Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nos concitoyens attendent de nous que nous leur rendions la paix civile. C'est une exigence légitime. C'est un engagement que nous avons pris devant eux. C'est une priorité du Gouvernement. C'est donc l'ambition du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter devant vous aujourd'hui.
Certes, ni la criminalité, ni la délinquance, ne sont des inventions récentes. Toutes les sociétés, avec plus ou moins de réussite, ont cherché les moyens de les combattre puis, plus récemment, de les prévenir. Elles justifient depuis toujours l'existence d'une force publique. Cette force publique, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen la légitime, qui établit la sûreté comme un droit naturel et imprescriptible et institutionnalise la nécessité de garantir ce droit.
L'attente de nos concitoyens est, je le crois, exactement là où je viens de situer l'enjeu. Ils veulent que nous rétablissions leur droit naturel à la sécurité, et que nous le garantissions par l'existence d'une force publique adaptée à son temps. Tel est, ni plus ni moins, l'objet de ce projet de loi d'orientation et de programmation relatif à la sécurité. J'invoquerai volontiers l'idéal des constituants de 1789 : ce dont la police a besoin, ce à quoi les citoyens aspirent, c'est d'un corps de règles claires qui définissent et les droits des personnes et les prérogatives de l'autorité publique.
J'aimerais, autant que faire se peut, convaincre sur ce point. Je ne cherche à m'adresser à aucun électorat particulier ni à aucune catégorie de Français de préférence à une autre. La sécurité n'est ni un fantasme, ni une obsession, encore moins l'apanage de telle ou telle catégorie sociale ou de telle ou telle formation politique. C'est un droit commun et une exigence partagée par tous les citoyens. Je considérerai avoir rempli la mission qui m'a été confiée si la politique de sécurité des personnes et des biens devenait, à l'instar de la politique de Défense par exemple, un enjeu partagé dans toutes les fractions de l'opinion publique et non plus un sujet de polémique partisane ou un slogan de campagnes électorales.
J'espère. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que notre débat permettra d'y parvenir.
La liberté d'aller et de venir sans crainte, le droit d'exprimer et de communiquer ses opinions, le droit de propriété, voilà les valeurs républicaines qui fondent notre conception de la vie en société et l'organisation de nos institutions. Il est clair qu'elles n'ont de réalité concrète que si nous sommes en mesure de protéger les personnes et les biens contre les agressions et les menaces. Il est clair qu'elles ne sont assurées que si, – pour reprendre la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 – est garanti le respect des "bornes déterminées par la loi".
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Force est de constater, d'une part une puissante aspiration des Français à plus de sécurité – cette aspiration figure depuis des années au tout premier rang de leurs préoccupations – et d'autres part une dégradation objective. Depuis dix ans le nombre des actes de délinquance et de criminalité a augmenté de plus de 60 %. La nature de cette délinquance a changé. Les trafics de drogue, les violences urbaines, la délinquance des mineurs, sont devenus des phénomènes inquiétants qui se conjuguent dans certaines agglomérations pour y créer, il faut l'admettre, des conditions de vie très difficiles. Ils sont ainsi, de fait, à la source d'une nouvelle inégalité, car ce sont les villes et les quartiers les plus pauvres et donc les citoyens les moins favorisés qui sont les plus exposés.
Bien sûr, l'insécurité est pour une large part le reflet des dysfonctionnements de la société, le fruit des difficultés économiques, la conséquence de l'effacement de repères moraux clairs et largement partagés. Une politique de sécurité ne peut prétendre répondre seule à tous les maux qui génèrent l'insécurité. La force publique ne peut seule prendre en charge l'échec des mécanismes de régulation sociale. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, la police ne peut pas être la voiture-balai de la société.
Il faut prendre pleinement conscience de la dimension du problème : le fondement premier d'une politique de sécurité intérieure est la solidité et la stabilité du tissu social. Notre devoir est de lutter contre toutes les formes de discrimination et de désagrégation sociale en vue d'affirmer la cohésion de la communauté nationale.
