Texte intégral
Le 10 juillet, quelques semaines à peine après la constitution du gouvernement de Lionel Jospin, nous avons publié un décret d’avances, qui permettait de prendre les premières mesures concrètes annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. C’est ainsi qu’ont été dégagés, par redéploiements et annulations de crédits, les moyens nécessaires au financement du quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire, à l’abondement du fonds pour les cantines scolaires, à l’amorce de 50 000 emplois pour les jeunes dans le secteur public et associatif, au financement de 100 000 réhabilitations supplémentaires et à la revalorisation de 2,3 % de l’aide personnalisée au logement. Ces mesures commencent à s’inscrire dans la réalité.
Le 21 juillet dernier, après l’évaluation des comptes publics réalisée par MM. Bonnet et Nasse, qui faisait apparaître un déficit des comptes publics compris entre 3,5 % et 3,7 % du PIB, nous avons présenté les mesures de redressement adoptées par le gouvernement : 10 MdF d’économies et 21 MdF d’augmentation de l’impôt sur les sociétés, pour l’essentiel par une surtaxe explicitement temporaire de 15 % que l’Assemblée nationale a votée, en première lecture, il y a quelques jours. Cet effort de redressement, réalisé pour parvenir au rendez-vous de la monnaie unique dans les mêmes conditions que nos partenaires, a épargné aussi bien les ménages que les petites et moyennes entreprises. Il a été bien compris par la grande majorité des Français. Il a également été bien compris par les chefs d’entreprises, qui savent les bénéfices que l’économie de notre pays retirera de la monnaie unique.
Nous abordons donc aujourd’hui, avec la présentation du projet de loi de finances pour 1998, notre troisième rendez-vous économique et financier, bien évidemment le plus important. La croissance est en train de repartir. Il appartient au gouvernement de contribuer à ce qu’elle soit, à court et à moyen terme, la plus forte possible. L’emploi doit être la finalité de la croissance. La solidarité doit en être le moteur : la France n’est forte que quand elle est juste, C’est pourquoi nous plaçons ce budget sous le signe de la croissance solidaire.
Les Français, en sanctionnant l’ancienne équipe gouvernementale, en apportant à la gauche une majorité à l’Assemblée nationale, ont souhaité à la fois changer la politique et changer de politique.
Première partie : la méthode
Respect, vérité, durée, délibération, tels sont les quatre choix qui ont guidé le gouvernement.
Le premier choix est celui du respect de nos engagements.
Le déficit des comptes publics est réduit à 3 % grâce à un effort sans précédent d’économies ; les moyens nécessaires au financement des priorités des Français – notamment les emplois pour les jeunes et les dépenses d’avenir – sont mobilisés grâce à d’importants redéploiements ; les prélèvements obligatoires et les impôts d’État baissent légèrement ; la première étape de la réforme de la fiscalité vers plus de justice est engagés ; nous pouvons dire que les engagements pris devant les Français par Lionel Jospin sont tenus.
Le deuxième choix est celui de la vérité.
Réformes non financées, recettes exceptionnelles, déficits sous-estimés, hypothèses irréalistes, ces expédients ont été trop utilisés dans le passé. Hors de France, ils ont suscité l’ironie et érodé la crédibilité de notre pays. En France même, ils ont alimenté un scepticisme malsain pour notre démocratie.
Nous faisons le choix de la vérité. Les hypothèses présentées, et notamment la croissance à 3 %, ne peuvent être considérées, chacun en conviendra, comme exagérément optimistes. Les recettes sont sincères et réelles.
Le troisième choix est celui de la durée.
Dans le domaine budgétaire et fiscal, comme dans les autres domaines, le gouvernement ne croit ni possible ni souhaitable de tout faire en une nuit ou en un an. Il nous appartient aujourd’hui de dessiner des perspectives, de fixer des objectifs, le cas échéant de proposer un calendrier pour une législature et de commencer déjà à mettre en œuvre des premières réformes dans cette première loi de finances.
Le quatrième choix est celui de la délibération.
Il constitue une des marques de ce que l’on a appelé la « méthode Jospin ». Ni le calendrier budgétaire – amputé de huit semaines et donc extrêmement court –, ni la tradition et ce, il faut le reconnaître, quels que soient les gouvernements en fonction – ne rendaient naturel et aisé un tel choix.
Nous l’avons pourtant fait De manière assez inhabituelle, des débats avec l’ensemble des membres du gouvernement ont été organisés sur les grands choix économiques.
À l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, un groupe de travail présidé par le président de la commission des finances, Henri Emmanuelli, a été constitué pour formuler des propositions de revalorisation du Parlement. Qu’il s’agisse de l’association à l’élaboration du projet de loi de finances, du temps pour l’examiner et en débattre ou des pouvoirs pour en contrôler l’exécution, nous sommes disposés à collaborer plus activement avec le Parlement.
Deuxième partie : le contexte économique
Le contexte économique en 1998.
L’élément central, c’est que la croissance sera en 1998 à la fois plus forte et plus équilibrée.
Il suit de procéder à un bref retour en arrière pour mesurer l’ampleur de ce changement. Depuis 1991, en effet, notre pays a souffert d’un double déséquilibre. En 1998, nous allons connaître deux inflexions.
D’une part, le niveau de la croissance a été faible au cours des années passées. Faible en valeur absolue puisqu’il s’est situé en moyenne aux alentours de 1,5 % par an, ce qui explique d’ailleurs très largement la progression du chômage. Faible en valeur relative puisqu’il a été chaque année inférieure aux taux de croissance des États-Unis comme de la moyenne des pays de l’Union européenne (graphique 1).
