Texte intégral
Sénat : jeudi 9 octobre 1997 - colloque "la culture priorité des villes moyennes"
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement satisfaite de retrouver ici beaucoup d’amis, d’anciens collègues maires et surtout de nombreux élus qui croient comme moi qu’il n’est pas possible de conduire une action municipale moderne sans donner à la culture une place importante.
Je suis convaincue du rôle que joue la culture dans la constitution et l’entretien du lien social, dans l’élaboration de la citoyenneté. Or, nos villes, grandes ou moyennes, sont, nous le savons tous, tout à la fois les lieux où se crée le plus naturellement le lien social mais aussi les zones de notre territoire où il peut le plus facilement se distendre, être mis en cause. La ville moderne n’est pas spontanément, comme l’est la ville plus traditionnelle, un univers naturel de sociabilité : elle a besoin de culture faute de quoi elle devient le creuset de toutes les exclusions, le berceau de toutes les ignorances. Plus prosaïquement nous savons tous, et de nombreux chefs d’entreprise le disent, qu’une ville sans culture n’attire pas les hommes et les activités, qu’elle repousse ou qu’elle indiffère.
Je sais bien, et les chiffres en témoignent, que les villes moyennes ont pris progressivement une place prépondérante dans les politiques de développement culturel menées par les collectivités territoriales de notre pays.
Elles l’ont fait de manière volontaire, sans toujours trouver à leurs côtés des partenariats techniques et financiers suffisamment fiables. Certaines d’entre elles ont consenti des efforts financiers importants et connaissent aujourd’hui des difficultés croissantes pour assurer le fonctionnement des établissements et des équipements culturels qu’elles ont installés ou créés.
Le formidable essor qu’a connu la France en matière culturelle, s’il a été largement incité grâce à l’action du ministre de la Culture (et notamment de Jack Lang), est dû également, de manière tout à fait conjointe, à l’engagement déterminé des collectivités territoriales.
Je rappelle, mais le faut-il ici, les données du financement public de la culture : 73 milliards de francs au total, grossièrement répartis pour moitié entre l’État (36,4 milliards de francs) et les collectivités territoriales (36,9 milliards de francs), ce qui représente pour elles 3 % de leurs dépenses générales. Et les communes sont aujourd’hui les premiers financeurs de la culture ; elles représentent 40 % du financement public, les départements 7,4 %, les régions 2 % seulement.
Au-delà des chiffres qui ne représentent pas toute la réalité du contexte de la politique ou des politiques culturelles, c’est bien entendu le partenariat entre les différents acteurs que nous sommes, qui constitue l’enjeu majeur de la réussite de ces politiques.
Les compétences, les responsabilités territoriales de chacun en termes de formation, d’éducation, d’aménagement du territoire, pour ne prendre que ces exemples, les financements conjoints, sont autant d’éléments qui donnent à chacun de nous un rôle spécifique. La démarche de contractualisation est fondamentale pour travailler ensemble à des modes de développement harmonieux et structurants pour le territoire.
Dans ce même souci de rechercher les modalités les plus efficaces, les plus claires de ces partenariats et des contractualisations qui doivent, en conséquence, se mettre en œuvre, j’insiste sur un aspect fondamental de la mise en œuvre de la politique culturelle qui est celui de l’approche territoriale.
Prendre en considération cette approche, c’est s’inscrire, dans une démarche plus globale. C’est donner une cohérence plus grande et envisager l’action culturelle en prenant en compte l’ensemble des ressources qui caractérisent un territoire. Ces ressources relèvent de son histoire, de son patrimoine, de ses institutions, de son tissu associatif, de tous les acteurs qui y sont présents et qui œuvrent au développement des ressources apportées à ses habitants.
Dans le cadre de la prise en compte des problèmes sociaux et économiques qui constituent le fond incontournable sur lequel nous avons le devoir de travailler, cette notion de territoire est importante car elle conduit à raisonner en terme d’habitants plus qu’en terme de public, en terme de démocratie plus qu’en terme de démocratisation, en terme de culture au sens pluriel ; cette notion conduit aussi à reconnaître ou à prendre en considération l’ensemble des expressions et des forces vives qui sont présentes. Ceci, quel que soit le territoire où l’on se trouve, qu’il soit urbain ou rural, ville ancienne ou quartiers nouveaux.