Ainsi l'ensemble des politiques de redressement qu'à entrepris le Gouvernement sont-elles déterminantes dans la construction et la sauvegarde de la sécurité intérieure. Je pense au combat pour l'emploi, à ce que nous faisons en matière de formation, au grand projet que nous avons pour reconquérir notre territoire à travers une politique volontaire de répartition équitable des moyens du développement et non plus seulement de ceux de la solidarité.
Ce sont, en effet, les libertés qui sont menacées quand et là où l'État n'assure plus les prérogatives qui sont les siennes. Ce sont les libertés qui sont menacées, quand dans certains quartiers, l'exclusion sociale, liée à une urbanisation inadaptée, à la progression du chômage, à la ségrégation sociale et à l'augmentation de la délinquance, engendre une spirale du déclin et la création de nouveaux ghettos urbains. Ce sont ces libertés qui sont menacées partout où il y a des zones de non droit, et c'est inacceptable à tout esprit républicain.
Il n'y a plus, pour moi, d'égalité devant la loi, il n'y a plus d'état de droit lorsque certaines catégories de citoyens, les plus défavorisés, les plus modestes, les plus âgés, sont prives du droit à la sureté qui est un fondement du pacte social.
Les politiques publiques que met en œuvre le Gouvernement ont bien cette ambition : sauvegarder notre communauté nationale des périls qui la menacent en luttant d'abord contre toutes les formes d'exclusion.
La politique de Sécurité participe au premier chef de cette ambition.
Reste que le défi nous est lancé et que la police est désormais placée en première ligne devant un des plus grands problèmes que notre société ait à affronter : maintenir la légalité républicaine là où se concentrent et s'exacerbent tous les maux de notre époque, le chômage, l'exclusion, l'échec scolaire, la drogue, l'immigration et le travail clandestins, l'apparition de bandes et de ghettos ethniques, l'explosion de la petite et de la moyenne délinquance, et notamment celle des mineurs.
Aussi, tout en étant parfaitement conscient qu'elle ne peut faire office de politique tout court. nous faut-il offrir à nos concitoyens une politique de sécurité qui prenne en compte leurs préoccupations les plus légitimes.
La volonté politique de ce Gouvernement, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, est de doter notre pays des moyens de protéger les citoyens ordinaires de cette délinquance de proximité qui les environne chaque jour davantage. Telle est aujourd'hui la condition sans laquelle le droit naturel et imprescriptible dont je parlais plus haut resterait lettre morte, purement et simplement.
Tant que ce ne sera pas fait, l'État dont c'est le premier devoir, aura failli à sa mission.
Il y faut une politique globale, cohérente et de long terme. Le projet de loi qui vous est présenté répond, je crois, à cet objectif. Et c'est cette volonté d'y répondre qui fait qu'il comporte, outre un dispositif normatif classique, une annexe de programmation et une annexe d'orientation. Une politique de sécurité touche à des aspects extrêmement divers de l'action publique. Si l'on veut être cohérent, il faut traiter le maximum de ces aspects. Tous, cependant, ne sont pas de niveau législatif. Pour que le projet du Gouvernement en matière de sécurité soit compréhensible, lisible par tous, il fallait un document qui le présente globalement. Et c'est l'objet de l'annexe n° 1 qui vous est soumise.
Les grandes orientations que le projet de loi vous propose d'inscrire dans la loi, afin que nul n'en ignore, visent à doter notre pays d'une force publique adaptée à son temps, plus proche, plus efficace, plus souple, mais toujours dans le respect des principes et des valeurs d'un État républicain.
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La première de ces grandes orientations consiste à clarifier les attributions de chacun en matière de sécurité. Cette nécessité s'impose d'autant plus que des acteurs de plus en plus nombreux concourent désormais, qui à surveiller, qui à garder, qui à protéger, qui à défendre, qui à renseigner, bref à assurer peu ou prou, directement ou indirectement, la sécurité quotidienne des personnes et des biens
Il y a d'abord l'État, avec l'ensemble de ses services, en particulier la police et la gendarmerie, mais également la douane et toutes les administrations qui possèdent des fonctionnaires chargés de missions de police judiciaire.