L’hypothèse de croissance sur laquelle nous nous sommes appuyés pour arrêter le budget est de 3 %, Un tel chiffre correspond grosso modo à ce que l’on appelle « le consensus des prévisionnistes ». S’il devait titre infirmé, nous sommes convaincus que ce serait davantage par défaut que par excès. Nous aurons, en 1998, non seulement le plus fort taux de croissance depuis le début de la décennie, mais aussi un taux de croissance supérieur à celui des États-Unis et égal à la moyenne des pays de l’Union européenne. Bref, la croissance est en train de repartir et la France cesse de prendre du retard sur ses partenaires.
D’autre part, au-delà du niveau, et même si les deux sont liés, le contenu de la croissance a été déséquilibré ces dernières années. La contribution de la demande extérieure a été, heureusement, élevée. Mais la contribution de la demande intérieure a été, pour user d’un euphémisme, modeste.
En 1998, la contribution de la demande intérieure à la croissance sera la plus élevée depuis 1990 et atteindra plus de 2 % (graphique 2 et graphique 3). Ce renfort, particulièrement bienvenu alors que la contribution de la demande extérieure fléchit, mérite cependant d’être précis, car nous touchons là au cœur des caractéristiques de notre économie.
En premier lieu, la demande intérieure progresse parce que la consommation des ménages progresse, retrouvant sa moyenne de longue période de 2 %. Cette évolution s’explique pour partie par la progression retrouvée du pouvoir d’achat (+ 2,3 % 1998 pour le revenu disponible des ménages), pour partie par l’augmentation de l’emploi (+ 200 000) et pour partie par l’effet à la fois psychologique et économique de l’arrêt des prélèvements massifs sur les ménages. Le revenu des ménages progressera en 1997-1998 plus de deux fois plus vite qu’entre 1993 et 1996 (graphique 4). Mais il faut souligner qu’il s’agit d’une évolution minimale qui ne prend en compte ni le basculement des cotisations d’assurance maladie sur la CSG – qui se traduira par une augmentation supplémentaire de pouvoir d’achat des salariés – ni les résultats de la conférence nationale sur l’emploi, les salaires et la réduction du temps de travail.
En second lieu, l’autre grande composante de la demande intérieure, l’investissement, connaît également une reprise. Nous attendons, en 1998, + 7 % pour l’investissement industriel et + 4 % pour l’investissement de l’ensemble des entreprises.
Cette reprise, encore trop modeste, marque néanmoins une évolution positive par rapport aux chiffres des deux dernières, années (+ 1,8 % en 1997 et – 1,5 % en 1996 pour l’investissement des entreprises). Avec un environnement qui s’améliore, un taux d’autofinancement qui reste élevé et des débouchés qui se dessinent, une bonne surprise ne peut pas être écartée.
Les grands axes de la stratégie économique du gouvernement.
Nous devons d’abord retrouver une croissance qui corresponde aux capacités de notre économie. C’est un préalable absolu : une économie sans croissance engendre une société sans ressort et sans générosité.
Nos réserves de croissance sont aujourd’hui considérables. En moyenne période, on considère généralement que les économies industrielles avancées sont susceptibles de croître, sans connaître de tensions inflationnistes, à un rythme de l’ordre de 2 à 2,5 % l’an : c’est ce que l’on appelle la croissance potentielle. La France se situe de ce point de vue sensiblement au même niveau que les États-Unis, l’Allemagne ou le Japon. Mais, compte tenu du retard que nous avons accumulé par rapport à ce potentiel au cours des années quatre-vingt-dix, nous pouvons envisager pour l’économie française une croissance de l’ordre de 3 % pendant plusieurs années.
L’Europe continentale a aujourd’hui retrouvé des conditions propices à un retour de la croissance, après une longue phase d’atonie et de reprises avortées. Elle a achevé sa désinflation et bien avancé son ajustement budgétaire. Les politiques monétaires (graphiques 5) sont aujourd’hui plus favorables qu’elles ne l’ont jamais été depuis une quinzaine d’années. La configuration de change entre le dollar et les monnaies européennes est de l’avis général équilibrée. L’euro, dont la perspective a longtemps été hésitante, est maintenant une certitude proche. L’une des grandes raisons pour lesquelles les pays européens ont entrepris de faire la monnaie unique est qu’en éliminant radicalement l’incertitude sur les taux de change, elle permettra aux entreprises de se concentrer sur leur métier, qui n’est pas de se protéger des accidents monétaires, mais de produire et d’innover. Cette incertitude qui a déjà presque entièrement disparu, prendra fin dans moins de huit mois.
C’est pour cette même raison – maximiser le potentiel de croissance du traité de Maastricht – que nous n’avons eu et que nous n’aurons de cesse de défendre l’idée, d’Amsterdam à Mondorf jusqu’à Luxembourg en novembre et décembre prochains, de la création d’un Conseil réunissant les pays ayant l’Euro pour monnaie, d’une harmonisation fiscale et d’initiatives pour l’emploi.
Mais la croissance ne viendra pas seulement de l’Europe. Elle viendra de notre propre dynamisme, et plus précisément de la vigueur de la demande au cours des prochains trimestres et, à plus longue échéance, du redressement de l’offre. Au stade de la reprise auquel nous sommes arrivés, il nous faut à la fois conforter la demande et préparer le réveil de l’offre.