Ces deux principes que constituent la contractualisation et l’approche territoriale sous-tendront donc mon action de ministre. Je voudrais les développer devant vous avant d’en venir à quelques questions plus immédiates.
J’entends rétablir des relations de confiance entre l’État et les collectivités territoriales en garantissant le respect des engagements du ministère de la Culture.
Un véritable partenariat s’établit, en effet, par le moyen du contrat. Je souhaite réhabiliter cette politique contractuelle à l’égard des collectivités locales. Car, c’est par ce moyen qu’un diagnostic, des méthodes et des objectifs peuvent être établis en commun.
Mais le contrat ne vaut que s’il est respecté. Beaucoup d’engagements ont été sacrifiés ces dernières années en raison d’un budget toujours instable et trompeur. Les agrégats successifs de nouvelles charges ont gonflé artificiellement le budget du ministère de la Culture. Mais à périmètre constant, ce ministère a perdu 3 milliards de francs de 1993 à 1997.
Dans ces conditions, je comprends que la confiance des collectivités locales à l’égard de l’État se soit progressivement estompée.
Cela est particulièrement grave pour le développement culturel, tant il est vrai que, dans ce domaine, les financements croisés sont la règle.
J’ai obtenu du Premier ministre une dotation budgétaire en hausse significative par rapport à 1997 puisque le ministère de la Culture disposera de 550 MF supplémentaires en 1998.
C’est, je le crois, l’un des moyens essentiels qui permettra à l’État de tenir ses promesses et ses engagements.
Par ailleurs, j’ai souhaité prévoir au budget de mon ministère la création d’un fonds spécial de contractualisation avec les collectivités territoriales qui permettra de donner corps à cette politique que je viens d’énoncer.
Je ne souhaite cependant pas relancer une politique de développement et d’aménagement culturel sans prendre en considération trois données :
- S’il faut veiller à un équilibre Paris-régions, il faut aussi regarder de près les ajustements nécessaires à un meilleur équilibre de ce développement entre chaque région. Je sais bien que la valeur des projets prévaut sur l’aménagement systématique et technocratique dans le domaine culturel. Sans remettre en cause cette méthode, je souhaite cependant que tous les territoires soient pourvus des services culturels de base : réseau public de la lecture, diffusion du spectacle vivant, formation artistique dans les domaines plastiques ou musicaux...
De plus, il m’apparaît que l’État a le devoir en matière culturelle de privilégier au sein de notre territoire celles des collectivités qui sont les moins bien pourvues. Je crois, à cet égard, indispensable de repenser une politique culturelle pour la ville. La ville, creuset de toutes les questions que soulèvent notre société aujourd’hui, ses quartiers où s’expriment plus douloureusement qu’ailleurs les malaises économiques et sociaux ; la ville aussi dans son développement d’aujourd’hui, la ville et son patrimoine. Toutes directions vers lesquelles il s’agit d’aller plus avant dans une démarche contractuelle de fond.
Je me suis déjà exprimée sur ma volonté de reprendre avec Martine Aubry un travail réel dans le cadre de la politique de la ville sur le volet culturel des contrats de ville et de développer la mise en valeur de l’espace, soit en matière de qualité architecturale avec les conventions-villes pour l’architecture, soit en matière de patrimoine avec les villes d’art et d’histoire.
- En second lieu, j’ai l’ambition de construire, avec l’appui et le partenariat des collectivités locales, une véritable proximité des services publics de la culture. Cette proximité s’analyse autant de manière géographique qu’intellectuelle. Faciliter l’accès aux institutions et aux structures culturelles n’est pas simplement un problème de proximité géographique. Il faut aller vers les gens, entendre leurs besoins et leurs préoccupations, mais aussi leur désir de pratiques artistiques et culturelles. Nous devons ensemble équiper, s’il est encore nécessaire d’aménager le territoire, mais il faut surtout ouvrir et démocratiser les institutions et les structures de la culture. Il appartient à l’État et aux collectivités territoriales de définir avec les créateurs et les responsables culturels les missions et les priorités de leur action au regard des grands objectifs de la politique des territoires et de la politique des publics : aménagement du territoire, élargissement des publics, éducation culturelle et artistique, etc.
