La rétention administrative est une mesure privative de liberté décidée par l'administration (le préfet). Elle consiste, dans le cadre d'une procédure d'éloignement, à retenir dans un lieu fermé des ressortissants étrangers.
La rétention, distincte de la détention
Contrairement à la détention, les personnes placées en rétention n'y exécutent pas une peine prononcée par un juge pénal à la suite de la commission d'une infraction. Elles sont retenues sur décision administrative, sous certaines conditions et dans un but précis : faire exécuter une mesure d'éloignement (qui ne constitue pas, sauf dans le cas d'une interdiction du territoire français, une peine).
Un décret datant du 9 décembre 1978 permettait le placement en prison de ressortissants étrangers faisant l'objet d'une mesure d'expulsion. Il visait à régulariser les détentions qui étaient déjà organisées de fait, illégalement.
La possibilité de maintenir (et non plus de détenir) des ressortissants étrangers remonte à la loi du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. La loi prévoit que "peu[en]t être maintenu[s], s'il y a nécessité absolue, [...] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à [leur] départ", des personnes étrangères en situation irrégulière ne pouvant quitter immédiatement le territoire français.
La rétention peut se faire en centre de rétention administrative (CRA) ou au sein d'un local de rétention administrative (LRA), lorsque les conditions pour un placement en CRA ne sont pas remplies. Les centres et les locaux sont placés sous la surveillance de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
Les premiers CRA ont vu le jour dès 1984.
Les CRA et les LRA sont destinés à retenir des ressortissants étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement, qui peut prendre différentes formes, parmi lesquelles :
- l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), édictée par l'administration à l'égard des ressortissants étrangers ne justifiant plus d'un droit au séjour ou constituant une menace à l'ordre public. La majorité des personnes placées dans un CRA en France hexagonale le sont à la suite de la délivrance d'une OQTF (75,6% des placements en 2024), le plus souvent pour absence de justificatif de la régularité du séjour ;
- l'expulsion, mesure de police administrative délivrée en cas d'atteinte à l'ordre public ou à la sûreté de l’État ;
- l'interdiction du territoire français (ITF), peine prononcée par un juge judiciaire dans le cadre d'un crime ou d'un délit, seule mesure d'éloignement qui entraîne de plein droit le placement en CRA ;
- le transfert "Dublin", qui consiste à renvoyer un demandeur d'asile dont la demande relève d'un autre pays européen.
D'après les données d'Eurostat, la France est le pays de l'Union européenne (UE) procédant au plus grand nombre d'éloignements forcés de ressortissants de pays tiers (28% du total des OQTF délivrées en 2024). Au 1er semestre 2025, 7 375 étrangers ont été expulsés de France.
La seule délivrance d'une mesure d'éloignement ne permet pas de justifier d'un placement en rétention administrative : il faut que le destinataire d'une telle mesure présente un risque de soustraction à l'exécution de la décision (sauf pour les ITF, entraînant automatiquement un placement en CRA).
Par une instruction du 3 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a par ailleurs indiqué que la rétention administrative doit être prioritairement destinée aux "étrangers dont le comportement représente une menace pour l'ordre public". La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a expressément fait de la menace à l'ordre public un critère de placement et de maintien en rétention, comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur dans une circulaire du 28 octobre 2024.
En revanche, il est interdit de placer des mineurs étrangers en rétention administrative depuis la loi du 26 janvier 2024. Une exception à ce principe est appliquée à Mayotte, où la rétention de mineurs sera possible jusqu'au 1er juillet 2028 (date issue de la loi du 11 août de programmation pour la refondation de Mayotte. À compter de cette date, les mineurs étrangers et leurs parents en instance d'éloignement pourront être retenus au sein d'"unités familiales", nouveaux locaux destinés au placement des familles).
La directive dite "retour" adoptée le 16 décembre 2008 par l'UE impose plusieurs règles en matière de recours à la rétention administrative, parmi lesquelles :
- le fait que la rétention doive être un outil de dernier recours : si une autre mesure, telle que l'assignation à résidence, est suffisante pour procéder à l'éloignement, elle doit être privilégiée ;
- la personne retenue doit avoir évité ou empêché son retour ;
- la rétention doit être aussi brève que possible ;
- un contrôle juridictionnel doit s'exercer sur le placement en rétention et sa prolongation ;
- la durée de rétention ne peut pas excéder 6 mois ou 18 mois dans des cas spécifiques.
De nouvelles règles européennes proposées en matière de rétention
Le 11 mars 2025, la Commission européenne a recommandé de nouvelles mesures sous la forme d'un règlement qui abrogerait la directive "retour" de 2008. La proposition de la Commission doit encore faire l'objet d'un accord entre le Parlement européen et le Conseil de l'UE. Il est notamment envisagé de permettre l'allongement de la rétention jusqu'à 24 mois, voire plus sur décision du juge.
En France, la durée de rétention administrative est bien limitée, aussi bien pour le placement initial (48 heures au sein d'un LRA et 96 heures au sein d'un CRA) qu'en cas de prolongation (96 heures maximum au sein d'un LRA et, au sein d'un CRA, 90 jours, voire 180 à 210 en cas d'activités terroristes). Par ailleurs, si l'administration est compétente pour décider d'un placement en rétention administrative, seul le juge judiciaire peut décider de la prolongation de la durée de rétention.