Il y a ensuite les collectivités locales, et en particulier les maires, à qui le code des communes confie de très larges compétences dans ce domaine, et les polices municipales dont le développement a été important ces dernières années.
Il y a encore les professions de sécurité, les sociétés de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, et les sociétés privées de recherche.
L'État a, dans le domaine de la sécurité, la responsabilité principale. Il doit veiller à la bonne organisation et à la coordination de tous les services et de tous les acteurs qui y concourent. Et il importe qu'au-delà du droit à la "sûreté" qui figure dans notre constitution, la loi affirme ce devoir. Mais il faut aussi que le rôle de chacun des acteurs soit bien défini, et qu'il puisse situer son champ de compétences et ses actions en harmonie avec les autres.
En ce qui concerne les services de l'État, cette coordination doit intervenir au niveau le plus proche des réalités, de façon à tenir compte des spécificités de la délinquance qui peuvent varier considérablement d'un département à l'autre et même, au sein d'un même département, d'une ville à l'autre.
Tout naturellement la responsabilité en incombe au préfet qui anime et coordonne les actions de prévention de la délinquance et dirige l'action de l'ensemble des services de l'État chargés de la sécurité.
Cela se traduira, en ce qui concerne la police et la gendarmerie par une nouvelle répartition des attributions, et cela tant sur le plan géographique que sur le plan fonctionnel. Bien sûr, compte tenu de ses autres attributions, la gendarmerie doit rester présente sur l'ensemble du territoire, mais ses missions doivent être clarifiées en zone de police. En particulier, il est proposé que la loi du 23 avril 1941, qui fixe en matière de régime de police d'État, un seuil démographique de 10 000 habitants, qui ne correspond plus aux nécessités actuelles, soit revue.
Actuellement il existe, du fait d'évolutions démographiques contrastées, des communes de moins de 10 000 habitants, qui sont en régime de police d'État, et des communes de plus de 10 000 habitants, qui ne le sont pas. Il est suggéré de substituer à ce critère une analyse de la situation des communes concernées, au regard de la sécurité Ce critère devrait permettre d'instaurer un régime uniforme sur l'ensemble d'une agglomération, qui n'existe pas toujours aujourd'hui, ce qui pose des problèmes de coordination opérationnelle entre police et gendarmerie.
La coopération entre ces deux forces sera renforcée également en matière d'équipements, de police technique et scientifique, de création et d'utilisation de fichiers, et d'échange d'informations, afin d'éviter la dispersion des efforts et des crédits.
Lorsque le cadre départemental s'avère inadapté, notamment en cas de troubles de l'ordre public, l'action des préfets des départements de la zone concernée sera coordonnée par le préfet de police de Paris pour la région Ile-de-France, et par le préfet de zone compétent partout ailleurs.
Les maires sont devenus des acteurs importants de la sécurité. Le projet de loi pose le principe de leur association à la définition des actions de prévention de la délinquance concernant leur commune. Ils peuvent disposer de polices municipales. Les grands principes des compétences de ces polices municipales sont posés. Leurs attributions se limitent au territoire de la commune et aux tâches qui relèvent de la compétence du maire et que celui-ci leur confie. Un projet de loi relatif aux polices municipales est en préparation et sera prochainement déposé pour compléter et préciser ces principes.
Enfin, les entreprises de surveillance et de gardiennage voient leur rôle reconnu mais le cadre juridique dans lequel elles opèrent sera rénové. Là encore, un texte législatif est en préparation.
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La deuxième grande orientation du projet de loi, c'est de doter la police nationale d'une nouvelle organisation et de principes d'action capables de la faire passer, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, de la conception d'une police d'ordre à celle d'une police de proximité.
Police et gendarmerie sont accablées de tâches qui n'ont parfois que des rapports lointains avec leurs missions fondamentales, et avec le souhait profond des Français, qui rejoint la volonté politique du Gouvernement, qui est de doter notre pays d'une police attentive à la délinquance dont est victime le citoyen ordinaire, en même temps que des services spécialisés mènent un combat sans merci contre le crime organisé.