De nombreuses initiatives ont déjà été prises dans ce sens ; les institutions culturelles ont un rôle déterminant à jouer. Il convient de développer avec elles leurs rôles et leurs responsabilités dans l’action territoriale, dans le strict respect des projets artistiques et culturels. La question des cahiers des charges, de leur traduction en contrats d’objectifs est un chantier déjà amorcé au sein du ministère. Il reste à l’approfondir, à homogénéiser les points de vue. J’aurai le souci de faire en sorte que l’ensemble des cahiers des charges, qu’ils concernent les structures théâtrales, musicales, muséographiques, consacrées aux arts plastiques ou pluridisciplinaires, témoigne d’une même préoccupation politique de service public.
Il ne suffit pas de prévoir quelques places dans les spectacles ou les musées pour des publics pas habitués à s’y rendre. Il faut aller plus loin, par des actions de terrain, proches des gens et de leurs préoccupations.
Il faut, en résumé, que la lecture des cahiers des charges permette une lecture de la politique partenariale de l’État et des collectivités.
Enfin, je crois que rien ne sera plus possible sans une mutualisation des moyens, une coopération entre communes à l’échelle des bassins de vie, et la mise en réseau des équipements s’impose désormais comme la méthode indispensable du développement et, plus encore, de l’harmonisation de l’action des équipements culturels à l’échelle des agglomérations, des pays et des bassins de vie.
Il faut se rendre aujourd’hui à cette évidence : aucun acteur public ne conteste plus que les équipements culturels nécessitent des seuils de faisabilité technique et financière, si l’on veut offrir la meilleure qualité.
Or, et cela vaut surtout pour les villes moyennes, ces seuils ne peuvent plus être atteints si la charge en revient à une seule collectivité. L’État doit favoriser cette coopération dans ses modes de contractualisation. Je souhaite que des nouvelles conventions, que l’État sera amené à négocier et promouvoir, soient progressivement établies sur la base d’un engagement financier qui encourage ces coopérations. En clair, une forme de discrimination positive en faveur de la coopération intercommunale doit être mise en œuvre.
J’illustrerai cette démarche en évoquant le projet de loi sur l’enseignement musical que mon prédécesseur avait conçu et préparé.
Ce projet était en l’état très délicat à mettre en œuvre :
en premier lieu, car il prévoyait de développer des équipements sans rattraper d’abord les injustices de traitement de ces écoles de la part de l’État : il m’a semblé que cela ne constituait pas la meilleure méthode ;
en deuxième lieu, car il prévoyait de transférer des compétences sans que les engagements financiers de toutes les collectivités publiques soient clairement établis, ce qui, selon moi, nous aurait conduit à l’échec ;
enfin et surtout, car ce projet n’établissait pas des relations et des passerelles durables entre les premiers cycles des écoles de musique et l’école publique, ce qui ne produisait aucune ouverture démocratique dans le domaine des pratiques musicales.
Avant de légiférer, s’il faut légiférer, je souhaite vous consulter, observer les situations de manière pragmatique, conventionner dans un premier temps avec les collectivités volontaires une nouvelle répartition des responsabilités.
Ces conventions, territoriales dans un premier temps et dans des régions où les volontés se manifestent, pourraient progressivement s’étendre. Sans être un modèle unique pour tout le territoire national.
En clair, je vous propose un nouveau contrat politique pour le développement culturel par lequel l’État s’engage durablement et respecte ses partenaires.
