Texte intégral
"PMI-France" de novembre 1998
Quelques jours encore et nous entrerons dans l'euro. Des brochures nous indiquent la conduite à suivre. Voilà qui est bel et bon, mais nous ferions bien de profiter de cette intrusion dans un monde neuf pour remettre à jour le monde de nos idées. Car, avec le temps, notre façon de voir les choses a pris le pas sur les choses elles-mêmes. Une idéologie, autrement dit, s'est substituée à ce qui était notre connaissance des choses. En sommes-nous arrivés à marcher sur la tête ? Si tel est le cas, il est grand temps que nous retombions sur nos pieds.
Qu'est-ce qui gagne dans une nation, lui rapporte et constitue sa richesse ? Les entreprises. Privées s'entend, car les autres nous ont trop accoutumés à être déficitaires et à s'endetter. Ce qui empêche nos entreprises de tourner à fond, comme elles le pourraient, est à écarter, à proscrire. À commencer par l'excès de charges que l'Etat fait peser sur elles : car à quoi aboutit-il ? Plus l'Etat prélève, moins nos entreprises ont de quoi se moderniser et, leur activité diminuant, faute de pouvoir produire le meilleur article au plus bas prix, elles débauchent quand elles ne se trouvent pas dans l'obligation de mettre la clef sous la porte.
Des rentrées fiscales baissant de ce fait, l'Etat ne trouve rien de plus expédient que de majorer ses impôts. Qui en souffre ? Ceux qui, à force de ténacité, d'acharnement au travail, sont parvenus à gagner quelque argent, à le préserver. Plus l'Etat, renâclant à comprimer ses dépenses, pressure les épargnants, moins ils peuvent acheter et le commerce s'en ressent. Au préjudice, une fois de plus, de nos entreprises qui voient se raréfier leur clientèle, leurs commandes. N'est-ce pas là le plus sûr moyen de pousser une nation dans la voie d'une paupérisation ?
Exiger qu'il ne soit plus touché à des « acquis sociaux » ? Encore faudrait-il qu'il en existe. Si tant est qu'il s'en constitue, c'est grâce à l'économie, dont les réussites, les gains ont permis d'améliorer le sort des employés, des ouvriers. Les acquis prétendument sociaux ne sont que les bienfaits découlant d'une économie florissante, et à quoi est-il dû qu'elle le soit ? Une fois de plus à nos entreprises. Seuls les acquis économiques, par leurs performances, ont une chance d'être véritablement acquis et seules nos entreprises permettent de les conserver. Rien d'autre.
Tout ce qui contrarie l'entreprise nuit à la nation. Le mieux que puisse faire l'Etat consiste à ne pas servir de rouleau compresseur. Plus il enserre les entreprises dans un carcan de réglementations à n'en plus finir, qui les prennent à la gorge, les étranglent, plus il les empêche de recruter ou de licencier comme l'exigeraient leurs besoins réels, plus il assigne au travail des horaires qui ne seraient pas naturellement les siens, plus il s'efforce d'avoir la haute main sur elles au lieu de les laisser agir en toute liberté, plus l'Etat dessert l'économie, partant le pays. Ce sont-là, des faits, des données. Il se peut que ces réalités aillent à l'encontre de l'idéologie en vigueur. Notre choix entre les deux est fait et nous comptons bien nous y tenir. Les théories ? Très peu pour nous. Les choses nous inspirent bien davantage. Il est grand temps que nous remettions les pieds sur terre.
La Tribune : 10 novembre 1998
Voilà des années que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) se bat pour obtenir une réforme du Code des marchés publics, afin de les ouvrir plus largement aux PME-PMI, ainsi qu'aux entreprises artisanales. Il est clair, en effet, que cette affaire ne touche pas seulement les industriels, mais bien l'ensemble des secteurs d'activité (toutes tendances et toutes tailles confondues).
Depuis que l'action de notre Confédération a permis la conquête de plusieurs lois maîtresses – rappelons la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (« loi Madelin ») ; la loi du 1er juillet 1996 portant sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales (« loi Galland ») ; la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (« loi Raffarin ») –, le dossier de l'accès des PME-PMI aux marchés publics n'a donc pas cessé de constituer notre souci premier, tant il s'agit là d'un élément essentiel de l'environnement économique.