Conforter la demande, c’est ce à quoi le gouvernement s’est attaché depuis juin. C’est dans cet esprit qu’ont été mises en œuvre des mesures de soutien de la consommation, tandis que les ressources additionnelles nécessaires pour atteindre nos objectifs budgétaires étaient recherchées dans une surtaxe temporaire de l’IS. C’est ce qu’il faut poursuivre au cours des prochains mois et voici pourquoi il était nécessaire d’éviter toute mesure de prélèvement massif.
Préparer le réveil de l’offre, c’est d’abord favoriser la reprise de l’investissement. Il faut pour cela trois conditions : des moyens financiers, c’est-à-dire des revenus pour les entreprises et des conditions de financement favorables ; des perspectives de demande fermement établies ; et des anticipations de profit qui invitent à prendre des risques productifs plutôt qu’à thésauriser.
Notre diagnostic est que la première condition est aujourd’hui très largement remplie ; que la seconde demeure la plus critique, car l’investissement a souffert d’une demande trop hésitante pour que les entreprises puissent faire des plans sur l’avenir mais qu’il importe, si l’on veut que les entreprises accroissent et modernisent leur capital au lieu de seulement renouveler les équipements trop anciens, de s’attacher aussi à la troisième, c’est-à-dire de préserver les perspectives de profit.
La gauche, chacun le sait, se préoccupe de redistribution. La politique budgétaire et fiscale constitue un puissant levier en ce sens. Mais la gauche, historiquement, s’est intéressée aussi – et même d’abord – à la production. Nous concevons également le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, comme le ministère de la production.
Dans ce contexte positif, nous avons lu ou entendu quelques observateurs s’interroger une nouvelle fois sur les causes de la dissolution, souligner notre « chance » et conclure un peu hâtivement à la facilité de « bouclage » du budget pour 1998. Tel n’a malheureusement pas été le cas, pour deux raisons majeures.
La première, qui a souvent été soulignée, c’est que le budget pour 1997 comptait, avec la soulte de France Télécom, une recette aussi importante qu’exceptionnelle. Nous avons donc commencé à préparer notre budget avec 37,5 MdF de moins qu’en 1997. Cela représente plus de 0,45 % du PIB (et si lion prend comme point de départ le niveau moyen de l’évaluation des comptes publics, nous nous trouvions, il y a deux mois à peine, à plus de 4 % de déficit). De surcroît, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, l’ouverture du capital de France Télécom n’aura aucun effet direct ou indirect sur le déficit budgétaire : les fonds recueillis serviront exclusivement à la dotation en capital des entreprises publiques, et ne peuvent pas être comptés en recettes pour les équilibres requis par le traité de Maastricht.
La seconde raison, qui a été, quant à elle, presque systématiquement ignorée, c’est que le surcroît de croissance n’aura qu’un effet marginal sur le déficit 1998. En effet, les premières esquisses de la loi de finances pour 1998 avaient été préparées dès mars 1997 sur une hypothèse de croissance de 2,7 %. Nous sommes aujourd’hui à 3 %, soit 0,3 % de plus. Cela représente 24 MdF de richesse nationale supplémentaire. Les prélèvements d’État étant de 15 % environ, cela représente 3,6 MdF de recettes pour l’État... en théorie ! En pratique, en effet, la situation est différente : d’une part, notre croissance est en partie liée aux exportations, qui n’acquittent pas de TVA ; d’autre part, des ressources fiscales importantes comme l’IR ou l’IS ont pour référence les revenus ou les bénéfices de l’année précédente.
Aussi, si le retour de la croissance est, sur le plan économique, déterminant à moyen terme, il est, sur le plan budgétaire, sans effet ou presque à court terme. La « manne providentielle » n’excédera guère 1 MdF, on ne peut trouver là la cause qui permettrait de prétendre que Lionel Jospin n’aurait à réussir qu’une addition élémentaire quand Alain Juppé avait été contraint de résoudre une équation sans solution. Le « budget impossible pour 1998 » reste un budget difficile.
Troisième partie : la politique budgétaire et fiscale
L’application du « pacte de développement et de solidarité » proposé par Lionel Jospin dans sa déclaration de politique générale amène à prendre des engagements. Ces engagements sont ceux du projet de loi de finances que nous vous présentons. Nous soulignons, par ailleurs, que tous les documents d’information relatifs au projet de loi de finances sont accessibles, dès aujourd’hui, sur le site internet de Bercy – www.finances.gouv.fr – et que, de surcroît, il sera répondu aux questions des internautes sur le budget par courrier électronique.
Premier engagement : réduire le déficit à 3 % pour construire l’Europe et briser la spirale de la dette
Le déficit des comptes publics sera en 1998 réduit à 3 %. Ce chiffre impose une triple explication. De quoi se compose-t-il ? Pourquoi est-il recherché ? Comment est-il obtenu ?
De quoi se compose-t-il ? Comme vous le savez le déficit des comptes publics au sens du traité de Maastricht comprend à la fois le déficit de l’État, le déficit des organismes de sécurité sociale et le résultat des collectivités locales et ODAC (organismes divers d’administration centrale). Nous évaluons en 1998 le premier à 3,1 %, le deuxième à 0,1 % et le troisième à + 0.2 %.
Pourquoi rechercher un déficit à 3 % ?
Il y a, bien sûr, la volonté de faire l’Euro. Le traité de Maastricht a fixé un calendrier et des critères de convergence pour passer à la monnaie unique. Le peuple français a ratifié, par référendum, ce traité Le gouvernement entend le respecter. C’est la raison pour laquelle nous avons pris des mesures de redressement le 21 juillet dernier, et que nous poursuivons ce mouvement aujourd’hui.
