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Énergie, industries, transports... le rôle de la Commission nationale du débat public (CNDP) en six questions

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

Selon la Charte de l'environnement, chaque citoyen dispose d'un droit à l'information et à la participation sur les questions environnementales. La Commission nationale du débat public (CNDP) est chargée de garantir ce droit. Retour en six questions sur la CNDP dont le rôle fait débat sur les projets industriels.

Avant sa démission, le gouvernement de Michel Barnier avait ouvert, du 4 au 27 décembre 2024, une consultation du public sur un projet de décret relatif à la modification des catégories de projets soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP). Le projet de décret visait à faire en sorte que les équipements industriels ne relèvent plus du champ de la CNDP.

Par ailleurs, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique par l'Assemblée nationale du 8 au 11 avril 2025, il pourrait également être question de réformer la CNDP dans l’idée de gagner du temps sur la mise en place de projets pour accélérer la réindustrialisation de la France. Concrètement, cette réforme pourrait impliquer de supprimer les projets industriels listés dans le code de l’environnement pour lesquels l'organisation d'un débat public est obligatoire. Les projets industriels (mine de lithium, usine de batteries, projets de reconversion de centrales à charbon…) ne seraient alors plus obligatoirement assujettis à l'organisation d'un débat public.

Lancement d'un débat public sur la décarbonation de la zone industrielle de Fos-sur-Mer

Le 2 avril 2025, la Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé "Fos-Berre Provence, un avenir industriel en débat". Il s'agit d'un débat global de territoire, qui ne porte pas sur un projet industriel isolé, mais sur un ensemble de dynamiques de réindustrialisation et de décarbonation d’un même territoire. "Ce débat public concernera une quarantaine de projets : des projets industriels dans les secteurs de l’hydrogène, de l’acier, de la chimie ou de la pétrochimie, de l’aéronautique etc., et des projets d'infrastructures électrique, de transport et de logistique," selon la CNDP.

Le débat public est une procédure régie par la loi du 27 février 2002.

Il s'agit d'une étape dans le processus décisionnel qui s’inscrit en amont du processus d’élaboration d’un projet législatif. Le débat public n’est ni le lieu de la décision ni de la négociation, mais un temps d’ouverture et de dialogue au cours duquel les citoyens peuvent s’informer et s’exprimer sur le projet, selon des règles définies par la Commission nationale du débat public (CNDP).

Des projets ayant un impact environnemental

Le débat public permet concrètement aux citoyens de participer à l’élaboration des projets qui ont des conséquences sur l'environnement. Comme, par exemple, des projets de routes, de tramways, d'usines de traitement des déchets ou encore de centrales nucléaires.

La CNDP s’assure que le droit d’être informé et de débattre est respecté par les responsables des projets. Elle vérifie que toutes les personnes concernées ont eu la possibilité de débattre du projet, et notamment de débattre de sa pertinence.

La CNDP fait un bilan qu’elle publie ensuite, rassemblant les arguments des citoyens, qu’ils soient d’accord ou non avec le projet. Elle s’assure que les responsables du projet répondent à toutes les interrogations et recommandations du public.

Selon une enquête présentée par la CNDP en 2022, le débat public est bien perçu : 60% des personnes interrogées en ont une image positive.

68% des personnes interrogées ont déclaré que le débat public "est un moyen efficace de transformer la société". Ce taux s'est élevé à 93% pour celles qui ont déjà participé à un débat public.

Les trois principales conditions qui inciteraient les personnes sondées à donner leur avis à l'occasion d'un débat public sont les suivantes :

  • "être sûrs que donner leur avis changera quelque chose (38%) ;
  • avoir les informations nécessaires pour se faire leur opinion (36%) ;
  • être sûrs de ne pas être manipulés ou instrumentalisés (33%)".

La participation du public existait en droit français dans le cadre de la procédure de l’enquête publique (loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement).