La police ne retrouvera toute sa place dans la cité que si elle sait se faire reconnaître pour son aptitude à se mobiliser et à s'adapter à la délinquance. Pour y parvenir, il faut reformer en profondeur notre politique de sécurité – c'est ce dont nous débattons – il faut aussi faire en sorte que les policiers soient fiers de leur métier et il faut qu'ils bénéficient des légitimes contreparties aux obligations qui sont les leurs.
Notre police nationale pour sa part, doit être dotée de nouveaux principes de fonctionnement. Elle est constituée de fonctionnaires compétents qui exercent leur métier avec abnégation Elle est profondément attachée aux valeurs de la République. Mais je n'hésite pas à dire que beaucoup de ses modalités de fonctionnement sont dépassées et en tout cas ne permettent pas de tirer le meilleur parti du potentiel de talent et de volonté de servir qu'elle représente. La police nationale ne dispose pas non plus des moyens de ses missions. Trop de services sont actuellement installés dans des conditions inacceptables. Trop d'équipements sont mis en place à des rythmes qui ne sont pas compatibles avec la rapidité de l'évolution de la délinquance.
Actuellement la police nationale est trop centralisée et son organisation est quasi uniforme sur tout le territoire.
Deux principes vont donc guider la réforme en cours : la déconcentration et le décloisonnement.
La déconcentration permettra d'adapter les services locaux aux réalités du terrain. Elle ouvrira la voie à un dialogue social plus immédiatement opérationnel. Elle permettra également le renouveau de l'exercice de l'autorité hiérarchique.
Le décloisonnement sera assuré, en particulier par l'unification des corps en civils et des corps en tenue en trois niveaux, ce qui permettra plus de souplesse.
Actuellement, corps en civil et corps en tenue sont séparés. De ce cloisonnement, il résulte des difficultés de communication, voire de commandement, au sein des services de sécurité publique en particulier. Il s'ensuit également des rigidités dans la politique de valorisation des ressources humaines que le ministère de l'Intérieur veut développer.
Désormais, par niveau, fonctionnaires en tenue et fonctionnaires en civil appartiendront a un même corps. Les corps des inspecteurs, commandants et officiers d'une part, et d'autre part, des gradés et gardiens et des enquêteurs se trouveront ainsi unifiés. Bien sûr des filières distingueront l'exercice des fonctions en civil et l'exercice des fonctions en tenue. Mais au départ, la formation sera commune, des passerelles permettront de passer d'une filière à l'autre et les commandants et officiers deviendront officiers judiciaires.
Il y a lieu d'attendre de cette réforme une meilleure cohésion des services, une meilleure harmonie de fonctionnement, une meilleure coordination et au total une plus grande efficacité.
L'ensemble de ces mesures étant d'ordre règlementaire, ce projet de loi ne contient que des dispositions relatives au statut spécial auquel sont soumis les policiers depuis 1948 qui confirmé et modernisé, et des mesures d'ordre social : extension de la protection juridique des fonctionnaires à leurs familles, versement d'une pension de réversion à 100 % pour le conjoint d'un fonctionnaire décédé en opération.
Il est aussi proposé de mettre fin au système de perception de certaines rémunérations accessoires. Elles seront rattachées au budget du ministère de l'Intérieur et réparties selon des modalités fixées par décret.
Enfin, le Gouvernement tient à affirmer sa volonté de mettre en place au profit des policiers une formation continue qui sera à la fois un droit et un devoir, et à rappeler que les policiers exercent leurs missions dans le cadre d'un code de déontologie.
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La troisième orientation principale du projet de loi qui vous est soumis, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, vise à améliorer l'efficacité de l'action de la police et de la gendarmerie et d'adapter notre législation aux réalités qu'imposent, chacune à sa façon les nouvelles formes de la délinquance et l'apparition de nouvelles technologies.
Il s'agit tout d'abord de décharger les forces de police et de gendarmerie de toutes les tâches qui les détournent de leur mission principale qui est la lutte contre la délinquance.
