée : les crédits de l'ANAH qui bénéficient aux propriétaires bailleurs privés sont portés à 2 200 MF ( plus 10 %) et ceux de la prime à l'amélioration de l'habitat, que vous connaissez tous sous le nom de PAH, qui vont aux propriétaires occupants à ressources modestes, sont portés à 800 MF (200 MF de plus cette année, c'est une très forte augmentation).
D'autres mesures, de nature fiscale, se rattachent également à cet objectif. Un crédit d'impôts, égal à 15 % des dépenses réalisées par un propriétaire ou un locataire, pour les dépenses d'entretien et de revêtement des surfaces, réalisés dans l'habitation principale, entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2000, est institué. C'est ce qu'on appelle un coup pour la relance.
Le montant des dépenses ouvrant droit à ce crédit d'impôts est pour l'instant plafonné à 8000 francs pour un couple, mais c'est une mesure exceptionnelle qui ouvre une porte, il faut le souligner, à la fois aux contribuables imposables et non-imposables qui se verront rembourser les sommes correspondantes. Il a été évalué en effet que plus d'un million de foyers sont concernés par cette mesure, et que le fait de ne prendre jusqu'ici que des déductions d'impôts, écartait pour vous des chantiers possibles.
Là encore, ce crédit d'impôts, constitué par les particuliers effectuant certains travaux, peut être une mesure supplémentaire qui complète le dispositif existant et je crois que nous essayerons d'aller plus loin, y compris en négociant avec l'ensemble de nos partenaires européens, sur le problème global de la TVA.
Or, on sait que, bien souvent, le souhait d'éviter de payer cette taxe, conduit les particuliers, soit à réaliser eux-mêmes (et mal) les travaux d'entretien, ce qui représente un manque à gagner dans les carnets de commandes des entreprises du secteur, soit à avoir recours au travail clandestin, avec tous les effets nocifs pour l'économie et la société.
C'est pourquoi nous appelons en fait la facture, puisque seule la facture sera génératrice de ce remboursement.
Et pour avoir longuement discuté avec certains d'entre vous, et avoir regretté qu'on ne baisse pas directement la TVA à 5,5 %, je reste persuadée aujourd'hui que l'appel à la facture est la meilleure des solutions, y compris pour les grandes surfaces de distribution de produits.
Cette mesure constitue une bouffée d'oxygène, notamment pour les TPE et les entreprises artisanales, parce que vous avez raison de dire (même si je ne partage pas tout ce qui a été dit sur le travail au noir tout à l'heure) que plus les gens ont du temps, et moins les gens ont de moyens, et plus effectivement ils ont recours aux grandes distributions pour essayer d'acheter des kits.
Les kits sont un drame de votre profession (il faudra faire attention d'ailleurs à ce que vous ayez un excellent dialogue avec ceux qui fabriquent les kits en question, puisque certains ont fait la double activité et malheureusement nous ont empêchés de tirer cette année les leçons législatives de cette mesure.
C'est vrai qu'avec la loi de rééquilibre entre la grande distribution, les centres ville et les commerces ruraux, nous avons bien l'intention de continuer à veiller à ce que les zones d'achat en ville ne soient pas asphyxiées par des grandes surfaces de bricolage, qui malheureusement encore, vendent en même temps de façon détournée sur les parkings, j'ose le dire ici, ce sont des moyens illégaux de travail).
Nous serons extrêmement durs sur ces pratiques, parce qu'il est vrai que si le travail au noir est intolérable pour vous, (c'est une concurrence totalement déloyale), il est intolérable pour la société, puisqu'il génère non seulement des inégalités de traitement, mais en plus des manques à gagner évidents. Il faut qu'on se centre sur ceux qui travaillent normalement, ceux qui sont obligés de compenser des charges qui n'ont pas été perçues.
Mais quittons ce domaine trop difficile, la construction neuve bénéficie également de mesures :
*Le programme de 80 000 PLA (56 000 neufs dont 10 000 PLA très sociaux et 25 000 acquisitions-amélioration) dispose cette année de tous les moyens nécessaires à sa réalisation effective. Nous n'avons pas voulu, en début d'année, en fin d'année précédente, qu'on inscrive des mesures dans un budget et qu'on gèle les crédits au bout de six mois, les crédits annoncés seront dépensés.
