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Les nouvelles formes de participation citoyenne

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

Conventions citoyennes, consultations sur internet, ateliers collaboratifs... Les outils de participation citoyenne poursuivent leur essor. Objectifs : répondre à la demande démocratique des citoyens et à leur défiance vis-à-vis des élus et des institutions.

En septembre 2023, le gouvernement a lancé la première application de dialogue continu et direct entre les ministres et les citoyens, appelée Agora. Hier réservées à quelques sujets techniques comme l'urbanisme ou l'aménagement du territoire, les démarches participatives s'étendent aujourd'hui à des domaines de l'action publique aussi divers que la bioéthique, le numérique, l'agriculture, les transports, le social...

Le numérique, facteur d'accroissement de la participation

La participation des citoyens a été favorisée par les plateformes numériques. Internet a permis de faire participer la société civile à grande échelle et d'associer des publics jusqu'ici éloignés de ce genre de démarches, comme les jeunes. On assiste aujourd'hui à une multiplication des consultations en ligne grand public, parfois organisées dans le cadre d'états généraux, d'assises ou de concertations institutionnelles (par exemple états généraux de l'information, consultation sur la stratégie nationale de santé...).

Le recours aux nouvelles technologies et à la participation citoyenne fait partie des quatre principes fondateurs du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), qu'a rejoint la France en avril 2014. Cette structure internationale, qui associe des gouvernements et des organisations de la société civile, encourage ses 75 États membres, à agir "pour la transparence de l'action publique, pour sa co-construction avec la société civile et pour l'innovation démocratique".

Dans le domaine de la "démocratie ouverte", on trouve également les civic techs, les technologies civiques. France Stratégie les définit comme un "ensemble hétérogène d’initiatives numériques visant la participation citoyenne". Elles peuvent être initiées par les institutions, la société civile, des militants ou des entreprises.

C'est sur ces mouvements que reposent les budgets participatifs mis en place par certaines collectivités locales ou la consultation initiée en 2015 par la secrétaire d'État au numérique, Axelle Lemaire, pour co-construire la loi pour une République numérique

Dans son étude annuelle de 2018 consacrée à la citoyenneté, le Conseil d'État encourage le développement de l'écosystème des civic techs par des initiatives de l'État et des collectivités locales. Il propose notamment la création d'"un observatoire des civic techs et de l'innovation démocratique", associant étroitement le Parlement, et les élus locaux notamment.

La plateforme "Territoires en commun", développée par la Banque des Territoires en lien avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et lancée en janvier 2021, recense les acteurs de la participation citoyenne, propose des retours d’expériences et met l’accent sur des projets spécifiques sur la culture ou encore la jeunesse.

En mars 2024,  un guide destiné aux administrations pour associer les citoyens à la conception et la mise en œuvre de l’action publique a été mis en ligne sur le site de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). 

Toutefois, si le numérique contribue à faciliter et à élargir le champ de la participation, il a aussi ses limites. Les consultations sur internet permettent le recueil des opinions mais pas toujours une véritable délibération. Par ailleurs, le numérique, comme le relève le Conseil d'État, tend à reproduire les biais et inégalités observés dans les consultations menées dans la sphère administrative et politique traditionnelle. À ce constat s'ajoute la fracture numérique : certaines catégories de la population n'ont pas accès à internet ou le bagage culturel nécessaire pour pouvoir effectivement contribuer en ligne.

C'est pourquoi certains estiment que le numérique doit être pensé en complément de débats en présentiel.

Les conventions et ateliers citoyens

La volonté d'impliquer davantage les citoyens au débat public se décline dans de multiples initiatives, pas nécessairement numériques. Les ateliers collaboratifs ainsi que les conventions et jurys citoyens, dans lesquels des personnes dialoguent et confrontent leurs opinions, connaissent un renouveau sur les plans local et national.

La demande d'une démocratie plus à l'écoute des citoyens et plus participative s'est exprimée lors du grand débat national, initié à la suite du mouvement de contestation des "gilets jaunes". 

Une première Convention citoyenne pour le climat, composée de 150 citoyens tirés au sort, a été chargée de faire des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Son organisation a été confiée au Conseil économique, social et environnemental (CESE). La loi Climat et résilience du 22 août 2021 reprend certaines des propositions émises par la Convention.

En parallèle à la Convention, un centre de la participation citoyenne, chargé d'accompagner les administrations dans leurs démarches de participation citoyenne et de diffuser la culture de la participation, a également été créé en novembre 2019. 

Plus récemment, la Convention citoyenne sur la fin de vie s'est prononcée le 2 avril 2023 en faveur du développement des soins palliatifs et de l'ouverture, sous conditions, du suicide assisté et de l'euthanasie. Un projet de loi a été présenté.

Pour Thierry Pech, directeur général de la Fondation Terra Nova et co-président du comité de gouvernance, la Convention vient répondre à la question : quelle est la place accordée aux citoyens dans les institutions en dehors de l'exercice du suffrage ?

Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau considère, pour sa part, que les conventions de citoyens peuvent être aujourd'hui un des instruments de la "démocratie continue", qu'il défend. Elles permettent de donner la parole aux citoyens entre deux moments électoraux et de conférer à cette parole une "portée normative".

Un rapport remis en février 2022 par Pierre Bernasconi, ancien président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), propose des pistes d’amélioration de la démocratie participative, notamment : 

  • baisser les seuils du référendum d’initiative partagée (RIP) à un dixième de parlementaires et un million d’électeurs ;
  • ouvrir un "cycle délibératif national" sur des questions de société ou relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation. Il serait porté à la connaissance des Français sous la forme d’un grand débat public.

Dans le domaine précis des politiques sociales, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, publié en avril 2024, propose un panorama très complet des démarches de participation citoyenne.

La réforme du CESE, la consécration des jurys tirés au sort

Au terme du grand débat national, le président de la République avait également annoncé la création d'une nouvelle instance de la participation citoyenne dans le cadre de la réforme des institutions. Cette réforme est une de ses promesses de campagne.

La loi organique du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE) modernise le droit de pétition auprès du Conseil. Les pétitions peuvent désormais lui être adressées par internet. Sur amendement des parlementaires, ce droit de pétition est ouvert dès l'âge de 16 ans (contre 18 ans auparavant) et le nombre requis de signataires est abaissé à 150 000 (contre 500 000). La réforme consacre la possibilité pour le CESE de recourir au tirage au sort de citoyens. Il permet également de faire du CESE "le carrefour des consultations publiques" et réforme sa composition. 

Dans un contexte de défiance à l'égard des institutions et d'une abstention électorale toujours plus élevée, le recours aux citoyens pour co-construire les politiques publiques apparaît pour beaucoup aujourd'hui, y compris des élus, comme un moyen de revitaliser la démocratie.

Une participation citoyenne bientôt rémunérée ?

Rétribuer les citoyens pour avoir leur avis existe dans de nombreux pays de l'OCDE. En France, la pratique est nouvelle et a été décidée pour la première fois par le Conseil économique, social et environnemental en 2019 lors de la Convention citoyenne pour le climat. Depuis, des collectivités locales ont fait de même. À Rennes, par exemple, les jurys citoyens perçoivent une indemnisation pour leur engagement selon leur présence effective aux différentes séances de travail.