"À la différence des autres pays, la plupart des édifices d'intérêt patrimonial affectés au culte en France sont la propriété des communes, et non des cultes. La charge de leur entretien et, le cas échéant, de leur restauration, repose donc sur les maires. Ceux-ci éprouvent de plus en plus de difficultés à assumer ces dépenses, compte tenu de la raréfaction des ressources publiques et de la moindre fréquentation des édifices". Tel est le constat d'un rapport du Sénat consacré à l'état du patrimoine religieux, publié en juillet 2022.
On évalue à environ 100 000 les lieux de culte en France, y compris ceux qui ne sont plus actifs. La quasi-totalité de ces lieux sont consacrés au culte catholique. Plus de 40 000 d’entre eux sont antérieurs au XIXe siècle.
Parmi les édifices affectés au culte :
- plus de 40 000 appartiennent aux communes, une spécificité française ;
- 15 000 sont protégés au titre des monuments historiques ;
- 87 des 154 cathédrales sont propriété de l'État, et la majorité des 67 autres, des communes.
Présent sur l’ensemble du territoire, le patrimoine religieux est un patrimoine de proximité. Sa valeur est à la fois historique et culturelle.
Pour connaître l’état exact de ce patrimoine, on ne dispose que d’évaluations, et non de chiffres consensuels. Une association, l’Observatoire du patrimoine religieux, a pour principale activité de réaliser un inventaire des édifices cultuels (églises, chapelles…).
La très grande majorité des 34 875 communes françaises d'aujourd'hui existaient sous l’Ancien Régime, et s’inscrivaient dans un réseau paroissial. Chaque paroisse (au nombre de 30 000 sous l’Empire) regroupe un ou plusieurs clochers, entre autres édifices religieux. Au cours de la Révolution française, les biens du clergé sont nationalisés. Sous le régime du Concordat, adopté en 1802, les édifices religieux des cultes reconnus sont propriétés des établissements publics du culte.
La loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État prévoit que les lieux de culte qui appartenaient aux établissements publics du culte avant 1905 deviennent la propriété des nouvelles associations cultuelles. L'Église catholique ayant refusé de s'organiser en associations cultuelles, l'article 9 de la loi de 1905 s'applique : "Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal."
Bien que propriétés des communes, ces biens ont été affectés à l'Église catholique, à titre gratuit, exclusif et perpétuel par la loi du 2 janvier 1907. Les communes n'ont pas le droit de disposer des églises dont elles sont propriétaires. Outre cette de les priver de la maîtrise de l'affectation, les propriétaires publics sont également privés de la désaffectation du patrimoine cultuel.
La loi du 2 janvier 1907 est d'autant plus importante qu'elle attribue un rôle tout à fait capital à l'affectation.
Le critère déterminant de l’affectation, qui concerne non seulement les lieux de culte, mais également les objets mobiliers les garnissant, est rappelé par le Conseil constitutionnel dans une étude d'avril 2025 : "Ce rôle central de l'affectation a {...] conduit {...] à considérer que l'affectation était une notion plus essentielle que l'inaliénabilité et même que celle de domaine public."
Selon un rapport du Sénat de 2015, 90% des églises catholiques sont, depuis lors, propriété des communes. Pour sa part, l’Église catholique est propriétaire des églises construites après 1905, via des associations diocésaines.
En Alsace-Moselle, qui reste sous le régime concordataire de 1802, les édifices des cultes reconnus appartiennent soit aux communes, soit aux établissements publics du culte. En ce qui concerne les lieux de cultes des autres cultes reconnus (protestants, israélites), ils ont fait l'objet de transferts de propriété au profit d'associations cultuelles.
Pour les communes, l’entretien des édifices induit des charges. En général, elles assument tant le fonctionnement (entretien régulier, chauffage, électricité...) que l'investissement (gros travaux et rénovation). Une circulaire du 29 juillet 2011 signée par le ministre de l'intérieur rappelle le droit applicable sur la réparation et l'entretien des édifices du culte.