Je voudrais maintenant évoquer quelques questions d’actualité qui ne facilitent pas le travail important que vous menez en matière de développement culturel. Quatre points importants me semblent devoir mériter un rapide survol devant vous :
Comme toutes les administrations d’État, le ministère de la Culture engage en 1998 un important mouvement de déconcentration. Je sais que cette question est parfois controversée dans les milieux culturels qui y voient le risque d’un affaiblissement du rôle de l’État et un désengagement. Je crois au contraire, qu’encadrée par de solides règles de gestion et une volonté politique déterminée, la déconcentration, et en particulier la déconcentration financière permettra de rapprocher encore plus des bénéficiaires, et notamment des collectivités, l’instance de décision d’attribution des crédits. La masse des crédits déconcentrés passera ainsi de 1 170 MF en 1997 à 1 774 MF en 1998, ce qui témoigne de l’ampleur de cette réforme.
Je voudrais ensuite évoquer la question de la charge de centralité qui est, je le sais, une question tout à fait essentielle pour les villes moyennes que vous représentez. Je sais, vos travaux de cet après-midi y ont été largement consacrés, que les villes moyennes plus encore que les grandes villes connaissent un poids tout à fait important de ce fait, un poids supérieur à celui qui pèse sur les grandes villes
Il n’est pas possible, me semble-t-il, de régler le problème de façon autoritaire. Il me semble en revanche que plusieurs pistes peuvent être esquissées. La première, c’est l’intercommunalité à l’évidence puisqu’elle est une forme de partenariat intelligent permettant la prise en charge collective d’équipements communs.
La deuxième, c’est évidemment la modulation des tarifs qui est aujourd’hui autorisée par le droit positif lorsque le service public en cause n’est pas obligatoire et si cette modulation prend en compte les origines géographiques des usagers. Je sais, bien sûr, que cette modulation présente un caractère souvent injuste parce qu’elle pèse indifféremment sur les foyers, quel que soit leur niveau de revenu.
Or, cette modulation en fonction des revenus n’est, elle, pas possible en l’état du droit. Je crois que cette situation n’est pas satisfaisante et je peux vous indiquer que le Gouvernement est prêt à présenter un projet de loi permettant cette modulation des tarifs, à tout le moins, pour les établissements d’enseignement artistiques.
La troisième question importante pour nombre des communes que vous représentez est celle de la structure juridique ad hoc pour l’exercice de nombreuses activités culturelles. Les collectivités locales n’ont aujourd’hui pas d’autres solutions que la régie directe qui n’est pas forcément adaptée à l’ampleur des structures en cause ; le recours à une association qui peut poser des problèmes de gestion et des engagements de responsabilités peu satisfaisants ; le recours à des structures de droit privé, ce qui n’est pas pleinement conforme aux missions qu’il s’agit d’assumer.
Vous savez, bien sûr, qu’il a été envisagé pour sortir de ces difficultés de créer une nouvelle formule juridique, l’établissement public local.
Une proposition de loi avait même été votée par la précédente Assemblée nationale. Le Gouvernement étudie actuellement l’opportunité du maintien de ce texte. Je suis, pour ma part, tout à fait résolue dans ma détermination à permettre aux collectivités locales de disposer d’un tel instrument pour gérer les activités culturelles et je reprends à mon compte, à tout le moins, le projet de création d’un établissement public culturel local.
Le dernier problème concret que je souhaitais évoquer devant vous est celui de la fiscalité des associations culturelles. Le Gouvernement mène actuellement une réflexion approfondie sur ce dossier qui empoisonne de nombreuses situations locales. À court terme, je me suis rapprochée de mon collègue du budget et j’ai saisi le Premier ministre d’une proposition qui permettrait de porter l’exonération de taxe professionnelle des entreprises de spectacle vivant à 100 % alors qu’elle n’est que de 50 % actuellement. Cela permettrait de régler le principal problème fiscal de ces structures dans un sens qui fait l’objet d’un relatif consensus. J’ai bon espoir que nous puissions déboucher rapidement sur ce sujet.
Mesdames et Messieurs, par ces quelques mots qui visaient d’abord à saluer votre travail, j’ai voulu vous exposer ma méthode ; elle est claire : veiller aux équilibres, encourager les coopérations, démocratiser l’accès aux services publics culturels.