*Le dispositif du prêt à taux zéro est maintenu en 1998 : il sera toutefois limité aux ménages qui ne sont pas déjà propriétaires, les autres n'ayant pas le même besoin de cette aide pour financer leurs opérations. A ce sujet, je voudrais vous dire que si votre Fédération semble ou est unanime, vous n'êtes pas dans mon bureau tous unanimes, sur les conséquences du prêt à taux zéro. Un certain nombre de groupes de travail se sont mis en place pour voir si d'autres formes de crédits-prêts bonifiés, avec des modes de remboursements qui comprennent d'abord les modes de remboursements d'intérêts, avant de rembourser le capital, ne permettraient pas à un nombre de nos concitoyens qui ont de faibles revenus, de se lancer dans des opérations d'acquisition, sans avoir la terrible peur de se retrouver, quelques mois ou quelques années plus tard devant la Commission de surendettement. C'est donc aujourd'hui sur un dispositif transitoire que nous échangeons avec vous, sur cette nouvelle façon de financer la construction.
*Le mécanisme de l'amortissement accéléré au profit des propriétaires bailleurs, prévu par le Code Général des Impôts jusqu'au 31 décembre 1998, est effectivement maintenu jusqu'à cette date, et le débat sera ouvert à partir de mi-janvier pour la suite.
Un autre domaine, enfin, concerne au premier chef les entreprises du bâtiment puisqu'il s'agit des marchés publics (ce n'était pas une surprise que vous m'en parliez ce matin).
Le projet de loi qui avait été préparé par le précédent gouvernement (c'est vrai, il y a des choses qui se sont passés, il y a des projets qui sont tombés dans des impasses) concerne la réforme du code et va être donc complètement repris et rapidement repris.
Mes angles d'approche, en tant que secrétaire d'État aux PME, Commerce et Artisanat, sont les suivants :
Premier souci essentiel et premier objectif :
Faciliter l'accès des PME à la commande publique :
- par la simplification des dossiers de candidature ;
- par la simplification des procédures (et j'estime aujourd'hui qu'il faut élargir la procédure négociée) ;
- par le développement de la possibilité de faire des lots.
J'ai été maire jusqu'au mois de juin, puisque Monsieur Jospin a trouvé qu'il n'y avait pas le droit de cumuler les mandats. (Peut-être que d'ailleurs chez vous, il n'y aura peut-être bientôt plus le droit de cumuler les mandats non plus).
J'ai été maire et j'ai trop longtemps ragé. En respectant parfaitement les procédures et en voyant que grâce à la masse de choses demandées d'une part et grâce aussi (je dis le grâce entre guillemets) au fait aussi que l'on ne pouvait pas allotir un certain nombre de marchés, les sous-traitants locaux derrière un donneur d'ordres, national ou international, pour certains grands marchés, non seulement étaient obligés de s'aligner derrière lui, donc de le choisir, mais de tomber avec lui s'il n'était pas choisi. J'ai toujours trouvé cela scandaleux au sens moral du scandale.
Parce que dans un marché, par exemple, de station d'épuration, on sait très bien que des bassins en béton banché ou en béton résineux, seront les mêmes pour le donneur d'ordres A, B ou C mais l'entreprise locale ne peut soumissionner qu'avec un seul. Donc nous voulons revenir au système des lots afin que dans des marchés d'ordre technologique, on fasse des choix technologiques et que pour la construction on puisse revenir au choix des entreprises qui vont exécuter la technologie en question.
Je crois aussi que nous devons rechercher tous les moyens d'éviter la contrainte du moins-disant. Ce moins-disant, c'est effectivement, vous l'avez dit, deux systèmes :
*d'une part, une grande, grande, grande entreprise (je n'en cite pas, d'ailleurs je n'en connais pas) ou une filiale qui a décidé de rentrer sur une région. Pour rentrer dans une région dans les marchés publics, il y a une solution : c'est de casser les prix pendant deux ou trois ans. Pendant ce temps-là effectivement, les collectivités territoriales passent des marchés bon gré, mal gré au sens éthique, bon gré au sens légal, avec l'entreprise en question. Au bout de deux à trois ans, les autres entreprises du secteur géographique sont à genoux et elles sont rachetées ou détruites. C'est le premier scénario et c'est un scénario, malheureusement, trop souvent connu.