Au-delà, cependant, la réduction du déficit trouve son origine dans la conviction qu’il n’est ni acceptable ni responsable, à long terme, de placer la jeunesse – déjà confrontée à une rupture démographique – dans une situation difficile. En effet, tout déficit trop lourd aujourd’hui constitue une charge pour nos enfants.
Il y a, enfin, la volonté de retrouver, le plus complètement possible, des marges de manœuvre budgétaire. Notre endettement a augmenté deux fois plus vite au cours des dix dernières années que durant les dix années précédentes, contractant fortement la part relative des dépenses publiques les plus utiles et les plus concrètes. Il faut mesurer le caractère insoutenable de la poursuite d’une telle évolution (graphique 6).
À titre d’illustration, un déficit stabilisé au niveau révélé par l’audit aurait eu pour effet d’accroître le service de la dette de près de 50 MdF en 2002 et de 100 MdF en 2005. À l’inverse, la poursuite de la réduction des déficits, au même rythme que ce que nous engageons pour 1997 et 1998, laisse entrevoir, dès l’an 2000, la possibilité d’un véritable retournement. Nous sommes convaincus que la perspective de briser la spirale de la dette – qui augmente sans cesse depuis plus de vingt ans – est à notre portée pour l’an 2000.
Comment, enfin, obtenir un déficit de 3 %, sachant que nous avions en juillet dernier un déficit compris entre 3,5 et 3,7 %, soit plus de 4 % en comptant la soulte de France Télécom – qui n’existe plus – et que la croissance, en 1998, n’a qu’une influence budgétaire marginale ?
Il y a la solution retenue par les gouvernements d’Édouard Balladur et d’Alain Juppé : réduire le déficit en augmentant beaucoup les recettes. Il y a la solution retenue par le gouvernement de Lionel Jospin : réduire le déficit en stabilisant les recettes (graphique 7).
Cette solution ne s’explique par aucun miracle – celui de la croissance n’existe pas, nous l’avons dit – ni aucun mirage – le budget que nous présentons est sincère –.
Le projet de loi de finances pour 1997 n’avait pas ménagé les artifices : présentation en omettant 10 MdF de charges, correspondant à la budgétisation des retraites de France Télécom ; et, dans le même temps, intégration de la soulte France Télécom pour 37,5 MdF, qui représente pourtant la contrepartie du transfert des charges de retraite des agents. De plus, le solde des comptes spéciaux du Trésor était ramené optiquement d’un déficit de plus de 10 MdF à un excédent de 700 MF, ce qui permettait d’afficher une stabilisation des charges en francs courants. Enfin, 3,8 MdF de dépenses, qui étaient effectivement des dépenses de 1997, mais qui ne figuraient cependant pas dans la loi de finances, ont dû être pris en compte dans le projet de loi de finances pour 1998 (par exemple, 2 MdF de francs de crédits recherche). Aucune mesure comparable à l’apport de la soulte France Télécom n’est prévue pour réduire le déficit des administrations publiques en 1998. Les recettes non fiscales attendues pourr 1998, soit 141 MdF, se situent à un niveau voisin de celui de 1997, hors France Télécom (138 MdF).
En réalité, la réduction du déficit à 3 % s’explique par deux raisons simples :
– d’une part, les mesures d’économies et de redressement prises en juillet dernier, auxquelles s’ajoutent un suivi rigoureux des dépenses et des rentrées fiscales légèrement meilleures que prévu, nous permettront de terminer l’année 1997 à 3,1 %, soit dans la fourchette basse. Pour l’année 1998, nous partons de cette base de 3,1 % à laquelle il faut ajouter 0,45 % de France Télécom qui ne constitue pas une opération reproductible (3,1 + 0,45 = 3,55) ;
– d’autre part, le passage de 3,55 % à 3 % s’explique quant à lui principalement par la maîtrise des dépenses. Les dépenses de l’État progressent en effet de moins de 1,4 % quand le PIB en valeur progresse de 4,2 %. Cet écart permet à lui seul de réduire le déficit d’environ 0,5 % et donc d’atteindre 3 % (graphique 8).
Si des recettes fiscales ont cependant dû être recherchées, c’est simplement, et nous y reviendrons, parce que, à législation constante, nous constatons que les recettes de l’État augmentent spontanément, moins rapidement que la richesse nationale (graphique 9).
Deuxième engagement : maîtriser les dépenses tout en finançant les priorités des Français.
Nous voulons à la fois maîtriser la dépense publique et la réorienter en direction des priorités que nous avons proposées aux Français.
Des dépenses maîtrisées
En 1998, compte terme de l’inflation, les dépenses de l’État seront stabilisées en francs constants : elles passeront de 1 564 MdF en 1997 à 1 585 MdF en 1998, soit une augmentation de 1,36 %, à un rythme légèrement inférieur à celui de l’inflation (1,4 %).
Ce budget est économe : jamais, ces dernières années, il n’y avait eu une telle stabilisation des dépenses de l’État (graphique 10).
Un tel résultat est d’autant plus difficile à obtenir que la structure des dépenses de l’État est particulièrement rigide. De 1997 à 1998, les dépenses progressent de 21 MdF. Sur ce total, 19 MdF correspondent à eux seuls à la progression des rémunérations, charges sociales et pensions, et 2 MdF à l’augmentation de la charge de la dette. La rigidité de la dépense n’est pas un mot, c’est une réalité.
