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e Figaro Multimédia : La nouvelle loi sur la réglementation votée par le Parlement en juillet dernier va permettre la création d'une Autorité de régulation des télécommunications qui sera opérationnelle à partir du 1er janvier 1998. Pourquoi avoir choisi Jean-Michel Hubert comme président ? Quand les noms des autres membres seront-ils connus ?
François Fillon : Je vous confirme que le gouvernement a pressenti Jean-Michel Hubert pour présider la future Autorité de régulation des télécommunications. Et je lui ai d'ores et déjà confié une mission de préfiguration de la future Autorité. Jean-Michel Hubert est un ingénieur général des télécommunications qui connaît le secteur et qui présente toutes les qualités d'intégrité et d'indépendance par rapport aux acteurs pour occuper cette fonction. Les autres membres seront connus courant décembre.
Le Figaro Multimédia : La loi prévoit également la création d'une agence des fréquences à partir du 1er janvier 1998. Un domaine où la France est en retard. Le pari n'est-il pas difficile de faire travailler ensemble des organismes publics qui ont des intérêts divergents ?
François Fillon : Vous avez raison, la France n'a que trop tardé à se doter d'un organisme capable d'optimiser la gestion des fréquences face aux pays anglo-saxons notamment. Il s'agit certes d'un pari difficile, mais je suis persuadé que ses futurs dirigeants sauront faire ce qu'il faut pour dépasser les querelles entre grands utilisateurs pour faire prédominer l'intérêt collectif et répondre aux enjeux industriels. En tout cas, maintenant que le gouvernement et le Parlement l'ont voulu, il faut que les acteurs notamment les administrations, jouent le jeu.
Le Figaro Multimédia : Les pouvoirs publics envisagent-ils de relancer la concurrence en choisissant un 4e opérateur, comme en Allemagne ? Comment dynamiser la concurrence si vous ne pouvez pas choisir un nouvel opérateur de téléphones mobiles avant plusieurs années ?
François Fillon : Non, nous n'avons pas de tels projets en matière de mobile. Comme vous le savez, se posera à partir du 1er janvier 1998 la question de l'extension des licences de France Télécom et de la SFR au DCS 1800. Je constate qu'une fois sorti du duopole, l'arrivé du 3e opérateur a rendu la concurrence bien plus vive pour le bien des clients. Sur un marché très capitalistique de rentabilité à long terme, il ne faut pas non plus vouloir multiplier les concurrents sous peine de trop affaiblir les nouveaux opérateurs.
Le Figaro Multimédia : Les opérateurs privés comme la Générale des Eaux et Bouygues vont avoir la possibilité de desservir les abonnés grand public et les entreprises en utilisant les ondes radio. C'est-à-dire qu'ils vont pouvoir construire des boucles locales radios. Votre ministère a lancé une consultation publique sur ce sujet. Quels sont les enjeux ?
François Fillon : L'enjeu de la boucle locale radio, c'est le développement de la concurrence qui sera possible sur cette boucle locale à partir du 1er janvier 1998. Si on voit aujourd'hui des concurrents comme Cegetel se positionner sur les marchés de la longue distance ou des entreprises, peu de nouveaux opérateurs se sont déclarés intéressés par le segment de marché, pourtant essentiel de la boucle locale. La technologie radio, qui permet des coûts d'investissement et des délais de déplacement très inférieurs à la technologie filaire, est sûrement le meilleur moyen – à côté du câble – pour des nouveaux opérateurs d'aborder ce segment de marché. D'où l'importance de la consultation publique.
Le Figaro Multimédia : Le coût d'interconnexion, c'est-à-dire le prix que les opérateurs concurrents de France Télécom devront payer pour écouter une partie de leur trafic en utilisant le réseau de l'opérateur public, est un sujet particulièrement sensible puisqu'il est l'un des éléments essentiels pour fixer le degré de concurrence. Quelles seront les nouvelles règles du jeu ?
François Fillon : Nous avons lancé début novembre une consultation publique sur les futures règles en matière d'interconnexion. Il s'agit en effet d'un sujet majeur dont la rentabilité des projets des nouveaux opérateurs dépend largement. Nous avons proposé des règles transparentes qui s'appuient, en matière de tarifs, sur les propositions du groupe d'experts présidé par Paul Champsaur. Les tarifs devront refléter les coûts pertinents et inciter à l'efficacité à long terme du réseau. Divers modèles sont confrontés. Et nous proposons une solution qui doit être discutée. En fait, je souhaite surtout que la solution retenue permette de bien positionner les tarifs d'interconnexion pratiqués en France par rapport à ceux pratiqués dans les pays déjà libéralisés.