Dans une décision QPC du 16 octobre 2025, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition issue de la loi du 26 janvier 2024 dite "loi asile et immigration" qui permet de prononcer un nouveau placement en rétention, à l'issue d'un premier, lorsque la période de rétention initiale n'a pas permis d'exécuter la mesure d'éloignement. L'abrogation de cette disposition entrera en vigueur le 1er novembre 2026, afin de laisser le temps au législateur de modifier la loi. D'ici cette modification, le Conseil a confié au juge judiciaire le soin de contrôler si un nouveau placement en rétention pour une même décision d'éloignement n'est pas excessif compte tenu des précédentes périodes de rétention déjà survenues.
À l'expiration du délai maximal de rétention, plusieurs options sont possibles :
- les ressortissants étrangers peuvent avoir été éloignés vers leur pays d'origine (exécution forcée de la mesure d'éloignement) ;
- ils peuvent sortir du lieu de rétention mais être assignés à résidence, sous certaines conditions ;
- sinon, ils sont obligatoirement libérés. En France hexagonale, en 2024, 61% des ressortissants étrangers placés en rétention administrative n'ont finalement pas été éloignés. Plus de deux tiers d'entre eux ont été libérés à la suite d'une décision du juge judiciaire en raison d'irrégularités de droit, de procédure ou de forme.
Il y a 27 centres de rétention administrative en France : 23 en France hexagonale et 4 dans les territoires ultramarins. Aux CRA s'ajoutent les LRA, au nombre de 32 sur le territoire français (dont 4 Outre-mer).
La France dispose de l'une des plus grandes capacités de rétention sur le continent européen, capacité qui progresse d'année en année (+31,7% de CRA en France hexagonale de 2017 à 2024). Au total, sur l'ensemble de son territoire, la France dispose en 2024 d'un total de 2 187 places théoriques en CRA, auxquelles s'ajoutent 176 places en LRA. À la mi-mai 2025, 1 956 places en CRA étaient effectivement disponibles (les places indisponibles l'étant en raison de travaux ou d'un manque de personnels policiers).
Sur l'année 2024, 30 115 placements en CRA ont été comptabilisés (16 222 en France hexagonale et 18 893 Outre-mer). Ces placements ont conduit à un éloignement dans 53,8% des cas. Le taux d'éloignement est nettement plus élevé dans les territoires d'Outre-mer (71,4%) que dans la France hexagonale (38,8%). La durée moyenne de rétention était de 34,5 jours, soit près du double de la durée moyenne enregistrée sur l'année 2019 (17,5 jours).
Le taux d'occupation des CRA s'élevait à 92,3% cette même année. Néanmoins, plus de 3 000 demandes de placement en CRA ont été refusées pour cause de saturation du système.
La loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur fixe un objectif de 3 000 places en CRA d'ici 2027. Début 2023, le ministère de l'intérieur a lancé un appel à projets pour la création de plusieurs CRA supplémentaires d'ici 2027. Des places supplémentaires au sein des LRA, généralement situées dans un commissariat, sont également prévues.
Le rapport d'information de la commission des finances du Sénat sur l'extension de la capacité des centres de rétention administrative (CRA), remis le 1er octobre 2025, indique néanmoins que l'objectif de 3 000 places supplémentaires ne sera pas atteint avant 2029. Des obstacles immobiliers et le manque d'effectifs retardent l'avancée du projet. Le calendrier prévoit désormais l'ouverture de 8 CRA dans les quatre prochaines années : à Bordeaux et à Dunkerque en 2026, à Dijon en 2027, à Nantes, à Béziers, à Oissel, et à Périchet en 2028, et à Aix-en-Provence en 2029.
Selon le dernier rapport parlementaire d'octobre 2025 sur l'extension de la capacité des CRA, le coût direct annuel de la rétention administrative est estimé à 265 millions d'euros pour l'année 2024. À ces coûts s'ajoutent les dépenses des préfectures et de la justice liées à la rétention, ainsi que le coût des CRA imputé à la mission "Immigration, asile et intégration" (64,9 millions d'euros en 2024).
Le rapport estime l'investissement global pluriannuel nécessaire à l'extension des capacités des CRA à 300 millions d'euros, et les dépenses de fonctionnement à 35 millions d'euros supplémentaires par an (sans compter les coûts de personnel).
Les conditions de vie au sein des lieux de rétention administrative sont dénoncées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et par le Défenseur des droits. Ces autorités administratives indépendantes (AAI) font état de locaux insalubres, de violences ou encore d'un manque d'intimité. Le CGLPL parle de "carcéralisation" des CRA : sécurisation de plus en plus forte des locaux, cloisonnement des espaces, souvent entourés de barbelés, pratiques d'isolement de certains retenus, sans aucun cadre réglementaire ni fondement légal... L'institution émet régulièrement des recommandations suite à ses visites de centres et locaux de rétention administrative et de zones d'attente (maintien de ressortissants étrangers à la frontière).
Vers la suppression du recours aux associations ?
Les personnes placées en rétention ont droit à des actions d'accueil, d'information et de soutien pour permettre l'exercice de leurs droits (article L744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Cette mission est actuellement assurée par le secteur associatif, présent au sein des CRA depuis leur création, dans le cadre de marchés conclus avec l'État. Une proposition de loi déposée le 20 mars 2025 prévoit de mettre fin au recours à des associations pour assurer l'information et l'assistance juridiques des étrangers en CRA, afin de confier cette mission à l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour le volet information (Ofii). Elle doit désormais être examinée par l'Assemblée nationale.