Ainsi, depuis huit ans, les dépenses de fonction publique sont passées de 40,7 % du budget général à 42,6 %. Dans le même temps, le poids de la charge nette de la dette est passé de 9,8 % à 14,8 %. Ces deux postes sont donc passés de la moitié des charges de l’État à près de 58 % (graphique 11), limitant d’autant les marges de manœuvre budgétaire. En d’autres termes, l’ensemble de toutes les autres dépenses ne connaît aucune progression en 1998.
Mais il existe deux méthodes très différentes pour parvenir à un tel résultat.
La première consiste à fixer a priori un taux d’évolution des dépenses et à obliger peu ou prou chaque département ministériel à s’y conformer. Cette approche à la fois comptable et mécanique a souvent été retenue dans le passé. Ce n’est pas la nôtre.
La seconde consiste, à partir d’un taux moyen, à redonner à la politique – donc aux choix – sa place et au concept de redéploiement son sens. Cela signifie qu’il faut, après avoir détermine des domaines prioritaires, accepter de reconnaître que d’autres le sont moins.
Il y a ainsi dans le projet de loi de finances que nous vous présentons des budgets – dix-huit – qui augmentent plus rapidement que l’inflation, et pour certains sensiblement : il s’agit notamment de l’éducation nationale et de l’emploi, de la recherche et de la culture, de la justice et de la sécurité, du logement et de l’aménagement du territoire. Ce sont nos priorités. Il y a également d’autres budgets – seize – qui baissent, soit en francs constants soit même, pour certains d’entre eux, en francs courants.
Il ne faut cependant pas s’en tenir à l’observation de la seule évolution globale de chacun des budgets. Il a en effet été procédé à de nombreux redéploiements au sein de chacun de ces budgets. Une analyse plus précise est donc nécessaire.
Des priorités financées : le budget concrétise les engagements pris devant les Français.
Trois caractéristiques doivent être soulignées :
La priorité absolue en faveur de l’emploi
Le budget de l’emploi et de la solidarité s’élève à 228,9 MdF (+7,7 MdF) en progression de 3,5 %.
Le programme en faveur de l’emploi des jeunes, qui entrera en vigueur dès octobre 1997 et qui mobilisera quelque 8 MdF en 1998, permettra l’accès de 150 000 jeunes à un emploi rémunéré et formateur d’ici fin 1998.
Cet engagement s’accompagne du maintien des dispositifs destinés aux personnes qui connaissent des difficultés d’insertion particulières en raison de leur âge, de leur handicap ou de leur durée de chômage. Ainsi, 500 000 contrats emploi solidarité et 200 000 contrats initiative emploi seront ouverts en 1998.
Le budget de l’éducation s’élève à 334.4 MdF, en progression de 10,1 MdF soit 3,1 %. 1 537 postes budgétaires sont créés dont 1 354 dans l’enseignement supérieur. Ces moyens permettront de renforcer la capacité d’enseignement et de recherche, de lutter contre l’exclusion en milieu scolaire et de développer l’usage des nouvelles technologies.
L’enveloppe du budget civil de recherche et de développement (BCRD) atteint 53 MdF et progresse de 3,1 MdF, soit 1,4 % par rapport aux moyens disponibles en 1997, et 6,2 % par rapport à la loi de finances pour 1997. Ces dotations permettront tin soutien particulier en faveur des organismes de recherche publics et stimuleront l’innovation dans les entreprises, notamment grâce au soutien à l’aéronautique civile et aux procédures d’aides du fonds de la recherche et de la technologie. Ces dernières procédures bénéficieront d’abord aux PME, principales créatrices d’emplois.
La relance de l’investissement public
Le budget pour 1998 met fin à la décroissance des moyens d’équipement civil. Ils progressent de 5,6 % en autorisations de programme et de 2,4 % en crédits de paiement, au bénéfice notamment des équipements collectifs longtemps négligées : transports, patrimoine culturel et justice (graphique 12).
Les aides au logement, hors dépenses fiscales, sont portées à 56 MdF, soit une progression de 8,6 %. Elles poursuivent deux objectifs majeurs : le soutien à l’activité par la construction et la réhabilitation du parc public et privé ; le renforcement de la justice sociale par la revalorisation des allocations de logement. Les dotations du budget 1998 consolident les décisions prises par le gouvernement dès l’été 1997. Le programme exceptionnel de rénovation des logements anciens, annonce par le Premier ministre dans le discours de politique générale, permettra de réaliser plus de 200 000 opérations supplémentaires reparties entre les HLM et le parc privé
Les crédits d’équipement des transports terrestres et des routes, abondés par l’augmentation des ressources du fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, permettront de réorienter les investissements en faveur des transports collectifs urbains et de l’entretien routier. L’effort de restauration et de conservation du patrimoine monumental est considérablement accru, avec une augmentation de 39,3 % des autorisations de programme.
Les grands services publics de l’État.
La prise en compte des besoins des Français par les grands services publics de l’État est un gage de bon fonctionnement de notre démocratie et de confiance dans nos institutions. Personne ne doit se sentir exclu.
Le budget de la culture, 15,1 MdF, qui augmente de 0,5 MdF, soit + 3,7 % hors audiovisuel, sera porté progressivement à 1 % du budget de l’État. Il représentera 0,95 % du budget en 1998. Au-delà de la priorité aux investissements, les moyens supplémentaires seront consacrés à la démocratisation de l’accès à la culture, à l’éducation artistique et à l’aménagement du territoire.