*Le second, c'est l'entreprise qui n'a plus ou pas de carnet de commandes et qui à la limite (et vous l'avez bien dit tout à l'heure, surtout parmi vos témoins) préfère casser les prix pour tenter d'occuper ses salariés, plutôt que de déposer le bilan, et ça aussi c'est dramatique parce qu'à la fin du marché, elle dépose le bilan.
Devant ces drames économiques, les marchés publics, je pense aussi qu'il faut faire attention à ce que le moins-disant ne soit pas toujours éliminé. J'ai reçu des entreprises, en particulier de mon secteur parce qu'elles me connaissent bien, qui sont venues me dire que dans quelques cas, elles sont les moins disantes parce qu'elles connaissent par coeur le terrain, parce qu'elles savent si il y a du granit à tel endroit ou pas dans les marchés d'assainissement, parce qu'elles ne sont pas loin, parce qu'elles ont du stock de matériaux et qu'éliminer systématiquement le moins-disant serait pour elle quelques fois dramatique.
Je prends en compte cette réflexion et il faut donc que l'on trouve la solution. Et comme je le dis toujours (et ça fait rire mon cabinet) : Il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions".
Il faut, je pense, dans ce cas, obliger l'acheteur public à identifier l'offre anormalement basse et à motiver son choix, s'il la retient, de telle manière que cette motivation soit transparente et publique.
Il faut veiller à ne pas effectivement éliminer mécaniquement des offres, mais je pense aussi qu'il faudra qu'on soit très attentifs parce que, dans la période qui vient, c'est parfois l'avancée technologique de l'une par rapport à l'autre qui fera la différence. Donc vous me mettez dans les mains un dossier qui aurait pu être réglé simplement mais si on l'avait réglé simplement, je crois qu'on aurait fait peut-être une bêtise ... Donc je prends un mois et demi de plus de groupe de travail pour essayer de vous offrir la solution.
Je crois que c'est dans la logique de la lutte contre les pratiques prédatrices qui visent à éliminer les concurrents qui sont, elles, complètement illégales, puisqu'il faut que nous travaillons le plus vite, en renforçant aussi les règles de la sous-traitance.
Les règles de la sous-traitance sont claires en interentreprises parce qu'il s'agit de relations sur lesquelles l'État peut intervenir difficilement, mais les règles de la sous-traitance ne sont pas favorables pour l'instant à l'ensemble des entreprises du bâtiment. Je pense qu'il faut que nous privilégiions, ensemble, un partenariat en réseau dans le cadre d'un développement de la co-traitance. Je pense que les sous-traitants ont besoin de protection et je travaillerai avec vous pour trouver cette protection nécessaire car trop souvent les sous-traitants qui nous montrent, qui nous expliquent le problème qu'ils ont eu, sont dans une situation où il est déjà trop tard pour eux.
Enfin, l'amélioration des délais et des conditions de règlement des commandes publiques constitue une préoccupation majeure des pouvoirs publics. En 1996, une enquête approfondie sur ce sujet faisait état de délais, certes améliorés par rapport aux années antérieures, mais encore trop importants. Les petites entreprises sont les premières concernées par ces problèmes et elles sont aussi les plus touchées.
C'est pourquoi nous travaillons aux délais de paiement, non pas en interentreprises, parce que ce n'est pas sur le nombre de jours que nous allons gagner, c'est sur des systèmes de facturation, d'affacturage et de pénalités, mais nous travaillons sur des délais de paiement d'abord de l'État et des collectivités publiques.