Mais surtout, mon engagement sera constant et négocié avec toutes les collectivités territoriales impliquées dans les projets de développement culturel.
Date : lundi 13 octobre 1997
Ouverture de la semaine de la publicité
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Je tiens d’abord à vous remercier pour votre accueil et vos messages de bienvenue.
Je suis heureuse d’être parmi vous ce soir, afin d’ouvrir cette seconde édition de la « semaine de la publicité », et cela, d’autant plus que celle-ci se tient ici au Louvre, au sein de l’Union centrale des arts décoratifs.
Cette manifestation est importante à plus d’un titre. D’abord, elle permet de mieux faire connaître vos métiers au grand public. Ensuite, elle est l’occasion de rencontres et d’échanges entre les différents acteurs de votre domaine : agences, centrales d’achat, média-planneurs, régies, mais aussi annonceurs et médias. Autant d’intervenants dont les méthodes de travail ont beaucoup évolué ces dernières années et vont encore énormément se transformer, avec l’explosion de l’offre télévisuelle et l’avènement du multimédia.
Le secteur de la publicité
Vous êtes un secteur d’activité qui représente une large gamme d’emplois. Les agences à elles seules regroupent plus de 25 000 personnes. Ces emplois sont très qualifiés, avec 60 % de cadres. Ils ont une large dimension artistique, dans laquelle les jeunes occupent une large place. Et je note avec plaisir le rôle qu’occupent les femmes, puisque celles-ci sont plus de 60 % dans les agences.
Le financement des médias
En tant que ministre de la Communication, je ne peux qu’être sensible à l’apport de la publicité, puisque c’est elle qui, hier, permit à une presse réservée aux élites, de gagner un véritable public de masse. C’est elle aussi qui accompagnera le développement de radios, puis de télévisions nombreuses et diversifiées. Elle joue un rôle, y compris dans l’économie de l’audiovisuel public, même si dans ce domaine, je pense que les ressources liées à la redevance doivent rester majoritaires. Au total, ce sont aujourd’hui plus de 55 milliards de francs qui sont investis par les annonceurs en presse radio, télévision, cinéma et affichage. Demain, il est probable que le multimédia et notamment l’internet ne deviendront de véritables médias de masse, avec des éditeurs créatifs, que si la publicité vient leur apporter une réponse à la délicate question de leur rémunération.
Indépendance et clarté des transactions
J’appartiens à une famille de pensée qui a parfois donné le sentiment de porter un regard négatif sur la publicité. Il s’agirait d’un « mal nécessaire », sans lequel l’information ne pourrait être accessible au plus grand nombre. Ma vision est différente. Je crois à l’apport essentiel de la publicité pour autant que les règles du jeu des différents partenaires concernés sont clairement posées. Un bon support publicitaire est un média puissant et crédible auprès du public. Or, cette crédibilité suppose l’indépendance vis-à-vis des sources de l’information comme des annonceurs. C’est le manque de performance en audience d’un média, la faiblesse de sa gestion qui le rend vulnérable aux pressions et non l’inverse.
Il faut également que les transactions et le rôle de chaque acteur de votre domaine soient clairs. C’est l’apport de la loi Sapin, qui a pu donner le sentiment de pénaliser certains, mais qui a permis globalement de rétablir une situation plus saine, sans laquelle la confiance risquait de faire défaut.
Le défi du hors média
Aujourd’hui, une part importante de la publicité s’exprime hors des médias (plus de 63 %). Il s’agit là d’un véritable défi pour la presse, la radio et même la télévision, qui redoutent, à juste titre, ce phénomène qui est mondial. Des appels à des mesures de compensation se font entendre. II est question de taxe sur le hors médias. Sachez que dans mon esprit, il n’est pas question de stigmatiser des formes de publicité qui jouent leur rôle dans le dynamisme commercial. Il ne faut pas non plus y voir un simple transfert de ressources au profit d’un média. Il pourrait s’agir d’une contribution au développement d’un secteur de la presse, qui supporte des charges particulières alors que son rôle pour la démocratie est essentiel. Si ce dispositif devait voir le jour, il impliquerait que s’organise une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
Un récit, une écriture...