Un important travail de recherche de ces tâches indues ou surannées doit être conduit. Plusieurs mesures sont cependant proposées de façon immédiate :
– ainsi, il est prévu que les commissaires de police n'auront plus à assister personnellement aux opérations funéraires, ce qui mettra le droit en accord avec la pratique, là où les commissaires envoyaient déjà un fonctionnaire, et ailleurs, permettra à ces mêmes commissaires de se consacrer davantage à leur fonction de direction d'un service ;
– les organisateurs de manifestations sportives, culturelles ou récréatives pourront être tenus de prévoir un service d'ordre et de rembourser à l'État le coût des concours exceptionnels des forces de l'ordre qu'il aurait engagés à cette occasion. En effet, on voit de plus en plus fréquemment des organisateurs de manifestations sportives ou culturelles, même à but lucratif, se désintéresser complètement de la sécurité, la laisser à la charge de la collectivité, et ainsi s'approprier en quelque sorte des moyens collectifs de sécurité.
Dans le même objectif, les officiers de police se verront déchargés de l'établissement des procurations de vote.
Enfin le principe a été retenu de confier à l'administration pénitentiaire la charge d'assurer le transfèrement et les extractions de détenus. Tous les élus de villes petites ou moyennes savent ce que cela représente.
Il s'agit ensuite d'introduire dans diverses réglementations la préoccupation d'une sécurité minimum.
Police et gendarmerie sont mises à contribution à toute occasion parce que nos réglementations n'intègrent pas – beaucoup s'en montrent surpris, mais c'est la réalité – le minimum de précautions de bon sens qui rendraient les vols ou les agressions plus difficiles et qui, par conséquent, viendraient soutenir l'action des forces de l'ordre en leur permettant de cibler leurs interventions.
L'objectif n'est certes pas d'introduire dans notre culture administrative ou dans notre vie sociale une sorte d'obsession sécuritaire. Il est de faire en sorte que là où la tâche des forces de l'ordre peut être allégée par les réglementations ou des dispositifs techniques, elle le soit.
Il est de parvenir à ce que lorsqu'une réglementation est en préparation, lorsqu'une technologie se développe, lorsqu'une autorisation est donnée qui se traduira par des activités nouvelles, on ait à l'esprit la sécurité des personnes et des biens contre les agressions, de la même façon qu'on l'a, par exemple, à l'égard des risques d'incendie.
Les forces de l'ordre trouveront ainsi un supplément de temps à consacrer à la police de proximité que veulent nos concitoyens.
Ainsi, il est prévu que les programmes d'aménagement et les constructions d'une certaine importance seront soumis à une analyse de leur impact sur la sécurité, cela afin d'obliger le promoteur ou le maitre d'ouvrage à réfléchir aux problèmes de sécurité. On sait bien en effet que l'on sait faire des immeubles ou des ensembles d'immeubles qui favorisent la sécurité, alors que d'autres au contraire encouragent, si l'on ose dire, l'insécurité.
De même, les propriétaires ou les gestionnaires de certains immeubles à usage commercial, industriel ou d'habitation pourront se voir imposer une obligation de gardiennage, car il ne parait pas raisonnable, et on le constate chaque jour, de laisser sans surveillance un certain nombre de locaux.
Les gestionnaires et concessionnaires de réseaux routiers de leur côté pourront être tenus d'intégrer dans les infrastructures et les mobiliers urbains, des dispositifs permettant de contrôler le respect du code de la route. Il n'apparaît pas très rationnel, à un moment où des dispositifs automatiques existent, de recourir encore à 6 à 8 fonctionnaires chaque fois que l'on veut faire un contrôle de vitesse ! 6 fonctionnaires c'est l'effectif de la brigade de roulement dans un commissariat moyen.
Des dispositifs de marquages et de protection de certains objets pourront être imposés. Il s'agit là encore de faciliter le travail des forces de l'ordre, qu'il s'agisse d'objets précieux ou de véhicules et accessoires automobiles.
