Texte intégral
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le projet de loi que je vous propose d'adopter à présent, relatif aux " droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ", participe de la réforme de l'Etat à laquelle je m'emploie depuis plus de 2 ans. Il contribuera à l'uvre entreprise depuis bien longtemps, marquée par quelques grandes étapes comme la décentralisation, le renouveau du service public Il poursuit et étoffe un projet de mon prédécesseur, M. Perben : la réforme de l'Etat est une uvre continue et ce projet, qui vient devant vous pour la deuxième fois, se veut un pas en avant. Vous avez adopté en mars dernier une partie des dispositions qu'il comportait pour que les administrations soient plus simples d'accès, plus rapides dans leurs réponses, moins opaques dans leur fonctionnement, bref, plus respectueuses des droits des citoyens.
De nombreux éléments d'amélioration sont désormais adoptés par les deux chambres du Parlement dans une rédaction conforme. Nous avons aujourd'hui à débattre des points sur lesquels l'accord n'est pas encore intervenu, et à ce titre je souhaite insister en premier lieu sur les mesures qui figurent au titre I du projet. Elles traduisent la volonté de ce gouvernement de rendre plus transparentes et d'accessibles l'administration et ses règles. Ainsi, l'article 2 institue l'obligation pour les administrations d'organiser un accès simple aux normes de droit et fait de la diffusion des textes juridiques une mission de service public ; l'article 3 constitue une mise en pratique de cette mission, par la codification, dont vous venez d'adopter une modalité. Ces deux articles forment un tout et vous aurez à cur, j'en suis sûr, de les adopter pour assurer l'information des les citoyens sur les règles qui les concernent. Ils manifestent l'attachement du gouvernement et du législateur à ce que l'accès au droit soit ouvert à tous. Il est normal que les administrations, productrices de normes, aient à charge de les diffuser, et que la loi fasse de cette obligation une mission de service public.
D'autres dispositions me paraissent particulièrement mériter votre approbation. Je pense par exemple à l'article 10, sur lequel le gouvernement a déposé un amendement. Il s'agit d'améliorer une rédaction jusque là encore insatisfaisante, malgré la clarté supplémentaire apportée par les travaux de l'Assemblée nationale. L'article vise à instaurer la transparence sur l'utilisation des fonds publics, et présente deux volets : l'un crée pour toutes les administrations l'obligation de communiquer, sur demande d'un usager, leurs propres comptes. L'autre concerne les organismes bénéficiaires de subventions et leur fait obligation de retracer dans un compte d'emploi l'utilisation de la subvention. Ces comptes d'emploi et la comptabilité des organismes subventionnés seront mis à la disposition du public. Je signale que l'amendement du gouvernement se limite aux subventions, attribuées par une libre décision de l'organisme public qui les verse, et n'inclut pas les aides, versées selon des règles précises et concernant spécifiquement les entreprises. Compte tenu des améliorations qui répondent à des objections faites ici-même en première lecture, je vous demanderai le moment venu d'approuver cet effort de transparence.
Ce projet a l'ambition de contribuer à la défense de notre service public, à la modernisation de l'administration française en même temps qu'à l'accroissement des droits des citoyens : il ne devrait pas soulever de difficulté majeure. Les élus ici présents ont tous à cur le même objectif en la matière. Il y a pourtant au moins trois points sur lesquels ma position est sensiblement différente de celle de votre commission des lois, et avant d'entamer le débat par article, je souhaite vous en dire quelques mots.
Le premier point porte sur le dépôt de consignation devant le juge. Vous aviez introduit cette mesure en première lecture, elle n'a pas été reprise par les députés qui ne souhaitaient pas restreindre le recours au juge pour les associations. Le gouvernement ne le souhaite pas non plus : nous travaillons ici sur un projet qui vise à élargir les droits des usagers. Cette disposition irait contre cet objectif. Ne pensez pas pour autant que je méconnaisse les difficultés que connaissent trop souvent les élus pour mener à bien leurs projets d'aménagement, en raison de l'attitude abusive de certains requérants. Mais les associations ont aussi beaucoup fait pour préserver notre environnement et il serait injuste de les frapper d'une suspicion systématique. Pour moi, l'amendement proposé par la commission des lois apporte une mauvaise réponse à une vraie question, j'y reviendrai le moment venu.