Pour le lecteur ou le téléspectateur, comme pour le maquettiste ou le programmateur, la publicité ne saurait être qu’un mode de financement des médias.
Il s’agit d’une forme de récit bien spécifique, qui a ses règles, son esthétique. Il est le lieu d’une expression artistique et une sensibilité aux courants culturels, sociaux, qui influence à sa manière l’ensemble du contenu du média. Ici, les préoccupations de la ministre de la Communication rejoignent celle de la ministre de la Culture.
Un lieu d’expression pour les créateurs
Quel que soit le support qu’elle peut investir, la publicité a, hier comme aujourd’hui, permis que s’y expriment des créateurs nombreux. Les uns étaient encore inconnus et ont trouvé dans ce domaine l’occasion de faire connaître leur talent. Je pense, par exemple, aux débuts d’un Étienne Chatillez. Les autres étaient déjà consacrés et ont pu trouver là une manière de communiquer avec le plus grand nombre. Les téléspectateurs ne savaient pas toujours qu’ils regardaient les images de Patrice Leconte ou de Jean-Luc Godard. Sans la publicité, nombre de tendances graphiques, de modes d’écritures photographiques ou cinématographiques n’auraient sans doute jamais atteint des publics aussi larges, faisant ainsi évoluer les repères et les goûts.
Bien souvent, il peut apparaître que la reprise d’un thème musical, d’images, etc. par la publicité les banalisent ou les dégradent. Cela ne doit pas faire oublier ce en quoi la publicité est génératrice de son propre récit, de sa propre écriture, extrêmement créative. Il est frappant, à ce propos de constater, à quel point ceux-ci se retrouvent aujourd’hui dans toutes formes d’expression littéraires, musicales, télévisuelles, cinématographiques.
La place du vécu
Cette création a une seconde vertu qui est de puiser ses thèmes dans le vécu contemporain. De ce point de vue, l’analyse des messages publicitaires, de toutes formes, au fil des décennies est un merveilleux moyen de suivre l’évolution des sensibilités, des modes de vie, des idées mêmes. Leur traitement n’est pas forcément réaliste, mais ils se présentent comme une forme de discours décalé où s’expriment les tendances de fond.
Un « musée de la Publicité » au Louvre
Ces arguments justifient à mes yeux le fait que soit créé, dès 1998, dans le cadre du « Grand Louvre » le musée de la Publicité. Celui-ci prendra de plain-pied sa place dans les formes de traitement de notre vie quotidienne. Il s’agit là de rassembler, dans un lieu symbolique, des collections très riches de la publicité sous ses différentes facettes, quelque 100 000 affiches, plusieurs dizaines de milliers de films, vidéos, documents sonores. Il s’agira également d’un espace ouvert, en perpétuel renouvellement au travers d’un véritable « musée virtuel » présenté sur son site internet. Je me félicite de voir dans ce futur musée les différents partenaires du monde publicitaire jouer un rôle actif. Et s’il fallait vous convaincre de l’urgence de cette initiative, je vous propose de regarder le spectacle que les responsables de l’Association des agences conseils en communication ont préparé pour nous. Longue vie donc à la semaine de la publicité, longue vie au futur « musée de la Publicité »
Date : 16 octobre 1997
Signature de la convention culture/UNESCO
C’est avec un très grand bonheur, monsieur le Directeur général, qu’au nom du Gouvernement de la République française et, en tant que ministre de la Culture et de la Communication, j’appose ma signature au bas de cette convention de coopération entre l’UNESCO et la France sur la protection et la mise en valeur du patrimoine monumental et urbain. Cet accord voit le jour sous les meilleurs auspices, à la veille de la 29e conférence générale de l’UNESCO et dans le cadre du 25e anniversaire de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.
La convention que nous signons aujourd’hui permettra de renforcer et de systématiser, avec un souffle nouveau, les relations entre nos deux institutions en associant, étroitement, les experts et les compétences françaises aux opérations que l’UNESCO engage sur la sauvegarde et la mise en valeur des sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial, Elle est le cadre qui devrait rendre encore plus pérennes les relations déjà anciennes entre les services patrimoniaux de l’UNESCO et le ministère français de la Culture et de la Communication.