Enfin, en tant que secrétaire d'État aux Petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, je me suis battue pour vous et je me réjouis des mesures fiscales et financières prises pour votre secteur dans le projet de loi de Finances de 1998. J'aurais tendance à le penser mais permettez-moi de vous le dire, en toute simplicité, les PME sont choyées par le gouvernement qui a tenu compte du rôle de ce tissu d'entreprises dans la création d'emplois.
(Et je peux vous dire qu'elles sont à ce point choyées que les autres sont un peu fâchées).
Pourquoi est-ce que nous avons choisi cet angle-là ? Parce que c'est simple : il faut soutenir la création d'emplois.
Selon l'Unedic entre 1981 et 1995, les PME de moins de 200 salariés avaient réussi à recréer les emplois que les grandes entreprises avaient détruits.
Pour encourager les entreprises à embaucher, il est proposé pour la première fois un " crédit impôt-emploi " (mais je vous entends), liant l'impôt payé aux emplois créés : il est certain que 110 000 entreprises, dont 85 % de PME, en seront bénéficiaires l'an prochain, puisque cette aide est portée à 10 000 francs par emploi jusqu'à 50 emplois.
C'est une mesure d'ouverture, ce n'est pas une mesure de type définitif.
Ce crédit d'impôt viendra en déduction de la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés imposée par le gouvernement ancien (mais je sais que, malheureusement, il y a des entreprises qui ne payent plus l'impôt sur les sociétés).
Il faut donc soutenir la création et la transmission des entreprises.
Les créateurs voulant céder leurs entreprises bénéficieront d'un régime fiscal avantageux sur les plus-values du produit réinvesti sur les cessions. C'est une nouvelle forme, que nos voisins anglo-saxons appellent " stock-options ", qui a été instituée en faveur des dirigeants au travers de bons de souscription d'actions.
Cela permet en particulier à certaines entreprises du bâtiment d'embaucher dans des conditions acceptables au niveau salarial, des ingénieurs-qualité ou de haute qualité ou des innovateurs pour un temps déterminé. Cette formule rémunère en fait le mérite sans incidence fiscale et elle devrait inciter au confort d'un certain nombre d'entreprises et à la création d'autres.
Vous avez beaucoup critiqué, tout à l'heure, le " Plan Emploi Jeunes " de Martine Aubry. C'est vrai que j'entends souvent qu'il faudrait diminuer totalement les appels à charge de l'État (et puis j'entends aussi des appels à la dépense d'État).
Je crois que là on est dans un cas de figure où on a plus de 3 millions de chômeurs (plus d'un million de jeunes chômeurs). C'est vrai que vous les recevez régulièrement dans vos entreprises parce qu'ils cherchent du boulot, c'est vrai qu'on les reçoit régulièrement dans nos permanences parce qu'ils cherchent du boulot et c'est vrai que nous nous sommes dit collectivement qu'on ne pouvait pas les laisser comme ça longtemps, dans une situation désespérante.
Vous avez, nous avons, besoin d'équilibre social, et vous avez et nous avons besoin de familles qui soient moins anxieuses, moins stressées, parce qu'on ne consomme pas et en particulier on ne s'engage pas dans l'accession à la propriété, par exemple, quand on a une telle anxiété pour ses enfants.
Je crois qu'il faut que vous preniez, avec nous, en compte le fait que toute forte anxiété sociale fait baisser la consommation de ceux bien sûr qui n'ont pas de moyens, c'est évident, mais aussi de ceux qui en ont, parce que l'anxiété génère la peur.
Vous avez besoin d'un climat de confiance et, parmi les éléments du climat de confiance, nous avons collectivement pensé que si un certain nombre de jeunes avaient devant eux enfin un contrat de cinq ans, on pourrait à la fois leur redonner du courage, parce qu'ils en ont, et ils savent faire beaucoup de choses et à la fois rassurer les familles et recréer un climat plus propice à la croissance. Il est hors de question qu'il y ait une concurrence. Le projet est clair : toute activité déjà exercée ne pourra pas être faite par des " Emplois Jeunes ".