Quatre voies. Les nouvelles évolutions, telles que nous les envisageons, se justifient à nos yeux par le fait qu'il est devenu de plus en plus difficile pour les PME-PMI et les artisans d'accéder aux grands marchés publics. Autrement dit, en l'absence de toute initiative, ce sont des milliers d'entreprises qui auraient été menacées à brève échéance et, à plus long terme, l'intérêt des maîtres d'ouvrage eux-mêmes.
Quelles sont donc les propositions de la CGPME ? En 1996 nous avons rédigé un « livre blanc » contenant des propositions précises, qui ont été présentées avec insistance aux responsables politiques de l'époque. Concrètement, la concertation menée avec nos interlocuteurs d'alors nous avait permis de tracer plusieurs voies, afin d'obtenir des mesures sur quatre chapitres importants de nos souhaits :
– une simplification des conditions de passation des marchés ;
– une plus grande précision des règles en vigueur (par la mise en place, en particulier, d'une indication détaillée des critères de classement des offres retenues par le maître d'ouvrage) ;
– une transparence accrue en ce qui concerne les offres anormalement basses ;
– une meilleure exécution des marchés, avec notamment une amélioration des délais de règlements publics.
Pour l'élaboration de ce dossier, nous nous sommes volontiers inspirés de la politique d'aide aux petites et moyennes entreprises mise ne place par le gouvernement fédéral des Etats-Unis. On sait que, dans ce cadre, a été créée en 1953 la Small Business Administration (SBA), agence gouvernementale chargée de canaliser l'aide aux PME du pays. Or, la SBA oblige chaque administration passent des marchés publics à créer un office destiné à accompagner les petites entreprises sur les questions comptables, techniques, administratives et se chargeant de veiller à la mise en oeuvre et à la bonne fin du contrat. Naturellement, le contexte français ne nous a pas permis de calquer en tous points une telle démarche. Cependant, avant le changement de majorité de juin 1997, Yves Galland, alors ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, avait préparé un projet de loi répondant largement à nos préoccupations.
Or une nouvelle étape, tout aussi décisive, vient d'être franchie grâce aux engagements définis par Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, lors de notre assemblée générale du 14 octobre dernier. À cette occasion, le ministre a fait savoir qu'il entendait s'attaquer très profondément à la réforme du Code des marchés publics. Une loi en ce sens devrait voir le jour d'ici à la fin du premier semestre 1999.
Il s'agit tout à la fois d'obtenir la liberté d'accès à ceux-ci, l'égalité de traitement des candidats et le contrôle de l'usage des deniers de la collectivité. Un forum doit être ouvert sur le site Internet du ministère de l'Economie et des Finances, afin que chacun puisse s'exprimer (professions intéressées, acheteurs publics, élus locaux) sur le sujet.
Volonté de moralisation. Autour de ce projet, nous ne partons pas de rien, évidemment. Quatre grands objectifs sont déjà définis. En premier, il faut ouvrir plus largement la commande publique aux PME ; en second, il faut renforcer la transparence des procédures et la sécurité juridique des acheteurs publics ; il faut encore clarifier le champ d'application d'un droit de la commande publique qui aura été rénové et simplifié ; et, enfin, améliorer l'efficacité de la commande publique et les pratiques d'achat par une utilisation accrue des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
« Obtenir la liberté d'accès, l'égalité de traitement des candidats et le contrôle de l'usage des deniers de la collectivité. »
Il convient de noter qu'à l'échelle gouvernemental, une véritable volonté de moralisation des conditions d'accès aux marchés publics semble en voie de s'affirmer. La CGPME, au nom des intérêts bien compris de ses mandants, ne peut qu'en retirer un sentiment de satisfaction. De toutes les façons, il ne saurait plus y avoir de faux-fuyant : le libre accès des PME-PMI à l'ensemble des marchés s'affirme aujourd'hui comme une priorité absolue.
Ce sera là la prochaine illustration du rôle de l'Etat, garant d'un « libéralisme tempéré », pour sortir les PME de leur position subalterne face à la logique de « dominants-dominés » imposée par les principaux groupes.