L’initiative en a été prise par la direction de l’architecture il y a un an, à partir de l’exemple de participation française à un programme de sauvegarde du centre historique de la ville de Luang Prabang, au Laos. Et je profite de cette occasion pour rendre hommage à Yves Dauge, aujourd’hui inspecteur général de la construction et député-maire de Chinon, expert auprès de votre institution, qui fut, non seulement l’initiateur du principe de jumelage entre les villes à secteur sauvegardé, mais surtout l’un des ardents promoteurs de ce projet de convention.
Je me félicite de cette opération de coopération renforcée qui reconnaît l’expérience et les savoir-faire français (aujourd’hui reconnus largement hors de nos frontières) en matière de protection, de restauration et, plus tard, de mise en valeur du patrimoine monumental.
En dehors de cette convention., le cadre des relations entre les services patrimoniaux de l’UNESCO (division du patrimoine culturel et centre du patrimoine mondial) et le ministère français de la Culture représente un socle déjà solide : ainsi, outre la présence de la France au comité du patrimoine mondial, de nombreux agents spécialistes du patrimoine, de l’architecture et des musées, interviennent comme experts à la demande de la division du patrimoine culturel (Myanmar, Croatie, Liban, par exemple). La France a aussi participé activement à des campagnes de sauvegarde de grands sites.
Quelques exemples : à Dubrovnik, en parallèle avec les initiatives de l’UNESCO, à Angkor depuis 1993 avec la restauration d’un palais et la mise en place d’un service de restauration, la réalisation de plusieurs chantiers de restauration de temples, interrompus vingt ans plus tôt à cause des événements politiques, la formation d’ouvriers, restaurateurs, conservateurs, et la restauration de pièces majeures de sculptures conservées au musée de Phnom Penh, couplée à une exposition au Grand Palais. Je rappelle qu’à Luang Prabang, depuis 1996, de nombreuses actions ont pris forme : mise en place d’une maison du patrimoine pour aider les autorités locales et la population à préserver l’habitat traditionnel et les monuments de cette ville, récemment classée au patrimoine mondial par le moyen d’outils réglementaires (secteurs sauvegardés), le conseil aux habitants, la mise en place de filières de matériaux traditionnels (brique, tuile, mortier, bois) et de compétences d’ouvriers et d’entreprises pour la restauration et l’entretien du bâti traditionnel. À Haïti, une action de mise en place d’un inventaire du patrimoine, accompagnée d’un travail de restauration et de mise en valeur d’un site sont en cours.
En Asie du Sud-est, en Amérique latine (Quito, Antigua, La Havane), pays pour lesquels je vous annonce qu’un séminaire de formation est organisé à l’initiative de mon ministère dans le courant de l’année prochaine, tout autant qu’en Europe centrale et orientale, partout, les édiles prennent conscience de la nécessité de sauvegarder et de revitaliser leurs centres historiques, loin de la conception de la ville musée, mais dans une authentique démarche de développement durable. Missions d’experts français dans les États bénéficiaires, accueil dans des organismes publics ou des entreprises françaises de fonctionnaires et de techniciens, organisation de séminaires de formation : ce sont quelques-uns des exemples de coopération technique qui sera fournie par le ministère de la Culture à l’UNESCO. Afin de financer et mettre en œuvre ce programme, nous encourageons les villes françaises et européennes à développer plus avant des coopérations décentralisées avec des villes inscrites sur la liste du patrimoine mondial. Les ressources administratives publiques, des collectivités territoriales, des fondations et entreprises seront ainsi mobilisées de façon efficace.
Avec la perspective d’une participation accrue à la mise en valeur des quartiers urbains, du patrimoine et des grands projets architecturaux qui constituent l’un des grands enjeux du futur des villes et en particulier des villes historiques du patrimoine mondial, nous avons là une formidable opportunité de faire la preuve, si besoin était, que patrimoine et modernité, développement culturel et développement social sont, partout, indissociablement liés.