L'État a pris en charge, ce qui ne plaît pas forcément à l'ensemble des collectivités territoriales, le fait de porter les projets. Les préfets seront responsables des choix, ces jeunes feront des métiers qui n'existent pas et en particulier dans le domaine de l'accompagnement social (ça vous l'avez bien lu). C'est quand il s'agit de contrats et que les collectivités territoriales ont des contrats d'entretien, des contrats de maintenance, des contrats de nettoiement ou des contrats d'entretien de rivières qui s'étaient déjà faits, il est hors de question que cela s'arrête parce que ce sera interdit par le droit pour passer à des " Emplois Jeunes ".
Nous avons essayé, parce que nous sommes beaucoup d'élus locaux, de border complètement ce projet de telle manière qu'il incite non seulement à la non-concurrence, et c'est important, mais en plus qu'il aide les collectivités territoriales à faire évoluer leur métier. Vous avez dit tout à l'heure qu'elles sont mal gérées (là j'étais profondément vexée, parce que je trouve que j'ai bien géré la mienne. Je vais vous donner mon budget et vous allez préparer avec moi le budget 1999 parce que le budget 1998 est presque déjà bouclé, et on va voir ensemble).
Les collectivités locales essayent de gérer au mieux et au plus près. Comme vous avez pu le voir dans la majorité des cas, leur budget de fonctionnement diminue, leur budget d'investissement augmente grâce (il faut être clair entre nous) à la baisse des taux d'intérêt. Donc les grands équilibres qu'on a cherché à maintenir, et qu'on veut maintenir, vont faire que les taux d'intérêt resteront bas et que l'investissement sera davantage garanti pour vous. Mais dans ces collectivités territoriales, il y a énormément de métiers qui sont des métiers anciens. Autrefois dans la collectivité territoriale on entretenait soi-même le patrimoine. Je pense que dans l'avenir, il ne faut pas que l'on entretienne soi-même le patrimoine. On peut passer des contrats avec des entreprises qui savent bien le faire et mieux le faire parce qu'elles sont sur plus de marchés. En revanche, les collectivités territoriales ont une responsabilité dans de nouveaux métiers. Je ne pense pas que si vos enfants vont à la cantine, vous avez envie qu'ils mangent tout seuls, qu'il n'y ait personne pour réchauffer les plats et que personne ne s'occupe de la qualité de ce qui leur est servi. Je ne pense pas non plus que vous ayez envie qu'il n'y ait aucune surveillance des enfants à la sortie des écoles. Je ne pense pas que vous ayez envie non plus que les personnes âgées se retrouvent dans des conditions difficiles pour aller faire leurs courses.
Il y a un problème profond de reconversion du pouvoir public et nous pensons qu'avec les "Emplois Jeunes", je pourrais par exemple dans la collectivité demander à mon maire de remplacer certains paveurs par des emplois de ce type quand les autres partiront en retraite.
Nous sommes sur une phase de réadaptation de l'emploi public et regardez bien les projets, c'est à mon avis pour vous un nouvel élément, les collectivités territoriales ne seront plus vos propres concurrents.
Enfin, ce plan Aubry prévoit aussi une aide à la création d'emplois par les jeunes. Ceux que vous avez vus tout à l'heure, je les avais reçus au Secrétariat d'État après leur prix. Ce sont des jeunes qui ont déjà des projets qui sont presque sûrs d'être embauchés, mais regardez bien les formations, elles débouchent rarement sur la création de sa propre petite entreprise. Si vous, vous avez besoin que dans le créneau du bâtiment, tel secteur, un petit peu pointu, émerge du tissu économique, vous allez pratiquement être obligé de le faire vous-même, alors que vous n'avez pas envie forcément d'étendre votre champ d'activité. Dans le système scolaire aujourd'hui, on apprend essentiellement à faire un CV (Curriculum Vitae) pour aller se présenter. On n'apprend pas la création.