Le montant des travaux de restauration est parfois disproportionné par rapport aux capacités budgétaires des communes, notamment les plus petites. Les communes peuvent cependant bénéficier de subventions de la part d'autres collectivités publiques. Le niveau des aides est variable selon que l'édifice est protégé ou non au titre des monuments historiques.
La loi ne définit aucune obligation pour les communes en matière d'entretien des édifices cultuels, hormis la protection au titre des monuments historiques. Dès lors, il est rare que ces dépenses d’entretien soient budgétées. Pourtant, le défaut d’entretien peut engager la responsabilité de la commune, nuisant à la sécurité des visiteurs (Conseil d’État, 10 juin 1921, Commune de Monségur).
En 2023, le président de la République a annoncé le projet d'une collecte nationale pour la sauvegarde du patrimoine religieux. La loi de finances pour 2024, dans son article 30, fixe les conditions d'ouverture d'une réduction d'impôt sur le revenu (75% dans la limite de 1 000 euros par an) pour les dons et versements effectués en vue d'assurer la pérennité du patrimoine immobilier religieux.
Selon le ministère de la culture, "sur l’ensemble du territoire national, 5 000 édifices religieux sont dans un état sanitaire qui fait craindre pour leur pérennité et nécessitent une intervention urgente."
L'affectation, telle que définie par la loi du 2 janvier 1907, est la mise à disposition des fidèles et des ministres du culte, pour la pratique de leur religion, des édifices cultuels et des meubles les garnissant en 1905. L'affectation est perpétuelle.
Pour démolir ou vendre un édifice cultuel, une commune doit procéder à sa désaffection. La désaffection n'est possible que dans un nombre limité de cas :
- l'association bénéficiaire de l'affectation est dissoute ;
- le culte a cessé d'y être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
- la conservation de l'édifice est compromise par l'insuffisance d'entretien et après mise en demeure du conseil municipal ;
- l'édifice est détourné de sa destination ;
- l'association ne respecte pas ses obligations légales.
Quand l'une de ces conditions est réunie, la désaffectation d'un édifice appartenant à une commune peut être prononcée par arrêté préfectoral, à la demande du conseil municipal, après avis du directeur régional des affaires culturelles et sous réserve du consentement écrit du culte affectataire.
Selon le Conseil constitutionnel, qui cite les États généraux du patrimoine religieux tenus entre septembre 2023 et décembre 2024, le nombre de désaffectation entre 1905 et 2023 s’établit à 326. Près de 2 000 églises ont été construites sur la même période.
Toutes ces désaffectations ne conduisent pas à la disparition du lieu de culte: depuis 2000, les désaffectations ont été suivies de 72 démolitions. Assez souvent le lieux trouve une nouvelle affectation qui permet de le maintenir dans le domaine public.
Ce même principe vaut pour les objets mobiliers garnissant les lieux de culte. Une vente de meubles ou d'autres objets n'est pas possible tant qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une désaffectation via un décret de désaffection. Cette décision de désaffectation ne relève que de la compétence de l’État. Dans les faits, les désaffectations concernant les objets sont très rares. L'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques "rend le déclassement quasiment impossible" selon le Conseil constitutionnel.
La loi de 1905 ne dit quasiment rien de la valorisation patrimoniale des édifices cultuels, ni de leur potentielle exploitation touristique. La loi mentionne la possibilité de visites gratuites des édifices (le code du patrimoine autorise cependant la perception d'un droit de visite des objets mobiliers classés). Néanmoins, le principe de l'affectation cultuelle a longtemps empêché la valorisation des édifices puisqu'il interdit au maire de disposer du lieu à sa guise. Dans le même temps, l'association affectataire n'a pas le droit de l'utiliser autrement que pour le culte.
En 2006, toutefois, la possibilité que les lieux de culte soient utilisés pour des activités compatibles avec l'affectation cultuelle est inscrite dans la loi. L’article 2124-31 du code général de la propriété des personnes publiques rend possible l’organisation de concerts, d’expositions, de visites. L'organisation d'activités suppose cependant l’accord préalable de l'association affectataire du lieu de culte. Cet accord est requis y compris quand les communes souhaitent organiser des visites de l'édifice.