Le budget de la justice s’élève à 24,8 MdF soit une progression de 4 % par rapport à 1997 (+ 1 MdF). La création de 762 emplois et des moyens de fonctionnement et d’équipement accrus permettront l’amélioration du service rendu au quotidien. Les moyens seront consacrés au renforcement des juridictions, à un meilleur suivi des peines, à la protection judiciaire de la jeunesse et à l’aide aux victimes.
Avec 52,4 MdF, le budget de l’intérieur connaît une croissance de 3,6 %. L’année 1998 sera marquée par le recrutement de 8 250 agents de sécurité, en particulier dans les zones urbaines sensibles. Les autorisations de programmes d’équipement progressent de 3,8 % et comportent notamment un effort très significatif pour les investissements immobiliers.
Le budget de la défense, 238,2 MdF, est en diminution de 2,1 % par rapport à 1997. Il permet de conforter le processus de professionnalisation des armées avec une évolution des effectifs strictement conforme à la loi de professionnalisation militaire. 7 838 emplois de militaires du rang et 1 366 emplois civils sont créés. Dans le même temps, 1 833 emplois d’officiers et de sous-officiers sont supprimés. L’impact de la réforme du service national réduit mécaniquement de 31 853 le nombre d’appelés. La baisse de 1,3 MdF des moyens de fonctionnement résulte essentiellement de la réduction du format des armées. La dotation en crédits d’équipement de 81 MdF, en retrait par rapport à 1997, est cohérente avec la poursuite de la modernisation de nos forces et implique des choix sélectifs, dans le respect des besoins opérationnels des aludes. L’amélioration des procédures de gestion des programmes d’équipement contribuera à une plus grande efficacité de la dépense publique.
Troisième engagement : stabiliser puis faire décroître les prélèvements obligatoires
Le premier objectif sur le plan fiscal et social que nous devons poursuivre est de stabiliser les prélèvements obligatoires avant de commencer à les réduire.
Une comparaison internationale montre que le niveau des prélèvements obligatoires est plus élevé en France que, en moyenne, chez nos partenaires et que l’évolution du taux de prélèvements obligatoires place notre pays dans une situation atypique.
Une analyse rétrospective montre par ailleurs que la gauche, contrairement à une idée fausse trop répandue, avait entamé une décrue des prélèvements obligatoires à partir de 1984 et que les partis conservateurs les ont augmentés depuis 1993, atteignent même un record historique en 1997 (graphique 13).
Dès cette année, et c’est un engagement fort de l’ensemble du gouvernement, les prélèvements obligatoires, baisseront légèrement, c’est-à-dire que les impôts et les cotisations acquittés par les contribuables évolueront un peu moins vite que la richesse nationale, Quant aux prélèvements d’État, reprenant une décrue qui ne s’est interrompue que de 1993 à 1996, ils baisseront de 15,2 % à 15 % (graphique 14), compte tenu de la hausse de 8 centimes de la TIPP sur le super et le gazole.
Quatrième engagement : engager une réforme fiscale pour davantage de justice, d’innovation et de simplicité.
La réforme fiscale sur une législature.
Le thème de « la » réforme fiscale est récurrent dans la vie politique française. Mythe pour certains, cauchemar pour d’autres, machine à fantasmes pour beaucoup, elle a été souvent évoquée mais, faute d’ambition, de vision, de durée ou de courage, elle n’a jamais été entreprise ou, en tout cas, elle n’a jamais abouti.
Nous ne croyons pas au « grand soir fiscal ». Mais nous pensons nécessaire de reformer en profondeur une fiscalité rendue, par les sédimentations successives, à la fois injuste, inefficace et illisible. Et nous pensons possible d’engager des réformes graduelles qui, en une législature, feront de la réforme fiscale une réalité. Reste à fixer avec clarté et simplicité les objectifs.
Au-delà de la stabilisation, voire de la baisse, des prélèvements obligatoires, le second objectif est de rendre notre fiscalité plus juste. Ce qui caractérise aujourd’hui notre système fiscal, c’est que l’impôt payé dépend pour beaucoup de la nature du revenu et de l’habileté du contribuable. Il n’est plus acceptable que notre fiscalité privilégie ceux qui possèdent et ceux qui savent.
Nous voulons que, demain, l’impôt soit payé d’abord et avant tout en fonction du montant des revenus.
Les réformes de la fiscalité en 1998.
Avant de détailler les nouvelles dispositions fiscales, nous pouvons ajouter trois remarques générales sur leur contenu : leur champ est circonscrit, leur volume est limité, leur répartition est équilibrée.
Leur champ est circonscrit : pour l’essentiel, ce sont les assiettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés que nous avons voulu élargir cette année ; les impôts indirects n’ont été que peu modifiés, la fiscalité locale et la fiscalité du patrimoine ne l’ont pas été du tout.
Leur volume est limité : compte tenu des augmentations et des baisses d’impôt du projet de loi de finances, il y a 14 MdF de recettes nouvelles. Comparé au total des recettes fiscales brutes de l’État – 1 650 MdF – cela correspond à une variation de moins de 1 % (dont environ 0,3 % pour les ménages). En 1998, l’IR et la TVA verront leur poids dans le Plb se réduire tandis que celui de l’IS augmentera légèrement (graphique 15).
Leur répartition est équilibrée : il est davantage fait appel aux entreprises – 9 MdF – qu’aux ménages – 5 MdF – et, en prenant en compte le basculement des cotisations d’assurance maladie vers la contribution sociale généralisée (CSG), un rééquilibrage s’opère entre les prélèvements qui pèsent sur le travail et ceux qui concernent le capital.