Notre souhait, c'est d'une part de palier ces difficultés et, en attendant, de donner une aide aux jeunes qui veulent créer leur emploi ou leur petite entreprise à une condition : c'est qu'il y ait localement une structure qui les porte et qui soit elle-même financée, parce que je veux aussi limiter la mortalité des toutes jeunes entreprises. Ce n'est pas parce qu'on a donné une enveloppe de X francs à un jeune en le lançant dans la création qu'il va forcément réussir. Les taux d'échec sont terribles, les taux d'échec diminueront si localement, entre entrepreneurs en place, encadrement, chambre de commerce et d'industrie et chambre des métiers, union patronale et collectivités locales, on les aide et si on fait du portage. Mais nous sommes conscients que ce portage ne peut pas être toujours le fait du bénévolat.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire.
Mais pour être plus complète, il me faut aborder deux questions qui vous préoccupent, puisque je les ai entendues tout à l'heure :
D'abord, la qualification dans l'entreprise : le texte est signé. C'est un décret d'application que vous attendiez. Effectivement (combien de jours on a mis Monsieur le Directeur ? Soixante jours ?), parce qu'il fallait que ce texte, comme c'est une barrière à l'entrée de la création d'entreprises (cela veut dire que certains d'entre vous s'ils avaient eu ce texte ne seraient pas là aujourd'hui), nous étions obligés de faire passer cette barrière à l'entrée devant le Conseil d'État, pour être sûrs qu'il n'y ait pas d'attaque et que notre texte ne tombe pas en désuétude aussitôt qu'il aurait été signé.
Donc nous l'avons signé pour une qualification obligatoire. Dans une première étape on a laissé le niveau 5, mais nous voulons, avec vous activité par activité, avec vous et l'ensemble des organisations professionnelles concernées, rechercher le niveau définitif le plus adéquat. Donc c'est fait.
En plus, nous avons réussi à enlever le petit problème qui restait, qui avait été posé par certains d'entre vous : imaginez une personne qui ait fait une école de gestion d'entreprise, qui ait un petit capital pour une raison X ou Y après avoir été salarié ici ou là et qui a envie de créer sa propre entreprise du bâtiment parce que son copain a un CAP, un BEP, un Bac pro ou un Bac +2 comme on l'a vu tout à l'heure ; au niveau du premier texte, on n'est pas très bon, et bien maintenant on est très bon, on pourra le faire comme ça.
Voilà ce décret sorti qui va en rassurer plus d'un, en inquiéter aussi plus d'un et c'est pourquoi j'espère que nous serons très clairs entre nous sur le fait que quand il n'y a pas de niveau 5, il y a 5 ans d'expérience professionnelle et je voudrais que cela débouche sur une volonté collective de reprendre en main l'apprentissage parce que je rencontre trop de jeunes qui ont le CAP pratique et qui n'ont pas le CAP théorique et j'espère qu'ensemble on pourra trouver une solution, pour que d'une part les épreuves théoriques soient adaptées au métier, ce qui n'est pas toujours le cas, et que d'autre part l'apprentissage ne soit plus jamais une stratégie d'échec.
Le coût du travail est un souci que je m'attendais bien à rencontrer ici (la prochaine conférence sur l'emploi vous occupe un peu). Vous avez raison de souligner le fait qu'on n'est pas dans la même situation dans toutes les entreprises. Je crois que l'on est à un moment de notre vie en société, où il va falloir penser non seulement à dire : il y a telle ou telle mesure possible à prendre par branche, mais à avoir une culture de la différence. C'est vrai que l'on ne peut pas régler le problème du couvreur qui se gèle les doigts l'hiver de la même façon, qu'on règle le problème dans un bureau de quelqu'un qui est derrière un ordinateur.
On peut peut-être travailler davantage l'été dans votre secteur, on peut peut-être travailler moins l'été dans d'autres, où effectivement l'effort physique dans des salles fermées et polluées est tel qu'il faut peut-être réduire le temps de travail l'été.
Je crois que le problème va être surtout de gagner la négociation par branche. Ce qui fait peur à l'ensemble des syndicats et des partenaires sociaux moins syndiqués, parce qu'on rencontre aussi ceux qui sont au chômage, c'est qu'on revienne à une espèce de flexibilité totale, qui fasse qu'on puisse être embauché le lundi, débauché le vendredi, réembauché 15 jours après : c'est ça qui fait peur. Je crois que l'on est dans un système où à force de parler des États-Unis, il y a eu énormément de reportages sur effectivement le fait qu'aux États-Unis on travaille globalement en moyenne, quand on est jeune, 8 mois dans l'année.