Actuellement, les vols de véhicules et d'accessoires automobiles représentent des chiffres considérables. En 1993, 385 000 véhicules automobiles ont été déclarés volés.
La systématisation du marquage de certaines pièces de système antivol, de systèmes de repérage, pourrait considérablement faciliter le travail de la police et décourager les voleurs potentiels. Ce serait quand même un comble de ne pas y recourir alors même que l'évolution de la technique nous permet d'envisager à très court terme des dispositifs fiables et peu onéreux.
Les nouvelles technologies, a l'instar de la langue d'Esope, peuvent être la meilleure ou la pire des choses. Voilà pourquoi, dans un état de droit, la loi doit en encadrer et en contrôler le développement.
Ainsi de la vidéo surveillance, qui s'est considérablement développée depuis plusieurs années. Son apport à la sécurité est indéniable mais elle doit être conciliée avec le respect des libertés individuelles. C'est pourquoi, cette activité est, pour la première fois, encadrée par la loi.
Certains ont cru ou feint de croire que le souhait du Gouvernement était de développer la vidéo surveillance. Je voudrais, s'il en est besoin, les rassurer. La vidéo surveillance est un fait. L'objectif du Gouvernement est d'en prendre acte et de mettre au point les dispositions qui permettent de prévenir les effets de cette pratique qui pourrait porter atteinte aux libertés et notamment au droit à l'image.
Le projet réglemente la vidéo surveillance, il en fixe des limites, alors qu'aujourd'hui elle envahit notre vie quotidienne sans aucun contrôle.
Désormais, la vidéo surveillance ne pourra plus être pratiquée n'importe où et par n'importe qui.
Seules, les autorités publiques compétentes pourront procéder à des enregistrements sur la voie publique et, pour les lieux et établissements ouverts au public, une autorisation du représentant de l'État sera nécessaire.
La CNIL sera compétente dès lors que les enregistrements constituent l'accessoire d'un fichier nominatif. Dans les autres cas il appartiendra aux tribunaux de veiller à la non-transmission des enregistrements à des tiers et à leur destruction au terme du délai d'un mois qui a été fixé.
Ce texte, je tiens à le préciser a tous ceux qui feignent de croire à l'apparition de je ne sais quel Big Brother, fera de la législation française une des plus protectrices des libertés individuelles en la matière. Là encore, il s'agit de définir, par la loi, les bornes qui délimitent la frontière entre le laxisme et l'État policier, c'est-à-dire tout simplement celle de l'État républicain.
La même réflexion vaut, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, pour ce qui est des violences de plus en plus fréquentes qui accompagnent certaines manifestations. Là aussi, on s'indigne ou on feint de s'indigner de ce qui n'est qu'une mesure de bon sens et qui, je le dis sans crainte d'être démenti, garantira bien d'avantage le droit de manifester qu'il ne le menacera.
À qui fera-t-on croire en effet que les violences, les saccages, les pillages, qui tendent à devenir le triste ordinaire de nos centres-villes, soient un puissant encouragement pour tous ceux qui entendent manifester pacifiquement leur mécontentement, leurs revendications, voire même leur désarroi ? Le droit de manifester, constitutionnel s'il en est, implique-t-il le droit de cité pour les casseurs et pour les pilleurs, sans qu'on en puisse mais ?
Telle n'est pas la conviction de ce Gouvernement, qui rejoint, j'en suis certain, celle de l'immense majorité de nos concitoyens, manifestants compris. C'est pourquoi le projet de loi qui vous est soumis prévoit des dispositions visant à concilier, à réconcilier, allais-je dire, le droit de manifester et la paix civile.
Il s'agit tout d'abord de la possibilité, pour le préfet, d'interdire avant ou pendant une manifestation le port et le transport de certains matériels susceptibles d'être utilisés contre les forces de l'ordre et de prescrire la fouille des véhicules pour vérifier le respect de cette interdiction.
Cette possibilité est encadrée dans le temps – avant et pendant une manifestation –, et dans l'espace – aux abords ou sur les axes conduisant au lieu de la manifestation –. Enfin, ne sont concernés que les objets susceptibles de devenir des armes par destination au sens du code pénal.