Quelques précisions enfin sur les mesures elles-mêmes. Ces mesures poursuivent trois objectifs principaux : rendre l’impôt plus juste, rééquilibrer la fiscalité du travail et du capital, mobiliser les ressources en faveur des petites et moyennes entreprises et de la création d’emploi.
Premier objectif : rendre l’impôt plus juste.
Un impôt plus juste est d’abord un impôt plus simple. À cet égard, le projet de loi de finances comporte plusieurs mesures significatives. D’abord, le paiement mensuel de l’impôt va être amélioré. Ensuite, et surtout, un régime très simplifié de déclaration est créé pour les petits revenus fonciers. Jusqu’à maintenant, les titulaires de tels revenus devaient souscrire une déclaration spéciale très complexe, quel que soit le niveau de ces revenus. Nous proposons d’autoriser les titulaires de revenus fonciers n’excédant pas 30 000 F à porter directement la somme de leurs revenus sur la déclaration d’ensemble des revenus. Ils bénéficieront alors d’un abattement forfaitaire d’un tiers de ces revenus. Ce mécanisme simplifie pourrait concerner 450 000 contribuables.
Mais notre volonté de rendre l’impôt plus juste s’est surtout traduite dans la limitation, voire la suppression, de certaines injustices fiscales.
Notre démarche n’a pas été systématique. Nous avons examiné au cas par cas les mesures d’allégements en matière fiscale, et, lorsque ces mesures nous ont paru justifiées, nous les avons maintenues ou rétablies. Tel est le cas pour la réduction d’impôt pour frais de scolarité, dont bénéficient de nombreux ménages, souvent modestes. La limitation de cet avantage, qui avait été votée par la précédente majorité, ne nous a pas paru souhaitable. Nous avons donc décidé de maintenir intégralement ce dispositif en faveur des familles, qui constitue le prolongement, pour les ménages imposables, de l’allocation de rentrée scolaire que nous venons de revaloriser.
Nous nous sommes en revanche attaqués aux avantages dépourvus de toute justification.
Il en est ainsi du dispositif mis en place par le gouvernement précédent en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires. D’une part, le coût de ce dispositif a très largement dépassé les prévisions (2 MdF au lieu de 400 MF), et d’autre part, et surtout, le bilan que l’on peut dresser aujourd’hui fait apparaître qu’il n’a que marginalement bénéficié aux chantiers navals français (graphique 16). Nous avons donc décidé de supprimer cet avantage.
Dans d’autres cas, c’est moins la justification de l’avantage que son caractère disproportionné qui nous a conduits à le réexaminer.
Tel est le cas, par exemple, de la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. Nous considérons qu’une incitation est justifiée pour solvabiliser des emplois de proximité ou lutter contre le travail au noir : c’est d’ailleurs le gouvernement de Pierre Bérégovoy qui avait créé cette réduction d’impôt en 1992, avec tin plafond de 25 000 F. Mais il nous est apparu qu’en portant le plafond de cette réduction à 90 000 F, l’ancienne majorité avait exagérément avantagé les contribuables les plus aisés. C’est pourquoi nous avons décidé de réduire ce plafond de moitié. Cette mesure laissera inchangée la situation de plus de 95 % des bénéficiaires de cette réduction (graphique 17). Il s’agit donc seulement de corriger les abus.
Telle a été également notre démarche en ce qui concerne le système de déduction des investissements réalisés dans les DOM-TON. Nous avons tenu compte du fait que ce dispositif a contribué de manière significative à orienter une partie de l’épargne métropolitaine vers ces territoires, particulièrement défavorisés par rapport au reste de la France. C’est pourquoi nous ne l’avons pas remis en cause. Les mesures que nous proposons ont pour objet à la fois de recentrer le dispositif sur le développement de l’emploi dans les DOM-TOM, mais aussi d’en corriger certaines imperfections pour le moraliser. Ce dispositif reste encore excessivement favorable pour certains contribuables. Aussi, afin de bien mesurer l’impact d’éventuelles mesures de resserrement sur les flux d’investissements vers ces territoires, il est envisagé de confier à un parlementaire une mission d’étude et d’explication. Dans l’immédiat, nous avons décidé, avec le secrétaire d’État à l’outre-mer, d’appliquer de façon plus stricte, à l’occasion de la délivrance des agréments, les textes en vigueur et de corriger les abus les plus manifestes en prévoyant l’exclusion des subventions publiques du montant de la déduction et la suppression des avantages tirés de la loi Pons dans le calcul du plafonnement de l’ISF par rapport au revenu.
Enfin, nous avons voulu réexaminer des avantages dépourvus de réelle justification.
Il en est ainsi, notamment, de la demi-part de quotient familial supplémentaire dont bénéficient certaines personnes seules alors même qu’elles n’ont plus d’enfants à charge. Il nous a semblé que, dès lors que le dernier enfant avait dépassé l’âge de 26 ans, et qu’il ne restait donc plus d’enfants au foyer familial, cet avantage ne pouvait être maintenu en l’état. Toutefois, afin de ne pas pénaliser les personnes seules disposant de ressources modestes, qui sont encore nombreuses, nous avons décidé de maintenir le bénéfice de cet avantage, dans la limite d’une économie d’impôt de 3 000 F.