Le Figaro Multimédia : Les accords d'interconnexion signés entre les deux opérateurs mobiles – la SFR et Bouygues Telecom arrivent à échéance à la fin de l'année. La nouvelle loi de réglementation va entraîner une baisse de 40 % des charges que les opérateurs de téléphone mobile doivent payer à France Télécom pour utiliser son réseau. Cette baisse significative doit-elle entraîner une diminution sensible du prix des communications mobiles et de l'abonnement mensuel ? Les abonnés de SFR, France Télécom Itinéris et de Bouygues Telecom en seront-ils les premiers bénéficiaires ?
François Fillon : C'est bien sûr ce que je souhaite. Et je vais encourager les opérateurs en ce sens. Je rappelle d'ailleurs que si le Parlement a souhaité exonérer du financement du déficit d'accès les opérateurs mobiles, c'est d'une part pour favoriser le développement des mobiles en France, ensuite pour les inciter à mieux couvrir le territoire, mais aussi pour baisser les tarifs. Ceci est inscrit dans la loi et j'entends demander des comptes aux opérateurs sur ce point.
Le Figaro Multimédia : France Télécom, la SFR et Bouygues Telecom font tous les trois payer le même prix la minute d'appel d'un téléphone fixe vers un appareil mobile. Ce prix (3,71 francs TTC en heures pleines) est élevé. Ne serait-il pas légitime que le prix de ce type de communication baisse ? Que les trois opérateurs se livrent une vraie concurrence également sur ce type d'appel ?
François Fillon : Les effets bénéfiques de la concurrence dans le secteur des mobiles ne sont pas pour l'instant matérialisés que pour les appels sortants, c'est-à-dire ceux émis depuis un abonné mobile vers un abonné fixe. Le prix des appels entrants, identique pour les trois opérateurs, reste effectivement à ce jour à un niveau élevé. Et il est vrai qu'un déséquilibre persistant des tarifs entre les communications entrantes et sortantes des réseaux mobiles est un facteur susceptible de freiner le développement du marché, notamment en terme de trafic. Je suis persuadé qu'à l'occasion de la révision des tarifs d'interconnexion des opérateurs mobiles résultant des nouvelles dispositions législatives, les opérateurs mobiles feront bénéficier les abonnés du réseau fixe des économies réalisées au titre de l'interconnexion. Mais je rappelle que les tarifs des mobiles sont libres.
Le Figaro Multimédia : France Télécom ne respecte pas les engagements pris vis-à-vis du régulateur dans le domaine de la radiomessagerie. L'opérateur public se refuse toujours à investir dans un réseau numérique à la norme Ermès. Ne fausse t-il pas la concurrence puisque ces deux concurrents sont obligés d'utiliser cette norme ? Quelles mesures peuvent-elles être prises pour obliger France Télécom à respecter rapidement ses engagements ?
François Fillon : Cette affaire de norme en matière de radiomessagerie est complexe. En fait, nous avons d'un côté une norme européenne, Ermès, industrialisée par un seul fabricant, NEC, qui tarde à décoller dans les divers pays d'Europe et, d'un autre côté, une norme mondiale Pocsag, qui rassemble près d'un million d'utilisateurs contre quelques milliers pour Ermès. J'avais lancé, il y a un an, un appel en faveur de la norme Ermès, qui présente des avantages certains en matière d'économie de fréquences utilisées. Mais je dois avouer que la réalité du marché et le nombre d'utilisateurs de la norme Pocsag en France pose un vrai problème aux autorités de réglementation. Soit la norme Ermès parvient à décoller réellement au niveau européen dans les prochains mois. Soit nous devrons en tirer les leçons.
Le Figaro Multimédia : La loi de réglementation va également permettre la création d'un annuaire universel, c'est-à-dire d'un annuaire rassemblant tous les abonnés quel que soit le réseau qu'ils ont choisi, géré par un organisme indépendant. Quel sera le statut de cet organisme indépendant ? Le nouvel annuaire universel sera-t-il payant pour les consommateurs ? Quels seront les moyens financiers et humains mis à la disposition de cet organisme ? Sera-t-il sous la tutelle du ministère des P. et T. ?
François Fillon : Le projet de décret sur l'annuaire universel est prêt. Il prévoit une procédure d'appel d'offres public et transparent pour la désignation du futur organisme chargé de centraliser la liste d'abonnés qui servira de base à l'annuaire universel que France Télécom est chargé d'éditer au titre de ses missions de service public.
Je serai pour ma part assez favorable à la solution du GIE préconisée par plusieurs opérateurs. L'ensemble de cette procédure et le suivi de cet organisme seront placés, comme je m'y étais engagé au Parlement, sous le contrôle du ministre chargé des Télécommunications. Quant à l'annuaire universel fourni par France Télécom, il n'y a rien de changé pour l'abonné : il continuera à obtenir gratuitement l'annuaire du département dans lequel il figure.