Cette notion est une condition exigée pour déroger au principe de protection des espèces et des habitats dans le cadre d'une construction d'autoroute par exemple. Il n'existe pas de définition juridique précise de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM).
S'agissant de la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales ou végétales et de leurs habitats, l'article L411-1 du code de l’environnement en interdit la destruction, l'altération ou la dégradation. Toutefois, l'article L411-2 du même code prévoit des dérogations qui sont accordées lorsque le projet d'aménagement ou de construction répond à certaines conditions :
- absence d’autres solutions satisfaisantes ;
- pas de nuisance établie au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
- raison impérative d’intérêt public majeur "y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement".
Le tribunal administratif de Toulouse a annulé les autorisations environnementales délivrées en 2023 pour la construction de l’autoroute A69 et l’élargissement de l’autoroute A680. La décision, rendue le 27 février 2025, se fonde sur l'absence de RIIPM, condition exigée pour bénéficier d'une dérogation sur les "espèces protégées". Les bénéfices économiques, sociaux et de sécurité publique sont "très limités", soulignent les juges.
Plus précisément, le tribunal conteste les arguments avancés par les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn :
- le désenclavement (le territoire ne présentant "ni un décrochage démographique, en comparaison des autres bassins situés aux alentours de Toulouse, ni un décrochage économique") ;
- la sécurité et le désengorgement du trafic routier qui, selon le tribunal, ne sont pas démontrés.
Les juges soulignent également que le coût élevé du péage est "de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les usagers et les entreprises."
La loi "dite Duplomb" du 11 août 2025 prévoit une présomption de RIIPM pour la construction de réserves d'eau d'irrigation agricole. Dans sa décision du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a cependant exclu les prélèvements effectués dans les nappes inertielles. Le Conseil a également précisé que la présomption d'une raison impérative n'interdisait pas des recours devant le juge.
En matière d'énergie, la loi du 10 mars 2023 sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables a mis en place une présomption de RIIPM pour certains projets de production d’énergies renouvelables dans l'Hexagone (article L211-2-1 du code de l'énergie).
Lorsqu'un projet de production d'énergie renouvelable ou de réacteurs électronucléaires dépasse certains seuils de puissance, il est présumé répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (décret du 28 décembre 2023) dès lors également que certains objectifs globaux de puissance électrique ne sont pas atteints. Par exemple, la puissance maximale brute prévisionnelle totale d'une installation hydroélectrique doit être supérieure ou égale à 1 mégawatt pour que cette présomption de RIIPM s'applique.
Depuis la loi sur l'industrie verte de 2023, un projet qualifié de projet d'intérêt national majeur (PINM) bénéficie d'une reconnaissance anticipée de RIIPM. Cette reconnaissance, par décret, facilite l'obtention d’une dérogation à l’obligation de protection des espèces protégées. Plusieurs projets industriels ont obtenu ce statut, notamment le site d'extraction et de transformation de lithium porté par la société Imérys, à Echassières (Allier). Toutefois, les opposants à la mine ont saisi le Conseil d'État pour faire annuler le décret du 5 juillet 2024 accordant le statut de PINM au projet de mine de lithium. Les requérants posent en effet la question de la conformité des dérogations sur les espèces protégées par rapport à la Constitution. Par une décision du 9 décembre 2024, le Conseil d'État a d'ailleurs transmis cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 5 mars 2025, le Conseil reconnait la constitutionnalité des dispositions permettant la reconnaissance de la RIIPM.