Il en est ainsi également de dispositifs dont bénéficient certaines entreprises. Tel était d’ailleurs le cas du mécanisme des « quirats », qui a surtout été utilisé par des grandes sociétés. Parallèlement, nous avons réexaminé la légitimité de divers mécanismes de provisionnement. La provision pour fluctuation des cours, dont bénéficient notamment les grandes entreprises pétrolières, nous a paru dépourvue de toute justification. Nous proposons de la supprimer. Les provisions que doivent constituer les entreprises soumises à une obligation de renouvellement d’équipements qu’elles utilisent sans en être propriétaires, nous ont paru légitimes. Mais nous avons modifié leurs modalités de calcul, qui étaient trop avantageuses.
Rééquilibrer la taxation du travail et du capital.
La principale contribution à cette orientation sera apportée cette année par l’opération de transfert des cotisations sociales vers une contribution élargie aux revenus de l’épargne. Mais nous avons tenu, dès 1998, à ce que des mesures fiscales significatives illustrent cette volonté de rééquilibrage. Deux mesures peuvent à cet égard être mentionnées. D’une part, la restitution de l’avoir fiscal aux contribuables non imposables, souvent artificiellement, sera plafonnée. D’autre part, l’exonération dont bénéficient les produits des contrats d’assurance-vie d’une durée de plus de 8 ans ne sera plus admise pour les nouveaux versements que dans la limite d’un abattement de 30 000 ou 60 000 F selon la taille de la famille. Au-delà, ces produits seront soumis à un prélèvement libératoire. Mais pour marquer l’intérêt qu’il porte à l’assurance-vie pour développer l’épargne longue, le gouvernement entend limiter ce prélèvement libératoire à 7,5 %, soit la moitié du prélèvement libératoire de droit commun.
Toutefois, et l’on aborde là la troisième grande orientation fiscale de ce projet loi de finances, cette exonération totale sent maintenue pour les contrats principalement investis, notamment en titres de sociétés non cotées. Cette mesure est en effet l’une de celles qui illustrent la volonté du gouvernement de soutenir les PME, notamment les plus innovantes d’entre elles, et, plus généralement, de soutenir l’activité et l’emploi.
Mobiliser les ressources vers les PME et l’emploi.
Plusieurs mesures ont ainsi été conçues pour améliorer l’environnement des entreprises innovantes. D’une part, ces entreprises pourront attribuer à leurs dirigeants ou salariés des bons de souscription d’actions bénéficiant d’un régime fiscal particulier, ce qui leur permettra de rémunérer ceux-ci par une forme de participation au capital. D’autre part, les plus-values de cession de parts de sa société par un créateur d’entreprise pourront bénéficier d’un report d’imposition, si le prix de cession est réinvesti dans le développement d’une société nouvelle, à laquelle le créateur apportera son capital et son expérience. Nous disposons ainsi d’une panoplie complète de mesures en faveur de la création d’entreprises, qu’il s’agisse de l’épargne individuelle ou de l’épargne intermédiée à travers, notamment, les fonds communs de placements à risque (FCPR).
D’autres mesures ont plutôt pour objet de soutenir l’activité et l’emploi.
Tel est le cas de l’institution d’un crédit d’impôt emploi, qui bénéficiera aux entreprises qui embauchent, c’est-à-dire, principalement aux PME. La majoration de l’impôt sur les sociétés, qui vient d’être votée par l’Assemblée nationale, ne touchait pas les PME. Tel n’était pas le cas de la précédente majoration le 10 % décidée par le gouvernement d’Alain Juppé. C’est pourquoi nous avons décidé d’imputer ce crédit d’impôt emploi sur la majoration de 10 % de l’IS.
Deux autres mesures se rattachent aussi à cet objectif. D’une part, les particuliers (propriétaires ou locataires) qui font réaliser des travaux d’entretien dans leur résidence principale pourront bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 15 % des dépenses réalisées. Cette mesure sera également ouverte aux contribuables non imposables, auxquels le crédit d’impôt sera remboursé. Cette mesure revient en pratique à ramener de 20.6 % à 5.5 % le taux de TVA sur ces travaux. D’autre part, les opérations de réhabilitation des logements sociaux seront désormais soumises à un taux de TVA de 5,5 %, contre 20,6 % auparavant. Ces deux mesures devraient permettre un développement significatif de l’activité de certaines entreprises artisanales en 1998.
Enfin, ce projet de loi de finances comporte plusieurs mesures significatives de lutte contre la fraude. Nous nous sommes plus particulièrement attaqués à la fraude en matière de TVA. Plusieurs dispositions ont pour objet de prévenir les risques de fraude, en sécurisant, pour le Trésor, le recouvrement de cette taxe, soit par des mécanismes de solidarité, soit par des mécanismes de cautionnement. Mais nous avons également souhaité renforcer les outils dont disposent les services de contrôle pour lutter contre la fraude : c’est ainsi que le droit d’enquête sera renforcé et le mécanisme de la déclaration d’échanges de biens, qui est notamment utilise dans le cadre du contrôle des flux intracommunautaires, sera amélioré.
Pour conclure, la première loi de finances du gouvernement de Lionel Jospin constitue, d’une certaine manière, l’exacte antithèse des précédents. C’est vrai de la méthode. C’est vrai de la maîtrise des dépenses. C’est vrai des priorités budgétaires. C’est vrai de la justice fiscale. C’est vrai de l’aide à l’innovation. C’est vrai du rythme réel de réduction des déficits. C’est vrai de l’évolution des prélèvements obligatoires.
Pour toutes ces raisons, nous avons la conviction que le projet de loi de finances pour 1998 est à la fois juste socialement et efficace économiquement. C’est un budget pour l’emploi. C’est le budget de la croissance solidaire.