La pratique du débat public est née avec la loi du 2 février 1995, dite" Loi Barnier" portant sur le renforcement de la protection de l'environnement. La loi a conduit à la mise en place d’une instance garante de la participation du public au processus décisionnel.

La CNDP a été installée le 4 septembre 1997. L'organisation du premier débat public a porté sur le projet "Le Havre, Port 2000". Depuis, la CNDP s'est posée comme un "tiers garant" du débat objectif et neutre. Ses compétences n'ont cessé de croître.

Cinq ans après son installation, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a transformé la CNDP en autorité administrative indépendante (AAI). Depuis, elle agit au nom de l'État, mais ne reçoit ni ordre, ni instruction du gouvernement.

La loi a diversifié et renforcé ses attributions. Le principe de la participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire a été inscrit dans le code de l’environnement. Les modalités concrètes d'organisation ont été définies par le décret n°2002-2175 du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public.

Les ordonnances du 3 août 2016 ont ensuite réformé les procédures de participation du public. Elles ont élargi le champ de compétences de la CNDP, avec la création d'un droit d'initiative pour les citoyens afin de saisir la CNDP.

Toutefois, l’entrée en vigueur le 31 juillet 2021 de la loi dite ASAP portant sur l'accélération et la simplification de l’action publique, permet à des projets à fort impact environnemental d'être décidés sans obligation d'en informer les citoyens et d'en débattre. Dans un avis adopté à l'unanimité en mars 2021, la CNDP l'a qualifiée de "régression sans précédent du droit à l'information et à la participation du public."

Le "droit au débat public" auquel la création de la CNDP a donné forme fait suite à des contestations croissantes au tournant des années 1980-1990. Le projet du TGV Méditerranée, en particulier, a représenté un tournant.

Depuis, la CNDP a trouvé sa place dans le fonctionnement des institutions démocratiques. Ses objectifs sont multiples :

  • elle est la garante du droit de chaque citoyen d’être informé et de participer aux décisions ayant un impact sur l’environnement ;
  • elle veille à ce que tous les publics concernés par un projet (maître d'ouvrage, pouvoirs publics, élus, associations, experts, riverains, grand public ...) soient associés et puissent se prononcer sur la base d’une information fiable pendant la phase d'élaboration du projet ;
  • elle favorise l'émergence d'alternatives et d'expertises complémentaires ;
  • elle fait respecter et assurer la correcte mise en place des procédures de démocratie participative, prévues par la loi ou promues de manière volontaire par les pouvoirs publics ;
  • elle permet aux pouvoirs publics d’être éclairés par les contributions externes et par l’expression du grand public ;
  • elle rend compte au public des décisions prises après le débat public ;
  • elle ne prend pas position sur l’opportunité des projets, plans ou programmes en tant qu'instance neutre et indépendante, mais elle éclaire sur leurs conditions de faisabilité.

La CNDP intervient dans des domaines qui ont des conséquences notables sur l'environnement dont :

Les projets "énergie et climat"

Les projets d'équipement industriels

Les projets de transport et de mobilité

Les projets d'équipement culturels, sportifs, scientifiques ou touristiques

La loi ne permet pas à la CNDP de s’autosaisir : elle doit être saisie. Le plus souvent par le responsable du projet, mais aussi possiblement par des acteurs tiers (citoyens, associations, élus).

Les citoyens, associations et élus (d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale, les parlementaires) peuvent donc solliciter la CNDP, directement ou par l’intermédiaire des préfets de département. Ils disposent d’un droit d’initiative.

Concrètement, ce droit peut être activé par des citoyens, associations et élus lorsqu’ils considèrent que le niveau de garantie du processus de participation du public retenu par le porteur de projet n’est pas suffisamment élevé.

Le code de l’environnement prévoit trois types de sollicitations par les citoyens, associations et élus : 

  • projets de grande ampleur ;
  • projet, plan et programme pour lequel le responsable n'est pas obligé de saisir la CNDP ;
  • projet de réforme d'une politique publique du gouvernement ayant un effet notable sur l'environnement ou l'aménagement du territoire.

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