La deuxième disposition concerne le renforcement des sanctions pour les personnes qui transporteraient sans motif légitime des explosifs non détonants.
La troisième concerne l'interdiction de manifester qui peut être prescrite par le juge comme peine complémentaire à l'encontre des personnes qui se seraient rendues coupables de violences lors de manifestations précédentes.
Cette interdiction d'ailleurs ne sera qu'une faculté et sera là encore, étroitement encadrée, dans la durée – et dans l'espace – et sera décidée par le juge.
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Enfin, le projet de loi qui vous est présenté s'accompagne d'une programmation ambitieuse de moyens qu'il appelle. a de moyens qu'il appelle. Il est inutile, je crois, que j'insiste longuement sur l'impérieuse nécessité de doter la police de moyens, des équipements et des conditions de travail qu'exige la mission que nous entendons lui confier.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose pour les cinq ans à venir, par rapport aux cinq ans écoulés, l'affectation à la police nationale de dix milliards de francs supplémentaires. Ces dix milliards de francs permettront de recruter 5 000 agents administratifs qui remplaceront autant de policiers qui sont détournés aujourd'hui de leur mission de police au profit de fonctions administratives ou techniques, et d'augmenter de 9,8 à 16,8 milliards de francs les dotations d'équipement. Cette augmentation de 71 % des dotations aura pour effet de multiplier par deux le rythme des constructions et rénovations immobilières et celui de la modernisation de l'informatique et des transmissions.
Il permettra d'augmenter dans les mêmes proportions l'effort en faveur du logement des policiers afin qu'ils puissent habiter là où ils exercent leurs fonctions, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, en particulier dans les grandes agglomérations.
Il sera aussi l'occasion de moderniser de façon radicale la police technique et scientifique.
Cette programmation par ailleurs s'accompagnera d'une rénovation des carrières des fonctionnaires de la police nationale. Il est juste en effet que la spécificité du métier de policier, et ses contraintes, trouvent leur contrepartie et que le rôle social du policier dans la nation soit pleinement reconnu.
Voici, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l'articulation générale et les principales orientations du projet de loi qui est soumis à votre examen. C'est un projet ambitieux qui veut appréhender l'ensemble des composantes d'une politique de sécurité moderne. C'est la raison pour laquelle il vous présente des dispositions normatives, des éléments de programmation et aussi des rapports qui décrivent la politique que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre, y compris dans ses volets réglementaires.
Ce projet est ambitieux. Il est vaste. Il est aussi scrupuleusement respectueux des libertés publiques. Sa mise en œuvre suppose une mobilisation des différents services qui sont chargés de cette sécurité. De cette mobilisation, le Gouvernement ne doute pas, car il sait la capacité de dévouement qui anime les policiers et gendarmes, dès lors qu'on leur propose l'objectif et les moyens de mieux servir leurs concitoyens.
Cette mise en œuvre suppose aussi une action constante et vigoureuse, et pour tout dire une forte volonté politique. Cette volonté politique le Gouvernement l'a, je puis vous l'assurer.
Il a entrepris d'inventer la police de demain. En cette fin de siècle, nous le percevons avec acuité, les problèmes d'ordre public et de criminalité se posent en termes nouveaux. Les progrès de la violence, du vandalisme, l'apparition de rivalités ethniques sur le sol national, la pression croissante du trafic de drogue, l'ouverture des frontières, voilà ce à quoi il nous faut adapter les structures et le fonctionnement de la police, dans une société qui affiche, dans le même temps, un souci croisant des droits de l'homme et aspire à davantage de libertés individuelles.
Il nous faut cependant arrive à définir, de façon républicaine, c'est-à-dire par la loi, les droits et les devoirs de chacun, au sein d'une communauté qui entend préserver son mode de vie et ses valeurs.
Tel est, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l'objet du présent projet de loi. Je ne doute pas que le Sénat comprenne, partage et enrichisse l'ambition du Gouvernement.