Le deuxième point concerne les maisons des services publics. A la demande de certains élus, le principe de leur création a été introduit, au début de l'année, dans la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire. J'ai alors dit que si les maisons des services publics contribuent à l'aménagement du territoire, leur création vise aussi à simplifier l'accès aux services publics et à instaurer la polyvalence utile aux usagers. J'ai rappelé alors que le cadre juridique, nécessaire pour placer les maisons des services publics dans un dispositif de droit public, figurerait comme c'est logique dans la loi DCRA. Votre commission des lois vous propose aujourd'hui d'intégrer les 3 articles dans la loi OADT : j'y suis résolument défavorable. Il est logique que la loi OADT comporte des éléments relatifs à diverses politiques publiques, mais pour autant l'ensemble des politiques publiques citées n'ont pas désormais vocation à figurer dans cette loi d'orientation, dont le titre même souligne le caractère général.
Le troisième point m'amène à vous entretenir d'un titre dont vous n'aviez pas été saisi en première lecture, introduit lors du débat à l'Assemblée Nationale par amendement du gouvernement. Il s'agit du titre IV bis portant des dispositions relatives à la fonction publique.
L'ordre du jour des assemblées n'a pas permis d'introduire un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, qui aurait eu vocation à recueillir les mesures en cause. Or celles-ci présentent désormais un caractère d'urgence. Les unes visent à mettre la situation d'un certain nombre d'agents des fonctions publiques d'Etat et des collectivités territoriales en conformité avec une jurisprudence du tribunal des conflits, appelée couramment " arrêt Berkani ", qui fait de tout agent employé par une collectivité publique un agent de droit public. Les autres, relatives aux maladies de longue latence et aux pensions d'invalidité, font bénéficier les agents de la fonction publique de dispositions applicables aux salariés relevant du régime général de sécurité sociale et répondent au besoin de prendre en considération des situations souvent dramatiques que le code des pensions ne permet pas de traiter -je pense notamment au problème de l'amiante-. Enfin des mesures de validation stabilisent la situation de certains agents, après des décisions du juge administratif qui la privaient de base légale.
Nous aurons l'occasion de revenir sur chacune de ces mesures ; je souhaite déjà vous sensibiliser sur l'opportunité de les adopter dans l'intérêt des agents concernés. J'admets volontiers qu'il aurait été préférable qu'elles figurent dans le texte initial. C'est donc au bénéfice de l'urgence que je vous demanderai votre accord : je suis là, bien entendu, pour vous fournir les explications nécessaires.
Dans ce titre, votre commission des lois propose de supprimer les deux articles transposant la jurisprudence " Berkani ". Elle entend ainsi répondre à des incertitudes quant aux effets de ces articles sur la position des agents concernés. Je vais bien sûr m'expliquer devant vous sur la portée de ces mesures, et je ne doute pas que vous adopterez ensuite ces dispositions qui clarifient la position des agents.
Malgré ces désaccords de départ, nous allons aujourd'hui, j'en suis sûr, améliorer encore ce texte, et je voulais saluer en commençant notre volonté commune, je ne veux pas en douter- de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux exigences de notre temps en matière de services publics, en facilitant l'évolution des administrations vers plus d'accessibilité, d'efficacité, de réactivité : nos concitoyens nous adressent une demande persistante sur ce point et nous devons y répondre, pour faciliter les progrès de l'intégration de chacun des habitants de ce pays, pour accompagner l'essor de notre économie et pour que nos services publics soient à même de contribuer au rayonnement de notre pays.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 18 octobre 1999)