Ce n'est pas le modèle de notre société et cela inquiète profondément à la fois ceux qui sont déjà salariés et ceux qui aspirent à l'être ; donc il faut que l'on trouve d'abord un langage clair, commun sur ce qu'annualisation du temps de travail veut dire. Je crois que l'on s'en sortira à la conférence si le problème est bien posé. Je crois aussi qu'il faut que l'on parle de temps nécessaire à la réduction du temps de travail, je crois aussi qu'il faut que l'on s'habitue, dans cette société, à faire que le droit évolue en fonction de la taille de l'entreprise. S'il y a un administrateur, un comptable, un commercial et 3 exécutants, je ne vois pas comment l'un peut remplacer l'autre, on ne peut pas dire maintenant que des secrétaires ne savent pas faire de commercial et que le commercial sait couler du béton, ce n'est pas sûr. Effectivement on a un problème de ce type mais c'est un problème pratique, il ne faut pas que l'on recule parce qu'on a des problèmes pratiques.
En revanche il faut négocier sur la durée et il faut aussi se poser toutes les questions concernant la confiance réciproque entre les entreprises et leurs salariés : vous êtes dans un secteur où cette confiance réciproque existe, mais dans certains autres secteurs on l'a peut-être davantage perdue. Donc tout cela doit être mis sur la table avec autant d'idées de droit, je dirais presque d'affectivité.
Il faut prendre en compte l'angoisse des gens, l'anxiété des gens et c'est comme ça, qu'ensemble, on trouvera des solutions. Je ne crois pas que l'on puisse imposer comme ça du jour au lendemain une barrière avec une exécution parce que je peux vous le dire, et vous le savez aussi bien que moi, qu'il y a des tas de gens qui ne travaillent pas 39 heures.
Je crois en fait qu'à long terme, si on ne réussit pas la négociation collective, on sera obligé d'arriver à des taquets de ce type. Mais il faut que nous fassions attention. Je pense que personne, au gouvernement, n'a envie de casser la compétitivité des entreprises. La seule chose c'est que l'on voudrait avancer ensemble et je pense qu'entrer dans la conférence en disant : on va se poser ensemble un certain nombre de questions, c'est la garantie pour pouvoir finir par trouver ensemble des solutions collectives.
Je ne peux pas faire la conférence à moi toute seule et à vrai dire je ne suis pas autorisée à la faire aujourd'hui, sinon j'aurais pu la faire. Mais j'espère qu'aussitôt après, cette conférence qui ne sera qu'un temps dans la vie du pays, on puisse avec votre Président et votre bureau tout de suite derrière voir ensemble comment on peut faire avancer un certain nombre d'évolutions qui ont déjà été d'ailleurs faites dans votre secteur, y compris à partir de la loi de Robien.
Pour terminer, les dispositions dont je vous ai parlé se situent dans une ligne menée maintenant depuis 3 mois qui est celle de la perspective d'une mobilisation, d'un drainage des ressources vers les PME et vers l'emploi, donc il n'est pas question de tout casser.
Mon souhait est que, tous ensemble, nous réussissions.
Le bâtiment, vous avez dit, veut reprendre des couleurs, nous vous aiderons, notamment en installant les règles de jeu fiscal durables.
Ce que je crains le plus pour les entreprises, ce sont les mesures qui changent tous les ans et je parlais tout à l'heure d'empilement de mesures, il va falloir effectivement que nous simplifiions.
Je vous le promets le 15 octobre : la mission parlementaire aura rendu son rapport sur les simplifications administratives et la négociation, avec vous, suivra tout de suite après.
Nous avons pris conscience parfaitement que pour réussir, pour relancer en particulier votre secteur économique, il nous faut l'adhésion de tous les acteurs. Alors je vous remercie déjà de ce que vous faites et de ce que vous êtes et je vous souhaite de continuer comme ça parce que, compte tenu de ce que j'ai entendu ce matin, c'est intéressant.
Merci de votre attention.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)